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I. Nouveaux chapitres d'histoire du paysage. Dossier d'archéogéographie

Sous le bocage, le parcellaire...

Magali Watteaux
p. 53-80

Résumés

Résumé
Depuis Marc Bloch, le bocage fait partie de la «trilogie paysagère» traditionnelle française et, en dépit de son caractère récent, est considéré comme le cadre incontournable des travaux portant sur l'histoire des paysages de l'ouest de la France. Les derniers résultats de l'archéogéographie et de l'archéologie préventive modifient cette schématisation. En distinguant entre forme en plan et modelé, et entre les différentes échelles en jeu, les archéogéographes ont dissocié le raisonnement sur l'évolution du parcellaire des observations sur le processus d'embocagement. Ils ont découvert que la morphologie de la trame de base renvoie le plus souvent à un réseau auto-organisé et résilient auquel on ne peut attribuer un état-type pour le Moyen Âge. Il faut donc refuser une vision linéaire et travailler sur la dynamique des formes parcellaires dans l'espace-temps des sociétés.þ

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Texte intégral

1SOUS LE TERME DE BOCAGE les chercheurs développent, depuis Marc Bloch, une problématique qui constitue un véritable n ud scientifique dans la recherche sur les paysages français, à l'instar de celui que constitue le concept d'openfield [Chouquer 2000 ; Lavigne 2003]. Mais le monopole de ces deux notions, vieilles de plus d'un siècle, pose problème quant aux résultats récents de l'archéologie préventive et de l'archéogéographie.

2Cet article a trait aux bocages de l'ouest de la France et aux travaux portant sur l'histoire de cette formation paysagère. Dans ces régions, le poids de cet objet est tel que toutes les études menées sur ces paysages semblent devoir s'y rapporter. Ainsi, dans un ouvrage récent, des écologues du paysage reprenaient-ils le récit linéaire élaboré par les géographes assimilant l'histoire du paysage de l'ouest de la France à un seul récit : le développement du bocage comme processus principal sur plusieurs millénaires (fig. 1 p. 54) [Baudry et Burel 1999 : XXVIII]. Nous pensons qu'il s'agit d'une grille de lecture obligée. C'est pourquoi il est intéressant de faire une « archéologie » de cette notion pour mettre au jour les éléments surdéterminés qui la composent et mieux dégager les objets d'histoire agraire de l'ouest de la France.

Une définition géographique

UN TYPE AGRAIRE TRADITIONNEL

3Que ce soit en histoire ou en géographie, et malgré les nuances apportées au modèle, le bocage est devenu un objet à caractère identitaire. Sa définition remonte au XVIII siècle lorsque l'agronome anglais Arthur Young publie, au terme de ses voyages en France, ses observations sur l'état de l'agriculture française. Il distingue les pays de champs ouverts et ceux de champs enclos (sans prononcer le mot de bocage) par comparaison avec l'Angleterre, où, dès les XIV-XV siècles, le phénomène des enclosures a profondément transformé les terroirs ouverts en espaces clos et herbagers. Depuis, les historiens et les géographes ont exploité cette catégorisation pour appréhender les paysages.

4Les premiers travaux sur les régimes et les paysages agraires viennent d'Angleterre, avec Frederic Seebohm (1883), et d'Allemagne, avec August Meitzen (1895) [Toubert 1999 ; Zadora-Rio 1991 : 165]. Mais il faudra attendre l'École française de géographie pour que soit véritablement lancée, en France, l'étude des paysages ruraux. Paul Vidal de la Blache, le fondateur de cette École, a, dès le départ, opposé plaine et bocage, parlant même, à propos de la Normandie, de « l'antithèse classique de la plaine et du bocage » [1979 : 182].

5Les géographes ont ensuite établi une définition rigoureuse du terme « bocage » :

Fig. 1.. La représentation traditionnelle de l'openfield et du bocage

Fig. 1.. La représentation traditionnelle de l'openfield et du bocage
  • 1 La proposition de Marc Bloch d'entendre par bocage également les enclos de pierres sèches n'a pas f (...)
  • 2 La typologie de départ s'est nuancée et s'est vu attribuer des sous-types selon la nature de la clô (...)

celui-ci renvoie à un paysage d'enclos végétaux1 associé à un habitat dispersé, à un dense réseau de chemins, à un régime agraire individualiste et à une forme relativement massive et irrégulière des parcelles, s'opposant ainsi, point par point, à la définition des paysages ouverts d'openfield (fig. 2 p. 56). Les espaces ruraux ont été analysés au regard de cette typologie paysagère et les géographes ont cherché à en déterminer l'extension géographique (jusqu'à la définition, par Pierre Flatrès [1959], d'une « civilisation rurale atlantique ») et les différents sous-types2 conduisant à parler « des » bocages. Pierre Toubert [1999 : 32] écrit à cet égard :

Plus qu'une civilisation du bocage, c'est désormais un « complexe rural atlantique » de base, riche de sous-types et de différenciations régionales, qui émerge ainsi des recherches françaises et anglaises.

6La publication, en 1931, des Caractères originaux de l'histoire rurale française de Marc Bloch donne une impulsion décisive à la recherche sur les paysages ruraux. Le livre regroupe les apports de l'archéologie, de l'histoire, de la géographie et de la linguistique et présente une série d'hypothèses générales qui vont orienter la recherche dans ce domaine [Juillard et al. 1957 : 7]. Trois « civilisations agraires » sont définies, qui servent encore de cadre de référence et de clé d'interprétation [Bloch 1999a] :

7—le bocage associé à un habitat dispersé et un régime agraire individualiste dans l'ouest et le centre de la France ainsi que dans le sud-ouest du Pays basque ;

8—l'openfield caractérisé par un habitat groupé, des champs ouverts et, le plus souvent, de grande dimension (en longueur surtout), exploité pour la céréaliculture, par une communauté rurale contraignante, dans les régions du nord et de l'est ainsi que dans le Midi rhodanien, le Languedoc, le Berry et les pays de la Garonne ;

9—les champs irréguliers, à base d'assolement biennal, du Midi.

10Dans la formation des idées de Marc Bloch a été relevé le poids déterminant des modèles et méthodes élaborés par les écoles allemande et anglaise, plus important que celui de l'École française de géographie [Bloch 1999b ; Toubert 1999]. En Angleterre, au début du XX siècle, les recherches menées par la settlement history sur les enclosures ont beaucoup stimulé sa réflexion quant à la répartition des paysages ruraux français entre bocage et openfield [Toubert 1999 : 11-13]. Comme l'écrit Emmanuel Le Roy Ladurie [1999 : XX] :

Fig. 2.. Le récit traditionnel de la genèse du bocage

Fig. 2.. Le récit traditionnel de la genèse du bocage

On peut même estimer que presque toute sa problématique quant à ce thème [paysages et régimes agraires], un peu excessivement parfois, lui est venue des chercheurs de Londres, d'« Oxbridge » et d'ailleurs.

  • 3 En particulier, le géographe-historien R. Dion [1991] ne retient que deux grandes civilisations : c (...)

11Le bocage est, depuis, devenu un objet historique majeur « de telle sorte que toute problématique historique a reposé sur une dialectique fondamentale : openfield/bocage » [Leturcq 2001 : 173]. Les études françaises n'ont eu d'autre finalité que d'appliquer cette thèse, en en affinant la typologie et en en recherchant la genèse, ou, plus rarement, de la « réfuter »3. C'est donc l' uvre de Marc Bloch qui « paradigmatise » la trilogie paysagère agraire de la France.

12Malgré l'expression de nuances et de types mixtes, le rangement dans la catégorie unique du bocage reste la règle. Or cela n'est pas évident, ce qu'exprime, par exemple, le géographe Bernard Bomer [1958 : 55] :

Pour qui tente de dresser une carte des grands types de paysages ruraux français, le classement du Bassin parisien méridional présente plus d'une difficulté. C'est que la région s'incorpore mal aux grandes unités voisines, openfields de la France du Nord ou bocages de l'Ouest.

13Au terme de cette étude qui l'amène à identifier de multiples formes de transition entre openfield et bocage, il conclut, de manière fort intéressante sur les limites de la typologie paysagère traditionnelle et sur la distinction nécessaire et heuristique qu'il faut établir entre clôture et parcellaire :

On ne perçoit aucun élément d'explication qui permette de comprendre pourquoi l'enclos est total en Puisaye et en Pays-Fort et qu'il fasse à peu près totalement défaut en des milieux naturels et humains comparables, sur les plateaux qui séparent la Touraine et le Berry. [...] C'est probablement que l'implantation de la haie ne relève pas aussi précisément que le dessin parcellaire des conditions économiques et sociales mais répond à des attitudes collectives moins étroitement déterminées. [...] L'extension de la clôture est donc loin de présenter des rapports simples avec les éléments moteurs du complexe géographique ; ce qui étonne moins quand on perçoit la diversité des facteurs qui peuvent lui donner naissance. On peut dès lors regretter que la présence ou l'absence de clôture ait constitué le principal critère dans le classement des paysages ruraux français. Lorsqu'ils ont examiné l'habitation rurale, les géographes se sont d'abord fourvoyés, dans l'étude des matériaux ou des toitures, avant d'aborder, avec Albert Demangeon, l'interprétation fonctionnelle du plan, qui est l'élément le plus riche de signification. Ne serait-il pas de même souhaitable que, dans la description des paysages ruraux, priorité soit donnée aux types du parcellaire, expression directe des milieux socioéconomiques [ibid. : 67] ?

UNE COMPOSANTE IMPORTANTE MAIS PEU ÉTUDIÉE : L'HABITAT DISPERSÉ

14Le paysage bocager a toujours été associé à un type d'habitat dit « dispersé » ou « semi-dispersé », induisant par ailleurs l'existence d'un dense réseau de chemins [Demangeon 1927 ; Juillard et al. 1957 ; Lebeau 2000]. Toutefois ce lien, établi d'emblée comme constitutif du type et du régime agraires, n'a pas véritablement été pensé. L'habitat dispersé a rarement été étudié pour lui-même. C'est ce que constate Daniel Pichot [1999 : 66], le seul historien à avoir approfondi la question :

Si le bocage a longtemps été au centre des préoccupations, la dispersion de l'habitat, le plus souvent constatée comme l'un des éléments essentiels d'un système, n'a guère fait l'objet d'études approfondies, et la problématique actuelle de l'incastellamento et de l'encellulement oriente plutôt les travaux vers les phénomènes de regroupement.

15Selon lui, cela tient donc en partie à l'actualité des problématiques dominantes mais aussi aux difficultés liées à la nature même de l'objet (discret et fragile), aux sources utilisées (documents planimétriques modernes), à l'imprécision du vocabulaire (surtout médiéval) et à la diversité du concept d'habitat dispersé ­ toutes les nuances se rencontrant [ibid. : 66-67]. Celui-ci recouvre, en effet, une réalité protéiforme qui se prête difficilement à la définition d'une typologie rigoureuse.

16Rappelons, pour mémoire, que les premières explications, venues d'Allemagne, mettaient en avant deux grandes idées. La thèse « lithologique » postulait un lien de nécessité entre la nature du sous-sol et le mode d'habitat. Ainsi, là où les roches étaient perméables et dures, les hommes avaient dû se grouper pour effectuer en commun le creusement des puits, alors que, dans les secteurs où les roches étaient imperméables, l'eau jaillissant de toutes parts, l'homme était libre de toute contrainte et pouvait s'installer partout [Leturcq 2001 : 33]. La thèse « ethnique », développée par August Meitzen à la fin du XIX siècle, attribuait la forme groupée du peuplement aux Germains, tandis que les fermes isolées et les pays d'enclos étaient réputés d'origine celtique [ibid. : 32]. En France, cette thèse ethnique ne connut pas le même succès qu'en Allemagne et fut au contraire vivement combattue parce que trop floue, trop simpliste et trop teintée de nationalisme [Lebeau 2000 : 12]. Quant à la relation avec l'eau, si les chercheurs ne l'ont jamais niée, ils ont depuis longtemps démontré qu'elle était secondaire et non décisive pour expliquer la répartition de l'habitat tant les contre-exemples abondent dans les pays d'Europe occidentale [Demangeon 1927 : 13]. À des interprétations fondées sur des causes physiques simplistes on a préféré l'action combinée de plusieurs facteurs, naturels, sociaux, agricoles, variables dans le temps.

17Marc Bloch [1999b : 549] a situé la genèse de cet habitat dispersé, pour l'Ouest armoricain et le Massif central, au haut Moyen Âge, sans plus de précision, et en a proposé le schéma d'évolution historique suivant : établissement des familles loin les unes des autres du fait d'une culture extensive nécessitée par la pauvreté des sols ; constitution parallèle des centres paroissiaux et économiques, chaque hameau gardant son terroir et ses communaux ; accroissement de cette dispersion au XII siècle et multiplication des maisons isolées, dans le cadre de la mise en valeur des espaces nouvellement défrichés. Pierre Flatrès [1971] croit pouvoir déceler l'existence d'un habitat très dispersé en Bretagne bretonnante dès le IX siècle, grâce aux actes du cartulaire de Redon datés de cette époque. Mais l'analyse récente de ce cartulaire par André Chédeville contredit cette hypothèse [Chédeville et al. 1998 : 36, 44].

  • 4 Signalons la position de J. Meyer [1972 : 456] qui fait remonter l'habitat dispersé à l'Âge du Fer (...)
  • 5 R. Latouche insiste également sur le rôle déterminant de l'absence d'un régime domanial fortement o (...)

18C'est cependant aux environs de l'an Mil qu'on fait, le plus souvent, remonter la naissance de cet habitat dispersé4, et ce par le truchement des « grands défrichements », autre célèbre paradigme de l'histoire médiévale. À l'époque de Marc Bloch déjà, Raymond Latouche [1966 : 131] faisait du XI siècle un siècle clé dans la structuration de l'habitat et du paysage dans l'ouest de la France5. La plupart des auteurs de cette époque considèrent, en effet, le village comme plus ancien et l'habitat isolé comme issu d'une dispersion secondaire liée aux défrichements [Juillard et al. 1957 : 60]. Les géographes-historiens ont largement repris ce schéma évolutif en associant systématiquement la genèse de l'habitat dispersé aux défrichements qui auraient eu lieu entre les XI et XIII siècles en raison de la pression démographique [Fierro-Domenech 1986 : 190 ; de Planhol 1988 : 167].

  • 6 D. Pichot distingue deux ensembles : les regroupements secondaires (hameaux et villages) et les hab (...)

19Faisant le point, Daniel Pichot [1999 : 80-82] a proposé un essai de typologie6, soulignant, comme facteurs explicatifs, l'importance du social, l'ancienneté de ce mode de peuplement (qui a toujours coexisté avec des formes de groupement) et, surtout, le lien avec la mise en valeur des sols. Ainsi, « cet habitat préexistait, mais il a prospéré avec l'essor démographique et économique, il a marqué de son originalité la mise en valeur et le contrôle de l'espace » [ibid. : 84]. L'historien montre que, si la dispersion de l'habitat reste bien un trait marquant du peuplement de l'Ouest, elle s'inscrit néanmoins dans le processus général de regroupement des hommes désigné par le terme d'encellulement, à la suite de Robert Fossier [Pichot 2002]. Toutefois les villages de ces contrées rompent avec la représentation classique (castra du Midi, villages des plaines du Nord) pour élaborer une synthèse originale, celle du « village éclaté », notion qui amorce une recomposition des données :

La polarisation de l'espace villageois s'est donc bien produite et se reconnaît au XIII, son degré, par contre, présente une grande variabilité et, de toute façon, [la polarisation] demeure fort incomplète. Cependant, ne voir dans ce fait qu'un village peu structuré et une communauté floue et peu organisée relève peut-être d'une conclusion hâtive. La présence du « village » remet partiellement en cause la prédominance du centre comme référence en tous points, mais il n'est pas impossible d'y voir aussi un échelon dans l'organisation du peuplement, une façon de tenir le territoire qui utiliserait des relais plus ou moins hiérarchisés, et, en relation avec ce centre, l'étude des liens de pouvoir et des rapports sociaux pourrait éclairer la question. [...] L'organisation ne va donc pas vers une maîtrise et surtout une polarisation croissante, mais l'inachèvement n'est peut-être pas un échec, il y a organisation. La dispersion et donc l'éclatement de l'espace villageois ne constituent pas un archaïsme en voie de résorption, ils s'intègrent dans un système bien vivant dans lequel ils continuent à se déployer, dans une logique quasi dialectique, dans le cadre de mouvements, sinon contradictoires, du moins antagonistes [Pichot 2002 : 284-285].

20Les perspectives de recherche, intéressantes selon lui, résideraient donc dans « l'étude des liens de pouvoir et des rapports sociaux » ainsi que dans les dynamiques de réseaux qui en découlent, plus que dans les relations avec le bocage, les seules qui aient vraiment été explorées jusqu'à présent.

LA DIMENSION INDIVIDUALISTE DU RÉGIME BOCAGER

21Le paysage bocager et l'habitat dispersé renverraient à l'individualisme ­ « tant il est vrai que tout usage agraire est, avant tout, l'expression d'un état d'esprit » [Bloch 1999a : 100] ­ par opposition aux champs ouverts de l'habitat groupé, marqués par des servitudes collectives fortes [Bloch 1999a et 1999b ; Lebeau 2000 ; Meynier 1943 et 1958]. Le paysan, isolé et habitant à côté de ses champs, est libre de travailler sa terre comme il l'entend et de faire paître ses bêtes sur ses prairies encloses. Il n'existe pas de droit de passage sur les parcelles ni d'obligation de vaine pâture ni d'assolement. Et quand les haies n'étaient pas possibles ou n'existaient pas, comme dans certains coins de Bretagne (littoral), les animaux étaient attachés : Marc Bloch parle dans ce cas d'« enclos moral » [1999a : 99]. Enfin, la vie communale est assez lâche et les défrichements s'avèrent individuels [Lebeau 2000 : 61]. Bref, l'individualisme caractérise et même induit les bocages.

22Cette thèse individualiste laisse apparaître un effet de miroir entre un régime agraire central et un autre régime plus marginal. En effet, pour faire exister un régime agraire collectif, il fallait forcer le trait de l'autre régime : plus le bocage serait individualiste, plus le régime principal serait communautaire et identitaire. Le géographe René Lebeau [2000 : 13-14] en fait même une loi :

La cohésion sociale est donc un grand facteur de diversification des paysages ruraux. On pourrait presque, schématiquement, formuler la loi suivante :

23—liens sociaux lâches : habitat peu groupé, aménagement individuel des terroirs, d'où paysage agraire varié, irrégulier ; faible capacité d'aménagement de l'espace ;

24—liens sociaux vigoureux, sociétés communautaires : habitat groupé, aménagement collectif du finage, d'où paysage plus régulier, plus schématique et monotone ; forte capacité d'aménagement de l'espace.

25Cependant, les contradictions ne manquent pas puisque le géographe Louis Poirier [1934 : 31] faisait du bocage de haies vives le « symbole de la domination d'une noblesse féodale sur une population paysanne autrefois pauvre ». Il faut donc se méfier d'une utilisation déterministe des formes dans un raisonnement historique puisqu'on peut leur faire dire une chose et son contraire.

26Cette opposition comporte en elle le risque d'une interprétation téléologique selon laquelle le bocage serait un espace agraire qui n'aurait pas accédé au seuil de l'openfield, comme « retardé ». C'est ce qu'explique Xavier de Planhol dans sa grande synthèse de géographie historique quand il reprend la dichotomie fondatrice entre un régime central et des régimes marginaux. S'il reconnaît un acquis récent, à savoir la faible ancienneté du bocage, il reste attaché à une série de jugements de valeur : un paysage résiduel dans lequel le processus de regroupement n'aurait pas joué comme il l'a fait dans les régions de champs ouverts :

Une France développée, d'évolution intellectuelle plus précoce, mieux nourrie et, de façon générale, plus aisée : c'était dans l'ensemble la France des gros villages et des champs ouverts du Nord et du Nord-Est. Il y a, lui faisant face, et toutes proportions gardées, une France retardataire, analphabète, misérable et mal nourrie : celle des hameaux et des métairies de l'Ouest et du Sud [de Planhol 1988 : 177].

27Il n'est pas difficile de voir, ici, le transfert d'une opposition moderne entre un régime agraire éclairé et un autre rétrograde : un centre et des marges, avec toute la charge que la modernité révolutionnaire puis positiviste a donné à cette dichotomie.

DES NUANCES QUI DÉSTABILISENT LE MODÈLE D'OPPOSITION SYMÉTRIQUE

28Depuis Marc Bloch on a relativisé ce tableau individualiste en soulignant l'existence de rapports sociaux entre les habitants, essentiellement l'entraide lors des travaux des champs, la gestion de certains biens communaux (pour le pacage) et la garde des troupeaux [Lebeau 2000 ; Meynier 1958 ; Pichot 1999 et 2002]. Marc Bloch [1999a : 98] écrit même dès 1931 :

Ne disons point que le régime des enclos était tout individualiste. [...] Disons plutôt que l'empire de la collectivité s'arrêtait devant les labours.

29En fait les rapports sociaux de solidarité ne revêtaient pas les mêmes formes que dans les pays de champs ouverts :

La vérité est que, dans ces campagnes, l'esprit de solidarité, ou, pour parler comme Roger Dion, de « discipline sociale », s'il ne possédait pas en lui-même moins de puissance qu'ailleurs, ne revêtait point les mêmes formes que chez les villageois de champs ouverts et allongés. La structure traditionnelle des labours, harmonisée avec une agriculture tout individualiste, le condamnait à chercher son application plutôt dans les besognes domestiques que dans l'exploitation même du terroir [Bloch 1999b : 506].

30Marc Bloch [1999b : 506] a également nuancé le rapport avec l'habitat dispersé, considéré alors comme corollaire explicatif de l'individualisme agraire :

Les conditions de l'habitat faisaient les communautés beaucoup moins nombreuses, par suite moins fortes et moins portées aux vastes desseins.

31En effet, dès 1926, il mettait en garde contre l'existence d'un lien rigide et intangible entre ces deux ordres de faits en s'appuyant sur divers travaux :

La preuve est définitivement faite que dissémination des maisons ne veut pas dire nécessairement agriculture individualiste. C'est un nouveau coup, très rude, pour les classifications a priori de Meitzen [ibid. : 107].

32Récemment Daniel Pichot a démontré que, si beaucoup de choses concourent à favoriser un individualisme agraire (excepté sur les terroirs ouverts, à savoir les méjous, les landes et les forêts), il ne faut pas exclure d'évidentes exagérations tirées des cahiers de doléances de 1789 et il ne faut pas oublier que « les voisins ne sont pas à plus de 1 ou 2 km et souvent moins, les déplacements à pied ne sont pas interdits et les nécessités du travail et de la vie en général ne peuvent éliminer un minimum de pratiques et de coutumes » [1999 : 84-85]. Il rappelle que les travaux de l'historien Noël-Yves Tonnerre ont fait état de pratiques communautaires sur les landes et d'une solidarité dans l'institution des frairies [ibid. : 86]. Enfin, il souligne que « même la communauté de paroisse n'est pas totalement un vain mot, et l'existence, dans la quasi-totalité des cas, d'un cimetière unique en atteste au moins la preuve ; par ailleurs, l'attitude face aux pouvoirs contraignait à un minimum de solidarité » [id.].

L'épineuse question de la genèse du bocage

L'ENQUÊTE LEXICOGRAPHIQUE 

  • 7 Notons qu'aujourd'hui le terme est pratiquement absent du langage des agriculteurs en Bretagne et C (...)

33Le mot « bocage » vient du normanno-picard et dérive de la racine bosc d'où est issu le mot « bois » [Zadora-Rio 1998 : 671]. Paul Vidal de la Blache en a relevé la première occurrence vers 1170 dans le Roman de Rou, où le poète Wace distingue des paysans venus « cil del bocage e cil de plain » [1979 : 325]. Mais le bocage désigne ici un « pays boisé » et la plaine, des « champs ouverts » : c'est la seule acception connue du terme bocage avant le XX siècle7.

34En revanche, les mentions de haies sont nombreuses et recouvrent des réalités variées : haia, sepes, fossatum et plessiacum. Elles ont donné lieu à plusieurs enquêtes lexicographiques. D'après les sources écrites les plus anciennes, les clôtures semblent délimiter essentiellement des ensembles fonciers assez vastes. Ainsi, dans les actes du cartulaire de Redon du IX siècle, les haies ne délimitent les parcelles que sur un côté, parfois deux, mais jamais plus, et ne constituent qu'un élément de délimitation parmi d'autres : on ne peut donc pas parler de bocage car la dominante du paysage reste la champagne [Chédeville et al. 1998 : 36 ; Tanguy 1999 : 27 ; Zadora-Rio 1998 : 674]. La même observation a été faite en Anjou, en Touraine et dans le Bas-Maine, à partir du XI siècle [Pichot 1995 : 112-114, 1998 ; Zadora-Rio 1998 : 674] : les seules parcelles les plus anciennement encloses sont les pièces de vignes, prés et garennes, bref les biens précieux. Au terme de son enquête sur l'Anjou, Élisabeth Zadora-Rio [1998 : 681-682] conclut que les haies marquent avant tout des limites territoriales et juridiques.

  • 8 Dans le Bas-Maine, haia désigne, jusqu'au XII siècle, une forêt étendue et sans doute destinée à la (...)

35Ces enquêtes lexicographiques réinstallent la diversité en révélant la variation du sens des mots8 et les diverses finalités des haies. Comme le souligne l'historienne Annie Antoine, elles montrent que le « bocage médiéval est plus proche du sens ancien du terme, celui de pays boisé [...] beaucoup plus un paysage proche des woodlands anglais, espaces mi-agricoles mi-forestiers, qu'un bocage organisé comme celui que décrivent les géographes contemporains » [2000 : 52].

LES DIFFÉRENTES HYPOTHÈSES DE GENÈSE

36Déjà les érudits du XIX siècle savaient que le bocage n'avait pas toujours existé. Les géographes ont, quant à eux, dès le départ, affirmé qu'il n'était pas originel, du moins pas pour toutes les régions [Antoine 2000 : 47]. Annie Antoine ayant récemment publié une « histoire du bocage » [id.], nous chercherons, dans le cadre de cet article, à comprendre par quels « chemins » celui-ci est devenu, pour les scientifiques, un paysage identitaire du Moyen Âge français.

37Marc Bloch ne date pas la « naissance » du bocage : il part de ce qu'il voit et des commentaires d'Arthur Young au XVIII siècle et « raccroche » le bocage à la période médiévale du fait de la première occurrence du mot dans le vers de Wace au XII siècle. Les éléments chronologiques qu'il mobilise sont extrêmement flous :

Si nous sommes si souvent embarrassés pour expliquer, dans leurs natures diverses, les principaux régimes agraires pratiqués sur nos terroirs, c'est que leurs racines plongent trop loin dans le passé ; de la structure profonde des sociétés qui leur donnèrent naissance, presque tout nous échappe [Bloch 1999a : 53].

38À partir de 1936, dans un article-synthèse sur les paysages agraires, il appelle à la prudence s'agissant de ce problème de datation et met en garde contre « la hantise de la préhistoire ou facteur ethnique » [Bloch 1999b : 524]. En effet, les données concouraient alors à démontrer le caractère récent (surtout à partir du XVI siècle) et disparate de l'embocagement. C'est à ce moment-là qu'il formule la célèbre phrase :

  • 9 Cette phrase n'est pas, comme nous avons pu le lire chez certains auteurs, une citation reprise du (...)

Néolithiques, nos haies, ou celtiques ? À l'expérience, il n'est pas sûr qu'elles se révèlent médiévales9 [id.].

39En installant le bocage à la fin du Moyen Âge, Marc Bloch luttait ainsi contre la thèse ethnique et historiciste qui faisait du bocage une réalité originelle (préhistorique ou celtique).

  • 10 Cf. L. Poirier [1934] ; A. Meynier [1943] ; A.-M. Charaud [1949] ; R. Latouche [1966] ; J.-C. Meure (...)

40Néanmoins de nombreux chercheurs ont postulé une naissance du bocage dès le Moyen Âge, plus précisément entre les XI et XIII siècles, en lien avec les grands défrichements10. Cela s'explique en partie par le fait que Marc Bloch était médiéviste et que sa discipline a joué un rôle important dans l'étude des paysages :

L'apport des médiévistes, en particulier, peut être décisif, car la France n'a pas connu aux temps modernes des bouleversements de ses paysages ruraux comparables à ceux de l'Angleterre ou de la Scandinavie, de sorte que leurs traits essentiels étaient fixés à la fin du Moyen Âge [Juillard et al. 1957 : 8].

41Cette étape repose à son tour sur la conception symétrique d'un haut Moyen Âge sombre parce qu'ayant progressivement laissé se dégrader les paysages romains [Meyer 1972 ; Pitte 2003 ; de Planhol 1988].

  • 11 Cf. L. Chaumeil [1953] ; P. Flatrès [1971] ; A. Fierro-Domenech [1986] ; X. de Planhol [1988] ; J.- (...)
  • 12 Cf. A. Meynier [1943] ; L. Chaumeil [1953] ; P. Flatrès [1971] ; N.-Y. Tonnerre [1994] ; A. Chédevi (...)

42Les hypothèses chronologiques diffèrent, cependant, selon les régions étudiées. Ainsi, la Gâtine poitevine n'a été embocagée qu'à partir de 1450 et, surtout, aux XVI et XVII siècles [Merle 1958], tandis que la Bretagne est réputée posséder le bocage le plus ancien. Le cartulaire de Redon autoriserait une datation du IX siècle11 bien qu'on ait discuté cette idée à perte de vue jusqu'à l'infirmer12.

  • 13 André Fel a distingué les « bocages de champs » et les « bocages de prés ».

43Pierre Flatrès a établi une distinction entre les « bocages occidentaux » du Massif armoricain et de l'ouest des îles Britanniques et les « bocages orientaux » des autres régions. Les premiers sont constitués d'enclos généralement petits et irréguliers, d'un maillage complexe, de talus et d'îlots de champs ouverts (méjous bretons) et correspondent à un « bocage de champs »13. Ils n'ont souvent pris une forme achevée que très tard, parfois au XIX siècle, mais certains de leurs constituants existaient dès le début du Moyen Âge et même de la préhistoire. Le second type de bocage possède des mailles généralement assez grandes et plus régulières et a remplacé des structures agraires antérieures, d'où son caractère récent. Il se rapproche de la catégorie des « bocages de prés », liée à l'expansion de l'élevage, à partir de la fin du Moyen Âge, et au développement d'une économie individuelle et de profit, à partir du XVIII siècle [Flatrès 1976 : 22-28].

44Jean-Marie Palierne, écologue travaillant sur l'ouest de la France, a également proposé une classification des bocages qui recoupe en grande partie la typologie géographique de Pierre Flatrès. Il identifie, en Armorique occidentale et septentrionale, un « bocage organique », délibérément élaboré, qui « constitue comme un organe du paysage, au même titre que les éléments spontanés de la biosphère (sols, végétation naturelle, etc.) à laquelle il s'est remarquablement intégré » [Palierne 1976 : 69]. Il est, en effet, parfaitement adapté à l'hydrographie, la pédologie et la topographie, ce qui lui affecte un rôle déterminant dans le contrôle de l'écoulement de l'eau. Celui-ci se distingue du « bocage mimétique » qui n'en est que l'imitation formelle : il s'est intercalé dans des structures agraires complètement différentes des siennes ou s'est substitué à elles et marque au contraire l'appropriation de terres nouvellement conquises au sein de foyers de dynamisme agricole. Jean-Marie Palierne distingue dans cette catégorie les bocages « primaires », résultant d'une colonisation des landes défrichées, et les bocages « secondaires », conquis sur les anciennes gaigneries (noyaux de champs ouverts) [id.].

45Les archéologues ont repris ces typologies dichotomiques dans des publications importantes, confondant parfois au passage « bocages occidentaux » avec « bocages primaires » et « bocages orientaux » avec « bocages secondaires » [Coudart et Pion eds. 1986 ; Zadora-Rio 1991].

  • 14 Citons le travail d'A. Meynier qui suppose une organisation des traits directeurs du parcellaire br (...)

46En réalité, et toutes les recherches le montrent, les datations sont très ouvertes et, pour la plupart, modernes. Certains auteurs ont mis l'accent sur des datations plus hautes en s'appuyant sur l'idée de l'origine celtique du bocage et sur des données historiques et archéologiques identifiant des haies à la préhistoire14 [Flatrès 1959 ; Meyer 1972] ou à l'Âge du Fer [Duby et Wallon eds. 1975 ; Lebeau 2000 ; Pape 1995 ; de Planhol 1988 ; Trochet 1993]. Pour la Bretagne, le géographe Jean Meyer [1972] a tenté de faire le « tri » dans toutes ces hypothèses : des lambeaux de bocage dès la préhistoire et l'Antiquité ; une première véritable phase liée aux grands défrichements des XI et XII siècles ; ensuite une phase liée à la reconstruction après la guerre de Cent Ans ; enfin la grande vague bocagère du XIX siècle. Les propositions de phasage de la constitution du bocage français reprendront ce canevas, à quelques légères nuances près [Bonnaud 1979 ; Couderc 1990].

47Toutefois ces arguments posent problème car, outre le fait qu'ils s'appuient sur des données anciennes et surinterprétées, ils reposent sur une confusion entre la haie, le talus et le bocage. Or de deux choses l'une : ou bien le mot bocage est historique et il désigne une formation et un régime agraire spécifiques, donc datés (fin du Moyen Âge et période moderne) ; ou bien c'est un terme géographique neutre, synonyme de haie, sans plus, et on peut, en ce cas, l'employer à toute époque mais la question de « la » date de formation n'a alors plus de sens.

48Aujourd'hui, les historiens [Antoine 2000 ; Moriceau 2002 ; Pichot 2000] suggèrent, avec raison, d'insister davantage sur le processus que sur l'objet, sur l'embocagement que sur le bocage. Ils soulignent la variabilité importante de ce phénomène dont découle une ancienneté inégale des réseaux de haies et des « retours » possibles :

La naissance du bocage ne présente pas un caractère soudain mais résulte d'un long mouvement, sans doute discontinu, avec ses hésitations et ses retours en arrière. Reste à se demander pourquoi une sensible accélération du processus de clôture semble pouvoir s'enregistrer à la fin du Moyen Âge et aux temps modernes [Pichot 2000 : 276].

Archéologues et paléoenvironnementalistes

49Alors que tous les éléments semblent réunis pour engager une critique de l'emploi de la notion de bocage, on constate qu'il n'en est pas fait usage. En effet, si archéologues et paléoenvironnementalistes font exploser le cadre académique de l'objet, dans le même temps et paradoxalement ils contribuent à renforcer cet objet.

L'APPORT DES ARCHÉOLOGUES

50Les archéologues mettent au jour des haies, d'autres formes de clôtures et des fossés parcellaires. Ils les organisent en ensembles et tentent d'en restituer la dynamique évolutive.

  • 15 Y. Menez prévient tout de même qu'« il ne s'agit que d'un schéma commode qui ne reflète au mieux qu (...)

51Voici l'exemple de la ferme gauloise de Boisanne, à Plouër-sur-Rance, dans les Côtes-d'Armor, fouillée sous la direction d'Yves Menez [1996]. Les aménagements de ce modeste habitat rural des VI siècle avant J.-C. - III siècle après J.-C. ont été « phasés » en six états successifs15. L'histoire de cet établissement est émaillée de nombreux réaménagements ayant systématiquement épousé les mêmes axes, ce qui démontre qu'au travers des changements substantiels des modelés on assiste à une stabilisation progressive de la forme de l'occupation [ibid. : 50]. Les décalages chronologiques, visibles dans la cartographie de ces transformations, n'empêchent pas une transmission à un autre niveau, qui en limite les effets. Un deuxième enseignement réside dans la variété des modelés utilisés pour matérialiser les limites : huit types ont été définis dont de probables haies (fig. 3 p. 67). Ils ont connu des variations d'emploi dans le temps qui ne respectent pas une progression linéaire et ne peuvent donc pas être classés selon une organisation typochronologique.

52En d'autres lieux, les archéologues mettent en évidence des phases de création et des cas de transmission parcellaire, comme au Teilleul et à Louvaquint, sur la commune de Montours (Ille-et-Vilaine), sites fouillés sous la direction d'Isabelle Catteddu [2001]. Les données archéologiques illustrent les effets de la transmission dynamique dans le parcellaire du haut Moyen Âge, avec la reprise directe de la forme et de l'orientation d'un enclos protohistorique, mais aussi dans le parcellaire visible sur le cadastre napoléonien puisque les fossés anciens et modernes sont isoclines. Ces deux gisements montrent qu'il existe une création parcellaire au haut Moyen Âge, qui permet, ici, la transmission de l'antique dans le moderne.

Fig. 3.. Les différents types de clôtures proposés par les archéologues pour la ferme du Boisanne

Fig. 3.. Les différents types de clôtures proposés par les archéologues pour la ferme du Boisanne

53D'autres archéologues bretons ont un avis différent. Ils ont relevé de nombreux exemples de discordance entre des aménagements anciens repérés par prospection aérienne et photo-interprétation et le dessin parcellaire enregistré sur le cadastre napoléonien. Ils ont établi qu'une des formes les plus fréquentes d'organisation du paysage armoricain est l'association d'un parcellaire fossoyé et d'enclos d'habitat présumés protohistoriques ou antiques. Cette association adopte, le plus souvent, un schéma nucléaire autour de l'habitat, témoignant de l'appropriation de petits terroirs bien individualisés [Gautier 2002 ; Gautier et al. 1996 ; Leroux 1993 ; Leroux et al. 1999 ; Marguerie et al. 2003].

54Ces établissements s'inscrivent en rupture par rapport au dessin parcellaire du cadastre napoléonien auquel ces archéologues réservent l'appellation « bocage ». Ainsi, parmi d'autres exemples, sur la commune de Saint-Brieuc-de-Mauron (Morbihan), au lieu-dit « la Boulais », une vaste ellipse parcellaire a livré en photo-interprétation un aménagement agraire ­ daté par comparaison de l'époque gallo-romaine ­ en totale discordance avec le dessin parcellaire du XIX siècle (fig. 4 p. 69). Il semble donc a priori que les fossés soient antérieurs au parcellaire du cadastre napoléonien et qu'il n'y ait aucune filiation entre l'aménagement agraire et le parcellaire de l'ellipse [Gautier et al. 1996 : 45-46].

55Cette interprétation va à l'encontre de la thèse développée par le géographe André Meynier selon laquelle les ellipses parcellaires (appelées à tort « ellipses bocagères ») seraient des formes agraires de peuplement originel [1945]. Les archéologues indiquent qu'elles peuvent résulter de l'évolution suivante : abandon des terres cultivées, retour aux friches, redéfrichement. Les travaux de Jean-Claude Meuret sur la marche Anjou-Bretagne [1993 : 557, 560, 605] et ceux d'Élisabeth Zadora-Rio sur la commune de Saint-Martin-du-Fouilloux (Maine-et-Loire) [1991 : 180] vont aussi dans le sens de cette réévaluation des ellipses en tant que formes parcellaires essentiellement médiévales. La pertinence de l'analyse régressive pour les périodes prémédiévales s'en trouve limitée.

56Ces résultats conduisent à postuler des ruptures paysagères très fortes entre l'Antiquité et le Moyen Âge qui invalideraient les hypothèses de continuité des formes entre la protohistoire et les « trames bocagères modernes » telles qu'enregistrées sur le cadastre napoléonien [Marguerie et al. 2003 : 118-119]. Néanmoins on persiste à parler de « bocage » alors qu'il n'y a aucun intérêt à mettre sous cette seule appellation l'histoire des discontinuités et des transmissions parcellaires que dessine l'archéologie dans toute sa variété.

L'APPORT DES PALÉOENVIRONNEMENTALISTES

57Les sciences paléoenvironnementales sont particulièrement intéressantes en ce qu'elles étudient le végétal et le minéral au moyen de techniques raffinées et peuvent donc connaître les modelés anciens de limites parcellaires ou de chemins.

58Ainsi, sur le site du Boisanne, la reconstitution d'une végétation sur les talus retrouvés en fouille, tels des arbustes isolés ou des haies plus compactes, n'est fondée sur aucune trace archéologique (des empreintes de racines par

Fig. 4.. Saint-Brieuc-de-Mauron (Morbihan), la Boulais. Discordance entre un aménagement agraire présumé antique, le parcellaire du cadastre napoléonien et une ellipse bocagère

Fig. 4.. Saint-Brieuc-de-Mauron (Morbihan), la Boulais. Discordance entre un aménagement agraire présumé antique, le parcellaire du cadastre napoléonien et une ellipse bocagère
  • 16 La micromorphologie est une science pédosédimentaire récente (fin des années quatre-vingt), qui, gr (...)

exemple) mais s'appuie sur les analyses polliniques et anthracologiques qui rendent cette hypothèse vraisemblable [Menez 1996 : 25, 159]. De son côté, la micromorphologie16 des sols donne lieu à une étude précise de l'environnement pédologique, de l'origine et du mode de construction d'un talus, de la construction, du fonctionnement et de l'utilisation des fossés parcellaires [Gebhardt 1992].

59On ne remontera pas à la méthode de datation des haies par comptage des essences, mise au point par Max Hooper en 1970 et aujourd'hui abandonnée [Delelis-Dusollier 1986 ; Fourteau 1983]. Récemment, les paléoenvironnementalistes de l'ouest de la France ont tenté d'identifier dans leurs données des indices du phénomène d'embocagement. Alors que les palynologues Lionel Visset et Dominique Marguerie écrivaient, en 1997, que « l'embocagement du territoire étudié est à l'heure actuelle une notion qui échappe à la détection du signal pollinique » [1997], en 2003, à propos d'une expansion du chêne en discordance avec les taxons traditionnels du couvert forestier sur les sites archéologiques de Montours et Saint-Germain-en-Coglès, ils avançaient l'hypothèse suivante :

On peut voir là la signature d'une « culture » préférentielle de cette essence (favorisée) et, pourquoi pas, son expansion dans le cadre d'un aménagement de type bocager [Marguerie et al. 2003 : 119].

60Anne Gebhardt, micromorphologue, pense, pour sa part, que sa discipline pourra aider, dans un cadre interdisciplinaire, à « lever le voile sur l'origine et l'évolution du bocage breton » tout en expliquant qu'« aucune donnée climatique, archéologique ou historique n'incite à conclure quant à l'utilisation exacte de ces structures » [2000 : 146]. De même pour l'analyse d'un chemin creux ancien, qui s'avère limitée, malgré l'extrême finesse de l'observation stratigraphique et pédosédimentaire, puisqu'elle ne permet pas de « comprendre précisément les causes de cette suite d'abandons et de réutilisations du chemin creux » [id.].

61Ainsi, comment et pourquoi faire un lien entre ces observations et « le » bocage (au sens d'entité géographique et phénomène historique précis) ? Ce singulier, important à souligner, fait écho à une mise en garde qu'avait déjà formulée le géographe Pierre Bonnaud [1979 : 303] concernant le rapport entre haies et bocage :

On se serait sans doute épargné bien des discussions sans issue sur les « origines du bocage » si on ne les avait pas mélangées avec les origines et les fonctions de la haie et si on avait pris garde que la prodigieuse diversité de celle-ci implique une grande variété de finalités tandis que la plus grande homogénéité que présente le réseau bocager restreint nécessairement les choix explicatifs au rayon déjà plus étroit du contrôle des bestiaux.

62Alors que les paléoenvironnementalistes décrivent plus des « ambiances » végétales que des paysages agraires, au sens géographique, et qu'ils apportent la preuve de la mobilité chronologique des formations végétalo-parcellaires, ils ne remettent pas pour autant en question l'objet scientifique « bocage » en tant que cadre organisateur de leurs travaux et se conforment à cette catégorie pourtant éloignée de leurs démonstrations.

63On débouche là sur une véritable contradiction : les travaux de détail déconstruisent la notion de bocage, mais les archéologues et paléoenvironnementalistes la conservent pour parler du parcellaire et des milieux végétaux. Dans ces conditions on peut considérer que, si l'on continue d'intituler « bocage » l'objet des recherches, c'est que n'existe pas encore l'objet qualifié par lequel on pourrait le remplacer.

LES EXPÉRIMENTATIONS MÉTROLOGIQUES

64Les archéomètres Philippe Lanos et Guy Jumel procèdent, depuis les années quatre-vingt-dix, à une analyse métrologique des paysages armoricains. Ils espèrent pouvoir découvrir des modules originaux organisant les parcellaires grâce à la méthode mathématique du module-quantogramme, laquelle permet de tester, sans a priori historique, sur une série de mesures donnée, l'existence éventuelle d'une unité métrique de base commune [1992 : 121]. La détection d'un module par le quantogramme ne permet cependant pas de dire si la régularité observée est intentionnelle (arpentage avec une métrique normative) ou non (rythme avant tout environnemental et lié au travail humain du sol) [ibid. : 122].

65S'ils pensent tenir là une méthode « objective » d'analyse des organisations paysagères, ils rappellent néanmoins que cette technique n'est pas « magique » et « ne vaut que par la signification historique des données testées » [id.]. Ils invitent donc à la prudence, ce protocole ne devant intervenir que dans la phase finale de l'étude, après l'analyse et la critique des données archéologiques et historiques. Cela nécessite, selon eux, de distinguer, dans le paysage, les différentes périodes pour les étudier séparément [id.].

66Leur démarche est inventive et intéressante parce qu'elle ouvre la voie à un autre point de vue que celui de la géographie historique. En particulier la question de la modélisation des valeurs moyennes d'une forme non intentionnelle constitue le n ud de l'affaire. Les régularités, surtout non intentionnelles, permettent d'échapper aux interprétations historicistes qui rattachent systématiquement toute forme à un chronotype. C'est par la connaissance de ces régularités d'un autre ordre qu'on atteindra les processus de transmission et de transformation des formes. Mais ces chercheurs réinsèrent leurs observations dans les aires culturelles conventionnelles, et leur étude des « régularités bocagères » [Lanos et Jumel 1991] entérine une confusion entre forme en plan et modelé puisque c'est le parcellaire qu'ils étudient et non l'habillage bocager. La connaissance n'est donc indépendante ni des anciennes chronotypologies ni des objets scientifiques académiques.

Ces bocages qui cachent les formes

67Les archéologues et palynologues Pierre-Roland Giot, Michaël Batt et Marie-Thérèse Morzadec écrivaient déjà en 1982 :

Les perspectives intéressantes de l'archéologie du paysage en Bretagne ne sont pas liées au bocage mais bien à la recherche des données sur les paysages antiques et anciens, les zones de champs ouverts et les quelques talus anciens (ou talus maîtres) [Giot et al. 1982 : 5].

68Reconnaître que le plus gros du paysage bocager n'est, en définitive, pas aussi ancien qu'on se l'imaginait volontiers, c'est constater son intérêt plus secondaire pour l'archéologie du paysage. À ce point de vue, nous aurions peut-être mieux fait de dénommer notre opération « archéologie du paysage armoricain » sans faire allusion au bocage [ibid. : 29].

BOCAGES ET PARCELLAIRES

69La question doit être posée simplement : est-ce parce que le bocage est un enjeu contemporain fort et qu'il peut très légitimement devenir « une clé de la gestion des territoires ruraux pour leur développement futur » [Marguerie et al. 2003 : 130] qu'il doit, pour autant, continuer à être l'unique dénomination qui recouvre l'histoire passée des paysages de l'Ouest ? C'est, par conséquent, le rôle social actuel du bocage qui conduit les chercheurs à le « durcir » bien que cet objet s'affaiblisse dans leurs travaux.

70On posera le premier attendu suivant : le bocage est un modelé, et l'histoire de la formation du dessin parcellaire n'est pas « réductible » à celle du modelé bocager. André Meynier écrivait à ce propos :

Il [le bocage] meurt ; mais le dessin cadastral ne change pas ; les champs gardent leur forme trapue, l'habitat reste dispersé [1943 : 163].

71À la lumière des données archéologiques et archéogéographiques récentes, ces observations permettent de nuancer les discordances relevées par les archéologues aériens bretons entre les formes antiques et les « trames bocagères modernes ». Il ne s'agit pas de les nier [Marguerie et al. 2003 : 121] mais d'introduire une discussion sur les échelles et le vocabulaire utilisés. On ne gagne rien à appeler « bocage » le dessin parcellaire du cadastre napoléonien car cela revient à signifier que ce dessin aurait été formé de haies et de talus depuis très longtemps, voire dès l'origine. C'est la confusion que commet l'historien Louis Pape lorsqu'il étudie, dans la région de Guingamp-Saint-Brieuc, les relations entre les lignes maîtresses du bocage et le réseau routier gallo-romain [1976 et 1995]. Il arrive à la conclusion que les grandes orientations du parcellaire et du bocage existent avant le IV siècle et souligne, non sans ambiguïté, toute l'importance de l'héritage gaulois.

72Deuxième attendu : l'habitat et le parcellaire sont deux niveaux distincts répondant chacun à une logique propre. Ainsi, les données de la prospection des habitats n'apportent que peu de chose à la connaissance des parcellaires et, d'une discordance entre un habitat antique et le parcellaire du cadastre napoléonien on ne doit pas tirer l'idée d'une totale rupture entre les périodes antique et moderne. C'est ce qu'indique la fouille de Montours où l'habitat altomédiéval est disposé à l'intérieur des champs sans tenir compte de leur logique d'orientation [Lavigne 2003 : 150].

73Troisième attendu : il faut travailler à toutes les échelles. Le développement de l'archéologie a entraîné un resserrement de la focale, du fait de son échelle spécifique et de ses objets d'investigation traditionnels, qui encourage davantage au relevé des discordances qu'à celui des concordances alors même que ces dernières sont aussi fréquentes [ibid. : 138]. Or l'analyse morphologique est fondée sur la nécessité de faire jouer les échelles spatiales et temporelles dans l'étude des réseaux de formes car leur dynamique évolutive repose sur une relation complexe entre les différents niveaux.

UNE VIGOUREUSE CRÉATION PAYSAGÈRE DEPUIS 3 000 ANS

74En faisant jouer ces échelles, les recherches d'archéogéographie ont suggéré un mode de structuration des réseaux de formes en systèmes ouverts auto-organisés dans la durée, c'est-à-dire sans action sociale volontaire, planifiée et datée [Marchand 2000 ; Robert 2003]. On pourra, par exemple, lire avec intérêt ce que Cédric Lavigne a écrit au sujet de la trame auto-organisée du Baugeois, dans une précédente livraison d'Études rurales [2003 : 153-158]. On y apprend que les discordances bretonnes ne valent pas pour toutes les régions bocagères et que rien ne permettait d'identifier, dans la trame parcellaire auto-organisée, un « bocage » si ce n'est un modelé observé sur les cartes modernes et les images aériennes contemporaines [Chouquer 2003].

75Le travail réalisé par Maurice Gautier [1996] sur Mauron-Yvel dans le Morbihan nous donne l'occasion d'analyser des discordances ou concordances au niveau des grandes formes du paysage, c'est-à-dire à petite échelle (fig. 5 p. 74). Le fond de carte est constitué du relevé du cadastre napoléonien. L'archéologue y a repéré des voies antiques et des fossés rectilignes associés (marrons et rouges) qui représentent plus des lignes directrices du parcellaire que le parcellaire lui-même. À celles-ci sont associés des enclos d'habitats antiques, en conformité ou en discordance par rapport au réseau (l'habitat situé le plus au nord est recoupé par un fossé). Le dessin du parcellaire enregistré par le cadastre napoléonien est organisé sur une trame quadrillée « souple » (en vert foncé et vert clair sur la figure), d'orientation assez constante sur toute la surface étudiée, et associée à quelques « exceptions » morphologiques (en orange). On note une nette influence de l'antique (marron) sur le moderne en zones 1 et 3, et une zone 2 de discordance à peu près complète entre les formes antiques et les formes modernes. Mais c'est le parcellaire antique qui change d'orientation par rapport à la zone 1 tandis que le parcellaire moderne conserve pratiquement la même orientation. Ainsi, alors qu'il y a nette discordance, il est possible de dire que la zone 2 (héritée) est isocline au parcellaire antique des zones voisines (1 et 3), en quelque sorte par leur intermédiaire. Nous avons là un très bel exemple d'auto-organisation des formes qui se fait par « transformission », c'est-à-dire à la fois par transformation (d'autant plus nette qu'il y a discordance locale en zone 2) et par transmission (visible cette fois à l'échelle plus globale de tout l'interfluve étudié, et pas de la seule zone 2).

76Bien entendu, la transmission des formes à moyenne ou petite échelle n'empêche pas qu'à très grande échelle, celle du plan des habitats de l'Âge du Fer, on enregistre des discordances locales. C'est, en effet, dans l'étude et

Fig. 5.. Analyse du parcellaire de la vallée de l'Yvel (Morbihan)

Fig. 5.. Analyse du parcellaire de la vallée de l'Yvel (Morbihan)

l'approfondissement des combinatoires locales que la question d'une transmission ou d'une rupture entre les formes anciennes et les formes récentes doit être appréciée. Il ne s'agit pas de défendre l'idée d'un fixisme des formes et d'une pérennisation ne varietur [Lavigne 2003 : 181].

77Ainsi, lorsqu'on change d'échelle, on trouve des concordances, et ce même dans des régions « bocagères ». Il est donc probable que cette région va se rapprocher d'un modèle observé ailleurs, celui d'une forte création parcellaire antique, au sens large (protohistoire et Antiquité romaine), suivie d'une longue phase de résilience des formes, avec une transformation et une transmission variables et des changements de modelés dont le dernier en date est l'intense embocagement qui marque surtout l'époque moderne et contemporaine.

Pour une réévaluation des objets d'histoire agraire en lieu et place du bocage

78Dans le « bocage » des chercheurs se cachent en fait trois objets différents.

79Le premier est une formation hybride faite d'habitats, de parcellaire, de modelés (talus, fossés) et de végétal, d'apparition tardomédiévale et moderne et transformée en type agraire historique par Marc Bloch et Roger Dion. C'est ce type agraire que les médiévistes ont retenu dans leur exploitation de la dualité fondamentale des paysages du nord de la France et qui se mettrait en place très progressivement à partir du XI siècle et, surtout, au bas Moyen Âge.

80Le deuxième objet est une représentation spéculaire de l'histoire du paysage et des formes dans la longue durée, qui consiste, pour des raisons identitaires, sociales et historiques complexes, à qualifier uniformément de bocage tout le paysage passé. C'est, par exemple, le bocage aux racines celtiques des ethnologues et archéologues de jadis. C'est aussi ce qui explique qu'une recherche contemporaine sur le parcellaire ou le paysage doive encore présenter l'intitulé « bocage » pour être recevable.

  • 17 Comme le rappelle J. Baudry, en 2003 [Baudry et Jouin eds. 2003], puis dans sa communication au col (...)

81Enfin, et ce sont les véritables objets historiques à faire surgir : un ensemble de formes (le parcellaire) et d'habillages (modelé : talus, fossé, végétal) dont les dynamiques ne sont pas linéaires ni rigoureusement parallèles. Il y a un objet « viaire et parcellaire », un objet « habitat », un objet « modelé bocager ». Chacun a sa dynamique, avec des interactions, qui ne se résume pas à une histoire synchrone et identique. Le modelé bocager est un processus historique instable dans la durée17, avec des avancées et des reculs (depuis la protohistoire), des phases fortes et des rémissions, qui fait que l'embocagement pourrait être ancien mais non spécifique de périodes ou régions particulières. C'est pourquoi il faut distinguer entre, d'une part, le modelé paysager à base de haies en tant que processus de long terme et, d'autre part, ce qu'il est devenu à l'époque moderne lorsqu'il a pris l'aspect identitaire qu'on lui connaît. C'est à cet état ultime qu'il est préférable de réserver le terme de bocage. C'est cette forme « lourde » qui a conduit à une surdétermination de l'objet et à une illusion rétrospective. L'invention d'une représentation bocagère surdéterminée a créé une réalité scientifique obèse parce qu'elle vaut pour toute l'histoire du paysage de l'ouest de la France.

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Notes

1 La proposition de Marc Bloch d'entendre par bocage également les enclos de pierres sèches n'a pas fait fortune chez les géographes.

2 La typologie de départ s'est nuancée et s'est vu attribuer des sous-types selon la nature de la clôture : la fréquence des clôtures (« vrais » bocages ou « semi-bocages ») ; le dessin parcellaire ; l'allure des chemins (creux ou non) ; les types d'habitat et les différents degrés de la dispersion de l'habitat ; l'existence d'éventuelles enclaves de champs ouverts avec habitat groupé et soumis à des contraintes communautaires (méjous en Bretagne) ; l'extension de la zone cultivée (infield) par rapport aux landes et forêts (outfield). Cf. E. Juillard et al. [1957 : 61-67], P. Flatrès [1976], R. Lebeau [2000 : 61-66], J.-P. Diry [2004 : 142].

3 En particulier, le géographe-historien R. Dion [1991] ne retient que deux grandes civilisations : celle des champs ouverts (nord et est de la France) et celle des champs enclos (ouest, centre et sud de la France), reprenant ainsi strictement ce qu'avait observé, à la fin du XVIII siècle, Arthur Young. Il y ajoute cependant de nombreuses particularités régionales et diverses « anomalies » qui nuancent la bipartition de ce tableau.

4 Signalons la position de J. Meyer [1972 : 456] qui fait remonter l'habitat dispersé à l'Âge du Fer et à la période gallo-romaine en s'appuyant sur quelques données archéologiques et sur la lecture de la Guerre des Gaules de César.

5 R. Latouche insiste également sur le rôle déterminant de l'absence d'un régime domanial fortement organisé à l'époque gallo-romaine [1966 : 131].

6 D. Pichot distingue deux ensembles : les regroupements secondaires (hameaux et villages) et les habitats isolés (les exploitations agricoles, les résidences de potentes, les habitats temporaires et les habitats à vocation religieuse). Ce sont les exploitations agricoles (métairies et borderies), disposées en semis plus ou moins dense sur le finage, qui constituent la très grande majorité des habitats [1999 : 73-79].

7 Notons qu'aujourd'hui le terme est pratiquement absent du langage des agriculteurs en Bretagne et Champsaur pour qui il désigne un « petit bois » (sens « archaïque » du mot) et un mode de valorisation agricole (élevage en herbage sur terres humides et/ou mauvaises) [Baudry et Jouin eds. 2003 : 45].

8 Dans le Bas-Maine, haia désigne, jusqu'au XII siècle, une forêt étendue et sans doute destinée à la chasse ainsi que, peut-être déjà, une bande forestière limitrophe qui peut éventuellement être construite. Puis, au XIII siècle, le mot prend son sens actuel et recoupe le sens du mot sepes. Le plessiacum paraît réservé à la clôture soignée qui entoure les bâtiments. Et le terme le plus fréquent, fossatum, désigne le fossé et son talus portant la haie végétale [Pichot 1995 : 112-114, 1998].

9 Cette phrase n'est pas, comme nous avons pu le lire chez certains auteurs, une citation reprise du géographe Louis Poirier (alias Julien Gracq).

10 Cf. L. Poirier [1934] ; A. Meynier [1943] ; A.-M. Charaud [1949] ; R. Latouche [1966] ; J.-C. Meuret [1993] ; D. Pichot [1995 et 1998].

11 Cf. L. Chaumeil [1953] ; P. Flatrès [1971] ; A. Fierro-Domenech [1986] ; X. de Planhol [1988] ; J.-R. Trochet [1993] ; J.-R. Pitte [2003].

12 Cf. A. Meynier [1943] ; L. Chaumeil [1953] ; P. Flatrès [1971] ; N.-Y. Tonnerre [1994] ; A. Chédeville et al. [1998] ; B. Tanguy [1999] ; D. Pichot [2000] et A. Antoine [2000].

13 André Fel a distingué les « bocages de champs » et les « bocages de prés ».

14 Citons le travail d'A. Meynier qui suppose une organisation des traits directeurs du parcellaire breton en fonction d'alignements mégalithiques [1966].

15 Y. Menez prévient tout de même qu'« il ne s'agit que d'un schéma commode qui ne reflète au mieux que quelques instants de la longue histoire qu'a connue le site. La mise en place ou la modification des clôtures les plus imposantes ou les plus étendues ne se sont pas faites en un jour mais se sont étalées sur un laps de temps que la fouille est impuissante à restituer » [1996 : 49].

16 La micromorphologie est une science pédosédimentaire récente (fin des années quatre-vingt), qui, grâce à l'observation microscopique des sols à partir de lames minces taillées dans des sédiments meubles non perturbés, permet la reconnaissance des héritages sédimentaires et des transformations pédologiques. Elle livre une chronologie des événements pédosédimentaires fossiles liés ou non à l'activité anthropique ancienne et fournit des informations sur la vie rurale (types d'occupation des sols, techniques de travail, effets de l'occupation humaine sur le milieu, etc.) [Gebhardt 2000 : 140-141].

17 Comme le rappelle J. Baudry, en 2003 [Baudry et Jouin eds. 2003], puis dans sa communication au colloque « Bocages et sociétés », en 2004, les haies sont des éléments du paysage très communs et très diversifiés dans leurs structures, leurs origines, leur répartition et leurs fonctions. Mais leur présence n'induit pas l'existence d'un bocage. C'est pourquoi on peut tout à fait reconnaître la présence de haies dès la préhistoire ou la protohistoire sans pour autant devoir dater les douteuses origines d'un bocage.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1.. La représentation traditionnelle de l'openfield et du bocage
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Titre Fig. 2.. Le récit traditionnel de la genèse du bocage
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Titre Fig. 3.. Les différents types de clôtures proposés par les archéologues pour la ferme du Boisanne
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Fichier image/jpeg, 212k
Titre Fig. 4.. Saint-Brieuc-de-Mauron (Morbihan), la Boulais. Discordance entre un aménagement agraire présumé antique, le parcellaire du cadastre napoléonien et une ellipse bocagère
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/docannexe/image/8169/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 248k
Titre Fig. 5.. Analyse du parcellaire de la vallée de l'Yvel (Morbihan)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/docannexe/image/8169/img-5.jpg
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Pour citer cet article

Référence papier

Magali Watteaux, « Sous le bocage, le parcellaire... »Études rurales, 175-176 | 2005, 53-80.

Référence électronique

Magali Watteaux, « Sous le bocage, le parcellaire... »Études rurales [En ligne], 175-176 | 2005, mis en ligne le 01 janvier 2005, consulté le 24 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/8169 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesrurales.8169

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Magali Watteaux

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