Navigation – Plan du site

AccueilNuméros211Comptes rendusBruno Villalba, L’écologie politi...

Comptes rendus

Bruno Villalba, L’écologie politique en France

Anne Both
p. 178-180
Référence(s) :

Bruno Villalba, L’écologie politique en France, Paris, La Découverte (« Repères. Science politique droit »), 2022, 128 p.

Texte intégral

1Cinquième grande doctrine sur la modernité – après le libéralisme, l’anarchisme, le communisme et le socialisme – l’écologie politique se distingue, notamment, par son incapacité à fédérer largement les électeurs et à s’imposer dans un contexte où pourtant la survie de la Planète et, accessoirement, de la vie n’ont jamais été si menacées. C’est ce paradoxe qu’entend expliquer ce petit livre de Bruno Villalba, professeur de science politique à AgroParisTech et ancien rédacteur en chef de la présente revue. Son ouvrage, consacré au cas français et organisé en six chapitres, n’est pas un manuel, contrairement à ce que pourrait laisser penser la collection dans laquelle il est publié.

2Dans le premier, l’auteur souligne la difficulté à laquelle est confrontée l’écologie politique en l’absence d’héritage théorique ou symbolique. En effet, il n’y a pas « de figures emblématiques incontestables – pas de Jean Jaurès ou de Charles de Gaulle » (p. 9), vers qui se tourner ni de soutiens d’intellectuels contemporains. Alors, il reste le « bricolage théorique », un agencement parfois contradictoire d’influences scientifiques, libertaires, naturalistes ou de critiques techniciennes. À cette pensée fragmentée s’ajoute d’autres difficultés (ch. 2), dont le fait que l’écologie politique « essaye […] d’échapper à la division classique adversaire/ennemi, au nom d’un même destin commun » (p. 23). Disciples des Lumières, les écologistes n’ont, par principe, pas d’ennemis de classe, partant du postulat que l’autre est perfectible. Par ailleurs, Bruno Villalba nous rappelle que « toute construction partisane nécessite de bâtir un monopole de la représentation du message politique qu’on défend » (p. 23). Or, celui des écologistes, inconstant, peinerait à exister et à répondre aux attaques des concurrents.

3L’histoire de l’écologie politique, retracée dans le chapitre 3, montre comment les hésitations et l’inexpérience de ses membres ont façonné cette formation. Créé en 1980, le Mouvement d’écologie politique est le premier à revendiquer le statut de parti, après des années de militantisme associatif. Il sera suivi par les Verts, quatre ans plus tard. À partir de 1984, les écologistes, quels qu’ils soient sont contraints de s’affranchir du fameux « ni-ni » (ni de droite, ni de gauche), s’ils veulent participer au jeu électoral. Ce « pragmatisme (1993-2002) » (p. 42) se concrétisera, par exemple, par un alignement à gauche avec l’entrée de Dominique Voynet, au gouvernement Jospin en 1997 après la dissolution de l’Assemblée nationale. S’en suit la période que l’auteur qualifie de « transformation chaotique (2003-2012) » (p. 45), pendant laquelle les Verts se rapprochent d’Europe Écologie. Enfin, les « instabilités politiques (2012-2021) » (p. 47) marquent la dernière décennie, caractérisée par de nombreux départs du parti (Noël Mamère, Daniel Cohn-Bendit…) et des démissions de postes ministériels (Cécile Duflot, Pascal Canfin, Nicolas Hulot…).

4Le chapitre 4 (« Construire la politique autrement ») aborde la singularité des partis écologistes, lesquels entendent mettre en place un leadership collectif, une rotation des responsabilités et une parité hommes/femmes. Autant de principes qui rompent avec l’organisation de leurs concurrents. Par ailleurs, le principe en vigueur d’iségorie, qui octroie « la capacité de chacun à prendre la parole dans une assemblée et à peser sur la décision » favorise la dilution des avis et les hésitations stratégiques.

5Il en résulte des « fluctuations électorales » (ch. 5) avec des phases d’échecs (2 % aux élections présidentielles de 2012) et d’autres de relatifs succès (16,28 % aux élections européennes de 2009). Il faut dire, comme le rappelle très justement B.  Villalba, que les écologistes « testent toutes les stratégies électorales, de la participation systématique au boycott […], de l’autonomie à l’union, de la concurrence à l’alliance » (p. 73) et que leurs résultats sont marqués par une immense instabilité.

6Dans son dernier chapitre, l’auteur s’interroge sur les perspectives de l’écologie politique dans une période « historique planétaire inédite – celle de l’Anthropocène » où les contre-propositions se sont multipliées : collapsologie, décroissance, écoféminisme, animalisme, désobéissance civile et autre postcolonialisme… Il montre bien qu’on assiste à une dilution de la contestation dans une kyrielle de mouvements ou d’associations, qui font obstacle à une potentielle unité électorale. L’auteur note, d’ailleurs, que les partis écologistes qui s’en sortent le mieux à l’échelle européenne sont ceux qui ont rejoint une coalition gouvernementale avec des socio-démocrates.

7Si les prédictions catastrophistes des pionniers, comme René Dumont au début des années 1970, semblaient à l’époque très éloignées de la population, il en va tout autrement aujourd’hui avec le changement climatique (méga feux, inondations, canicules…) observable par chaque citoyen français. Pourtant, l’électorat écologiste (plus urbain, plus diplômé, plus libéral au niveau des mœurs, antiraciste) peine à imposer son choix.

8Les difficultés que rencontre l’écologie politique ne tiennent-elles pas finalement à la nature même de ses valeurs et de son modèle organisation ? Dans quelle mesure son projet n’est-il pas incompatible avec l’exercice du pouvoir en France ? Trivialement dit, peut-on administrer un pays comme on administre une coopérative ? Le « gouverner autrement » est-il réellement adapté aux institutions et au centralisme français ? L’écologie politique relève-t-elle de l’utopie ? Ce petit livre de 128 pages, dense et précis, dresse un panorama presque exhaustif de l’écologie politique en France, mais le lecteur aurait probablement apprécié avoir un éclairage sur ces questions.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Anne Both, « Bruno Villalba, L’écologie politique en France »Études rurales, 211 | 2023, 178-180.

Référence électronique

Anne Both, « Bruno Villalba, L’écologie politique en France »Études rurales [En ligne], 211 | 2023, mis en ligne le 01 juillet 2023, consulté le 22 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/31459 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesrurales.31459

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search