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Restaurer le pastoralisme autour des villes

L’exemple de Montpellier Méditerranée Métropole
Reintroducing pastoralism around cities. The example of Montpellier Méditerranée Métropole
Pascale Scheromm, Lucette Laurens, Annabel Rixen et Nabil Amri Hasnaoui
p. 100-119

Résumés

Considéré comme trop peu productif par rapport aux systèmes d’élevage intensifs, le pastoralisme a progressivement été abandonné au cours des dernières décennies, en particulier dans les espaces soumis à de la croissance urbaine. Une réémergence récente y est cependant observée, impulsée notamment par des acteurs publics locaux et des éleveurs. À partir de quelques exemples d’initiatives menées dans la Métropole de Montpellier, nous montrons que la volonté publique de redéployer le pastoralisme dans les aires urbaines dépend du profil des acteurs à l’origine de l’initiative et des évolutions de contexte. Ce redéploiement implique la mise à disposition du foncier, la maîtrise d’une connaissance technique des systèmes pastoraux et une réflexion réunissant les acteurs urbains, de l’environnement et les éleveurs.

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Texte intégral

  • 1 La reterritorialisation de l’agriculture est obtenue par la « reconstruction du lien au territoire (...)
  • 2 Nous utilisons le terme d’« agriculture écologisée » dans le sens des travaux initiés dans les ann (...)

1Depuis les années 2000, les relations entre les villes et l’agriculture située à leur périphérie se sont resserrées. La reterritorialisation1 de l’agriculture et de l’alimentation devient aujourd’hui une priorité pour les collectivités locales. Si dans les années 1950 la campagne est considérée principalement comme un espace de production alimentaire au service de la croissance démographique urbaine, elle devient plus attractive car synonyme de paysage et de nature dans les décennies suivantes [Berger 1989 ; Vanier 2005]. L’émergence du phénomène de périurbanisation met alors sous tension les espaces agricoles à la périphérie des villes, rendant floues, dès les années 1980, les frontières entre rural et urbain. Ville et campagne sont entrées en « transaction » [Vanier op. cit. ; Poulot 2014], avec une porosité entre espaces urbains, périurbains et ruraux, allant de pair avec une atténuation des différences entre les populations qui y résident [Hervieu et Viard 2001 ; Vanier 2008 ; Westlund et Nilsson 2019]. À ce contexte s’ajoutent les crises de sécurité alimentaire s’exprimant à l’échelle mondiale et une recherche de modes de vie plus durables, si bien que l’agriculture et l’alimentation deviennent des enjeux stratégiques dans de plus en plus de politiques urbaines locales [Morgan 2009]. Les initiatives de développement d’agriculture écologisée2 sont de plus en plus nombreuses aux abords et à l’intérieur même des villes [Margetic et al. 2016 ; Scheromm et Laurens 2020]. Des systèmes alimentaires alternatifs locaux se mettent en place avec une diminution des intermédiaires, une plus grande diversité d’acteurs locaux impliqués et de nouvelles relations de la ville à la nature [Vidal et Fleury 2009 ; Ernwein et Tollis 2017]. La préservation des terres agricoles, supports de la revitalisation d’une agriculture multifonctionnelle dans les zones métropolitaines [Mougeot 2006], est reconnue comme un enjeu de développement durable essentiel. Si un grand nombre de travaux se sont concentrés sur la réémergence d'une agriculture maraîchère en lien fonctionnel avec la ville [Aubry et Chiffoleau 2009 ; Scheromm et Soulard  2018 ; Plateau et al. 2019], le pastoralisme comme figure des nouvelles agricultures périurbaines constitue un objet d'études moins étudié. Jean-Daniel Cesaro et Andrea Apolloni [2020] vont même jusqu'à affirmer qu'il y a là un domaine de recherche à explorer tant les agricultures, en particulier professionnelles, sont oubliées dans les stratégies urbaines.

  • 3 Les auteurs tiennent à remercier tout particulièrement Claire Ruault (Groupe d’expérimentation et (...)

2Historiquement présent à proximité des villes mais soumis depuis des dizaines de décennies à des mutations agricoles majeures sous la double influence du phénomène d’urbanisation et de l’évolution des systèmes agricoles, l’élevage pastoral a progressivement décru dès le début du xixe siècle. Il reprend cependant de l'importance dans certains territoires périurbains [Delfosse et al. 2016]. Aujourd’hui, des initiatives d’acteurs publics locaux, comme les municipalités et les collectivités territoriales, lui redonnent une place dans les zones périurbaines [Sonkin et Treakle 2017]. Elles participent à un ré-ancrage de l'activité dans des territoires historiquement marqués par sa présence et à la « diversité des territoires de l'élevage » [Delfosse et Rieutort 2018]. À noter que cet article3 ne porte pas sur l’écopâturage, qui consiste à entretenir des espaces verts et à créer de la nature en ville [Eychenne et al. 2020], mais sur la pratique agricole où les éleveurs visent une production alimentaire dans le cadre d’une activité économique « professionnelle » [Cesaro et Apolloni op. cit.].  

3Ces initiatives de pastoralisme périurbain sont construites autour d’enjeux multiples, alimentaires, environnementaux, territoriaux, différents selon les contextes. À Grenoble, par exemple, l’élevage est associé, pour les acteurs publics, à la préservation du cadre de vie, tandis qu’à Lyon il relève davantage de la « renaturation » de la ville [Delfosse et Baysse-Lainé 2018]. L’enjeu alimentaire n’est donc plus aujourd’hui qu’un enjeu parmi d’autres ; la demande urbaine de renouer avec la nature et de consommer des produits de proximité, la crise environnementale et les nouveaux rapports aux animaux contribuent à renouveler la question de l’intérêt du pastoralisme dans et autour des villes [Delfosse et al. op. cit.]. Certaines caractéristiques de l’espace périurbain comme la présence de friches, l’abandon des exploitations agricoles, les subventions de l'Union européenne dans certains cas, peuvent également jouer en faveur de son redéploiement dans le cadre d'un urbanisme durable [Triboi 2017]. Mais les différents types d’initiatives menées par les acteurs publics locaux et les interactions qu’elles induisent avec les éleveurs restent encore peu documentés dans la littérature académique. Par ailleurs, alors que l’urbanisation fragmente et fragilise l’usage des terres agricoles et pâturables dans les territoires métropolitains [Bacchialoni 2001], on peut se demander dans quelles conditions le pastoralisme peut à nouveau se développer. Dans cet article, nous proposons donc d’explorer à la fois des initiatives d’acteurs publics locaux et des projets d’éleveurs en territoire métropolitain. Comment les préoccupations de ces derniers sont-elles prises en compte dans le cadre des nouvelles dynamiques publiques agricoles et alimentaires locales ? La parole des éleveurs est-elle entendue et des solutions à leurs préoccupations sont-elles proposées ?

  • 4 Voir J.-P. Darré, La recherche coactive de solutions entre agents de développement et agriculteurs(...)

4Le cadre de notre recherche est celui d’un projet de recherche-action initié et porté par les chercheurs de cet article (projet Abeille financé par les fondations de France et Carasso), dont l’objectif est d’étudier et d’accompagner des initiatives agro-écologiques d’acteurs publics locaux. La métropole de Montpellier est un des partenaires de ce projet. Pour la soutenir dans sa dynamique de construction d’un « renouveau du pastoralisme », nous avons adopté une démarche qui visait, d’un côté, à mettre en évidence et analyser les enjeux des initiatives menées par les acteurs publics locaux (dont la métropole elle-même) et, de l’autre, à identifier les logiques de fonctionnement et les préoccupations des éleveurs, ce qui conditionne l’avenir de leur activité. Pour cela, nous avons mené une série d’entretiens auprès d’élus, de techniciens de collectivités locales, d’organismes gestionnaires de l’environnement et d’éleveurs. Notre objectif étant de produire des connaissances utiles à l’action, à savoir aider les acteurs à définir des pistes de travail et à identifier des leviers susceptibles de relancer l’activité pastorale, l’implication directe de ces acteurs dans la réflexion s’avérait essentielle [Bousbaine et Bryant 2016]. Dans cette optique, une première réunion a été organisée avec les éleveurs suite aux entretiens menés avec eux, afin de partager les résultats des enquêtes et de définir collectivement les priorités à traiter. Un forum d’échanges, animé par les chercheurs et réunissant un ensemble d’acteurs concernés par la question du pastoralisme, a ensuite été organisé. Cet espace de réflexion pluri-acteurs a été l’occasion d’engager, à travers des ateliers thématiques préalablement définis avec les éleveurs, une recherche co-active de solutions4 et de dégager ensemble des pistes d’action. Dans cette phase de la recherche, les chercheurs ont joué le rôle d’animateurs et d’observateurs.

Des initiatives pastorales menées par des acteurs publics locaux

  • 5 Voir le document d’orientation et d’objectif, p. 11(<https://www.montpellier3m.fr/scot>).

5L’ambition d’un renouveau du pastoralisme sur le territoire de la Montpellier Méditerranée Métropole est aujourd’hui portée à la fois par des communes, par le conservatoire des espaces naturels du Languedoc-Roussillon (CEN LR) et par la Métropole [Scheromm et al. 2020]. Si la viticulture constitue la principale culture présente dans le périmètre métropolitain, la politique agroécologique et alimentaire élaborée par Montpellier Méditerranée Métropole [Michel et Soulard 2017] a pour ambition de ne pas s’articuler exclusivement autour de cette dernière, mais également autour d’une agriculture nourricière diversifiée où un renouveau pastoral est envisagé. Le Scot (schéma de cohérence territoriale) révisé et approuvé par délibération du Conseil Métropolitain en 2019 précise qu’il est nécessaire de « conforter les outils de production » liés à son activité 5. Les initiatives menées à l’échelle des communes autour de l’agriculture et de l’alimentation sont des projets fondateurs pour le déploiement de cette politique, qui est co-construite avec les élus. C’est une démarche volontaire qui ne répond pas à des obligations réglementaires et qui cible en particulier l’ouest et le nord du territoire.

Figure 1. Initiatives de pastoralisme menées par des acteurs institutionnels locaux dans la Métropole de Montpellier

Figure 1. Initiatives de pastoralisme menées par des acteurs institutionnels locaux dans la Métropole de Montpellier

Carte : P. Scheromm.

6Nous avons mis en évidence plusieurs initiatives menées par des acteurs institutionnels locaux (fig. 1). La plus ancienne initiative publique relative au pastoralisme que nous avons repérée s’intègre dans une action plus large de reconquête agricole (acquisition du domaine dit du Mas Dieu) lancée en 2002 par les quatre communes sur lesquelles est situé le domaine, un collectif constitué d’exploitants agricoles du territoire et le conseil départemental de l’Hérault souhaitant développer un projet de pastoralisme sur 242 hectares qui lui appartiennent. Ce dernier a financé avec une des communes impliquées la construction d’une bergerie. Un éleveur, en activité depuis 1995 sur une partie de ce domaine, s’y est installé en 2004. Outre les terres du département, il utilise à ce jour des terres communales et privées sur et hors du site du Mas Dieu.

  • 6 Cette association œuvre pour l’installation de porteurs de projets agricoles souhaitant ­s’inscrir (...)

7Une autre initiative entièrement pilotée par une municipalité est située à l’ouest du périmètre métropolitain. Cette commune, possédant un mas pourvu d’une grande bergerie et 37 hectares de garrigues, a fait récemment du soutien à l’agriculture un axe fort de sa politique et développé un projet pastoral sur son territoire. Ce projet a été monté en synergie avec le conseil départemental, l’association Terres vivantes6 et le conservatoire des espaces naturels dans le cadre de mesures de compensation environnementale, ce qui a permis d’accroître le périmètre de pâture. Le chevrier – sélectionné en 2017 suite à un appel à projets – dispose d’un troupeau de 70 bêtes et fabrique son propre fromage (fig. 2). Cette initiative a permis la survie de l’activité de cet éleveur, auparavant installé dans une commune voisine mais ne possédant pas une exploitation de taille suffisante. Dans le bâtiment loué à très faible coût par la municipalité, il a installé un laboratoire de transformation du lait et vend aujourd’hui ses fromages et sa viande sur le marché du dimanche et sous forme de colis à commander. Ce type de projet issu d’une forte volonté politique municipale reste cependant rare et la plupart des communes où le pastoralisme est relancé établissent des contrats pluriannuels avec les éleveurs, les accompagnent dans la recherche de terres privées, ou mettent à disposition des hangars ou un logement dans le village. Une commune du nord de la Métropole a, par exemple, récemment permis à un chevrier de s’installer dans ce cadre.

Figure 2. Troupeau pâturant sur la commune de Murviel-lès-Montpellier (2020).

Figure 2. Troupeau pâturant sur la commune de Murviel-lès-Montpellier (2020).

Photo : P. Scheromm.

8Les deux autres initiatives que nous avons répertoriées sur le territoire métropolitain sont pilotées par le CEN LR, qui s’avère être un des principaux acteurs de l’actuel renouveau du pastoralisme dans la Métropole.

9Dans une commune située en bordure littorale et caractérisée par de nombreux étangs, un projet de création d’îlots agricoles animé par le conservatoire et une structure aujourd’hui dissoute intervenant dans la gestion environnementale (le syndicat intercommunal des étangs littoraux) a rassemblé un ensemble de partenaires dont la municipalité.

Nous, on cherche à mettre en place une gestion durable et pérenne, et qui doit aussi être viable. [chargé de mission CEN, 2016]

10Ces îlots, réunissant des parcelles contiguës appartenant à des partenaires publics, ont pour vocation de remédier au morcellement important du foncier. Ils constituent des unités de pâturage cohérentes et fonctionnelles, permettant l’installation d’éleveurs, le contrôle des usages agricoles des sols et la restauration écologique des espaces fragiles que sont les étangs littoraux. En 2016, dix îlots agricoles, regroupant plus de 60 ha, ont ainsi été constitués pour faciliter la restauration écologique de zones humides par le pâturage. Les îlots réunissent des terres publiques appartenant au conservatoire du littoral (60 parcelles) et à la commune (23 parcelles). Ils sont composés de pâtures et de prairies de fauche afin de maximiser l’autonomie fourragère des éleveurs.

  • 7 Le comité de pilotage réunit les chambres d’agriculture départementale et régionale, Terre de lien (...)

11Une autre initiative de même type, réunissant également une commune et le conservatoire, résulte de mesures compensatoires suite à l’extension du réseau régional d’eau brute et au dédoublement d’une autoroute dans l’aire urbaine de Montpellier. Pour répondre à cet objectif, les partenaires ont choisi de s’appuyer sur le pastoralisme, permettant la réouverture des milieux par consommation de la végétation spontanée par les troupeaux. En 2016, la création d’une association foncière agricole (AFA) a agrandi le périmètre de pâturage initial. Pour le chargé de mission du conservatoire, l’AFA représente un outil permettant de concilier des objectifs environnementaux et de production agricole afin de « maintenir les milieux ouverts tout en produisant ». Cette AFA, qui réunit des terres communales et privées localisées sur la commune, mais aussi sur les communes voisines, est une association foncière agricole libre, dont l’adhésion est volontaire et non imposée par l’État. Un comité de pilotage7 a fixé les critères de sélection des porteurs de projets agricoles et évalué les candidatures. La direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, en collaboration avec une association environnementale locale, travaille en dialogue continu avec le conservatoire afin d’assurer le respect des objectifs écologiques dans le cadre de la compensation. Le pastoralisme est pour le conservatoire un outil de restauration et de gestion des milieux sensibles, une agriculture à haute valeur naturelle dont les activités sont compatibles avec le maintien d’habitats et d’espèces d’intérêt patrimonial.

12Les entretiens que nous avons conduits avec les acteurs politiques locaux (maires, chargés de mission de la Métropole) font apparaître une pluralité d’enjeux liés au redéploiement du pastoralisme : préservation de la biodiversité et protection contre les incendies, entretien du paysage, lutte contre les constructions illégales dans les espaces de garrigue, développement d’une agriculture écologisée de proximité produisant des produits de qualité (viande et fromage), revitalisation de paysages à l’abandon, création d’emplois et d’activités, ou encore réhabilitation d’anciens bâtiments agricoles. La Métropole se définit comme un « ensemblier, une coopérative de service permettant de coordonner les actions à l’échelle métropolitaine » (élue Métropole, 2017). S’appuyant sur les premières expériences du conservatoire, elle a récemment engagé une réflexion sur la création d’AFA, afin de constituer des périmètres cohérents pour l’activité agricole ou pastorale par la maîtrise foncière. L’installation d’éleveurs est envisagée dans différents secteurs de garrigue, élément structurant du paysage métropolitain.

13Un ensemble d’acteurs locaux, collectivités locales, organismes gestionnaires de l’environnement, organismes de développement agricole se mobilisent donc pour construire un retour du pastoralisme sur le territoire métropolitain. Les actions restent encore localisées à un petit nombre de municipalités où des élus qu’on peut considérer comme pionniers lui donnent une place centrale dans la gestion de leur territoire. Elles s'étoffent cependant progressivement au gré des opportunités foncières, contribuant à un début d’institutionnalisation de la démarche, sans réflexion réellement intégrée. Parmi les acteurs institutionnels, le CEN LR, participant à la plupart des initiatives, joue un rôle pivot en tant qu’animateur de mesures compensatoires [Mounier et al. 2018 ; Proffit 1999].

Des éleveurs porteurs de projets dans un contexte difficile

14Face aux acteurs publics locaux et à leurs actions en faveur du pastoralisme, des éleveurs développent leur propre projet agricole sur le territoire métropolitain et dans les communes limitrophes. Dans le cadre de notre recherche, nous avons interrogé neuf éleveurs (ovins, caprins viande et caprins lait) afin de mieux comprendre leurs projets et la réalité de leur activité dans ce territoire. L’un d’entre eux a une histoire particulière puisqu’il a quitté le territoire de la Métropole en 2017, se sentant en danger en raison de la proximité d’une zone de chasse. Concernant les autres, cinq sont originaires de la commune où ils sont installés et un est natif du territoire de la Métropole. Seuls, deux éleveurs viennent d’ailleurs. Tous, sauf un, ont des parents ou des grands-parents qui exercent ou ont exercé une profession agricole. Certains peuvent avoir exercé un autre métier avant de s’installer. Ils présentent différents niveaux d’expérience : deux sont en cours d’installation et en reconversion professionnelle, deux sont en activité depuis 5 à 10 ans, quatre depuis plus de 10 ans. La majorité commercialise ses produits en vente directe et/ou en circuits courts, dans sa commune ou dans la métropole. Seul un éleveur écoule toute sa production dans une coopérative spécialisée. Lors de nos entretiens, les éleveurs ont souligné un certain nombre d’avantages liés à leur localisation au sein de la Métropole : proximité du bassin de consommateurs, forte demande pour la viande locale (en particulier pour l’Aïd), convivialité et échanges avec les citadins (qui évite le sentiment d’isolement). Néanmoins, tous ont rencontré des difficultés que ce soit lors de leur installation (voir tableau) ou dans leur activité actuelle.

15Quatre types de préoccupations sont partagés par l’ensemble des éleveurs interviewés.

16Les éleveurs enquêtés expriment leurs difficultés pour accéder à des terres pâturables ou cultivables rares dans un contexte de spéculation et de morcellement.

Il n’y a pas de terre agricole, les propriétaires ne veulent ni vendre, ni prêter, ni louer leurs terrains. J’ai de la garrigue… mais à part ça on n’a rien. [Éleveur, nord de la Métropole, 300 brebis, 700 ha de terres et de garrigues, 2018]

17Ils recherchent une bonne qualité de végétation et une diversité de parcelles (bois, prairies, terres cultivables…) pour assurer une rotation du pâturage et éviter l’épuisement des sols et garantir leur autonomie en fourrages en vue de réduire le coût de l’alimentation de leurs animaux. Pour cela, ils développent des accords souvent oraux avec différents types de propriétaires, voire utilisent des biens sans propriétaire identifié. Ils considèrent que des avancées se sont concrétisées grâce à la mise en place d’AFA, qui formalisent l’engagement de propriétaires publics mais aussi privés.

18Les éleveurs ont besoin de bâtiments agricoles pour développer une activité viable : bergerie de qualité (protégée du vent, avec accès à l’eau et l’électricité), hangars de stockage, locaux de transformation et/ou de vente pour pouvoir faire évoluer leur projet. Ils insistent également sur la nécessité d’avoir un logement sur place ou à proximité de l’exploitation afin de faciliter l’organisation du travail et la surveillance du troupeau.

La première nécessité pour s’installer est une maison et une bergerie, c’est ça le plus lourd. [Éleveur, ouest de la Métropole, 140 brebis, 11 ha de vignes, 2018]

19Les éleveurs mènent leur activité dans des conditions très inégales. Certains ont bénéficié de l’engagement financier et opérationnel de collectivités qui ont acquis ou construit des bergeries, ce qui crée des disparités. Alors que les municipalités limitent souvent fortement la constructibilité en zone agricole et naturelle pour les bâtiments d’exploitation et le logement, certaines ferment les yeux lorsqu’une bergerie est installée dans une zone agricole non constructible, ou autorisent des bâtiments démontables. Les éleveurs sont ainsi très dépendants du contexte local, alors que les coûts d’investissement sont élevés, en particulier pour les nouveaux éleveurs arrivant sur le territoire. Certains, originaires du territoire, s’adaptent en mobilisant les biens familiaux ; d’autres sont moins bien lotis, héritant de biens dégradés, voire de ruines dont ils ne peuvent rien faire légalement.

20Les terres utilisées par les éleveurs sont imbriquées dans des espaces dont les usages sont de plus en plus variés. La détérioration des clôtures est une préoccupation récurrente et l’implication des chasseurs souvent évoquée.

Nous avions demandé au maire pour pouvoir pâturer sur la commune. Les premiers contacts étaient très bons, mais après, pas de nouvelles. J'ai appris par la communauté de communes que le maire avait écouté les chasseurs qui craignaient l’impact des chèvres sur les sangliers même hors saison de chasse. [Éleveur, nord de la Métropole, 100 chèvres, 500 ha, 2018]. 

21La relation des éleveurs à la chasse est ambiguë et varie selon le type de gibier et leur capacité à construire un dialogue constructif avec les associations de chasse. Les éleveurs disent parfois éprouver un sentiment d’insécurité lié à la pratique de la chasse près des exploitations. L’attaque du troupeau par des chiens de chasse ou des conflits entre chiens de chasse et chiens de garde des troupeaux sont également cités. Par ailleurs, les promeneurs peuvent perturber le rythme de travail des éleveurs, qui mentionnent cependant de bonnes relations avec eux. Quant aux activités sportives motorisées (motocross et quads), elles sont jugées très perturbantes pour les troupeaux, de même que les décharges sauvages (piles, pneus, véhicules…), qui présentent un risque pour la sécurité et la santé des animaux. Parallèlement, le voisinage urbain permet à certains éleveurs de développer des activités pédagogiques.

22La prégnance du vol et la difficulté de s’en protéger amènent les éleveurs à vivre et à travailler dans un sentiment d’insécurité. La plupart ont subi des vols d’animaux et/ou de matériel sur l’exploitation, engendrant des pertes économiques importantes. Un des modes de prévention efficaces serait de pouvoir construire un logement sur le site de l’exploitation. Bien qu’ils prennent des mesures pour s’en prévenir (chiens de protection, systèmes de surveillance, nuit en tente sur place…), ils se sentent impuissants face à cette menace et ont le sentiment que leurs problèmes ne sont entendus ni par les élus, ni par la gendarmerie.

Ils sont venus trois fois, je les ai finalement attrapés parce que j’ai mis une alarme dans la bergerie. [Éleveur, nord de la Métropole, 270 brebis, 600 ha, 2018]

23L’ensemble des préoccupations exprimées par les éleveurs révèle la complexité et la difficulté de l’exercice de leur activité en milieu urbain et périurbain, et la pluralité des facteurs à prendre en compte. Ces préoccupations sont d’ailleurs en partie anciennes et proches de celles relatées par Alain Saussol [1970] dans ses travaux sur l’élevage ovin en Languedoc.

Difficultés rencontrées lors d’une trajectoire d’éleveur (synthèse à partir de nos entretiens)

Difficultés rencontrées lors d’une trajectoire d’éleveur (synthèse à partir de nos entretiens)

Entre projets d’acteurs publics et projets d’éleveurs : une gouvernance à inventer

24L'analyse des actions menées par les acteurs publics locaux en faveur de l'élevage pastoral et les réalités exprimées par les éleveurs travaillant sur le territoire de la Métropole montrent que ces deux groupes ne se côtoient que ponctuellement alors qu’ils ne cessent d'affirmer qu'ils attendent beaucoup les uns des autres, voire qu'ils appellent de leurs vœux des collaborations plus poussées. Le constat que les acteurs qui s'emparent du pastoralisme à des fins multifonctionnelles ne connaissent pas toujours les préoccupations des éleveurs qu'ils assignent à un rôle déterminé a déjà été souligné [Eychenne 2018]. L’enjeu d'une véritable gouvernance, au sens d’une coordination entre une diversité d’acteurs rendant possible une action publique efficace [Le Galès 1995] ne peut donc plus être ignoré, même si aucune des parties ne sait très bien comment s’y prendre.

25Le forum pluri-acteurs organisé sur le thème du redéploiement du pastoralisme sur le territoire de la Métropole de Montpellier dans le cadre de notre projet de recherche-action avait pour objectif de saisir les problématiques issues du travail d’enquête auprès des éleveurs pour avancer sur la recherche de pistes de solutions. Une trentaine d’acteurs (techniciens de collectivités territoriales, d’organismes de développement agricole, d’organismes de gestion de l’environnement, éleveurs, enseignants de l’enseignement agricole, chercheurs, acteurs de la commercialisation) y ont participé. Les participants ont été répartis en quatre ateliers correspondant aux problématiques suivantes : foncier, bâti agricole et logement, fréquentation des terres pâturables par différents types d’usagers, transformation et commercialisation des produits de l’élevage. Leur finalité était d’apporter une meilleure connaissance de ce que recouvre concrètement la pratique du pastoralisme sur le territoire de la Métropole, la co-construction de la problématique entre des acteurs aux positions sociales inégales étant le socle d’une recherche-action visant à favoriser les dynamiques de construction et de circulation de savoirs [Darré 1997 ; Ruault et Vitry 2017]. Dans ces ateliers, les préoccupations des éleveurs ont été entendues et reconnues par la diversité des personnes présentes. La démarche a ainsi contribué à montrer la complexité de leur point de vue et leurs contraintes. Les ateliers ont également permis de compléter nos enquêtes précédentes. Bien qu’un certain nombre de pistes aient été émises, de nombreuses questions sont restées sans solution à court terme, laissant apparaître un fort besoin d’innovations (techniques, juridiques, organisationnelles), la nécessité de pérenniser la réflexion collective et de mettre place une coordination entre les acteurs et les structures impliqués.

26Concernant la difficulté d’accès au foncier pâturable et/ou cultivable, les participants sont revenus sur les nombreux facteurs qui contribuent à cette situation : spéculation, morcellement du parcellaire, réticence des propriétaires à louer leurs terres, difficultés d’accès à l’information sur des terres disponibles. Le rôle positif que pourrait jouer l’action publique locale a été souligné : contrats de mise à disposition de terres communales ou appartenant à des collectivités locales, création d’AFA, soutien à la mobilisation du foncier privé, appels à candidatures pour la restauration écologique des milieux ou pour des terres liées à la compensation. La pertinence des appels d’offres et des cahiers des charges mis en place par les acteurs comme le conservatoire des espaces naturels et leur adéquation avec les besoins des éleveurs a été interrogée. Ces appels d’offres sont considérés comme intéressants par les éleveurs dans la mesure où les objectifs fixés par les structures gestionnaires sont progressifs et raisonnables. Développer des complémentarités entre élevage et viticulture/céréaliculture a également été souligné car il permet de développer la polyculture dans le paysage viticole méditerranéen, relançant ainsi les cycles naturels de fertilité [Ryschawy et al. 2017] dans un objectif global d’amélioration de la durabilité de l’agriculture [Franzluebbers et al. 2014 ; Martin et al. 2016].

  • 8 Plan local d’urbanisme, plan local d’urbanisme intercommunal et schéma de cohérence territoriale.

27Concernant l’accès aux bâtiments agricoles et aux logements de proximité, les réglementations d’urbanisme8 ont été le point le plus discuté. Les éleveurs souhaiteraient que les élus autorisent la construction du bâti agricole en zone agricole ou à sa bordure, mais ces derniers peuvent être réticents car ils redoutent un changement potentiel de destination du bâti agricole. L’idée de mettre en place des « comités d’évaluation des projets » a alors émergé. L’accent a également été mis sur la mobilisation d’une diversité de solutions alternatives comme le bâti démontable et temporaire, le bâti mutualisé (exemple des hameaux agricoles) ou les espaces-test agricoles intégrant du bâti… Un certain nombre de représentants de collectivités locales se sont cependant montrés peu convaincus par le bâti démontable, en raison du risque de transformation en bâti permanent sans autorisation. Par ailleurs, la nécessité d’associer les propriétaires privés à la planification des projets de territoire, de les sensibiliser à l’intérêt de la mise à disposition du bâti, et même de proposer une exonération sur la taxe foncière pour ceux qui mettent à disposition un bâtiment pour un usage agricole, a été soulignée.

28Concernant la fréquentation des terres pâturables et leurs multiples usages questionnant la sécurisation des activités d’élevage, l’idée d’un travail de sensibilisation réalisé par les éleveurs a fait consensus, y compris parmi ces derniers. Le besoin d’une véritable animation et d’une surveillance auprès des usagers du territoire a cependant été évoqué, ainsi que le déficit de capitalisation sur « ce qui marche ». La question des chasseurs a été la plus discutée, la nécessité de messages forts à adresser aux sociétés et fédérations de chasse faisant, elle aussi, consensus.

29Les échanges sur la transformation et la commercialisation des produits de l’élevage se sont rapidement focalisés sur la question de la transformation, qui est apparue en première approche plus problématique que celle de la commercialisation (la demande locale pour les produits d’élevage de qualité étant considérée comme suffisante par l’ensemble des participants). La question de l’abattage a été source de nombreux questionnements. Les éleveurs, qui n’apportent que de petits lots pas toujours bien accueillis par les abattoirs, se demandent s’ils récupèrent bien l’intégralité de leur viande. Ils expriment aussi une insatisfaction concernant la qualité de la découpe. La mise en place d’abattoirs de proximité a été envisagée comme une solution. Le rôle que les collectivités territoriales pourraient jouer a été discuté : comment peuvent-elles soutenir l’accès aux structures de transformation et participer au développement de l’abattage mobile ? Par ailleurs, la question du coût élevé de la transformation et de la distribution a conduit à réfléchir sur les possibilités de mutualisation des équipements et à la mise en place de dispositifs collectifs.

30Si le forum multi-acteurs a permis de valider collectivement les enjeux qu’implique le redéploiement du pastoralisme, il a aussi prouvé que les relations entre éleveurs et acteurs urbains restent en grande partie à structurer pour mener à bien le projet de redéploiement du pastoralisme affiché par la Métropole. Aucun acteur institutionnel n’a exprimé la volonté de se positionner en tant que coordonnateur. Au-delà d’une simple stratégie d’actions, la mise en place d’une gouvernance rassemblant autour d’une même table les différentes parties prenantes, dont les éleveurs, paraît donc essentielle. Une telle mise en place pose en particulier la question du rôle et du positionnement précis que les acteurs institutionnels locaux porteurs d’initiatives (communes, Métropole, conservatoire des espaces naturels, dans notre cas d’étude) souhaitent endosser sur le long terme. Concernant les éleveurs, le fait qu’ils soient dispersés géographiquement et peu représentés dans les organisations professionnelles agricoles locales compromet leur capacité à s’exprimer collectivement. Les difficultés qu’ils rencontrent renvoient d'ailleurs à celles des maraîchers exerçant en contexte périurbain, dont la résolution ne peut que s'inscrire dans « la (re)construction d’une communauté de pratiques et la mise en place d’un cadre légal, financier et politique favorable » [Plateau et al. op. cit. : 1 ].

Le pastoralisme dans le territoire métropolitain, une figure agricole en devenir 

31L’avenir du pastoralisme dans la Métropole de Montpellier reste incertain, dépendant de la stratégie des acteurs publics locaux. Son territoire est typique des régions méditerranéennes caractérisées par de vastes espaces de garrigue où le pastoralisme était historiquement présent à proximité des villes, comme d'ailleurs dans de nombreuses régions françaises. Yves Maurin [1977] a montré qu’en Languedoc l’essor de la spécialisation viticole a entraîné le déclin du pastoralisme dès 1820, bien que des traces de cette activité demeurent, tels les projets d’éleveurs que nous avons repérés. Si les éleveurs présents sur le territoire sont souvent héritiers d’une exploitation familiale, certains ont cependant créé de toutes pièces leur installation. Nos résultats montrent donc que le pastoralisme est un métier qui séduit encore et peut être exercé dans les aires métropolitaines. Parallèlement aux projets d’éleveurs se développent des projets d’acteurs politiques locaux, confirmant l’engouement des collectivités locales pour le pastoralisme, comme cela a été observé dans d'autres métropoles [Delfosse et Baysse-Lainé op. cit.]. Ces projets ouvrent de nouvelles opportunités dans les territoires métropolitains, avec des enjeux allant de la gestion de la biodiversité à la préservation du cadre vie, de l’entretien du paysage ou à la relocalisation de l’alimentation.

32Notre étude révèle également que les mesures compensatoires liées à la restauration écologique des milieux fragiles – qui sont associées à des budgets pour l’acquisition et l’animation foncière – sont un véritable levier pour le redéploiement du pastoralisme. Les conservatoires des espaces naturels sont devenus, grâce à leur réseau national, des opérateurs majeurs d’accompagnement de la mise en œuvre de la compensation. Ils ont mené de nombreuses expériences de pastoralisme dans ce cadre, bien que relativement récentes [Mounier et al. op. cit.], contribuant à faire travailler ensemble éleveurs et écologues, dès lors que les objectifs de la compensation écologique sont compatibles avec les intérêts des agriculteurs [Vaissière et al. 2020]. Le conservatoire des espaces naturels cite le concept d’intendance territoriale pour définir la nature de son activité menée en partenariat avec les éleveurs [Hasnaoui Amri 2018]. La réflexion sur les AFA mises en place par la Métropole, qui définit sa mission comme celle d’une « coopérative de service », semble relever du même concept, mais cette fois dans un double objectif d'écologisation et de relocalisation de l’agriculture. Le redéploiement du pastoralisme s’inscrit ainsi pour les acteurs publics dans un objectif de gestion intégrée et dynamique des territoires [Grimonprez 2017] prenant en compte « les interdépendances et les solidarités entre les hommes et les ressources naturelles » [Rivaud et Prévost 2018 : § 29]. La multiplication de ces opérations d’ « intendance territoriale » apparaissant comme un moteur du redéploiement d’agricultures écologisées [Scheromm et al. op. cit.], pourrait, à terme, poser un certain nombre de questions de justice sociale : les critères et les démarches d'attribution sont-ils vraiment transparents ? Sont-ils suffisamment discutés avec les éleveurs ou, plus largement, avec les agriculteurs ? 

33L’ancrage territorial du pastoralisme dépend également de la construction de liens entre activités d’élevage et cultures [Moraine et al. 2019]. Nos résultats mettent en évidence une volonté, tant pour les acteurs urbains que pour les éleveurs, de relier l’élevage aux autres activités agricoles du territoire. Lors de l’atelier de réflexion entre éleveurs, la complémentarité entre culture de la vigne et pastoralisme est en particulier ressortie comme une option à approfondir autant pour faciliter l’accès à des ressources fourragères pour les animaux que pour limiter l’enherbement avec des méthodes écologiques. L’opposition historique vignoble/élevage [Lazaro 2015] semble donc se transformer aujourd’hui en alliance. En effet, alors qu’agronomes, écologues et forestiers s’accordaient au cours du xxe siècle sur une critique du pastoralisme, donnant plus de crédit à l’État qu’aux paysans en matière de gestion de milieux naturels, les éleveurs, auparavant considérés comme responsables des problèmes d’érosion des sols ou de disparition des forêts, se retrouvent aujourd’hui projetés sur le devant de la scène pour les missions même qui les en avaient écartées [Hasnaoui Amri op. cit.].

Conclusion

34La volonté de relancer le pastoralisme sur les territoires métropolitains s’inscrit dans un registre de motivations et de moyens dépendants du type d’acteurs à l’origine des initiatives et de leur champ d’activité. Des collectivités locales soutiennent à l’échelle communale et intercommunale son activité dans le cadre du nouvel intérêt pour la reterritorialisation de l’agriculture et de l’alimentation, ou de l’entretien et de la gestion des espaces urbains. Des structures gestionnaires de l’environnement la mobilisent pour gérer les ressources végétales et préserver les milieux. Un certain nombre d’acteurs locaux, dont des acteurs politiques urbains, se sont donc approprié le pastoralisme. 

35Mais face à ces initiatives, les difficultés rencontrées par les éleveurs en milieu urbain et périurbain et les défis auxquels ils sont confrontés sont nombreux, déjà anciens pour certains. La prise en compte des préoccupations des éleveurs est donc au cœur de la réussite des initiatives publiques locales qui émergent aujourd’hui, le développement du pastoralisme étant avant tout rendu possible par l'engagement de ceux-ci. Or, le dialogue entre les deux types d’acteurs – publics (et en particulier politiques) locaux et éleveurs – animés par le même objectif de redéploiement du pastoralisme sur leur territoire reste encore à consolider, voire à construire. La force des liens qui pourront s’établir entre agriculteurs et éleveurs d’un même territoire et la constitution de nouvelles communautés de pratiques sera pour cela déterminante. Ces résultats ouvrent la perspective à de nouvelles recherches sur le long terme à l’échelle de différents territoires métropolitains.

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Notes

1 La reterritorialisation de l’agriculture est obtenue par la « reconstruction du lien au territoire dans sa dimension matérielle » [Rieutort 2009 : 13], tout en s’appuyant sur les représentations culturelles, sociales et idéologiques des acteurs qui s’identifient à ce territoire.

2 Nous utilisons le terme d’« agriculture écologisée » dans le sens des travaux initiés dans les années 1990 par des sociologues américains, repris et précisés par G. Ollivier et S. Bellon [2013], et qui ont conduit une large communauté scientifique à analyser comment les questions environnementales ont été intégrées dans l’agriculture.

3 Les auteurs tiennent à remercier tout particulièrement Claire Ruault (Groupe d’expérimentation et de recherche, développement et actions localisées), pour sa participation à la réflexion autour de l’organisation des ateliers multi-acteurs.

4 Voir J.-P. Darré, La recherche coactive de solutions entre agents de développement et agriculteurs. Nogent-sur-Marne, Éditions du Gret, (« Études et travaux »), 2006.

5 Voir le document d’orientation et d’objectif, p. 11(<https://www.montpellier3m.fr/scot>).

6 Cette association œuvre pour l’installation de porteurs de projets agricoles souhaitant ­s’inscrire dans une démarche de respect de l’environnement et de création de petites fermes.

7 Le comité de pilotage réunit les chambres d’agriculture départementale et régionale, Terre de liens, la Safer (société d’aménagement foncier et d’établissement rural), le Civam (centre d’initiative pour valoriser l’agriculture et le milieu rural), Empreinte et le conservatoire du littoral.

8 Plan local d’urbanisme, plan local d’urbanisme intercommunal et schéma de cohérence territoriale.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Initiatives de pastoralisme menées par des acteurs institutionnels locaux dans la Métropole de Montpellier
Crédits Carte : P. Scheromm.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/docannexe/image/25214/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 180k
Titre Figure 2. Troupeau pâturant sur la commune de Murviel-lès-Montpellier (2020).
Crédits Photo : P. Scheromm.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/docannexe/image/25214/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 270k
Titre Difficultés rencontrées lors d’une trajectoire d’éleveur (synthèse à partir de nos entretiens)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/docannexe/image/25214/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 168k
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Pour citer cet article

Référence papier

Pascale Scheromm, Lucette Laurens, Annabel Rixen et Nabil Amri Hasnaoui, « Restaurer le pastoralisme autour des villes »Études rurales, 207 | 2021, 100-119.

Référence électronique

Pascale Scheromm, Lucette Laurens, Annabel Rixen et Nabil Amri Hasnaoui, « Restaurer le pastoralisme autour des villes »Études rurales [En ligne], 207 | 2021, mis en ligne le 02 janvier 2024, consulté le 24 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/25214 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesrurales.25214

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Auteurs

Pascale Scheromm

géographe, ingénieur de recherche, Inrae, UMR Innovation et développement dans l’agriculture et l’alimentation, Montpellier

Lucette Laurens

géographe, professeur, Université Paul-Valéry Montpellier-3, UMR Innovation et développement dans l’agriculture et l’alimentation, Montpellier

Annabel Rixen

ingénieur projet Inrae, UMR Innovation et développement dans l’agriculture et l’alimentation, Montpellier

Nabil Amri Hasnaoui

géographe, chercheur associé, UMR Innovation et développement dans l’agriculture et l’alimentation, Montpellier

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Droits d’auteur

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