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Législation néolibérale et privatisation de la nature

L’irréversible assèchement des zones humides andines (nord du Chili)
Neoliberal legislation and the privatisation of nature: The irreversible dewatering of Andean wetlands in northern Chile
Manuel Méndez et Hugo Romero
p. 126-146

Résumés

Les régions chiliennes les plus riches en gisements miniers sont, à la fois, les plus arides au monde (le désert d’Atacama, nord du Chili) et le théâtre de profonds conflits autour de l’usage de l’eau. En effet, la législation néo-libérale a conduit l’État chilien à accorder aux compagnies minières l'exploitation des eaux d’Atacama. Ainsi, l’entreprise Cerro Colorado a obtenu dès 1982 les autorisations légales d'exploitation des eaux souterraines de Pampa Lirima (hauts plateaux andins, région de Tarapacá). L’asséchement de la zone humide de Lagunillas, constaté dès les années 2000, suite d’intensifs pompages, a également engendré de fortes tensions intercommunautaires. À partir de cet exemple, cet article montre le rôle des législations comme outils de colonisation territoriale porté par un discours d’utilité nationale.

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Texte intégral

Bergers avec leur troupeau de lamas à Cancosa (nord du Chili).

Bergers avec leur troupeau de lamas à Cancosa (nord du Chili).

Photo : M. Méndez.

  • 1 Selon N. Rivera et P. Aroca [2014], un gisement minier est de grande échelle quand il produit plus (...)
  • 2 Ce texte présente à la société civile et aux autorités politiques les conclusions d’un projet de r (...)

1À partir des années 1980 la production minière chilienne a explosé. Celle de cuivre a transformé le pays en l’un des principaux territoires miniers au monde et provoqué de multiples problèmes environnementaux, en particulier des conflits liés à l’eau [Folchi 2003 ; Romero et al. 2012]1. En effet, les plus grands gisements exploités ou potentiels sont localisés dans le nord du Chili, dans le désert d’Atacama réputé pour être le plus aride de la Planète. Après avoir pris le contrôle de l’eau, les grandes exploitations minières à présent la surexploitent. Dans le même temps, l’assèchement des rivières, des cours d’eau et des zones humides ainsi que les conflits avec les communautés locales et autochtones n’ont été que peu médiatisés malgré leur récurrence et leur importance. Cependant, au fur et à mesure des années, la population chilienne s’est mobilisée pour demander à l’État une évolution des politiques de gestion de l'eau. Commencés timidement dans les années 1990, ces mouvements se sont multipliés en prenant la forme d’associations à caractère local, régional ou national. Le lundi 4 juin 2018, dix-huit prix nationaux de science et quatre recteurs d'universités chiliennes ont présenté l’Acta de Tarapacá2, un document en forme d’appel pour attirer l’attention sur l’urgence qu’il y a à revoir la façon dont l’eau est utilisée dans le désert d’Atacama, et notamment par l’activité minière.

  • 3 Cette enquête a été réalisée dans le cadre du programme de recherche Laboratoire international ass (...)

2Les conflits autour de l’eau opposant industriels miniers aux communautés locales et autochtones ne sont pas une particularité chilienne. Au Pérou, en Bolivie ou en Équateur, plusieurs exemples de conflits similaires ont été analysés depuis la perspective de la « Political Ecology » dans une série de publications de l’association Justicia Hídrica [Boelens et al. 2011 ; Arroyo et Boelens 2013 ; Perreault 2014 ; Boelens 2015]. Dans cet article3, nous avons choisi d’étudier le cas chilien en tenant compte de deux éléments spécifiques : la législation et la temporalité du boom minier. Depuis la modification du Code de l’eau en 1981 sous la dictature du général Pinochet (1973-1990), cette ressource a été transformée en un bien privé, c’est-à-dire qu’elle est négociée sur le marché en vertu des lois de propriété, cédant au plus offrant les droits de l’eau. Ce modèle de gestion a été institué par différents organismes internationaux, comme la Banque interaméricaine du développement ou la Banque mondiale, en tant qu’exemple régional de gestion de l’eau [Bauer 2005]. En Amérique latine, le boom minier chilien se distingue par sa précocité. Commencé dix ans plutôt, il permet de comprendre litiges et conflits sur une plus longue durée.

3La zone humide andine de Lagunillas présente ainsi un intérêt notable. Elle est localisée à 4 020 mètres d’altitude dans les Andes méridionales du nord du Chili dans la région de Tarapacá (fig. 1). En raison des conditions particulières d’alimentation en eau souterraine, les zones humides de ces hauts plateaux sont des systèmes écologiques très fragiles. Celle de Lagunillas fait partie d’un système hydrique complexe, situé sur les parties basses du bassin-versant endoréique alimenté par de petits cours d’eau associés aux sources, par des zones de végétation hydrophiles ainsi que par une grande lagune sporadique qui apparaît après de fortes précipitations.

4Bien que les vestiges d’occupation humaine de cette zone soient très anciens, les communautés indigènes qui y vivent actuellement (communautés de Lirima et de Cancosa) ont été constituées au début du xxe siècle. En tant que communautés élevant du bétail camélidé (pour sa viande et les produits dérivés), elles s’inscrivent pleinement dans les circuits économiques régionaux. L’extraction d’eau a profondément modifié leurs paysages naturels ainsi que leurs liens intra et intercommunautaires. Il s’agira, ici, d’analyser le cas de l’assèchement de la zone humide de Lagunillas, un exemple illustrant le rôle des législations comme outils de colonisation territoriale portées par un discours d’utilité nationale. Tout d’abord, nous présenterons le contexte hydro-climatique ainsi que les modes de construction territoriale et d’occupation des zones humides. Ensuite, nous montrerons comment, dans un contexte de développement minier colonial, la première tentative d’extraction d’eau de la zone humide de Lagunillas a échoué. Puis, nous analyserons les nouvelles réglementations néolibérales qui ont permis la privatisation de cette précieuse ressource au Chili. Enfin, nous présenterons les conflits et les effets de l’application du Code de l’eau dans cette zone.

Figure 1. Contexte régional de Tarapacá.

Figure 1. Contexte régional de Tarapacá.

Carte : M. Méndez

Un contexte hydro-climatique variable

5La région de Tarapacá est localisée au cœur du désert d’Atacama, entre les 19 o et 21 o de latitude sud, au nord du Chili (fig. 1). En dessous de 2 500 mètres d’altitude le climat est aride et hyperaride et, au-dessus, devient froid avec des hivers secs [Jordan et al. 2014 ; Sarricolea et al. 2016]. Les précipitations se caractérisent par des volumes d’une grande variabilité interannuelle et sont concentrées dans les zones de haute altitude (à partir de 2 500-3 000 mètres) et à 80 % dans la période qui s’étend de décembre à mars [Garreaud et al. 2003].

  • 4 Voir M. Ahumada et L. Faúndez, 2009, Guía descriptiva de los sistemas vegetacionales azonales hídr (...)
  • 5 Voir The study on the development of water resources in northern Chile, 1995, Japan international (...)

6Le ruissellement d’eau superficielle est rare et essentiellement sur les bassins-versants ou Quebradas (vallées) dont les sources proviennent des hauts plateaux andins, sous forme de lagunes ou d’eaux souterraines [Aceituno 1996 ; Romero et al. 2013]. Ces dernières sont dites azonales, la remontée à la surface des eaux n’étant pas influencée par les conditions climatiques, mais par l’interaction de facteurs locaux, comme l’activité géothermique, la profondeur et la position de l’aquifère, les caractéristiques des sols ou la pente4. Les aquifères régionaux sont à l’état fossile car les eaux souterraines stockées ont été accumulées grâce à des conditions climatiques plus favorables qu’actuellement5 [Houston 2006].

  • 6 Bien que les 12 000 dernières années avant le présent (AP) [Gayó et al. 2012a] – pendant l’holocèn (...)

7Dans un contexte de grand dynamisme hydro-climatique6, les plus anciennes traces de peuplement du haut plateau andin chilien remontent à 13 000 ans AP. En analysant les premiers millénaires d’occupation humaine de la région de Tarapacá, des scientifiques [Santoro et al. 2017 ; Gayó et al. 2012b] suggèrent un effet en cascade entre la dynamique hydro-climatique (plus ou moins de disponibilité des services éco-systémiques, d’eau, de végétation et de faune des zones humides…) et les stratégies socioculturelles et spatiales des groupes sociaux.

  • 7 Parmi les objets d’échange figuraient les produits miniers (oxydes de fer, argent, or ou cuivre). (...)

8Une des principales hypothèses concernant l’adaptation socio-environnementale des communautés andines a été proposée par J. Murra [1972]. Ce modèle se caractériserait par l’occupation de l’espace géographique en « îles productives » (agricoles, pastorales…) en fonction des différents pisos ecológicos (paliers écologiques) : côte Pacifique, vallées, oasis, hauts plateaux andins et bassin amazonien. L’ensemble de ces îles était en constante interaction dans le but d’échanger des biens notamment alimentaires7. Les communautés les plus développées socio-culturellement en avaient parfois constitué plusieurs étages écologiques pour garantir leur indépendance. De ce fait, dans une même vallée ou un même système de zones humides, il pouvait y avoir des îles de différentes communautés.

9Des études archéologiques [Uribe et al. 2007 ; Zori et al. op. cit.] et anthropologiques [Van Kessel 2003 ; Gundermann 2003] menées dans la région de Tarapacá ont démontré qu’entre 1250 et 1450, les communautés présentes dans la vallée avaient maintenu d’intenses échanges avec des groupes aymaras qui habitaient dans les territoires actuellement boliviens (Carangas et Lípez), ainsi qu’avec des peuples cueilleurs de la zone côtière et d’autres peuples agricoles du nord et du sud de la région. Ainsi, différentes communautés ethniques cohabitaient dans la zone humide de Lagunillas [Van Kassel 2003].

10L’analyse sur la construction territoriale des zones humides localisées dans les hauts plateaux andins de la région a montré la récurrence de deux activités économiques traditionnelles : l’élevage du bétail camélidé (lamas et alpagas) et la culture de haute altitude. Cette dernière était très dépendante des conditions climatiques (froid, exposition solaire, vent et précipitations). La majorité de ses produits étaient destinés à la consommation locale (sauf le quinoa).

  • 8 R. Fajardo, Análisis de tierras utilizables, Pampa Lirima, Salar del Huasco - Quebrada de Tarapacá (...)

11Par ailleurs, l’organisation socio-environnementale des territoires communautaires variait selon le type de bétail. Ainsi, l’élevage de lamas (Lama glama), pour leur viande et pour le portage, se faisait à travers des pâturages naturels en montagne et en collines. En revanche, celui des alpagas (Vicugna pacos), pour leur laine, était associé aux zones humides présentes autour des cours d'eau descendant les principales collines et volcans. Étant donné que la plupart des sources d’eau des hauts plateaux andins de Tarapacá ne dépendaient pas des conditions climatiques8, ces communautés purent agrandir la surface des zones humides (pour l’élevage des alpagas) par le développement d’un système de canalisations communautaire et d’irrigation des zones plates autour des ruisseaux [Palacios 1992 ; Verzijl et Guerrero 2013].

  • 9 Les espaces familiaux ne sont pas compris dans les espaces privés, mais dans des espaces nécessair (...)

12Ainsi, entre les espaces naturels, comme les prairies, et ceux aménagés (zones humides agrandies), les communautés autochtones organisaient leur territoire suivant une utilisation individuelle et familiale (zones humides) ou communautaire (montagnes, collines et pentes)9.

Figure 2. Puits d’extraction d’eau à Lirima (nord du Chili)

Figure 2. Puits d’extraction d’eau à Lirima (nord du Chili)

Photo : M. Méndez.

Administration coloniale et État moderne dans les hauts plateaux de Tarapacá

  • 10 La mita était le travail obligatoire dans les mines coloniales que les populations andines devaien (...)

13L’arrivée de l’administration coloniale modifia profondément la façon dont les peuples autochtones andins construisaient leurs territoires [Gundermann op. cit. ; Díaz et Morong 2006 ; Bouysse-Casagne et Chacama 2012]. Trois éléments sont régulièrement mentionnés ; l’installation du système de mitas10, la concentration de la population andine dans des villages administratifs et religieux (appelées reducciones) et les divisions administratives et foncières des territoires andins.

  • 11 Le premier conflit foncier dans la zone humide de Cancosa date de 1768 [Paz Soldán 1878].

14Malgré la récurrence de ces trois facteurs, de nombreux espaces situés dans les hauts plateaux de Tarapacá – dont ceux de Lirima et Cancosa – restèrent hors de l’influence du royaume espagnol à cause d’une population peu importante ou d’un manque de richesses minières [Sanhueza 2008]. Néanmoins, les limites administratives et foncières imposées par l’administration coloniale, à partir de 1578, perturbèrent les arrangements territoriaux des communautés régionales. Ainsi, les premiers conflits pour la propriété foncière entre différentes communautés apparurent en 161211 [Paz Soldán 1878].

  • 12 Huantajaya est une mine d’origine préhispanique localisé à 9 km à l’est de la ville d’Iquique. Ell (...)
  • 13 Pendant l’administration du vice-roi Amat y Junyent (1761-1776), Antonio O’Brien était le maire ma (...)
  • 14 La même explication a été donnée en 1571 par Pedro Pizarro, qui déclarait : « dans la région de Ta (...)

15Vers la fin du xviie siècle, l’administration espagnole des Amériques se trouva confrontée à de telles difficultés économiques qu’elle décida de s’intéresser aux exploitations minières. Avec la réactivation du gisement d’argent de Huantajaya12 (début du xviiie siècle) elle commanda la réalisation d’une série d’études dans le but d’augmenter sa productivité et ainsi de bénéficier indirectement des impôts [Zori et Tropper op. cit.]. En 1765, Antonio O’Brien13 conclut, à partir d’une étude approfondie de ce gisement, que le manque de profits de cette mine s’expliquait par la rareté de l’eau qui augmentait les coûts d’exploitation14. Il proposa donc au vice-roi un projet de canalisation depuis les rivières Collacagua et Coscaya (Pampa Lirima), et les lagunes de Chuncara pour fournir de l’eau à l’activité minière, au secteur agricole de Pampa Iluga et aux travailleurs miniers [Hidalgo 1985]. À l’époque de la réalisation de l’étude d’A. O’Brien, le matériel extrait de Huantajaya était transporté jusqu’au secteur de Guagama (actuel La Tirana), localisé à environ 63 kilomètres à l’est du gisement, en raison de l'abondance des tamarugos (Prosopis tamarugo), arbre utilisé comme combustible, et de la facilité pour trouver de l'eau souterraine [Billinghurst 1893].

16Si le projet d’A. O’Brien n’aboutit pas, son étude présentait deux éléments importants pour la compréhension du fonctionnement actuel des territoires régionaux. En effet, il s’agissait de la première tentative d’extraction d’eau de la zone humide de Lagunillas à des fins minières. Ce projet fut aussi conçu pour exercer un plus grand contrôle social des communautés autochtones. Avec la première cartographie détaillée de Tarapacá, il visait à établir une taxe foncière agricole plus stricte, en s’appuyant sur de nouvelles méthodes de gestion territoriale [Couyoumdjian et Larraín 1975].

17L’installation de l’État péruvien (1824-1879), puis chilien (à partir de 1879), provoqua, au contraire, des changements importants dans les territoires et les communautés autochtones de la région de Tarapacá [Méndez et Romero 2018]. Durant la période d’administration péruvienne, les premières lois sur la propriété foncière individuelle y furent appliquées. Bien qu’entre 1860 et 1879, les communautés autochtones andines aient commencé à accepter la conception territoriale occidentale, chacune continuait à maintenir ses coutumes. Après la Guerre du Pacifique (1879-1883), les territoires de Tarapacá passèrent sous administration chilienne. Commença alors un long processus politique et culturel pour imposer un imaginaire national de développement civilisateur, qualifié par les historiens de chilenización [González 2002]. Lequel processus, souvent violent, avait pour ambition d’effacer toute trace de cultures indigènes, considérées comme des vestiges des traditions péruviennes ou boliviennes, donc comme non civilisées par les nouvelles autorités administratives. Ainsi, furent interdites langues (quechua et aymara) et tenues vestimentaires locales. L’éducation occidentale fut aussi imposée. Des lois et des procédures administratives de gestion territoriale reconfigurèrent la territorialité autochtone d’accès à la terre comme à l’eau. Bien que ce processus de « lisibilité » [Scott 1998] atteignît l’ensemble des régions, sa diffusion ne fut pas homogène mais proportionnelle à l’intérêt économique (fiscalité) qu’y trouvait l’État ou encore les entreprises minières nationales comme internationales.

18À partir des années 1950, seulement, la chilenización commença à perdre de l’importance dans les politiques étatiques. Elle reprit de la vigueur, un quart de siècle plus tard, à la suite du coup d’État du général Augusto Pinochet et à la mise en place d’un régime dictatorial.

Législation néolibérale, nature et privatisation de l’eau

  • 15 Voir El Ladrillo. Bases de la política económica del Gobierno militar chileno, 1992, Centro de est (...)

19Entre 1975 et 1984, pendant la dictature, une série de dispositifs légaux liés aux activités économiques, à l’exploitation et à la propriété des ressources naturelles fut mise en place. Ces textes furent rédigés sous l'influence idéologique de l’école économique néolibérale de l’Université de Chicago, dirigée par Milton Friedman (prix Nobel d’économie 1976), dont la principale ligne théorique reposait sur le retrait complet de l'État des questions économiques pour laisser fonctionner « l’équilibre naturel » du marché15. F. Gaudichaud [2015] avance que ce modèle imposé au Chili (grâce notamment aux conseils que M. Friedman donna au général Pinochet) dépassa le strict domaine économique pour atteindre une influence majeure sur tous les aspects de la construction socio-culturelle de la population.

20Les groupes sociaux ou les communautés, qui n’étaient pas en phase avec les prémisses du marché, étaient méprisés, déconsidérés, quasiment rendus invisibles quand ils n’étaient pas violentés. Ainsi, la principale politique qui atteignit les peuples autochtones de la région de Tarapacá fut la mise en place d’une offensive nationaliste dans les écoles rurales. La scolarisation en pensionnat engendra un contexte plus favorable pour interdire la langue indigène et les coutumes. Par ailleurs, l’introduction de l’enseignement des métiers techniques sans aucune relation avec leur contexte socio-environnemental et l’absence d’établissement d’éducation secondaire dans la zone d’étude alimenta la migration vers les villes côtières [González op. cit.].

  • 16 Une perspective réductionniste de la nature implique de concevoir que tous les éléments qui la com (...)

21En outre, toutes les législations liées à la nature furent conçues dans une logique réductionniste16. Le Code des mines, en vigueur depuis 1983, en est un bon exemple car son application a de grands impacts sur l'eau. Ce texte établit la séparation entre la propriété de surface et la propriété du sous-sol. Cette dernière revient à l'État qui la donne en concession au travers de droits d'exploration et/ou d’exploitation des ressources minières. Au moment où les compagnies possédant des concessions décident de faire des explorations ou des exploitations, les propriétaires de surface ont l'obligation de leur donner l'accès (droit de passage). En même temps, la législation établit que toute entreprise, qui découvre de l’eau lors de travaux d’excavation, en devient de fait propriétaire, d’où des incohérences par rapport aux droits d’eau établis antérieurement.

22Le décret de loi n°1122, plus connu sous le nom de Code de l’eau, a été promulgué en 1981. Les principales nouveautés de cette législation consistent en la séparation de la propriété de l’eau et de la terre, la distinction entre eaux de surface et souterraines et l’instauration du statut de l’eau comme un bien productif, échangeable à travers le marché (privatisation). Cette dernière caractéristique suppose que le marché endosse un rôle de gestionnaire absolu de l’accès à cette ressource, en conférant à l’État chilien la mission de garant de son bon fonctionnement à travers la défense de la propriété privée.

  • 17 Même si les communautés autochtones ont occupé leurs territoires et utilisé les eaux de manière pe (...)

23Les procédures du Code de l’eau établissent que n’importe quelle personne ou entreprise, nationale ou étrangère, a le droit de demander à l’État un droit d'eau (appellation chilienne pour la propriété), mesuré en litres par seconde (l/s) et cédé pour l’État sans aucun coût actuel ou futur. Cette acquisition de l'eau se fait par le biais d'une procédure de sollicitude ou de régularisation (fig. 3). La première permet d’acquérir un droit d'usage de l’eau, jamais utilisé auparavant, la seconde la mise en règle sous la nouvelle réglementation des droits acquis antérieurement ou de façon ancestrale17.

  • 18 Parmi les dizaines de différends légaux existants dans le pays, seuls deux ont été favorables aux (...)
  • 19 La Direction générale des eaux (Dirección general de aguas) du ministère des Affaires publiques es (...)

24Compte tenu de la complexité administrative de ce processus, l’accès à la connaissance de ces procédures établies par la nouvelle loi n'est pas équilibré entre les acteurs. De même, ce texte a provoqué une augmentation des propriétaires conduisant à d’importants litiges18 et à une forte concentration de la propriété par les entreprises privées. Par exemple, 49,4 % des droits d'eau souterrains octroyés entre les années 1990 et 2010 dans la région de Tarapacá appartiennent à des entreprises minières [Romero et al. 2012]. Ainsi, depuis 1990, comme la plupart des droits d'eau sont déjà attribués19, l'unique moyen d'y accéder consiste à les racheter au prix du marché. Par conséquent, les acteurs avec un faible pouvoir d’achat se retrouvent dans l'impossibilité d’y accéder [Bauer 2004 ; Budds 2004, 2009].

25Bien que la nouvelle réglementation établisse une série de procédures techniques à l'échelle régionale pour la cession des droits d'eau, ces procédures cachent des décisions politiques à caractère productiviste. L'ensemble des lois instaurées à l’échelle nationale oriente l'utilisation de l'eau pour les activités extractives primaires, porté par un discours promouvant l’intérêt national. Si ces activités présentent des avantages pour les centres de décision à l'échelle régionale et nationale, tous les impacts négatifs sont matérialisés à l’échelle locale [Himley 2013]. À propos de l’activité minière dans les Andes méridionales, pour T. Perreault, « la richesse d'un groupe induit la pénurie et la pollution de l’autre » [2014 : 5].

Figure 3. Étapes pour la demande légale d’un droit d’eau.

Figure 3. Étapes pour la demande légale d’un droit d’eau.

La procédure de sollicitude ou de régularisation est constituée de quatre étapes ; demande, qualification, verdict et diffusion. Elle peut s’étendre de quelques semaines à quelques mois. Dans tous les cas, les demandeurs ont besoin d’aide technique et juridique pour préparer les dossiers de demande et pour contester la décision de l’État en cas de refus.

Source : M. Méndez.

  • 20 À partir du retour à la démocratie (1990), différentes organisations pour la défense de l’eau et d (...)
  • 21 Il existe une abondante littérature sur la question [Lemereis 1987 ; Gentes 2003, 2004 ; Budds 200 (...)
  • 22 Voir S. Larraín et P. Poo (dir.), Conflictos por el agua en Chile : Entre los derechos humanos y l (...)

26Depuis sa mise en œuvre, la communauté scientifique et les organisations sociales20 dénoncent les conséquences perverses d’un tel système dont notamment l’épuisement des aquifères et des cours d’eau, la concentration de la propriété, l’appauvrissement des communautés rurales et leur migration21, provoquant ainsi une grande conflictualité autour de la ressource. S. Larraín et P. Poo22 ont dénombré plus de 70 conflits autour de l'eau dans tout le pays pour la seule année 2009.

Zone humide de Lagunillas : appropriation, dépossession et conflits communautaires

  • 23 L’exploitation de cuivre de Cerro Colorado est localisée à 2 500 m. d’altitude, dans le bassin ver (...)

27Le conflit autour de l’eau et de l’assèchement de la zone humide de Lagunillas s’est étalé entre la fin des années 1970 jusqu’en 2008. Il a opposé les communautés autochtones aymaras de Lirima et Cancosa à une filiale de BHP Billiton, une multinationale australienne, qui exploitait un gisement de cuivre à ciel ouvert, à environ 50 km à l’ouest de Lagunillas, la mine de Cerro Colorado23 (fig. 4).

  • 24 Bien que les communautés de Lirima et de Cancosa comptent peu de résidents permanents dans leur te (...)

28Les deux communautés autochtones, qui avaient vu le jour au début du xxe siècle, ont été reconnues comme des communautés indigènes (loi indigène no 19253) durant la décennie 1990. Celle de Lirima est localisée dans la commune de Pica, entre la section supérieure du bassin-versant de la vallée de Tarapacá et le bassin-versant endoréique de Lagunillas. Le village de Lirima (4 087 m. d’altitude) compte, d’après le recensement de 2012, six habitants permanents24. Au début du xxe siècle, plusieurs familles venant du village de Cultane y avaient acheté des terrains. La population était initialement répartie en hameaux, avant d’être regroupée dans un village. L’un des premiers éléments de colonisation moderne a été la construction de la route d'Iquique à Oruro (via Lirima et Cancosa), entre 1954 et 1955. Cette voie non seulement accentua le trafic entre la côte Pacifique et la Bolivie mais facilita, aussi, l’exploitation de yareta (Azorella compacta), une plante à fleur utilisée comme combustible pour le chauffage et la cuisine. La construction de Lirima commença en septembre 1966. Cependant, ce n’est que dans les années 1970 que le village prit sa forme actuelle. En 1978, l’école de Lirima fut ouverte, avec un professeur payé par la communauté, avant d’être subventionnée par l’État. Cet établissement ferma définitivement en 1994. Avant l’arrivée des exploitations minières, la principale activité économique était l’élevage des lamas et des alpagas. À partir de 1980, elle fut peu à peu remplacée par des services aux entreprises minières.

Figure 4. Contexte territorial de la zone humide de Lagunillas

Figure 4. Contexte territorial de la zone humide de Lagunillas

Carte : M. Méndez.

29Quant à la communauté de Cancosa, elle est située entre le bassin-versant de la rivière éponyme et celui de Lagunillas. Son village principal (3 950 m d’altitude) comptait en 2012 quelque 12 habitants permanents. Cette communauté fut fondée vers 1920 par les familles Moscoso et Challapa, rejointes par les Mamani et les Ticuna, toutes originaires des environs de Cariquima (fig. 1). La communauté loua, dans un premier temps, à une famille bolivienne les terres qu’elle occupait avant de les acheter. L’apogée économique de Cancosa eut lieu au début des années 1980 – avec une communauté composée d’environ 200 personnes – grâce à l’important trafic routier de marchandises entre la zone franche d’Iquique (Zofri) et Oruro (Bolivie) mais également à l’extraction du soufre du mont Sillajhuay. À cette époque, le village disposait d’un cabinet médical, dispensant les habitants de se rendre en ville. Cette période se termina avec l'ouverture de la voie rapide entre Iquique et Oruro par la localité de Colchane, à la fin de la même décennie. L’activité commerciale et minière (soufre) se doublait d’une activité économique traditionnelle avec l’élevage de lamas et alpagas. Pourtant, depuis son entente avec la compagnie Cerro Colorado, la communauté cherchait à diversifier ses revenus avec le tourisme et la culture du quinoa.

30L’exploration et l’exploitation de l’eau souterraine par des entreprises minières externes, facilitées par les nouvelles législations chiliennes, provoquèrent de profonds différends entre les communautés de Lirima et de Cancosa (jusqu’à 1985) ainsi qu’au sein même de la communauté de Cancosa à partir de 2008.

  • 25 Firme japonaise qui faisait des explorations pour la Nippon Mining Company.

31La première phase du conflit (intercommunautaire) commença en octobre 1978 lorsque l’entreprise Conocco Chile Inc.25 entama des travaux d’exploration d’eau souterraine sur les territoires de la communauté de Lirima. Trois ans plus tard, conformément à la nouvelle législation de l’eau, l’entreprise fit une demande d'inscription des droits d'eau superficielle dans les territoires de la communauté de Lirima, laquelle fit un recours pour la contester. La justice lui donna raison. Cette même année, la compagnie minière fit une demande d’inscription des droits d’eaux souterraines, demande rejetée suite à une nouvelle contestation de la part de la communauté de Lirima [Van Kessel 1985].

  • 26 Par la suite le territoire a été concédé à la communauté de Cancosa.

32En 1982, une autre compagnie, le Río Chile Ltd, commença des travaux d'excavation dans les territoires de la communauté de Lirima avec des permis de l'État chilien. La communauté présenta un nouveau recours, qui aboutit à l’arrêt de l’exploration. Immédiatement après cette décision, la même firme entama des travaux d'exploration sur la zone de Pampa Lagunillas, avec l’accord de la communauté de Cancosa – laquelle lui louait des terres et de l’eau de la ferme Huantija. La communauté de Lirima présenta à nouveau un recours arguant que ces territoires lui appartenaient et qu’elle en détenait le titre de propriété. Commença alors un long litige entre les deux communautés au sujet de la propriété de la zone de la ferme Huantija (Pampa Lagunillas). Celle de Cancosa était, durant la procédure, conseillée par des avocats de la compagnie minière Cerro Colorado avec qui elle avait signé un contrat de location pour les terrains objets du litige. Après quelques mois, la procédure fut suspendue indéfiniment26. Parallèlement, la Direction générale des eaux octroya, conformément au Code de l’eau, 300 l/s d’eau souterraine dans le bassin-versant de Lagunillas à la compagnie.

33Trois ans plus tard, en février 1985, la Sociedad Cobre Iquique Ltda, chargée de conduire l'eau depuis la zone de Pampa Lagunillas jusqu'à la mine, demanda à la communauté de Lirima d’installer une canalisation à travers son territoire, qui fit un recours pour s’y opposer, en vain. En effet, le Code de l’eau et celui des mines autorisent un droit de passage pour l’exploitation. Finalement, la communauté de Lirima parvint à un accord avec l'entreprise représentant la compagnie Cerro Colorado. Elle obtint que la compagnie minière lui donnât accès à l’eau potable, à l'électricité tout en lui assurant la gestion des services d'exploitation des puits d'extraction d'eau installés en Pampa Lagunillas [Salinas 2012]. Le début de l’exploitation de l’eau commença en 1994 avec trois puits d’extraction d’eau souterraine – et un pour permettre à la compagnie de surveiller la variation de l’aquifère. Quant au conflit intracommunautaire, il cessa à la fin de cette même décennie.

34Néanmoins, entre 1998 et 1999, des bergers de la communauté de Cancosa constatèrent l’assèchement de petites lagunes de Lagunillas, ainsi que la disparition aux alentours de zones végétales. Selon un rapport, daté de 2005, de la Direction générale des eaux et du Conseil national du milieu ambiant (cautionné par le ministère de l’Environnement en 2010), l'impact des extractions d'eau sur l'aquifère de Pampa Lirima (bassin-versant de Lagunillas) est irréversible. La compagnie minière a donc été condamnée par l’État à verser une amende et sommée d’établir un programme pour remédier aux dommages provoqués dans la zone humide de Lagunillas.

  • 27 Voir M. Méndez [op. cit.].

35Après avoir rompu toutes relations avec l’entreprise minière, en 2006, la communauté de Cancosa l’attaque en justice. Ce procès terminé en 2008 a débouché sur un accord extrajudiciaire entre les deux parties, avec un contrat de réparation des impacts environnementaux et de coopération pour le développement de la communauté. Le montant est estimé officieusement à 15 millions de dollars, aucun chiffre officiel n'ayant été publié. Cette somme est destinée aux projets de développement touristique et à des bourses d’études. Consultés en 2013, les membres de la communauté estiment que les décisions autour des projets à financer ont provoqué une profonde division entre les familles communautaires27.

Conclusion

36Les dynamiques du changement culturel des territoires andins qui se sont succédé depuis la période coloniale ont profondément modifié les représentations et les usages de la terre et de l’eau dans les communautés autochtones. Les législations néolibérales, en imposant vers la fin du xxe siècle leur approche réductionniste, ont transformé la totalité des territoires andins, en facilitant les intérêts miniers.

37Le conflit de l’assèchement de la zone humide de Lagunillas montre comment les instances politiques et économiques tant nationales qu’internationales parviennent à s’imposer sur le territoire des communautés autochtones. L’État ne fait pas grand cas des usagers ni des usages qui ne correspondent pas à sa conception utilitariste et industrielle de l’eau. De leur côté, les communautés autochtones ont une approche multidimensionnelle (économiques, sociales, spirituelles…) et cherchent à étendre et à préserver les sources d’eau et les zones humides associées pour subvenir à leurs activités traditionnelles d’élevage. Quant aux entreprises minières, elles font un usage de cette ressource entièrement subordonné à des intérêts économiques – exploiter à moindre coût la plus grande quantité de cuivre possible – quitte à provoquer l’assèchement de la zone humide de Lagunillas.

38Dans un contexte où les conditions climatiques sont de plus en plus incertaines et les aquifères considérés comme des « eaux fossiles », l’augmentation des exploitations minières, de leur production et de leurs colossaux investissements met l’État chilien face à un grand dilemme. À ce jour, la seule réponse donnée a été l’épuisement des rares sources en eau de la région en échange de compensations économiques. Le cas de Lagunillas en est une parfaite illustration avec la plus importante compensation monétaire jamais versée. Cela montre très clairement que la réponse économique comme stratégie unique n’est pas suffisante et met en péril les zones humides des hauts plateaux andins ainsi que les communautés autochtones attachées à ces espaces.

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Notes

1 Selon N. Rivera et P. Aroca [2014], un gisement minier est de grande échelle quand il produit plus de 3 000 000 de tonnes métriques (soit 1,360 million de tonnes) de minéraux par an.

2 Ce texte présente à la société civile et aux autorités politiques les conclusions d’un projet de recherche (Conicyt/Pia Anillo Soc1405 « Cambios sociales y variabilidad climática a largo plazo en el desierto de Atamaca). Voir la version publiée en ligne dans le numéro 2 du volume 50 de la revue Chungará (<https://scielo.conicyt.cl/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0717-73562018000200169>).

3 Cette enquête a été réalisée dans le cadre du programme de recherche Laboratoire international associé (LIA) Mines Atacama du Centre national de la recherche scientifique et le projet Fondecyt n ° 1150701. Nos remerciements vont à Raphaël Morera, Gaëlle Cotterlaz-Rannard et David Bocquet pour leurs relectures et conseils.

4 Voir M. Ahumada et L. Faúndez, 2009, Guía descriptiva de los sistemas vegetacionales azonales hídricos terrestres de la ecoregión altiplánica, 2009, Santiago, Servicio agrícola y ganadero de Chile.

5 Voir The study on the development of water resources in northern Chile, 1995, Japan international cooperation agency.

6 Bien que les 12 000 dernières années avant le présent (AP) [Gayó et al. 2012a] – pendant l’holocène (10 000 ans AP) – furent marquées par une hyperaridité, il y eut des épisodes au cours desquelles les moyennes de précipitations augmentèrent en-dessous de 2 000 mètres d’altitude.

7 Parmi les objets d’échange figuraient les produits miniers (oxydes de fer, argent, or ou cuivre). Or, dans le cas de la région de Tarapacá, ces derniers devaient être moins importants que les biens alimentaires [Zori et Tropper 2010 ; Zori et al 2013].

8 R. Fajardo, Análisis de tierras utilizables, Pampa Lirima, Salar del Huasco - Quebrada de Tarapacá y Coscaya. Informe preliminar, 1982, Iquique, Centro de investigación de la realidad del norte (Crear).

9 Les espaces familiaux ne sont pas compris dans les espaces privés, mais dans des espaces nécessaires pour les besoins propres à chaque famille. Le départ de l’une d’elles rend de nouveau disponibles les zones humides pour les autres groupes de la communauté.

10 La mita était le travail obligatoire dans les mines coloniales que les populations andines devaient accomplir.

11 Le premier conflit foncier dans la zone humide de Cancosa date de 1768 [Paz Soldán 1878].

12 Huantajaya est une mine d’origine préhispanique localisé à 9 km à l’est de la ville d’Iquique. Elle fut exploitée pendant les premières décennies du xviiie avant d’être abandonnée.

13 Pendant l’administration du vice-roi Amat y Junyent (1761-1776), Antonio O’Brien était le maire major des mines de la province d’Arica [Hidalgo 1985].

14 La même explication a été donnée en 1571 par Pedro Pizarro, qui déclarait : « dans la région de Tarapacá il y a de riches gisements miniers, mais le manque d’eau et de bois empêche leur exploitation » [Donoso 2008 : 62].

15 Voir El Ladrillo. Bases de la política económica del Gobierno militar chileno, 1992, Centro de estudios públicos, Santiago (<https://www.cepchile.cl/cep/site/artic/20160812/asocfile/20160812124819/libro_elladrillo_cep.pdf>).

16 Une perspective réductionniste de la nature implique de concevoir que tous les éléments qui la composent peuvent être isolés, occultant les interactions qui existent entre eux. Dans le contexte économique néolibérale chilien, les nouvelles législations ont instauré une séparation des différentes composantes naturelles pour les considérer comme des produits ; la nature devient un élément du marché, une marchandise.

17 Même si les communautés autochtones ont occupé leurs territoires et utilisé les eaux de manière permanente depuis au moins 7 000 ans, la grande majorité n'avait jamais régularisé ses propriétés avec les lois péruviennes ou chiliennes.

18 Parmi les dizaines de différends légaux existants dans le pays, seuls deux ont été favorables aux communautés autochtones, l’un en 2009 pour celle de Chusmiza et l’autre, en 2014, pour celle de Caimanes.

19 La Direction générale des eaux (Dirección general de aguas) du ministère des Affaires publiques estime, à partir d’études hydrologiques et hydrogéologiques, les volumes d'eau disponibles pour les différents bassins versants (<http://www.dga.cl/servicioshidrometeorologicos/Paginas/default.aspx>).

20 À partir du retour à la démocratie (1990), différentes organisations pour la défense de l’eau et des droits citoyens d’accès à l’eau ont été créés, dont les plus connues : Olca (en 1993), Programa Chile Sustentable (en 1997), Coordinadora por la defensa del agua y la vida (en 2009), Modatima (en 2010).

21 Il existe une abondante littérature sur la question [Lemereis 1987 ; Gentes 2003, 2004 ; Budds 2004, 2009 ; Bauer 2004 ; Yáñez et Molina 2008, 2011 ; Romero et al. 2012 ; Larraín 2012 ; Molina 2012 ; Prieto 2016].

22 Voir S. Larraín et P. Poo (dir.), Conflictos por el agua en Chile : Entre los derechos humanos y las reglas del mercado, 2010, Programa Chile Sustentable.

23 L’exploitation de cuivre de Cerro Colorado est localisée à 2 500 m. d’altitude, dans le bassin versant de Quipisca (avec de l’eau superficielle sporadique et sans eau souterraine importante). La production moyenne annuelle atteint les 130 000 tonnes. Le raffinage de leurs minéraux se fait à travers les processus de la lixiviation, de l’extraction par solvants et de l’électro-obtention. L’eau nécessaire pour produire 1 tonne de cuivre varie, en fonction de la technologie et la nature du minéral, entre 38,5 et 193,3 m3. Voir M. Méndez, Conflit des rationalités et relations de pouvoir. L'eau dans les Andes méridionales du nord du Chili (1981-2015). Analyse diachronique à partir de l'écologie politique, mémoire de master en sciences humaines et sociales, Université Jean Moulin Lyon III, 2015.

24 Bien que les communautés de Lirima et de Cancosa comptent peu de résidents permanents dans leur territoires ancestraux, elles sont composées de plusieurs familles, lesquelles habitent principalement dans les villes côtières (il n’existe pas un registre fiable recensant le nombre de familles liées à chaque communauté).

25 Firme japonaise qui faisait des explorations pour la Nippon Mining Company.

26 Par la suite le territoire a été concédé à la communauté de Cancosa.

27 Voir M. Méndez [op. cit.].

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Table des illustrations

Titre Bergers avec leur troupeau de lamas à Cancosa (nord du Chili).
Crédits Photo : M. Méndez.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/docannexe/image/16320/img-1.JPG
Fichier image/jpeg, 296k
Titre Figure 1. Contexte régional de Tarapacá.
Crédits Carte : M. Méndez
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/docannexe/image/16320/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 366k
Titre Figure 2. Puits d’extraction d’eau à Lirima (nord du Chili)
Crédits Photo : M. Méndez.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/docannexe/image/16320/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 261k
Titre Figure 3. Étapes pour la demande légale d’un droit d’eau.
Légende La procédure de sollicitude ou de régularisation est constituée de quatre étapes ; demande, qualification, verdict et diffusion. Elle peut s’étendre de quelques semaines à quelques mois. Dans tous les cas, les demandeurs ont besoin d’aide technique et juridique pour préparer les dossiers de demande et pour contester la décision de l’État en cas de refus.
Crédits Source : M. Méndez.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/docannexe/image/16320/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 108k
Titre Figure 4. Contexte territorial de la zone humide de Lagunillas
Crédits Carte : M. Méndez.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/docannexe/image/16320/img-5.jpg
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Pour citer cet article

Référence papier

Manuel Méndez et Hugo Romero, « Législation néolibérale et privatisation de la nature »Études rurales, 203 | 2019, 126-146.

Référence électronique

Manuel Méndez et Hugo Romero, « Législation néolibérale et privatisation de la nature »Études rurales [En ligne], 203 | 2019, mis en ligne le 01 janvier 2022, consulté le 19 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/16320 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesrurales.16320

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Auteurs

Manuel Méndez

doctorant du Centre de Recherche en Archéologie, Archéosciences, Histoire (UMR 6566), Université de Rennes 2 et de l’Instituto de Arqueología y Antropología, Université catholique du Nord (Chili)

Hugo Romero

géographe, professeur associé au département de géographie, Université du Chili, Santiago du Chili

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Droits d’auteur

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