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Rêves d’acclimatation

Laurent Brassart et Laurent Herment
p. 8-23

Texte intégral

  • 1 Sur le voyage des plantes, voir J. E. Mendes Ferrão [2015 : 261-270] et sur la question de l’intro (...)

1Les plantes et les animaux n’ont pas attendu l’action anthropique pour se disséminer : le vent, les flots des rivières, les vagues océaniques ou la quête alimentaire les y ont largement aidés. On a pu ainsi affirmer, sans preuves concluantes cependant, que les noix de coco portées par des courants océaniques avaient atteint les Amériques depuis les îles du Pacifique. Plus vraisemblablement, le cocotier originaire de Polynésie ou d’Asie du Sud-Est fut apporté par les commerçants asiatiques et arabes du viiie au xe siècle sur le pourtour de l’océan Indien. Les Ibériques l’introduisirent à leur tour, à partir du xvisiècle, en Afrique de l’Ouest et en Amérique tropicale1.

Pâturages à Tinguá, quartier de Nova Iguaçu (État de Rio de Janeiro, Brésil), février 2024.

Pâturages à Tinguá, quartier de Nova Iguaçu (État de Rio de Janeiro, Brésil), février 2024.

Ce cliché montre au premier plan que la mata atlantica (forêt tropicale) a été détruite et, au second, la réserve biologique de Tinguá. Photo : A. R. de Jésus Araujo Alves.

  • 2 Quant aux populations natives, elles ont souvent été éliminées, parfois asservies. Certains groupe (...)
  • 3 Le terme « échange colombien » ou « post colombien » fait référence aux transferts intercontinenta (...)
  • 4 Voir L. A. Siqueira et al., A introdução do coqueiro no Brasil. Importância histórica e agronômica(...)
  • 5 Voir le dossier élaboré par P. Gerbaud sur la culture de la noix de coco, dans la revue éditée par (...)

2La photographie bucolique qui ouvre cette introduction constitue une parfaite illustration de cette transformation des milieux. Au-delà de la zone d’élevage, on devine l’orée de la réserve biologique de Tinguá (environ 26 000 hectares), située dans la lointaine banlieue nord-ouest de Rio de Janeiro, où la forêt primaire (mata atlantica) est préservée. Elle n’a pas fait place à l’élevage bovin, aux plantations de canne, de manioc, de café, ou encore aux orangeraies, contrairement à ce qu’il s’est passé dans de nombreuses régions du sud-est du Brésil2. Cette photographie d’un paysage champêtre carioca évoque aussi la naturalisation et l’acclimatation réussie de deux initiatives anthropiques de l’échange colombien [Crosby 1972]3, celle du grand cocotier, bien sûr, mais aussi celle des bovins. Ces deux initiatives furent réalisées pourtant suivant deux directions divergentes : l’introduction du cocotier se fait de colonie à colonie et celle des bovins de métropole à colonie. Le cocotier aurait été introduit en 1533 sous forme de graines en provenance du Sri Lanka et d’Inde sur le littoral bahianais par les Portugais4. Très rapidement, il s’impose auprès des communautés coloniales et esclaves du littoral nordestin comme « l’arbre aux cent usages ou l’arbre de la vie », tant pour ses vertus alimentaires (sa noix), artisanales (bois et palmes) que pour ses usages religieux et mercantiles (vente du coprah, de l’huile et de son eau)5. Quant aux bovins, eux aussi résultent d’une introduction par les colons portugais au Brésil dès 1530 dans une double stratégie de développement des cultures d’escale et d’appropriation des terres nouvellement découvertes [Deffontaines 1957]. Mais il n’échappera pas à l’observateur que les deux vaches représentées ne sauraient ressembler aux vaches ibériques du xvie siècle. Il s’agit peut-être de la race laitière la plus répandue actuellement au Brésil, la Girolando, une race métisse créée au xxe siècle à partir du croisement de l’excellente laitière d’Europe du Nord, la Prim’Holstein et de la Gyr, une zébuine d’origine indienne appréciée en milieu tropical pour sa rusticité. Les exemples de la vache et du cocotier brésiliens suggèrent qu’à la différence de la dissémination naturelle, dont le point de départ peut avoir une origine anthropique comme dans le cas du cocotier (on parle alors de naturalisation), l’acclimatation, elle, résulte d’un processus scientifique, agronomique et vétérinaire, qui dépasse la seule transplantation d’une espèce d’un milieu à un autre.

3L’acclimatation d’une espèce, pour que sa réussite advienne, mobilise en conséquence une multiplicité d’artefacts. Ce fait scientifique explique que le régime de l’acclimatation se soit constitué plus tardivement que celui de l’introduction d’espèces (ou « naturalisation » pour reprendre le terme en vigueur à l’époque moderne), sans pour autant se substituer définitivement à lui. Effectivement, la « naturalisation », pratiquée depuis l’Antiquité, consiste à « faire entrer une espèce dans un lieu où elle n’existait pas à l’état sauvage ou domestique » [Luglia 2015 : 61], autrement dit à la faire passer de son milieu d’origine à un autre, lequel partagerait grosso modo des caractéristiques bio-climatiques plus ou moins similaires. Il en fut ainsi des orangers d’origine chinoise, qui gagnèrent au début de l’ère chrétienne la péninsule indienne, et dont les Romains réussirent à se procurer le fruit mais pas les plants. Les Arabes en introduisirent la culture dans leurs territoires méditerranéens, avant que sous l’effet conjugué des Croisades et de la Reconquista, les chrétiens latins ne se l’approprient à leur tour [Corvol 2005 : 35-37]. C’est à ce modèle que se conforme la diffusion pantropicale du cocotier.

  • 6 Voir l’excellente présentation synthétique de la destruction de la mata atlantica dans la région d (...)

4L’échange colombien accélère le rythme des entreprises intercontinentales d’introduction des espèces. D’une part, les colons se livrent sur leurs terres de conquête à des entreprises de bioprospecting mêlant explorations botaniques et zoologiques, opération d’identification des propriétés des espèces découvertes, commercialisation certaine et acclimatation possible [Schienbinger 2004]. De l’autre, ils y introduisent aussi des espèces nouvelles, originaires d’autres milieux tropicaux, notamment celles à forte valeur ajoutée commerciale, ou européennes pour reconstituer un environnement propice à l’installation définitive des colons. Dans certains cas, ces deux logiques complémentaires, parce qu’elles ont définitivement bouleversé les écosystèmes des terres de conquêtes, sont à l’origine de véritables écocides en particulier dans les îles caribéennes [Grove 1996, 2013]. Le cas de l’or blanc des xviie-xviiie siècles, la canne à sucre – passée par l’intermédiaire des Ibériques de l’Asie aux îles de l’Afrique occidentale (fin du xve s.) et de là au Brésil (xvie s.), puis aux Caraïbes (xvii s.) – est emblématique d’une culture à forte valeur ajoutée, reposant sur l’économie de plantation esclavagiste, provoquant déboisement et appauvrissement des sols des territoires partout où les Européens l’ont introduite. À l’arrière-plan de la photo, on aperçoit l’orée de la réserve biologique de Tinguà, qui permet de mesurer l’ampleur de ce phénomène de transformation des milieux dans la région de Rio6.

5Néanmoins, l’échange colombien s’est heurté parfois à l’obstacle de l’acclimatation, conçue comme un processus agronomique et vétérinaire qui permet d’accoutumer et de faire se reproduire une espèce dans un milieu bio-climatique différent de son milieu originel. En ce sens, l’acclimatation était bel et bien « le processus par lequel un opérateur social parvenait à modifier les propriétés naturelles d’un être vivant » [Spary 2000 : 151] pour qu’il puisse croître et se développer dans un autre milieu. C’est ce phénomène qu’illustre l’acclimatation des bovins dans les zones tropicales d’Amérique latine. Même si le concept d’acclimatation fut forgé tardivement, en 1832 par le naturaliste et zoologue Etienne Geoffroy Saint-Hilaire [Luglia op. cit.], sa pratique s’affirme tout au long du siècle des Lumières pour connaître son apogée au xixe siècle. L’essor des sciences naturalistes dès la fin du xviie siècle, la multiplication des voyages d’observation et de collecte des espèces, l’inventaire descriptif du monde qui en résulte, et l’impérieuse nécessité intellectuelle de l’ordonner par la construction des méthodes de classement taxonomique au xviiie siècle produisent une véritable réflexivité sur l’acclimatation des espèces [Bourguet 1997 ; Bourguet et Licoppe 1997 ; Revue française d’histoire d’outre-mer 1999 ; Lacour 2014 ; Pépy 2015 ; Bertrand 2019]. La réflexion sur l’acclimatation acquiert une telle importance dans l’agronomie en voie de constitution à la fin du xviiie siècle que les institutions scientifiques britanniques en viennent à douter du caractère autochtone du blé en Angleterre et donc de la viabilité de sa culture face à la recrudescence des maladies qui le frappent [Lidwell-Durmin 2022].

6Ses implications politiques – de la régénération de la nature à celle de l’homme – nourrissent une utopie forgée par Buffon et ses disciples que portera la génération des révolutionnaires français [Spary op. cit.]. La rivalité coloniale et diplomatique des puissances européennes, en premier lieu la Grande-Bretagne et la France, contribue à penser l’acclimatation comme une stratégie de développement à la croisée des sciences et de l’économie. Rien qu’à l’échelle du royaume de France, deux courants économistes, particulièrement actifs dans la seconde moitié du xviiie siècle, la « science du commerce » à laquelle Buffon contribue et, plus encore, la « physique oeconomique » d’inspiration linnéenne, forgent des modes de construction des savoirs originaux et érigent l’acclimatation des espèces en un programme économique en mesure d’apporter des solutions aux besoins énergétiques et alimentaires croissants des humains, tout en garantissant l’équilibre du vivant [Orain 2023]. Agir sur le climat autorise la transformation radicale des environnements en faveur de l’acclimatation. Au Canada, déboiser reviendrait à réchauffer le climat pour y développer la céréaliculture européenne. Dans les îles de l’océan Indien (Mascareignes et Seychelles), au second xviiie siècle, au moment où s’élabore une pensée nouvelle de la conservation, reboiser pour adoucir les conditions climatiques faciliterait la promotion des cultures vivrières et la construction navale [Quenet et Synowiecki 2020 ; Fressoz et Locher 2022].

7La perspective d’enrichir la biosphère nationale, et donc de parvenir à une autosuffisance en ressources naturelles, incite les États européens, dans une logique mercantiliste, à se doter progressivement d’une politique publique de captation des espèces, d’appropriation des savoirs les concernant et à supporter financièrement des dispositifs d’acclimatation. Encore faut-il préciser que les usages de l’acclimatation et ceux de la naturalisation peuvent obéir à des logiques et à des objectifs différenciés voire complémentaires. Il en va ainsi des arbres de l’Amérique septentrionale, d’abord prisés par l’aristocratie des Lumières pour des raisons esthétiques et paysagères avant de l’être par l’État français tour à tour royal, révolutionnaire et impérial pour répondre à des besoins économiques (production de bois de marine notamment) avant qu’ils ne soient dédiés à l’aménagement du territoire [Brassart et Pépy 2022]. Une véritable « machine coloniale » structurée en réseaux, entre métropole et colonies, mobilisant institutions savantes et corps économiques, est actionnée au sein du premier Empire colonial français de la fin du xviie siècle à la perte de Saint-Domingue en 1804, pour conduire ces entreprises de « bioprospection », identification, transport et acclimatation des espèces [Osborne 1994 ; MacClellan et Regourd 2011]. Les Provinces-Unies et l’Empire britannique, bien que selon des modalités différentes, ont rapidement emboîté le pas à l’expérience française [Drayton 2000].

Des dispositifs cognitifs, commerciaux, techniques et logistiques

8D’abord des dispositifs cognitifs : il convient de connaître les espèces et plus encore leurs usages, ce qui justifie une appropriation des savoirs et savoir-faire préexistants mais amène aussi à mobiliser des populations locales en vue de la co-production de nouvelles connaissances qui n’est que rarement à parts égales [Boumediene 2016]. La logique étatique et scientifique n’est pas absente des processus d’acclimatation comme en atteste la constitution d’un réseau de jardins botaniques coloniaux du xviiie au xixe siècle [Blais et Markovits 2019]. La plupart de ces jardins relève en effet d’un réseau hiérarchique dont le centre est une institution métropolitaine : le Jardin du roi devenu en 1793 Jardin des plantes du Muséum d’histoire naturelle à Paris pour l’empire français ou Kew Gardens au sud-ouest de Londres pour le britannique. Dans le même temps, ces jardins fonctionnent comme des entreprises privées et, à ce titre, ils sont soumis à un impératif de rentabilité, ils privilégient toujours dans leurs dispositifs cognitifs et expérimentaux les plantes considérées comme les plus utiles économiquement au développement agricole de la colonie et de la métropole. Cette dualité entre science et commerce fait que ces jardins botaniques coloniaux se transforment souvent en stations d’acclimatation, soit « des lieux de transition d’un milieu à un autre, pour donner aux plantes et aux animaux le temps de s’adapter, plutôt que d’accomplir un transfert brutal qui pourrait leur être fatal » [Blais 2023 : 244-245]. Cette modélisation des jardins coloniaux comme intermédiaires dans les processus de naturalisation/acclimatation dans une dynamique croisée entre colonies et métropoles s’élabore dès la fin du xviiie siècle, bien que son véritable essor ne commence réellement qu’au milieu du siècle suivant [Brockway 1979 ; Spary op. cit. :151-153 ; Bellego 2021].

9Ces institutions scientifiques ne sont pas les seules à seconder le programme économique et scientifique de l’acclimatation entre les colonies et leur métropole. Les entreprises de commerce privé, en particulier les grainetiers et pépiniéristes, contribuent activement aux transferts des espèces végétales à l’échelle transnationale, tant auprès des particuliers que des institutions botaniques, se jouant des rivalités diplomatiques au nom de l’expertise scientifique, de la culture de l’échange policé et de la contribution au bien public [Easterby-Smith 2017]. Des associations spécialisées, animées par la volonté de « rendre les tropiques plus européens, et l’Europe plus exotique », selon la formule d’Hélène Blais [op. cit. : 253], sont fondées et adoptent souvent le nom de sociétés d’acclimatation dans la seconde moitié du xixe siècle [Osborne 1994 ; Luglia op . cit.]. Si la Société parisienne ouverte en 1854 à l’instigation de zoologues et botanistes du Muséum national d’Histoire naturelle, avec le soutien des milieux coloniaux, peut être considérée comme la pionnière, son modèle n’en essaima pas moins dans les autres métropoles des empires coloniaux européens.

  • 7 Sur les médiateurs, voir le livre co-dirigé par S. Schaffer [2009] et sur les biota barons, voir P (...)

10À l’entrecroisement des sphères du commerce et de la science, des lobbys coloniaux et des intérêts de l’État, interviennent dès le xviiie siècle des médiateurs personnels de l’acclimatation, dont la figure la plus haute sera celle des biota barons souvent des directeurs de jardins botaniques coloniaux qui, investis de leur légitimité officielle d’expert, accèdent à la célébrité autant comme producteurs de savoirs sur l’acclimatation que comme prescripteurs botanistes auprès des propriétaires privés et des institutions publiques7. Si les naturalistes André Thouin (1747-1824) et Joseph Banks (1743-1820), le premier chargé du cours de culture et d’acclimatation au Jardin des plantes du Muséum à Paris, le second directeur des jardins de Kew à partir de 1777, peuvent être tenus pour des précurseurs du biota baron à la fin du xviiie siècle, son archétype le plus abouti s’incarne incontestablement en la personne de Ferdinand Von Mueller (1825-1896), le directeur du jardin d’acclimatation de Melbourne, auteur à succès de plusieurs manuels d’acclimatation de plantes et grand promoteur du transfert intercontinental de plusieurs espèces dont l’eucalyptus et le mimosa [Blais op. cit. : 258-264]. Bien que moindre notoriété, Maxime Cornu (1843-1901), titulaire de la chaire de culture au Muséum peut être tenu pour le principal biota baron de l’Empire français à la fin du xixe siècle par les jardins botaniques coloniaux, la formation agronomique et botanique d’un personnel dédié et les circuits de distribution des semences qu’il organisa inlassablement [Bonneuil et Kleiche 1993 : 25-28].

  • 8 Voir aussi la synthèse de S. Boumediene [2023].

11Cependant, aucune circulation d’espèces à acclimater ne serait opérante sans une mobilisation conséquente de dispositifs logistiques et techniques. On connaît les difficultés du transport des plantes comme des animaux au temps de la marine à voile, et des concurrences qui en résultaient avec les équipages pour le partage des ressources à bord, à commencer par l’eau. Mais c’était sans compter sur les agressions de l’iode, des oscillations, des attaques des nuisibles et des variations climatiques. Progressivement, toute une réflexion et une suite d’améliorations techniques relèvent les défis posés par le transport et le conditionnement sécurisé des espèces : des instructions officielles rédigées par des scientifiques sont données aux capitaines des navires dès le xviiie siècle, des itinéraires et des saisons de navigation privilégiées, et les caisses de transport améliorées [Allain 2000 ; Romieux 2004]8. La caisse de Ward, mise au point en 1829 en Angleterre, marque incontestablement un tournant : en se présentant sous la forme d’une serre transportable, elle permet aux espèces tropicales de traverser les mers et les océans sans s’altérer [Nelson 2018]. Une fois arrivées à destination, surtout en climat tempéré, certaines espèces végétales tropicales bénéficient d’une culture en serre, un artefact qui apparaît d’abord dans les jardins royaux du xviie siècle pour conserver les agrumes, et qui connaît un développement majeur à partir des années 1820 lorsque les techniques architecturales du verre et de l’acier sont pleinement maîtrisées [Allain 2023]. Ces grandes serres du xixe siècle traduisent incontestablement un progrès technique majeur dans les arts de l’acclimatation, tant les orangeries et autres serres chauffées du xviiie siècle se caractérisaient par « un imparfait biopouvoir » [Synowiecki 2022 : 304]. En effet, ces dernières ne permettaient pas la maîtrise anthropique des proxys (température, humidité de l’air…). En outre, les interactions souvent nocives que les plantes entretenaient avec les combustibles et la difficile stabilisation de la circulation de l’air en leur espace ont souvent nui à la réussite des processus d’acclimatation.

12Mais l’acclimatation s’est aussi heurtée à un obstacle encore plus déterminant : le changement d’échelle du jardin botanique expérimental à l’agriculture. Christophe Bonneuil et Mina Kleiche [op. cit.] ont mis en évidence combien l’expérience de la création d’une vingtaine de stations expérimentales françaises en Algérie pour transformer la nouvelle colonie entre 1830 et 1860 en un nouveau Saint-Domingue s’était soldée par une faillite retentissante. De multiples plantes tropicales ont été acclimatées dans les jardins coloniaux d’Algérie : certaines comme l’eucalyptus australien ou le tabac américain furent des succès, mais pour beaucoup d’autres dont le cacao, le café, la vanille, l’indigo, le processus échoua. Échec agronomique de l’acclimatation dans les jardins, en dépit des soins botaniques prodigués mais surtout échec de nature économique : une acclimatation réussie au jardin botanique n’était pas forcément gage d’adoption en agriculture. Les colons, par manque de capitaux et de connaissances techniques adéquates se montrent réticents à tenter une aventure agronomique dont les conséquences économiques peuvent s’avérer désastreuses pour le maintien de leur exploitation [Bonneuil et Kleiche op. cit. : 17-20]. À la fin des années 1860, le programme et le concept d’acclimatation, du moins son interprétation française néo-lamarkienne, sont ouvertement contestés, y compris par des savants français, qui les avaient pourtant soutenus. Un débat s’élève entre la conception française de l’acclimatation, résolument en crise, et celle britannique, qui bénéficie alors d’une audience internationale croissante [Osborne 2000].

13Caractérisée par la pensée transformiste de Lamarck et l’environnementalisme d’Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, l’approche française affirme que l’adaptation physiologique d’un être vivant à un nouveau climat peut être réalisée grâce à l’action anthropique et beaucoup de patience. La conception britannique, plus minimaliste, aux prodromes plus fixistes et à l’approche plus pragmatique, préconise in fine davantage la naturalisation et la transplantation des espèces dans des milieux bio-climatiques similaires. Il s’ensuit au sein des élites scientifiques et politiques de la France impériale une violente remise en cause paradigmatique et pratique de l’économie politique de l’acclimatation. Ainsi, au tournant du xxe siècle, le colonisateur cherche davantage à maîtriser le milieu des colonies plutôt qu’à le transformer. Il ne s’agit plus d’importer les pratiques agricoles européennes, encore moins d’acclimater les espèces en particulier celles extraites de milieux bio-climatiques trop différents, mais, au contraire, de mettre en valeur les potentialités agricoles des territoires afin d’affranchir la métropole de toute dépendance commerciale aux puissances étrangères. L’acclimatation redevient la transplantation et la naturalisation d’espèces issues de milieux plus ou moins analogues. Ainsi l’hévéa brésilien, indispensable à la production de caoutchouc, est-il dérobé par les Britanniques pour être cultivé dans de grandes plantations équatoriales en Malaisie. Il le sera bientôt en Indochine française. La culture du quinquina passe, dès 1880, des pays andins aux Indes néerlandaises puis britanniques avant que les Français ne l’implantent à leur tour en Indochine et que les États-Unis, après la Première Guerre mondiale, ne maîtrisent la production andine [Fredj 2019]. Dans ce nouveau modèle qui émerge au début du xxe siècle, le jardin d’essai colonial « a pour mission d’ouvrir la voie au planteur […] ; il est chargé de l’essai des plantes introduites et locales, de la détermination des meilleures méthodes de culture, afin d’appuyer techniquement les colons et les sociétés agricoles » [Bonneuil et Kleiche op. cit. : 32].

14L’acclimatation, dans son acceptation maximaliste, française en particulier, qui consiste à adapter des espèces animales et végétales à des milieux totalement différents de leur milieu d’origine, fut donc en grande partie un rêve agronomique inabouti. Ni les espèces des climats tempérés européens ne réussirent à s’acclimater durablement dans les milieux tropicaux des colonies – à commencer par les céréales panifiables –, ni la culture des espèces tropicales ne s’est épanouie en Europe. La réussite tapageuse de l’acclimatation de la canne à sucre de l’Europe du Sud aux tropiques brésiliens, caribéennes et états-uniennes, du chocolat, du café, de l’hévéa ou de l’ananas, d’un espace tropical à un autre, d’un Empire colonial à un autre, l’extraordinaire fortune de la tomate, de la pomme de terre et plus récemment celle du maïs, et dernièrement celle du quinoa en Europe du Nord, occulte nombre d’échecs qui doivent nous inciter à reconsidérer une histoire longtemps téléologique et linéaire de l’acclimatation.

Causes et faillites du projet d’acclimatation

  • 9 À l’exception de la contribution d’Hélène Blais que nous remercions, les textes réunis dans ce dos (...)

15L’originalité de ce dossier9 réside dans la volonté de mieux comprendre les causes des échecs et des faillites du projet d’acclimatation. La première d’entre elles est évidente, presque trop. Les rêves d’acclimatation, en particulier dans leurs déclinaisons françaises, se sont souvent heurtés à des contraintes bio-climatiques insurpassables. Or la biologie n’est que l’un des éléments qui permet de comprendre les espérances que font naître les projets d’acclimatation, leur échec, bien souvent, et parfois leur réussite. Le projet d’acclimatation est une aventure humaine totale : scientifique, sociale, démographique et économique. Il se déploie dans des contextes politiques très variés : les colonies (de peuplement ou non), les métropoles et, comme l’indique le texte de Martino Lorenzo Fagnani dans ce dossier, dans des États européens n’ayant pas de colonies. Depuis trente ans, l’historiographie a fait d’immenses progrès dans la compréhension de la dimension scientifique de ces processus. Elle a aussi démontré que des enjeux économiques étaient à l’origine du projet d’acclimatation et de son échec aussi puisque les temporalités de l’accumulation ne sauraient se confondre pleinement avec celles de l’acclimatation. C’est particulièrement net dans les espaces coloniaux, comme le montre la contribution d’Hélène Blais. C’est vrai aussi des tentatives menées avec des espèces exotiques dans les espaces européens comme l’illustrent, à travers l’exemple de l’arachide et du coton, les textes de Martino Lorenzo Fagnani et de Laurent Brassart.

16Mais la science et les considérations économiques n’expliquent pas tout. S’il est incontestable que les colonies tropicales espagnoles et portugaises de l’époque moderne sont, comme les autres, des espaces économiques où la recherche du profit et la mise en valeur des territoires au bénéfice des métropoles sont incontournables, l’enjeu de l’acclimatation des plantes européennes peut aussi avoir un caractère culturel comme le soulignent Jéronimo Bermudez et Antoine Duranton. Il s’agit, en quelque sorte, de recréer un semblant de métropole au sein des colonies. Et cela passe souvent par l’alimentation et plus particulièrement le blé, si important pour les élites européennes.

17Pour notre part, nous croyons que pour rendre compte pleinement de la complexité des processus d’acclimatation il faut s’extraire des réseaux savants et sortir du jardin botanique pour prendre la clé des champs, à l’exemple des acteurs dont nous entretiennent les contributeurs du dossier. Les quatre articles montrent l’importance et la complexité des enjeux liés à la réussite et, bien souvent, à l’échec des tentatives d’acclimatation. Celui de Jéronimo Bermudez et d’Antoine Duranton, qui porte sur la culture du blé dans la Nouvelle Espagne (Mexique) du xvie siècle démontre que l’ensemble de la société coloniale est travaillé par cette entreprise. Il ne s’agit pas simplement d’importer une plante, il s’agit d’importer des savoirs et des savoir-faire, donc des populations susceptibles de cultiver le blé, depuis les semailles jusqu’à la moisson. Acclimater c’est transposer dans des espaces lointains et mal connus un ensemble de gestes, de techniques, d’artefacts et d’animaux de traits. Acclimater c’est aussi assurer la mobilisation de la main-d’œuvre. Dans la phase de moisson du blé, l’apport de la force de travail amérindienne est, en effet, indispensable, le colonisateur ne peut pas compter que sur la sienne. Ainsi le corps social de la colonie dans son entièreté, depuis les plus hautes autorités de la Vice-royauté qui rêvent de vivre et manger à l’européenne, jusqu’aux paysans espagnols venus s’installer en Nouvelle Espagne en passant par les populations autochtones, contraintes de travailler à la moisson, est enrôlé dans ce qui sera finalement un échec. Toutes les classes sociales de la colonie sont mobilisées dans un processus au sein duquel les rapports coloniaux et les discriminations qui les caractérisent sont rejoués et brouillés.

  • 10 Le terme « indigène » n’a ici aucune connotation péjorative et/ou coloniale. En histoire rurale, e (...)

18C’est d’un autre échec en situation colonial que nous entretient Hélène Blais. Dans l’Algérie de la seconde moitié du xixe siècle, le projet d’acclimatation de races de mouton plus « productives » en laine et en viande et la transformation des pratiques d’élevage participent au projet global d’appropriation des espaces au profit des colons et de la métropole, ainsi qu’au contrôle de populations nomades considérées comme forces improductives à sédentariser. L’amélioration des races, la substitution progressive des races ovines locales par des races jugées plus productives, la race mérinos en particulier, n’est pas une nouveauté. Elle est pratiquée depuis plus d’un siècle en Europe et a été menée à bien en Australie et en Afrique du Sud. Au-delà de l’amélioration du cheptel, qui répond à la soif de profit des colons, c’est bien la maîtrise de l’espace et le contrôle des populations qui se trouvent au cœur de ce projet mené par les autorités coloniales durant près de cinquante ans. Les raisons de son échec sont multiples. Certes, les hivers trop froids et les étés trop chauds expliquent la décimation des premiers moutons européens, mais le mode d’élevage intensif promu par les Européens, qui tournent le dos aux pratiques de transhumance des populations « indigènes », est aussi mis en cause. Une telle approche suppose alors de produire sur des superficies très limitées des quantités de fourrages complémentaires indispensables. Elle entraîne, dans le même temps, des risques accrus d’épidémie liés à la concentration du cheptel. Au terme d’un demi-siècle d’essais et d’erreurs, le projet dans sa version initiale est abandonné. Hélène Blais montre que c’est moins l’échec de l’acclimatation d’un type particulier de moutons, que celui de l’acclimatation d’un type spécifique d’élevage non seulement inadapté au milieu mais incompatible avec les équilibres que la transhumance des moutons indigènes10 permettait de préserver. À tel point qu’à la fin du siècle, certains acteurs de la colonisation le reconnaissent à demi-mot.

19Les contributions de Laurent Brassart et Martino Lorenzo Fagnani nous transportent sur la rive nord de la Méditerranée. Durant le Premier Empire, la perte des colonies et les blocus (anglais et continental) provoquent une pénurie de produits exotiques plus ou moins vitaux pour l’économie française dont le coton, matière première de l’industrie textile, la plus dynamique du pays. Laurent Brassart examine les tentatives pour acclimater le coton dans le sud de la France durant le Premier Empire. Il démontre que l’échec de l’acclimatation du cotonnier n’est pas l’échec d’un projet agronomique. Après une courte période d’errance, due en particulier à la nécessaire construction d’un savoir agronomique sur l’acclimatation de cet arbuste, au manque de semences et à la recherche des variétés les mieux adaptées, quelques agriculteurs locaux, capitalisant sur l’expertise de réfugiés maltais, peuvent en envisager la culture. Mais la perspective de la chute de l’Empire sonne le glas du coton français. L’échec de cette tentative d’acclimatation s’explique, finalement, par l’incapacité de l’agriculture française, et plus généralement européenne, à lutter contre la concurrence d’une économie de plantation esclavagiste qui se renforce outre-Atlantique. Finalement, le plus frappant dans cette tentative d’acclimatation, est la rapidité avec laquelle le politique, sous l’effet de l’urgence économique, peut, dans certaines circonstances, passer outre les longues procédures de laboratoire pilotées par les scientifiques.

20La contribution de Martino Lorenzo Fagnani rend compte, elle aussi, de l’importance des variables économiques et politiques dans les processus d’acclimatation. Le cas italien est intéressant à plus d’un titre. En effet, la Péninsule de l’époque moderne et du premier xixe siècle est divisée en de nombreux États, dont aucun ne contrôle des territoires tropicaux. Néanmoins, la conductivité des réseaux savants européens permet à leurs homologues italiens de mener très tôt des expérimentations avec l’arachide. Les premières ont lieu au xviiie siècle et les dernières dans la seconde moitié du suivant, au moment de l’unité italienne. Ainsi en de multiples lieux et à différentes époques, des agronomes et des propriétaires férus d’agronomie ont tenté de cultiver des arachides. Cet acharnement assez déroutant ne s’explique que si l’on se souvient que ces projets ne sont pas des chimères agronomiques et que la cacahuète et son huile peuvent avoir des usages très variés : substitut de l’huile d’olive (dans le nord de la péninsule) ou du cacao durant l’Empire, combustible pour l’industrie ou l’éclairage et alimentation pour les animaux d’élevage.

21Dans tous les cas, les tentatives d’acclimatation analysées par les auteurs échouent. Or, ce n’est pas l’impossibilité d’acclimater l’arachide dans les États italiens, le mérinos dans l’Algérie coloniale, le blé en Nouvelle Espagne au xvie siècle ou le coton en Provence qu’il faut mettre en cause. Il ne s’agit en aucun cas de folies. Pourtant, ces expériences échouent. Dans le cas de l’arachide, la plante est cultivée avec un certain succès même si les rendements sont rarement pleinement satisfaisants. Ce sont les goûts des consommateurs et l’économie de la filière oléicole qui sont en cause : substitut médiocrement apprécié de l’huile d’olive, ersatz assez peu convaincant du cacao, l’arachide ne parvient pas à s’imposer. Enfin, dès le milieu du xixe siècle, les oléagineux en provenance des pays tropicaux (dont l’arachide qui vient du Sénégal, d’Inde et d’Argentine) gagnent peu à peu le marché européen avant d’écraser totalement la production oléagineuse européenne à la veille de la Grande Guerre. Seul l’olivier survivra à cette déferlante.

  • 11 Dans son poème, To a mouse, publié en 1785 en écossais, Robert Burns (1759-1796), écrit que « Les (...)

22Les exemples de l’arachide, du coton, du mérinos et du blé, évoqués dans ce dossier, démontrent que la mobilisation de la main-d’œuvre et, en situation coloniale, le contrôle des populations sont au cœur des processus d’acclimatation dès que l’objet à acclimater sort des jardins botaniques ou des fermes modèles. Il s’agit dès lors de mettre en valeur des territoires et des capitaux dans le cadre de relations de domination toujours spécifiques, parfois très violentes, pouvant chasser les habitants de leurs territoires tout en s’appuyant sur eux pour les mettre en valeur ! En Europe, en France et en Italie par exemple, les populations locales sont aussi confrontées, bon gré mal gré, à l’arrivée de nouvelles plantes. S’il n’y a pas d’expulsion, l’acclimatation suppose là encore une mobilisation de la main-d’œuvre et des terres, un bouleversement des pratiques agraires, selon des schémas nouveaux. En Algérie, comme en Nouvelle Espagne, en France ou en Italie, les processus d’acclimatation se heurtent non seulement à la spécificité des climats mais également aux contraintes économiques et démographiques liées à la mise en valeur du milieu, ainsi qu’aux résistances multiformes des populations. Pour paraphraser le poète écossais Robert Burns11, les rêves d’acclimatation les mieux conçus ont souvent tourné de travers.

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Notes

1 Sur le voyage des plantes, voir J. E. Mendes Ferrão [2015 : 261-270] et sur la question de l’introduction du cocotier aux Amériques Y. Péhaut [2000].

2 Quant aux populations natives, elles ont souvent été éliminées, parfois asservies. Certains groupes ont toutefois pu revendiquer des droits sur la terre, toujours âprement contestés par les colonisateurs. Voir, par exemple, pour une région relativement proche de Tinguá, M. Machado [2012].

3 Le terme « échange colombien » ou « post colombien » fait référence aux transferts intercontinentaux d’organismes vivants (plantes, animaux, micro-organismes), intentionnels ou non-intentionnels, qui eurent lieu après que les Européens avaient abordé les différentes parties des Amériques.

4 Voir L. A. Siqueira et al., A introdução do coqueiro no Brasil. Importância histórica e agronômica, Documentos 47, 2002, Embrapa Tabuleiros Costeiros, Aracaju, cité dans L. Vieira Cavalcante, La restructuration de la production de noix de coco au Brésil : enjeux et défis. Le cas des nouvelles dynamiques socio-spatiales du périmètre irrigué Curu-Paraipaba, mémoire de master 2 en géographie, 2014, Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne, Paris, p. 21.

5 Voir le dossier élaboré par P. Gerbaud sur la culture de la noix de coco, dans la revue éditée par la Cirad, FruiTrop, no 193, 2011, p. 41-44.

6 Voir l’excellente présentation synthétique de la destruction de la mata atlantica dans la région de Sao Paulo, destruction similaire à celle intervenue dans la région de Rio de Janeiro, dans l’ouvrage co-écrit par F. Bray [2023 : 174-178].

7 Sur les médiateurs, voir le livre co-dirigé par S. Schaffer [2009] et sur les biota barons, voir P. Star [2011].

8 Voir aussi la synthèse de S. Boumediene [2023].

9 À l’exception de la contribution d’Hélène Blais que nous remercions, les textes réunis dans ce dossier ont été présentés lors la session The technical and intellectual challenges of the acclimatisation of plant and animal species during the Colombian exchange (16th-20th centuries) du congrès 2023 de l’European rural history organisation (Cluj, Roumanie, 11-14 septembres). La tenue de cette session a été rendue possible grâce au soutien de l’International research networks CoVar (Coping with variety), coordonné par N. Mignemi.

10 Le terme « indigène » n’a ici aucune connotation péjorative et/ou coloniale. En histoire rurale, et pour les contemporains du xixe et des débuts du xxe siècle, les productions indigènes, les plantes et les espèces indigènes désignent les espèces, les plantes et les productions locales. De ce point de vue, le mérinos français est « indigène » en France et « exotique » en Algérie, au même titre que les races ovines algériennes sont « indigènes » en Algérie et « exotiques » en France.

11 Dans son poème, To a mouse, publié en 1785 en écossais, Robert Burns (1759-1796), écrit que « Les plans les mieux conçus des souris et des hommes se perdent souvent dans la nature » (« The best-laid schemes o'Mice an' Men Gang aft agley » [<https://www.scottishpoetrylibrary.org.uk/poem/mouse/>], « The best-laid schemes of mice and men Go oft awry » en anglais).

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Table des illustrations

Titre Pâturages à Tinguá, quartier de Nova Iguaçu (État de Rio de Janeiro, Brésil), février 2024.
Crédits Ce cliché montre au premier plan que la mata atlantica (forêt tropicale) a été détruite et, au second, la réserve biologique de Tinguá. Photo : A. R. de Jésus Araujo Alves.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/docannexe/image/33246/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 820k
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Pour citer cet article

Référence papier

Laurent Brassart et Laurent Herment, « Rêves d’acclimatation »Études rurales, 213 | 2024, 8-23.

Référence électronique

Laurent Brassart et Laurent Herment, « Rêves d’acclimatation »Études rurales [En ligne], 213 | 2024, mis en ligne le 01 juillet 2024, consulté le 12 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/33246 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/127dh

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Auteurs

Laurent Brassart

historien, maître de conférences, université de Lille, Institut de recherches historiques du Septentrion (UMR 8529), Villeneuve-d’Ascq

Articles du même auteur

  • L’acclimatation du coton dans les départements méridionaux en France (1807-1814) 
    Agronomic success and economic failure: the acclimatisation of cotton in France’s southern departments (1807–1814)
    Paru dans Études rurales, 213 | 2024

Laurent Herment

historien, directeur de recherche, CNRS, Centre de recherches historiques (UMR 8558), Paris

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