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Robert Zaretsky, Le coq et le taureau. Comment le marquis de Baroncelli a inventé la Camargue. Préface de Sabine Barnicaud. Traduit de l’anglais par Cécile Hinze et David Gaussen. Marseille, Éditions Gaussen, 2008, 238 p.

1Il faut être New Yorkais, professeur d’histoire à l’Université de Houston – pire encore : ne pas monter à cheval et n’apprécier ni l’a ïoli ni la gardiane de taureau (p. 14) – pour oser s’en prendre ainsi à la vulgate camarguaise ! Le propos de cet iconoclaste peut se résumer en quelques phrases : la Camargue telle qu’on la connaît aujourd’hui, avec ses gardians et ses taureaux, a été « inventée » ; cette invention a été « influencée par une certaine idée de l’Ouest américain » (p. 15) ; « l’État français a joué un rôle essentiel dans la création et dans la survie de la Camargue » (p. 16), soit que sa politique a suscité localement des réactions d’opposition, soit que la Camargue a fait appel à sa protection contre des évolutions (économiques, environnementales) qu’elle percevait comme menaçantes. D’où l’idée, qui donne son titre au livre, de joutes répétées entre le coq, symbolisant la France, et le taureau, emblème du félibrige et de la bouvine (culture taurine camarguaise du biu, taureau – bœuf en réalité).

2Les chapitres – cinq au total – correspondent à autant de tranches chronologiques, tout en apportant chacun un éclairage sur certains aspects spécifiques. La figure du marquis Folco de Baroncelli-Javon (1869-1943) traverse et relie tout l’ensemble. On ne trouve pas dans l’ouvrage une biographie, à proprement parler, de ce personnage hors du commun (il faut, pour cela, se reporter à la préface due à Sabine Barnicaud, archiviste et conservatrice du Palais du Roure, ancienne demeure familiale des Baroncelli-Javon, arrivés de Florence en Avignon au XVe siècle avec la cour pontificale). En revanche, Robert Zaretsky apporte, sur la vie de « Lou Marquès », de nombreuses précisions, à travers l’évocation de son engagement en faveur de la Camargue, engagement qui peut, lui aussi, se résumer en quelques mots : « Poète médiocre devenu éleveur de bovins, révolutionnaire hésitant converti en homme de spectacle et régionaliste réduit au bricolage de l’histoire et du folklore, Baroncelli a raconté une fascinante histoire à dormir debout – importante mais sous-estimée – qui a contribué à créer la France moderne. » (P. 29)

3Dans le premier chapitre intitulé « Les cornes de la discorde », Robert Zaretsky retrace l’histoire de la course camarguaise. Il fait remonter son origine, non à l’Antiquité, comme le prétend la vulgate, mais aux « courses de village » de l’Ancien Régime. Son histoire de la course camarguaise tourne en fait assez rapidement à une histoire des interdictions de ce genre de manifestation du fait du pouvoir central, depuis l’édit de Louis XIV en 1667, « le premier d’une longue série » (p. 34), jusqu’aux oukases des révolutionnaires parisiens dénonçant ces fêtes populaires comme des particularismes locaux, des manifestations d’irrationalité et des « rassemblements séditieux ». Après une brève période de tolérance sous Louis XVIII et Louis-Philippe, les courses, prétexte à des manifestations, sont de nouveau interdites en 1840. À partir de 1850, avec l’afflux d’émigrés espagnols et, surtout, à partir de 1852, avec le mariage de Napoléon III et d’Eugénie de Montijo, la corrida espagnole s’impose. L’inquiétude du moment, c’est qu’elle concurrence ou élimine la course traditionnelle, mais, face à l’hostilité de la IIIe République, les deux jeux lient leur sort. En 1894, sous la pression de la SPA, la corrida est interdite, ce qui provoque des réactions violentes et indignées dans les départements concernés et des débats identiques à ceux que l’on connaît aujourd’hui (p. 61). Finalement, Paris cède : en 1897, une loi laisse aux départements le soin de décider de leur politique en la matière. Au total, souligne Robert Zaretsky, les affrontements à propos des jeux taurins traduisent un affrontement plus large entre deux conceptions de la France au XIXe siècle : volonté unificatrice de l’État contre montée des prises de conscience régionales.

4Parallèlement aux jeux taurins, d’autres enjeux, de langue et d’idéologie – objets du deuxième chapitre – motivent les affrontements. Depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts, promulguée en 1539 par François Ier pour imposer l’usage du français dans toutes les affaires administratives et juridiques, jusqu’aux lois Ferry des années 1880, le français a partout progressé avec l’alphabétisation. En conséquence, au XIXe siècle, plus l’usage de la langue d’oc recule, plus la « renaissance d’Oc » gagne en vigueur, portée par le félibrige, né en 1854 de la rencontre fortuite de sept écrivains et poètes, dont Frédéric Mistral (prix Nobel de littérature en 1904). Réorganisé en 1876, le félibrige n’échappe pas pour autant aux luttes fratricides entre apolitiques (Frédéric Mistral) – ou opportunistes ? –, républicains (Émile Ripert), régionalistes séparatistes (Jules Boissière) et nationalistes fédéralistes (Charles Maurras, qui a inspiré son engagement anti-dreyfusard à Mistral).

5Membre du félibrige dès l’âge de 17 ans (il dirigea même un temps la revue du mouvement : L’Aili), Baroncelli s’installe dans un mas aux Saintes-Maries-de-la-Mer en 1899, peu après son mariage avec Henriette Constantin, fille d’un riche propriétaire de Châteauneuf-du-Pape, pour se consacrer à un idéal dont il ne se départira jamais : l’élevage et la sauvegarde des chevaux et des taureaux de Camargue. Son combat est concomitant et complémentaire de celui de Mistral pour la langue d’oc. Pour justifier son action zootechnique, Baroncelli élabore et propage un montage idéologique qui lui survivra localement : croyance selon laquelle les taureaux de Camargue descendent directement des aurochs et les chevaux des chevaux de Solutré ; thèse selon laquelle l’autel trouvé dans la crypte souterraine de l’église des Saintes-Maries a été construit par des adeptes provençaux du mithra ïsme... Ces idées, en apparence apolitiques, rejoignent, quand éclate l’affaire Dreyfus, celles des nationalistes qui appellent à un « nettoyage national », par « épuration » des races, humaines, pour les uns (Maurras), animales, pour les autres (Baroncelli), « épuration » de la langue, pour d’autres encore (Mistral), tous partageant le credo des anti-dreyfusards « contre le conformisme, contre le confort bourgeois, contre une sorte de médiocrité et contre l’intellectualisme aride qui a donné naissance à l’âge du positivisme » (p. 82, d’après Zeev Sternhell, La droite révolutionnaire, 1973).

6Un événement marque profondément le marquis de Baroncelli : la venue, en France, de William Cody, dit Buffalo Bill, et de son spectacle : le Wild West Show. Le troisième chapitre du livre est consacré à ces « jeux de cow-boys et d’Indiens en Camargue ». Le Wild West Show se produisit dans deux villes françaises : à Paris en 1889 à l’occasion de l’Exposition universelle – Baroncelli assistera au spectacle – et à Marseille en 1905-1906. En 1905, Baroncelli reçoit au Cailar, en grande pompe gardiane, une délégation de chefs Sioux, avec l’un desquels il entretiendra une correspondance durable qui lui fera concevoir un destin commun aux « peuples conquis », en l’occurrence les Camarguais et les Indiens, et lui fera établir un parallèle entre Manifeste destiny (croyance selon laquelle la nation américaine aurait eu pour mission de répandre la civilisation vers l’Ouest) et croisade des Albigeois. Baroncelli ne cessera de se passionner pour les Indiens d’Amérique du Nord, dévorant les livres de Fenimore Cooper, de Mayne Reid et de Gustave Aimard (pseudonyme d’Olivier Gloux), indianiste français renommé à l’époque.

7Toutefois des événements plus graves se préparent, objet du quatrième chapitre. Après le déclin de ses industries minière et textile, le Midi s’était tourné massivement vers le vin, prenant par là même le risque de ne dépendre que d’une seule production – l’investissement zootechnique de Baroncelli n’était donc pas dénué de toute rationalité économique – et de connaître une crise de surproduction. Celle-ci survient à l’automne 1906 : pour faire place à la nouvelle récolte, les viticulteurs sont obligés de vider leurs cuves. Au printemps 1907, les vignerons du Bas-Languedoc se révoltent mais les premières troupes qu’on envoie sur eux, essentiellement des recrues locales, refusent d’obéir aux ordres. Lorsque d’autres troupes plus hostiles interviendront, les vignerons parleront d’« envahisseurs du Nord » et s’organiseront en « comités de défense ». Finalement, la rébellion se solde par un succès pour les vignerons, mais pas pour certains félibres qui avaient espéré une sécession de l’Occitanie. Ce semi-échec décide Baroncelli à se tourner vers d’autres formes de résistance culturelle. C’est ainsi qu’en 1909 il fonde la Nacioun Gardiano (« Nation gardiane ») qu’il disait menacée par les « Franchimands » et qu’il comparait volontiers à d’« autres » minorités opprimées comme les Gitans, les Boërs et les vignerons du Languedoc, sans oublier, bien sûr, ses chers Indiens. Peu à peu, il codifie ses rites, ses fêtes, ses manifestations taurines, ses jeux équestres. Robert Zaretsky ironise sur cet aristocrate révolutionnaire qui rêve de recréer les joutes chevaleresques comme au temps des papes...

8Le cinquième et dernier chapitre examine les « outils » mis en place par le marquis pour « inventer » la Camargue. En 1914, changeant son fusil d’épaule, Baroncelli scelle publiquement le sort du Midi à celui de la France. Cependant, mobilisé en 1915, il s’emporte contre le commandement : à cause de ses sympathies fédéralistes et de son soutien à la révolte vigneronne de 1907, il est suspecté d’antimilitarisme et de pacifisme et est envoyé, à titre disciplinaire, à l’usine de sel de Salin de Pecais, non loin d’Aigues-Mortes, transformée en camp de prisonniers. Il n’en sortira qu’en 1919, profondément meurtri. Plus largement, les suspicions de Paris quant à la loyauté du Midi obligent Baroncelli à organiser sa défense et celle de ses amis camarguais, non sans que se manifeste une autre division au sein des félibres : contrairement à Mistral, qui connaît mal la Camargue – Mireille ne repousse-t-elle pas les avances d’un gardian en ces termes : « Jeune homme, au pays des bœufs, d’ennui les jeunes filles meurent » ? –, Baroncelli et son disciple Joseph d’Arbaud, auteur de La Bête du Vaccarès (1926), sont centrés sur celle-ci beaucoup plus que sur l’Occitanie. Mais, pragmatique, Baroncelli appelle à l’union de toutes les « races » de France. Sans renier son attachement à la Provence, il agit avec la capitale plutôt que contre elle. C’est ainsi que, grâce à ses appuis parisiens, il réussit à mettre en échec, en 1922, une nouvelle tentative de la SPA pour faire interdire les spectacles taurins. Dans un tout autre domaine, la nécessité, après la Grande Guerre, de mobiliser toutes les ressources possibles favorise le développement de l’industrie du sel (Produits chimiques d’Alais et de la Camargue, qui deviendra Péchiney). S’inscrivant dans ce mouvement, Baroncelli lance, en 1920, l’idée d’un Parc national de la Camargue et promeut l’implantation, en 1927, dans la région, de la Société nationale d’acclimatation.

9En 1940, le régime de Vichy recherche l’adhésion des fédéralistes en faisant miroiter la division de la France en régions, en vertu de la fameuse formule « La terre ne ment pas ». Il faudra attendre de Gaulle pour voir ce projet se concrétiser. En attendant, Vichy entretient l’illusion en flattant les régionalismes. En retour, Baroncelli flatte les autorités en organisant, pour elles, de nombreuses manifestations folkloriques. À la même époque, Baroncelli aurait apporté son soutien au camp de concentration pour Gitans de Saliers (près d’Arles) alors qu’il s’était fait autrefois le chantre et le défenseur de ces mêmes Gitans en tant que minorité opprimée. En 1941, une cérémonie est organisée à Arles en son honneur, à laquelle participe « la Maréchale ». Peu de temps après, les Allemands occupent la zone libre, déplaçant par la force de nombreux habitants. Mi-février 1943, Baroncelli doit fuir devant l’occupant et abandonner son mas, qui sera détruit. Blessé à la jambe, il se réfugie chez sa fille à Avignon où il meurt, désespéré, le 15 décembre 1943. Après la guerre, ses cendres seront rapportées avec solennité aux Saintes-Maries.

10Dressant, en conclusion, le bilan de ce demi-siècle de révolution camarguaise, Robert Zaretsky compare Baroncelli au Prospero de Shakespeare, le héros de The Tempest, qui, ayant échoué sur une île déserte, commande aux esprits et aux monstres. En effet, « le marquis a contribué à transformer une parcelle de delta immense et inhospitalière en un royaume de merveilles naturelles ; en un lieu de mystère inspiré par le génie et les "traditions immémoriales" de la "race" méridionale. Comme les bricolages de Prospero, les tours de passe-passe de Baroncelli avec l’histoire concordaient avec les désirs de ses partisans » (p. 192). L’auteur reconnaît en outre que l’action de ce « scénographe d’un régionalisme nationaliste » (p. 195) aura été prémonitoire, ainsi qu’en témoigne la suite des événements : création, par Malraux, en 1964, d’une mission interministérielle sur la Camargue, inauguration en 1973 du Parc régional de Camargue... Zaretsky insiste, pour finir, sur cette « ironie de l’histoire » : alors que la Camargue est aujourd’hui l’une des régions de France les plus visitées pour son originalité, « beaucoup des éléments qui composent de manière ostensible la quintessence de la Camargue – depuis l’écosystème jusqu’au rôle du gardian et des traditions qu’il défend – furent importés ou inventés. Le delta a été empaqueté, pour ainsi dire, dans le papier des coutumes et des rites fraîchement imprimé par Baroncelli » (p. 195).

11L’ouvrage comprend également des notes, une bibliographie sélective (pour ne pas dire lacunaire), une centaine de titres classés en « Récits contempotrains [sic] et mémoires » et « Sources de seconde main », ainsi qu’un index des noms de personnes et de lieux de quelque 200 items.

12Dans un « avertissement » préliminaire, l’auteur affecte l’extrême modestie : il prétend n’être qu’« un new-yorkais [sic] qui gagne sa vie en tant qu’historien de la France moderne. J’espère d’ailleurs, poursuit-il, que mon livre sera lu comme un livre d’histoire. Je n’ai certainement pas compris et appréhendé les personnages de la même façon que les aficionados locaux, mais le respect et l’admiration que j’éprouve à leur égard sont les mêmes » (p. 14). Que redoutait donc Zaretsky pour écrire ces lignes ? Quoi qu’il en soit, prenons-le au mot et jugeons-le en historien.

  • 1 Voir F. Saumade, « Race régionale, identité nationale. Pour une ethnologie des comportements électo (...)

13Son grand mérite est d’avoir situé l’histoire camarguaise dans son contexte national – de l’affaire Dreyfus au régime de Vichy, il ne manquait pas de matière ! – et même, à certains égards, dans un contexte international, si l’on peut ranger sous ce qualificatif les contacts entre la Camargue de Baroncelli et le Wild West Show de Buffalo Bill. En étudiant les connexions entre régionalisme, nationalisme et extrême-droite – c’est là un des points forts de son livre –, Zaretsky a débusqué un lièvre qu’il aurait pu traquer jusqu’au bout, notamment jusqu’au vote récent pour le Front national1.

  • 2 « L’invention des mythes gardians », in J.-N. Pelen et C. Martel eds., L’homme et le taureau en Pro (...)

14En revanche, sur l’histoire camarguaise elle-même, Le coq et le taureau n’apporte pas grand-chose de nouveau. D’abord, l’idée d’une « invention » par Baroncelli de la culture camarguaise a déjà été avancée dans un long article de Jean-Pierre Belmon2, que Zaretsky ne cite pas. Ensuite, il reste à s’entendre sur la portée de cette « invention ». Or, le moins que l’on puisse dire est que la démonstration laisse à désirer. En effet, pour pouvoir affirmer que Baroncelli a inventé, il aurait fallu chercher à savoir ce qui existait avant lui, ce que Zaretsky n’a pas fait (on se souvient que son « histoire de la course camarguaise » se réduit à l’histoire de ses interdictions).

  • 3 Paris, Pauckoucke, 1791, tome 2, article « Bétail ».

15Pourtant, quelques sondages dans le passé suffisent à montrer que Baroncelli n’est pas parti de rien. Ainsi, dans La nouvelle agriculture. Second livre de la Provence, Pierre de Quiquéran de Beaufort décrit déjà en 1548, pour les îles d’Arles [le nom « Camargue » n’est jamais employé], une « bovvine » (équivalence du « u » et du « v ») proche de celle que nous connaissons. La principale différence réside dans le fait que les bœufs étaient principalement utilisés pour l’attelage à l’araire. Le gros des troupeaux (« les uns de cent, les autres de deux cents, plusieurs de deux cents ») était élevé en liberté. Déjà on pratiquait la « ferrade » et le « bistornage » [sic], à l’aide de « gardians » montés et munis d’un « tridant » [sic] ou « ficheron », assistés de « gentilshommes », et en présence de nombreux « spectateurs » car « le passetems n’est point trop maigre de voir faire en duël un jeune Taureau bien farouche, avec un Bouvier, monté à l’avantage sur un cheval d’élite ». Ou encore : après le déjeuner copieux et bien arrosé qui suivait la « ferrade », un taureau adulte était livré aux cavaliers qui « le précipit[ai]ent à force coups dans la foule des piétons » (en quelque sorte une variante de « l’abrivade »). Plus tard, l’Encyclopédie méthodique3 nous apprend qu’en 1745, une épizootie détruisit entièrement les bovins de Camargue, qui furent remplacés par du bétail d’Auvergne, de robe noire et à cornes en lyre. « Des gardiens à cheval qu’on nomme boutiers, armés d’un trident, les rassemblent [...] pour la ferrade. » Les bœufs de travail sont dressés au joug par des « domptaires ». « Les vieux bœufs de la Camargue se vendent aux bouchers ; leur chair est toujours dure, rouge & filandreuse, & jamais bonne [...] Dans les villes de Tarascon, Beaucaire & Arles, où l’on mange journellement de ces bœufs, on est persuadé que, pour en attendrir la chair, il faut les faire courir avant que de les tuer. On les fait sortir l’un après l’autre de la boucherie pour les fatiguer, & on les livre au peuple, qui s’acquitte volontiers de cette commission, quelque fois dangereuse. »

16On voit donc que Baroncelli a moins « inventé » que codifié, valorisé et modernisé des pratiques préexistantes, et qu’il serait plus exact de parler de lui non comme d’un révolutionnaire mais comme d’un restaurateur qui a fait du neuf avec du vieux, ou, pour le dire dans un langage plus contemporain, qui a réalisé, avant la lettre, des « relances de traditions ».

  • 4 La Renaissance du Livre, 2003.

17Le travail de Zaretsky laisse subsister bien d’autres zones d’ombre. Rien n’est dit ou presque des bovins dont Baroncelli entendait sauvegarder ou restaurer la race « pure ». En fait, quand Baroncelli se lance dans cette entreprise, des bovins camarguais avaient déjà été croisés avec des taureaux de combat espagnols introduits à partir de 1869 par le manadier Joseph Yonnet. Sur ce point, l’auteur aurait pu consulter avec profit l’Histoire de l’élevage du taureau de corrida en France de Pierre Dupuy4. De même, pour ce qui est de l’influence qu’a eue la culture américaine sur le marquis de Baroncelli et pour ce qui est de la westernisation de la Camargue, questions auxquelles l’auteur, enseignant au Texas, aurait dû être particulièrement sensible, on déplore une historiographie et une chronologie (notamment des contacts de Baroncelli avec le Wild West Show entre 1889 et 1906 au chapitre 3) d’une opacité pour le moins déroutante.

18Ce livre prometteur se révèle en définitive bavard, approximatif et brouillon. Il souffre en outre d’une édition peu soignée : nombreuses coquilles, appareil critique incohérent, noms d’auteur classés correctement dans l’index mais à l’anglo-saxonne dans la bibliographie (Joseph d’Arbaud et Rul d’Elly à la lettre « D »), pas de table des illustrations... Décidément, la Camargue, ses charmes et ses mystères méritaient mieux.

19Jean-Pierre Digard

20PS : parmi les publications récentes sur la Camargue, on se doit de signaler le beau travail d’Annelyse Chevalier, Les gardians de Camargue (Arles, Parc naturel régional de Camargue, « Courrier du Parc » no 56, 2007, 299 p.), à l’origine de l’exposition du même titre au siège du Parc naturel régional de Camargue (au Pont de Rousty à Arles) ; sur un sujet sensible, signalons aussi l’excellente thèse de doctorat, heureusement publiée, de Laurence Nicolas : Beauduc, l’utopie des gratte-plage. Ethnographie d’une communauté de cabaniers sur l’espace littoral camarguais (Marseille, Images en Manœuvres Éditions, 2008, 500 p.).

Geneviève Calame-Griaule, Contes dogon du Mali. Paris, Karthala-Langues O’ (« Paroles en miroir »), 2006, 245 p.

21C’est à un voyage littéraire et linguistique à travers les villages de la falaise dogon que Geneviève Calame-Griaule nous invite dans ce nouvel ouvrage, publié dans une très belle collection, bilingue et illustrée, des éditions Karthala.

22Ce livre pourrait être lu comme la synthèse des travaux que l’auteure a consacrés à cette région du Mali, à la suite de son père : l’ethnologue Marcel Griaule. Mais c’est avec recul que Genevière Calame-Griaule situe sa parole, observant les changements qui, ces dernières décennies, se sont produits dans cette région rurale, influencés par l’islam et par la présence, toujours plus visible, d’un « tourisme culturel » plus ou moins éclairé, qui n’est pas sans rapport avec le succès de librairie que demeure Dieu d’eau, le célèbre ouvrage de son père.

23Geneviève Calame-Griaule fait en quelques pages une recension des principales études portant sur la région, dresse un portrait de la société dogon traditionnelle, résume le mythe de la Création et reprend, de façon très synthétique, les principes de la conception dogon de la parole, principes que, en 1965, elle avait analysés avec finesse et précision dans Ethnologie et langage. Comme dans toute société de tradition orale, la parole est avant tout perçue comme un instrument de pouvoir. En nommant les choses du monde, en les classant en catégories, les hommes n’ont-ils pas l’impression de les maîtriser ? En cherchant à énoncer de bonnes paroles, des propos si doux à entendre que, dans la conception dogon, on se les figure riches huile, ne cherche-t-on pas à favoriser la bonne entente, l’harmonie et, de ce fait, la prospérité, alors que les paroles de colère ou de haine n’engendrent, elles, que drames et catastrophes ? Parmi les bonnes paroles, certaines sont qualifiées étonnantes ou énigmatiques : en français, on les appelle des contes.

  • 1 Voir G. Calame-Griaule, Des cauris au marché. Essais sur des contes africains. Paris, Société des A (...)

24C’est à partir des années 1950, quand le magnétophone est devenu transportable, que l’on a vraiment pu recueillir in vivo la littérature orale. Les enquêtes précédentes étaient menées sous la dictée, donc dans des conditions artificielles. Ayant, dès 1954, cet instrument à sa disposition, Geneviève Calame-Griaule a pu faire une comparaison significative entre les récits notés sous la dictée et les contes racontés en public. Les textes sont proposés ici dans une version bilingue inédite (si certains contes comme « Le plat du père » ont déjà fait l’objet d’une publication1, le texte en dogon n’avait jamais été publié), et présentés avec clarté et rigueur. Une esquisse grammaticale de la langue et la reprise du texte dogon suivi d’un mot à mot précis en fin d’ouvrage permettent à toute personne intéressée par la qualité littéraire du texte d’accéder à la poétique du conte. Cette présentation du corpus bilingue est possible grâce au travail de Michèle Therrien, directrice du Centre d’étude et de recherche sur les littératures et les oralités dans le monde (INALCO) et grâce au soutien, si précieux pour les chercheurs, des éditions Karthala qui rendent possible, avec la collection « Paroles en miroir », la publication de textes du monde entier dans des langues peu diffusées.

25Geneviève Calame-Griaule a choisi de présenter les seize contes qu’elle a sélectionnés, et ce dans l’ordre dans lequel elle les a recueillis entre 1946 et 1969. L’objectif de l’auteure est de montrer ainsi sa propre progression dans la compréhension du conte puisque, comme elle le raconte elle-même, c’est vers les plus jeunes qu’on l’a orientée quand elle a manifesté son désir d’entendre des contes. Les enfants lui ont bien volontiers dit des contes pour enfants, des histoires simples mettant généralement en scène des animaux, des petites fables à la morale édifiante. Puis, avec le temps et les progrès de l’ethnolinguiste tant dans sa connaissance de la langue que de la culture, les contes qu’on lui relatait se compliquaient, devenaient plus longs et plus riches de sens. Pour chaque texte, une analyse est proposée, qui permet au lecteur d’accéder à certaines clés ou de prolonger les questionnements de l’auteure.

  • 2 Qui avait fait l’objet d’une recherche collective. Voir V. Görög, S. Platiel, D. Rey-Hulman et C. S (...)

26Si chaque conte est interprété à la lumière du contexte culturel qui lui donne sens, les histoires racontées sous le ciel étoilé du pays dogon ressemblent souvent à des histoires entendues ailleurs. Chaque fois que cela est possible, Geneviève Calame-Griaule rapproche la version dogon du conte-type retenu dans la classification d’Aarne et Thompson, classification qui, se voulant internationale, demeure cependant très indoeuropéenne. C’est le cas, par exemple, du conte intitulé « Le père, le fils et le génie », version dogon de « Le mâle qui met bas » (J 1024.1.1), ou encore celui de « Le fils du caméléon », qui reprend la trame narrative du T 650A dit « Strong John » (Jean le Fort). D’autres récits sont la version dogon de contes bien connus en terre africaine, tel le conte de l’Enfant terrible2. Cet enfant déviant qui rend le mal pour le bien incarne la démesure et l’indiscipline et, grâce à la liberté permise par l’expression littéraire, fait un pied-de-nez irrespectueux au droit d’aînesse si prisé dans les sociétés rurales de l’ouest africain.

27Comme les hommes, les contes voyagent. Mais l’histoire, racontée dans une autre langue, dans un autre contexte culturel, prend une coloration chaque fois différente. Les contes choisis ici par Geneviève Calame-Griaule nous présentent la vie villageoise des Dogon de la falaise, la gérontocratie qui dirige les relations humaines, le nivellement construit sur la réussite sociale, les difficultés de la polygamie. Dans le conte cependant, il est possible de mettre en scène des événements extraordinaires qui remettent en cause l’organisation traditionnelle : le fils peut tenir tête à son père et lui démontrer que les paroles de demain peuvent dépasser en vérité les paroles anciennes (« Le père, le fils et le génie ») ; l’enfant peut prendre la parole dans le ventre de sa mère et dénoncer ainsi les injustices (« La sourde-muette ») ; la jeune fille maltraitée par la coépouse de sa mère peut supporter toutes les épreuves et en revenir couverte de richesses (« Le plat du père »).

28Cécile Leguy

Pierre Morlon et François Sigaut, La troublante histoire de la jachère. Pratiques des cultivateurs, concepts de lettrés et enjeux sociaux. Dijon/Versailles, Éditions Quae/Educagri (« Sciences en partage »), 2008, 328 p.

29Ce livre fait, en quelque sorte, l’archéologie de la notion de jachère, et ce pour servir une plus juste histoire et une plus juste archéologie de ce que les auteurs appellent parfois la « vraie jachère ». Comme l’annonce le sous-titre de l’ouvrage, il s’agit de confronter la réalité de la jachère pratiquée par les agriculteurs à la représentation qu’en feront progressivement les lettrés. Dans l’intitulé « histoire de la jachère » est incluse autant une épistémologie de la notion qu’une histoire du fait.

30Pour désigner la jachère, les agriculteurs disposent d’une très grande variété de mots, « jachère » n’étant que l’un d’entre eux, employé dans les régions picarde, francilienne et normande. Ailleurs, on dit guéret, versaine, Brache (en Allemagne), sombre, sommard, estivade, maggese (en Corse), cultivage (dans le Lyonnais), cotive, etc. La notion renvoie à une action : jachérer, guéreter, sombrer, rompre (brechen en allemand), etc.

31La vraie jachère, c’est une série de labours qui ont pour but de nettoyer les terres des mauvaises herbes et de préparer les semis à venir. Duhamel du Montceau, par exemple, décrit trois labours : tout d’abord guéreter ou lever les guérets, ensuite biner, enfin, labourer à demeure. Cette jachère n’intervient pas à la fin d’un cycle mais au début. C’est une façon culturale de récupérer la fertilité perdue, et, en cela, elle se distingue nettement de la friche. Ainsi décrite, c’est une pratique qui exige beaucoup de travail. Elle nécessite de l’outillage pour herser, scarifier, extirper, etc. Elle exige également la construction de parcages temporaires du bétail afin que les nutriments que les bêtes ont pâturés ailleurs dans la journée soient rejetés sur le terrain en question durant la nuit. La jachère est une pratique qui peut être individuelle mais qu’on a avantage à rendre collective par l’usage de la vaine pâture. En effet, si on utilise d’autres espaces pour la pâture (les friches, les pâtis, les prés de fauche après enlèvement des foins, voire les forêts), les jachères présentent l’avantage d’être proches du village.

32La jachère devient un enjeu social lorsque, dans les années 1730, les groupes sociaux riches entament un long mouvement de conquête des terres afin de remplacer la vaine pâture collective par des cultures fourragères individuelles. Pour les historiens, l’étude de ce conflit est un grand classique : « de Bloch à Moriceau », comme le rappellent les auteurs (p. 49).

33Si jusqu’au milieu du XIXe siècle, le terme « jachère » reste employé dans l’acception qui vient d’être décrite, les auteurs constatent qu’aujourd’hui ce mot a pris un sens radicalement différent. On nomme jachère un repos – qui peut aller jusqu’à une vingtaine d’années – consenti à une terre épuisée pour qu’elle récupère. Ce qui situe la jachère à la fin du cycle.

34Comment est-on passé de la jachère-travail à la jachère-repos, si l’on peut nommer ainsi les deux notions ? Comment a-t-on à ce point inversé le sens de ce mot ? Comment ce qui était travail initial de préparation est-il devenu repos final ? Le glissement de sens est complexe. Dès le milieu du XVIe siècle, on commence à assimiler la jachère à la friche, à associer la jachère au repos ; on lui invente une étymologie latine, qui s’avèrera fautive. On prétend en effet que le terme « jachère » vient de iaceo, iacere, qui signifie « être couché », alors qu’il « vient du bas-latin d’origine gauloise gascaria » (p. 54). On commence à critiquer le repos de la jachère, qui rend les terres improductives et ruineuses (elles ne rapportent ni au paysan ni au seigneur). On en oublie l’aspect positif du repos. Pour autant, en ce temps-là, on fait bien la différence entre le repos de la terre (qui ne produit donc pas de récolte) et le travail des laboureurs qui la préparent. C’est la terre qui se repose, pas les agriculteurs.

35À partir de 1750, les choses changent. Les propriétaires terriens commencent à exploiter l’ambigu ïté du mot jachère dans leur lutte contre les usages collectifs, communaux et de vaine pâture. Mais de quoi parle-t-on alors ? Les auteurs notent deux faits : les lettrés se mettent à répandre l’idée de « terrain en repos » voire abandonné ; le combat contre la jachère amplifie et diffuse un mot de l’le-de-France et des confins normanno- picards, inconnu jusque-là dans toutes les autres régions. Les auteurs analysent les termes du débat, reprenant ici un dossier déjà fort bien présenté par Marc Bloch en son temps. La jachère se voit embarquée dans l’ensemble des « droits odieux » et des « usages barbares » qu’il faudrait abattre. Elle est polémisée, chargée de liens doctrinaires et idéologiques. Des agronomes, tel Jean Augustin Victor Yvart, asseoient cette confusion des termes, qui seront inlassablement repris par des auteurs de deuxième main et par les dictionnaires. Alors que, par ailleurs, « la baudruche se dégonfle sur le plan agronomique » (p. 62).

36Entre le sens originel et un sens dérivé ou dévié, les relations sont complexes et appellent une lecture attentive des textes. Ainsi la marginalisation du travail de labour destiné à éliminer les mauvaises herbes, qui fonde la définition du verbe « jachérer », débouche sur l’inversion suivante : puisque la jachère est un repos du sol, profitons-en pour travailler le sol. Or, ce travail, c’est précisément la jachère qui le fournit.

37Aujourd’hui l’inversion est parfaitement réalisée puisque, dans la Politique agricole commune par exemple, la jachère est devenue le « gel des terres » : le sens péjoratif l’a emporté.

38Le comble est que la réduction imposée aux pratiques par l’usage d’un mot unique comme jachère a conduit les auteurs de la littérature agronomique à inventer des termes pour différencier la multitude des types de jachère : absolue, accidentelle, boisée, ordinaire, pâturée, plantée, fixe, relative, pure, réversible, tournante, semi-travaillée, etc. Il en existe plusieurs dizaines.

39Le chapitre V du livre esquisse une comparaison avec la situation que l’on rencontre dans trois autres aires européennes : l’Allemagne (Brache), l’Angleterre (fallow) et l’Espagne (barbecho). Les auteurs constatent que les termes y ont connu la même dérive. Mais c’est en France que le changement de sens est le plus total, au point que les agriculteurs ont dû inventer un nouveau terme, celui de « faux-semis », pour signifier l’action de jachérer ou l’ancienne technique de désherbage.

40La première qualité de ce livre c’est d’avoir constitué un guide permettant l’exploitation des termes anciens dans les documents d’archives. Les auteurs montrent que même les meilleurs se sont laissé piéger en confondant, par un emploi indifférencié, la jachère et la friche : c’est arrivé à Marc Bloch, à Georges Duby également. La consécration du sens dévié par les administrations et les catégories statistiques fait que la situation est difficilement réversible.

41Dans une seconde partie, l’ouvrage offre un autre avantage, à savoir un ensemble de documents (pp. 107- 286) réunissant une bonne vingtaine de textes, certains très longs. C’est là un matériau considérable pour les chercheurs et les praticiens qu’intéressent le sens des mots et l’origine des notions débattues dans l’ouvrage. En annexe, les auteurs signalent des pistes ouvrant sur d’autres recherches : par exemple, le mot friche a déjà connu un glissement de sens puisqu’à l’origine il s’agit d’une prairie pâturée en rotation et non d’un terrain abandonné non pâturé. Un glossaire et une bibliographie complètent l’ouvrage.

42Cet ouvrage est particulièrement précieux. Sur un dossier que les auteurs, tous deux agronomes, maîtrisent mieux que personne, ils apportent une connaissance qui autorise plusieurs prolongements. Le premier concerne l’usage des notions de jachère et de friche qu’en font les schémas d’exploitation du sol pour les périodes anciennes, notamment prémodernes. Lorsque les historiens schématisent les cycles, les assolements, les modalités de la gestion du sol, le font-ils avec une juste appréciation du sens des termes ? Il faudrait s’interroger sur le rôle qu’on fait jouer à ces notions dans la conception des régimes agraires. Est-elle satisfaisante ? La jachère laxiste ne pollue-t-elle pas le tableau qu’on est tenté de faire des anciens régimes agraires ?

43La seconde piste est plus générale. Il est indubitable que la situation que les auteurs analysent, à savoir le décalage puis le franc divorce qui s’installe, pendant la Modernité, entre un sens ordinaire et un sens abstrait, n’est pas un fait isolé. C’est un processus général de la Modernité, l’une de ses bases épistémologiques. Des analyses comparables ont été effectuées, concernant l’openfield et le bocage, la ruralité, le paysage ou l’environnement, des objets réduits comme de plus amples paradigmes. Toutes signalent le glissement de sens, la paradigmatisation (j’entends par là le durcissement d’un sens réducteur qui devient général), l’institution d’un mot « collecteur », la tendance à l’hypertrophie, la réinvention de sous- types pour rester néanmoins en phase avec les réalités. On n’étonnera donc personne en observant qu’il s’agit d’un processus courant, à caractère spéculaire. Mais la démonstration, particulièrement brillante, surprend. On ne s’attendait pas vraiment à rencontrer ce processus à l’œuvre à propos d’un mot qu’on croyait simple et sans problème. Quel degré d’attention sera donc requis si le moindre mot véhicule une histoire complexe et à ce point oblitérante ?

44Selon ce qu’expliquent Pierre Morlon et François Sigaut au sujet des réalités agraires anciennes comme la jachère, la friche ou encore le repos des terres, il s’agit d’un processus en deux temps. Avant la révolution agricole, cela commence par un décalage progressif, qui affecte les mots et amorce le jugement sur le sens. La faute, pourrait-on dire, en revient d’abord à une certaine pratique de l’analogie lorsque le détour est étymologique – ainsi le fait de rechercher l’origine du terme « jachère » dans le latin jacere parce qu’on se contente d’une apparente similitude. Après les Lumières et la Révolution agricole, principalement au XIXe siècle, un autre processus prend le relais, cette fois plus marqué par la polémisation de la notion et pour servir d’autres intérêts. C’est, alors, dans un autre cadre de pensée – celui du naturalisme méthodologique (et de ses composantes nationaliste et historiciste) – qu’il faut appréhender les faits et comprendre le divorce. La jachère, tout comme le rural ou la friche, se voit mobilisée pour des causes nouvelles et exploitée au-delà du sens commun.

  • 1 Voir hhttp:// www. dijon. inra. fr/ listo/actualites/les_mots_de_l_agronomie.

45Voici donc un livre dense, sur un sujet plus important qu’il n’y paraît. Puissent les auteurs continuer dans la même veine et produire d’autres études sur les choses de l’agronomie et leurs mots. Sur la toile se trouve un appel à contributions, rédigé par Pierre Morlon lui-même, dont l’objectif est de constituer un dictionnaire historique et critique au sujet des mots de l’agronomie. Ce programme de l’équipe Listo de l’INRA1 mérite d’être encouragé. Quelques centaines de mots y figurent, qui attendent leur rédacteur critique.

46Gérard Chouquer

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Notes

1 Voir F. Saumade, « Race régionale, identité nationale. Pour une ethnologie des comportements électoraux », Terrain 27, pp. 101-114.

2 « L’invention des mythes gardians », in J.-N. Pelen et C. Martel eds., L’homme et le taureau en Provence et Languedoc. Histoire, vécus, représentations, Grenoble, Glénat/Clair de terre-CREHOP, 1990, pp. 135-145.

3 Paris, Pauckoucke, 1791, tome 2, article « Bétail ».

4 La Renaissance du Livre, 2003.

1 Voir G. Calame-Griaule, Des cauris au marché. Essais sur des contes africains. Paris, Société des Africanistes, 1987.

2 Qui avait fait l’objet d’une recherche collective. Voir V. Görög, S. Platiel, D. Rey-Hulman et C. Seydou, Histoires d’enfants terribles (Afrique noire), Études et anthologie. Paris, Maisonneuve & Larose, 1980.

1 Voir hhttp:// www. dijon. inra. fr/ listo/actualites/les_mots_de_l_agronomie.

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Pour citer cet article

Référence papier

« Comptes rendus »Études rurales, 183 | 2009, 221-232.

Référence électronique

« Comptes rendus »Études rurales [En ligne], 183 | 2009, mis en ligne le 01 janvier 2011, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/9012 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesrurales.9012

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