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Comptes rendus

Michel Messu, De la méthode en sociologie. Livre I : Pour une épistémologie modeste en sociologie. Livre II : De la méthode sans méthodologisme

Fribourg, Academic Press Fribourg, 2015, 308 p.
René Llored
p. 226-228
Référence(s) :

Michel Messu, De la méthode en sociologie. Livre I : Pour une épistémologie modeste en sociologie. Livre II : De la méthode sans méthodologisme. Fribourg, Academic Press Fribourg, 2015, 308 p.

Texte intégral

1Si Michel Messu, professeur de sociologie à l’Université de Nantes, avertit ses lecteurs en précisant que son ouvrage n’est ni un manuel de méthodologie pour sociologues, ni l’autobiographie intellectuelle d’un chercheur, son livre tient pourtant à la fois de ces deux registres, et c’est justement ce qui en fait tout l’intérêt et la grande originalité. L’ouvrage se compose de deux parties.

2La première partie, le « livre I », est inti­tulée « Pour une épistémologie modeste en sociologie ». L’auteur propose un retour ré­flexif sur les expériences accumulées au cours de plusieurs décennies de recherches sur des terrains variés. Il défend une pratique éclairée de la sociologie susceptible tant de mettre à l’épreuve certaines prétentions apodictiques que l’on trouve parfois dans la discipline que de débusquer les artifices sémantiques et rhé­toriques dont elle ne sait pas toujours se garder.

3Ce sont ainsi trois « tentations » de la sociologie que Michel Messu condamne après les avoir explicitées. La « tentation prophé­tique » désigne les errements de la discipline lorsqu’elle cède à un finalisme incompatible avec une véritable pratique scientifique. En pointant la « tentation métaphysique » de la discipline, l’auteur la somme de préciser rigou­reusement son ontologie, fondement indispen­sable sans lequel son épistémologie ne saurait trouver les bases solides qu’elle requiert.

4Enfin, en dénonçant la « tentation méthodologiste », Michel Messu propose de redresser la pratique de la sociologie en subordonnant la méthode aux problèmes et aux objets aux­quels elle s’attaque.

5Le « livre II », « De la méthode sans méthodologisme », déplie sept chapitres qui embrassent plusieurs problèmes méthodo­logiques ayant accompagné les développe­ments de la sociologie. Chacun d’eux s’appuie sur les enquêtes conduites par l’auteur et pro­pose de précieuses illustrations qui rendent la réflexion méthodologique, habituellement aride, extrêmement vivante.

6Le premier chapitre, « Le statut du concept », cerne les conditions capables d’assurer une rigueur conceptuelle à la sociologie puis­qu’elle ne peut prétendre à une pureté lexicale hors d’atteinte. Elle doit donc se prémunir des pièges de la langue naturelle, se méfier des transferts de concepts et prendre garde au risque de réification que l’auteur illustre avec l’utilisation irréfléchie du concept de domination.

7Le chapitre deux, « Les pseudo-concepts en sociologie », prolonge la réflexion en explicitant les dangers des usages métapho­riques ou des représentations imagées que charrient en sociologie certaines notions comme celles de « lien social » ou de « solidarité familiale ».

8Le chapitre trois, « Du matériau en socio­logie », permet à Michel Messu de mobiliser son expérience d’enquête de terrain à Cuba lors d’une étude portant sur les politiques sociales et les femmes. Il réfléchit alors sur les difficultés rencontrées par le sociologue sur son terrain - caractère lacunaire des don­nées, obstacles administratifs, contraintes poli­tiques, nécessité de reformuler les objectifs de la recherche en fonction de ses avancées, pro­blèmes de déontologie, etc., - et d’imaginer des solutions car, il est en permanence néces­saire d’« ajuster la démarche au contexte » (p. 198).

9Le passionnant chapitre quatre présente une comparaison de la fécondité heuristique des enquêtes par questionnaire et des enquêtes par entretien. L’auteur exploite les données de la célèbre enquête « histoire de vie » mise en œuvre par l’INSEE en 2003 et établit les mérites et les limites respectifs de ces types d’enquêtes tout en identifiant leurs complé­mentarités. Dans le chapitre cinq, « L’inter­prétation comme méthode », M. Messu montre, à partir du cas des techniques lexicométriques et lexicographiques en matière d’analyse de contenu, que même lorsque le chercheur recourt à des outils d’analyse assurant une objectivation indiscutable, le sociologue ne peut renoncer à la recherche du sens et de la signification que ces méthodes ne permettent pas d’élucider.

10Le prolongement logique de cette analyse, conduit l’auteur à montrer, dans le chapitre six, que la compréhension sociologique est indissociable d’une érotétique rendue néces­saire du fait de la complexité des rapports entre une réalité sociale qui ne peut jamais être « taken for granted » et un questionne­ment sociologique de fait sans cesse renouvelé. On comprend alors le point d’aboutissement de son analyse dans le chapitre sept qui pro­pose un plaidoyer argumenté en faveur d’une herméneutique en sociologie.

11En nous présentant, de manière imbriquée, son parcours de chercheur en sociologie et un ensemble suggestif des recherches qu’il a menées, Michel Messu nous offre des leçons de méthode très vivantes à travers lesquelles il n’hésite pas à dialoguer avec de nombreux philosophes de Bachelard à Gadamer en pas­sant par Frege et Ricœur.

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Pour citer cet article

Référence papier

René Llored, « Michel Messu, De la méthode en sociologie. Livre I : Pour une épistémologie modeste en sociologie. Livre II : De la méthode sans méthodologisme »Études rurales, 197 | 2016, 226-228.

Référence électronique

René Llored, « Michel Messu, De la méthode en sociologie. Livre I : Pour une épistémologie modeste en sociologie. Livre II : De la méthode sans méthodologisme »Études rurales [En ligne], 197 | 2016, mis en ligne le 04 février 2017, consulté le 14 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/10746 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesrurales.10746

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