Maiga Inoussa, Évaluation de la participation des populations au débat foncier dans le département de Padéma
Maiga Inoussa, Évaluation de la participation des populations au débat foncier dans le département de Padéma. Éditions universitaires européennes, 2015, 140 p.
Texte intégral
1Ce mémoire de recherche, publié comme tel, mérite l’attention de ceux qu’intéresse le mouvement de sécurisation foncière en Afrique sahélienne. L’auteur a mené un travail fort précis dans le département de Padéma au Burkina Faso, lieu d’une opération pilote depuis 2004 dans le cadre de la Politique Nationale de Sécurisation Foncière en Milieu Rural (PNSFMR).
2L’importance de la gestion foncière dans le développement est abordée à travers l’inadéquation des textes juridiques aux réalités vécues ; les tensions entre acteurs locaux ; les résistances à la reconnaissance de la propriété des femmes. Les convoitises pour la terre se sont renforcées dans un département qui a souffert des sécheresses dramatiques de 1974 et de 1984 et vers lequel les migrations ont été nombreuses.
3Trois villages, environ 14 000 habitants, ont été enquêtés dans cette région cotonnière où cultures et parcours nourrissent tant de tensions. Pour les apaiser, une gestion participative du foncier a été mise en œuvre. L’auteur en examine le fonctionnement, les résultats et les limites. Le lecteur est heureux de la précision et de la clarté du travail.
4Depuis quelques temps, la pression sur les terres, bousculant les anciennes représentations et fragilisant les coutumes, pousse à définir de nouvelles règles. La sécurisation du foncier n’apparaît pas ici comme un point de départ vers le développement mais comme le moyen de résoudre nombre de difficultés et de menaces dans une société où les anciennes normes reculent. Toutes les composantes sociales n’ont cependant pas le même rapport à la terre. Pour concilier des intérêts divergents, une communication participative a été mise en œuvre. Deux types de formalisation ont été discutés : privatiser le foncier ou sécuriser des droits, solution retenue car elle respecte la complexité des attentes et des perceptions locales.
5L’auteur décrit les instances qui président à la formalisation des droits et le déroulement des travaux dans les villages, à commencer par la rencontre entre un responsable de la politique foncière et les habitants pour faire le point sur les attentes de chacun. Des groupes de réflexion sont ensuite constitués autour d’axes majeurs. 15 à 17 membres les composent, presque exclusivement des hommes. Les délégués représentent les ethnies et comprennent les responsables des lignages fondateurs du village. Toutefois, les migrants ne forment que 40 % des membres tandis qu’ils pèsent pour 80 % dans la population régionale. Les éleveurs sont sous-représentés au prétexte qu’ils transhument. Les villageois sont informés et consultés lors d’assemblées plus ou moins régulières.
6Le premier résultat est l’apaisement des conflits fonciers les plus graves. De plus, les groupes se sont entendus pour travailler sur quelques points même si toutes les composantes sociales n’ont pas été équitablement associées au travail. Un recensement précis de qui détient les droits fonciers, qui exploite et comment l’exploitant a obtenu sa terre a été entrepris. Un organe de gestion du foncier et un de médiation ont été mis en place.
7Héritage, jouissance permanente, prêt à durée déterminée de la terre ont été retenus comme forme de circulation des droits fonciers tandis que ventes et locations ont été interdites au nom des coutumes et parce que l’État est propriétaire éminent du sol. La donation foncière a été prévue pour permettre un changement d’affectation de la terre, y établir des infrastructures publiques par exemple.
8La problématique du pastoralisme est plus complexe. Les dégâts des animaux et le recul des pâtures devant les cultures suscitent bien des heurts. Elle concerne les agriculteurs et des éleveurs transhumants, des semi-nomades, des sédentarisés n’ayant guère les moyens de transhumer, l’auteur ajoutant que « n’est pas transhumant qui veut, mais qui peut ». S’y ajoutent des bergers et des cultivateurs possédant quelques animaux. Tous ont des pratiques et des besoins différents.
9Des itinéraires de transhumance ont été définis. Ils ont été matérialisés sur le terrain par des panneaux indicateurs et des limites peintes au sol, travail laborieux à mener. L’accès à l’eau, la protection des berges et l’aménagement des puits ont été pris en compte.
10L’étude est précise, documentée, contextualisée et nuancée. Une riche bibliographie la nourrit, englobant les travaux européens, africains et ceux des organisations internationales. Pas une partie ne manque d’indiquer les limites du processus et de ses incidences. Relevons par exemple le délicat rapport entre les migrants dont les droits sur la terre sont réduits par rapport à ceux des occupants de longue date. La difficulté à assurer la représentation de tous les acteurs est réelle mais l’apaisement des tensions est possible au prix de la mise en place d’instance de discussion et de médiation. Voilà un travail important pour comprendre une opération concrète de sécurisation du foncier.
Pour citer cet article
Référence papier
Fabien Gaveau, « Maiga Inoussa, Évaluation de la participation des populations au débat foncier dans le département de Padéma », Études rurales, 197 | 2016, 224-226.
Référence électronique
Fabien Gaveau, « Maiga Inoussa, Évaluation de la participation des populations au débat foncier dans le département de Padéma », Études rurales [En ligne], 197 | 2016, mis en ligne le 04 février 2017, consulté le 14 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/10744 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesrurales.10744
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page