Nous sommes en juillet 2016, dans le Chaco argentin, région où je mène une enquête sur les conflits fonciers en cours, qui consiste à arpenter les terrains en dispute avec les acteurs locaux. Pendant que nous longeons une clôture, Arturo, qui m’accompagne pour l’occasion, me dit : « As-tu remarqué ce fil ? Il est très résistant. Il était installé sur le bas-côté du chemin de fer, mais depuis que le train ne roule plus les gens s’en sont servi ». Je marque le point avec le GPS et, sans plus d’explications, nous continuons de marcher. Quelques semaines plus tard, lors d’une réunion pour faire l’état des avancées de la régularisation foncière dans la région, le ton monte et Carlos, un voisin, s’exclame : « Ce terrain est à moi ! C’est moi qui l’ai clôturé. Allez-y et vous verrez vous-mêmes que le fil est encore tendu ! ». Ce fil de fer, dont Arturo avait souligné la qualité quelques jours auparavant et que nous avions évité d’enjamber, faisait pour Carlos office de titre de propriété.
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