Navigation – Plan du site

AccueilNuméros197Violence et incohérence en milieu...

Violence et incohérence en milieu naturel : une histoire du parc éthiopien du Semēn

Violence and incoherence in a natural environment: a history of Ethiopia’s Semēn Park
Guillaume Blanc
p. 147-170

Résumés

À travers l’analyse des sources produites des années 1960 au temps présent par les gestionnaires du parc national éthiopien des montagnes du Semēn, cet article retrace les prémices, les tenants puis les aboutissants d’une hybridation institutionnelle née de l’ordonnance­ment transnational d’un paysage « naturel ». D’un côté, les représentants des institutions internationales de la conservation cherchent à sauvegarder le reliquat d’un Éden africain menacé par ses occupants. De l’autre, l’État éthiopien s’approprie cette éthique écologique afin de se faire reconnaître sur la scène internationale, et à travers elle, de mieux s’imposer sur le territoire national. À l’échelle locale, cette gouvernance de la nature se traduit alors par l’exercice d’une violence concrète puis symbolique sur les populations résidentes, coupables de dégrader un « parc national » classé « patri­moine mondial ».

Haut de page

Texte intégral

  • 1 Les acteurs internationaux et nationaux utilisent la dénomination « Simien Mountains [National Park (...)
  • 2 « Voisinage » en amharique, le qäbäle désigne dans les campagnes un groupe de hameaux ou un village (...)
  • 3 Mängeśt désigne à la fois le gouvernement, l’État et celui qui est perçu comme le détenteur du pouv (...)

1Les populations du Semēn1 mènent une vie quotidienne relativement simi­laire à celle qui a cours dans les autres campagnes des hauts plateaux éthiopiens. Associant labour au bœuf et élevage extensif, les occupants du massif pratiquent un agro­pastoralisme de subsistance, lequel est avant tout limité par l’érosion des sols que provoque l’eucalyptus hautement hydrophile et que ren­force une haute consommation domestique en bois. pour pallier ces difficultés, les popu­lations optimisent leurs modes d’exploitation, par le terrassement, la culture sur brûlis ou l’alternance de cultures annuelles et pérennes, et leurs modes d’habitation, par l’usage de bouse séchée ou de paille de blé. Ce faisant, elles façonnent une écologie résiliente où se combinent contraintes du milieu, modes de production et capacité des sociétés humaines à s’adapter aux premières grâce à la maîtrise des seconds. L’encadrement politique de ces « structures socio-écologiques » [Bertrand 1975] est lui aussi similaire à celui que l’on observe dans les villages des hauts plateaux : le qäbälē2 y contrôle la distribution des terres, des semences et des engrais [Dessalegn Rahmato 2008], et les villageois associent ses dirigeants au mangest3, à qui ils vouent une allégeance individuelle et collective [Lefort 2007].

2Pour deux raisons au moins, le Semēn dif­fère toutefois sensiblement des autres cam­pagnes des hautes terres. Niché entre 3 000 et 4 500 mètres d’altitude, le Semēn est d’abord une région de maquis. Lâchement contrôlé depuis le XVIIe siècle par le royaume chrétien d’Éthiopie [Kaplan 1992 : 478], le Semēn fait véritablement partie de l’empire éthiopien depuis le début du XXe siècle. À l’extrémité septentrionale de la région Amhara fort inté­grée à l’empire, mais aussi à l’extrémité méri­dionale du Tigray épisodiquement irrédent, les habitants du Semēn font néanmoins autant partie de ces Amhara « confondus (et se confondant] eux-mêmes) avec l’identité natio­nale éthiopienne » [Ficquet et al. 2007 : 40] que de ces « périphéries » qui contestent l’autorité des pouvoirs centraux [Gallais 1989 : 154-159]. Le Semēn est ensuite, et pour ces raisons, une région mise en parc. Hailé Sélassié l’érige au rang de parc national en 1969 [Negarit Gazeta 1969 : 6] et en 1978, l’Unesco inscrit le site sur la liste du patrimoine mon­dial de l’humanité, dans la catégorie des « biens naturels » [Unesco/World Heritage Center (WHC) 1978 : 7].

  • 4 Les traductions des références bibliographiques et archivistiques anglophones sont de l’auteur.

3Le parc instauré, de nouvelles logiques s’ajoutent à celles qui président à l’ordonnan­cement du Semēn. Au nom de la sauvegarde du Walia ibex (fig. 1), bouquetin endémique au massif et classé comme espèce en danger, les représentants des institutions internationales de la conservation recommandent l’expulsion des 3 000 occupants du parc [Blower 1969b]. Au nom de cette « richesse nationale mena­cée »4, les employés de l’Ethiopian Wildlife Conservation Organization (EWCO) déli­mitent à l’aide de balises en pierre un espace-parc de 210 km2 à l’intérieur duquel ils éta­blissent des camps tenus par des gardes en arme, chargés de sanctionner l’agro-pastoralisme, l’habitation et la chasse [Mellon 1970]. Quant aux habitants du parc, ils entendent abattre au fusil les Walia ibex dont l’existence justifie la conversion de leur espace de vie permanente en un espace de visite temporaire [Mok 1970 : 57].

Fig. 1. Le Walia ibex, espèce endémique au Semēn

Fig. 1. Le Walia ibex, espèce endémique au Semēn

(cliché : DR)

4Quarante ans plus tard, en une singulière conjugaison de violence et d’incohérence, le Semēn semble prisonnier du cadre dans lequel il a été créé. Les consultants et experts inter­nationaux œuvrent à la participation de la communauté et pourtant, ils continuent de recommander son resettlement (déplacement et relocalisation). Les autorités fédérales éthiopiennes encadrent à l’intérieur du parc l’expansion des activités agro-pastorales et touristiques et pourtant, elles continuent de pénaliser la culture des terres, l’élevage, le défrichement des forêts plantées et l’habitation [Amhara National Regional State (ANRS)/ PADPA (Parks Protection and Development Authority) 2006a : 11]. Quant aux habitants du Semēn, ils semblent tout à la fois refuser et promouvoir l’existence du parc, et tout autant subir que contester le pouvoir de ceux qui défi­nissent et établissent les normes de la nature.

5S’agissant de l’Éthiopie contemporaine, cette histoire interroge, sur la moyenne durée, la pérennité des structures d’encadrement mises en place par les pouvoirs publics éthiopiens impériaux, marxistes-léninistes puis ethno-fédéraux [Vaughan et Tronvoll 2003] et, sur la courte durée, le structural change de l’État éthiopien sous l’influence de l’ancien Premier ministre Meles Zenawi. Ce processus renvoie à l’édification d’un developmental State, c’est-à-dire au contrôle de l’économie par un État central recourant toujours davantage aux dis­cours du développement et de la bonne gou­vernance [Fantini 2013], phénomène soutenant et soutenu par la « glocalisation du pays », c’est-à-dire par la mise en contact exponen­tielle du local et du global par un nombre d’acteurs et d’échelles de pouvoir toujours plus nombreux et variés [Planel et Bridonneau 2015]. La nature se révèle, ici, tant instrument que révélateur de cette recomposition du pou­voir politique éthiopien.

6S’agissant ensuite de la gouvernance trans­nationale de la nature, l’histoire du Semēn éclaire également sur les continuités et les ruptures, sur la courte et la moyenne durée. Si le paradigme de la « nouvelle conservation » oriente bel et bien la gestion très contempo­raine du Simien Mountains, tournée vers le développement participatif des communautés locales, celui-ci vient s’ajouter - et non se substituer - aux logiques de « l’ancienne orthodoxie de la forteresse conservation­niste » [Hulme et Murphree 1999]. L’histoire du Semēn permet d’interroger le poids des « received wisdoms » néo-malthusiennes qui façonnent depuis la décolonisation les parcs africains, perpétuant l’imaginaire occidental d’un Éden dégradé par des occupants mal­habiles [Leach et Mearns 1996 : 1].

7S’agissant enfin de l’Éthiopie dépourvue, ou presque, de passé colonial, seuls Allan Hoben [1995] et James McCann [1997] y ont décrypté les tenants et les aboutissants poli­tiques et transnationaux du mythe contempo­rain de la forêt perdue. La mise en parc du Semēn démontre alors qu’en Éthiopie, aussi, les rapports sociaux entre les hommes et la nature sont l’expression de rapports de force.

8À la croisée des études éthiopiennes et de l’histoire environnementale de l’Afrique, ces hypothèses se dévoilent à travers trois proces­sus. D’abord, au tournant des années 1960, la rencontre entre experts internationaux, fonc­tionnaires impériaux et populations locales fait du parc un territoire de violence. Ensuite, des années 1970 au temps présent, cette rencontre donne lieu à une hybridation institutionnelle de l’espace-parc, évoluant au rythme d’une tension permanente entre gouvernance natio­nale du territoire et régulation globale de la nature. À l’échelle locale se dessine alors la violence d’une nature sans cesse négociée par l’ensemble des acteurs qui l’ordonnent, la pensent et l’exploitent.

Conserver, contrôler et résister (1962-1969)

9À l’automne 1963, à la demande de l’admi­nistration éthiopienne souhaitant instaurer un réseau d’aires protégées, l’Unesco envoie dans le Semēn une « mission d’assistance tech­nique ». Sir Julian Huxley, ancien directeur-général de l’institution, et Théodore Monod, professeur et directeur de l’Institut français d’Afrique noire, conduisent la mission. S’y trouve également Leslie Brown, directeur adjoint du ministère kenyan de l’Agriculture et représentant du World Wildlife Fund (WWF) [Unesco 1964]. À son retour, Brown transmet ses impressions à Noël Simon, employé de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) à Morges, en Suisse : « Ethiopians are without exception the most destructive human beings I have seen - utterly feckless and without any regards for the future » [1963b : 1]. Les deux hommes s’adressent l’année suivante à l’administration éthiopienne: « Priority should be to delineate a national park area to remove from human occupation » [Simon 1964: 1].

Fig. 2. Le Simien Mountains National Park.

Fig. 2. Le Simien Mountains National Park.

(carte Marie Bridonneau et Guillaume Blanc)

Fig. 3. Le parc national des montagnes du Semēn

Fig. 3. Le parc national des montagnes du Semēn

(carte Amélie Chekroun et Guillaume Blanc)

10Puis, en 1965, à la demande de cette der­nière, l’Unesco envoie sur place une seconde « mission de reconnaissance ». Ses membres soutiennent la création d’un parc afin de sauver les populations de walia [Grimwood 1965 : 4] et, sur leurs recommandations, Hailé Sélassié engage John Blower comme Senior Warden. Quatre années plus tard, le parc est créé sous la supervision de Blower, et ce der­nier évolue dès lors au gré d’une éthique éco­logique occidentale vaguement raciste, d’une pratique nationale du pouvoir exclusivement coercitive et d’une âpre contestation de la part des populations locales.

11Britannique ayant fait ses classes dans les réserves de chasse tanzaniennes et kenyanes, John Blower diligente la mise en place du parc dont il recrute, dès 1966, les premiers gardiens. Pour le personnel expatrié, le déplacement des populations est une nécessité. Selon Leslie Brown, « cultivators should be ejected without compensation » [1965 : 4]. Selon le Canadien Clive Nicol, gardien du parc ayant succédé en 1967 à Laurence Guth, son homologue du National Park Service états-unien : « Inhabi­tants are farming by the worst methods, des­troying the habitat and causing tremendous erosion [...]. As long as the people are in Geech, a National Park project will fail » [1969b: 2]. Aussi en juillet 1969, s’adressant au général Mebratu Fisseha, directeur de l’EWCO, John Blower conditionne le futur du parc national à l’expulsion de ses occupants « retardés et primitifs » :

Geech village is on the top of the Simien escarpment in the centre of the proposed Park, and it must therefore be moved. There are also a number of small villages round the foot of the Simien escarpment on or near the proposed boundary. [...] The Governor of Simien should be instructed to ensure; a) that there is no further cultivation or cutting or burning of forest [...]. b) that those persons who have cut or burnt forest shall be taken to court [...]. c) that all existing cultivation on the escarpment shall be abandoned forthwith. The people of Simien are backward and primitive and they are naturally very suspicious when a foreign Warden is sent there to make a National Park; they are hostile and suspicious since they think that he has come to steal their land. It is essential to have an experienced Warden to deal with the technical side of developing the National Park. But it is suggested that an Ethiopian administrative officer should also be appointed to deal with all matters concer­ning the local people [Blower 1969b].

12Trois semaines plus tard, Mebratu informe le secrétaire général du WWF de son inten­tion d’interdire la culture des terres, le pâtu­rage et la chasse, et d’expulser « dès que possible » les habitants du Semēn [1969a : 1]. Les autorités éthiopiennes sollicitent sciem­ment les auteurs de ce récit de la dégrada­tion hérité de l’époque coloniale [Adams et McShane 1996 ; Griffiths et Robin 1997]. Pour autant, elles entretiennent avec eux une relation ouvertement conflictuelle. Dès son arrivée en Éthiopie, John Blower manifeste son mécontentement. Au Vice-premier ministre, il dénonce le retard pris dans l’embauche de gardiens expatriés : « Only experienced men are able to lead the tasks recommanded by Unesco » [1966c : 1].

13Il se plaint plus régulièrement auprès du premier directeur de l’EWCO, le major Gizaw Gedlegeorgis. Entre 1966 et 1969, les deux hommes échangent plus de deux cents mémos ronéotypés. Se plaignant de frais de mission non remboursés, de cérémonies officielles auxquelles il n’est pas convié ou encore de son personnel de maison envoyé en congé sans qu’il en ait été informé, Blower fait sou­vent montre de son irritation. C’est notam­ment le cas en février 1969 lorsque, depuis deux mois, aucun salaire ne lui a été versé. Voyant ses requêtes ignorées, Blower s’insurge: « I must notice the unbelievable inefficiency of your administration. [...] This department has - as usual - done nothing ». Il menace de démissionner en cas de non paiement de sa solde et conclut en ces termes: « I regret having to write like this, but when polite requests receive no attention there is no other alternative » [1969a: 4]. Le major Gizaw lui répond deux jours plus tard:

You said that I am anti British which is not true. Instead of this if you say I am anti flagrant liar or anti dishonest I would admit. [...] Your salary will be coming soon enough. However, we can­not accept such continued and endless abuse. Please therefore write to inform not to impress the reader otherwise we will be obliged to take the appropriate step. [...] I regret having to write like this, but when polite and patient appro­ach receives no result there is no other alternative [1969].

14La réponse du major atteste de cette straté­gie éthiopienne qui consiste à accueillir les représentants de la communauté internatio­nale, tout en faisant valoir une entière souve­raineté. Non seulement la création du parc favorise la reconnaissance de la nation par des institutions telles que l’Unesco, mais elle per­met également à l’État éthiopien de planter son drapeau dans une région de maquis. Aussi, une fois sur place, ses représentants laissent faire le personnel étranger. Le désar­roi dans lequel se trouve Clive Nicol est révé­lateur. En février 1969, depuis le camp de Sankaber, il déplore l’absence d’une piste routière praticable, trois ans après le début de l’aménagement du parc. Selon C. Nicol: « It is rather obvious that the Imperial Ethiopian Government does not find the Simien project of prime importance » [1969a: 1]. En mai, exaspéré, il répond à John Blower:

  • 5 Les Éthiopiens emploient l’expression farendj pour désigner une personne étrangère blanche de peau.

What the fucking hell can I do: I think that the whole situation is hopeless. The government doesn’t give a damn. [...] The govt. is NOT backing the feranji5 against anybody [...]. As soon as I have saved enough cash, I am going to quit. I am not going to be away from my family to be an ineffective pawn in Ethiopian prestige politics [1969c: 1].

15La lettre de démission qu’il envoie en juillet au ministre de l’Agriculture est tout aussi amère: « Game guards are of the worst imaginable quality [...] and officials are not really interested in seeing a park developed » [1969d: 2]. Faite d’oppositions et de négocia­tions, chaque acteur engagé dans la conserva­tion du parc cherchant à y faire reconnaître ses propres représentations de la nature et valoir ses propres intérêts, cette dialectique institutionnelle nationale-globale se traduit, à l’échelle locale, par la criminalisation des occupants du parc. Chassant épisodiquement le walia pour sa chaire et ses cornes (transfor­mées en ustensiles de cuisine), ils perdent leur droit de chasse en 1963 [Brown 1963a : 3]. Cinq ans plus tard, le gouvernement impérial prohibe les cultures sur brûlis et les coupes d’arbres et en 1970 pénalise l’activité agro­pastorale. Depuis, les gardes du parc infligent des amendes voire des peines de prison à celles et ceux qui enfreignent la réglementa­tion [Negarit Gazeta 1970 : 30-33].

16Résistant à celle-ci en continuant d’ex­ploiter leur environnement, les populations contestent parfois explicitement les autorités. En 1966, Blower signale la destruction des balises marquant les délimitations du parc [1966c : 5]. Volontaire des Peace Corps déta­ché dans le Semēn, Tag Demett évoque en 1968 le danger ressenti : « You do not want to dive in dirty water with the local people » [1968 : 2]. L’année suivante, Nicol abonde dans son sens: « Populations are obstructive, [...] they are showing an anger more and more superior » [1969d: 3]. Deux mois avant l’inau­guration du parc, lorsque les habitants tentent d’abattre l’ensemble des walia, l’EWCO fait appel au gouverneur du Semēn : « It is urgent to put a final end to the disorders that pre­vent the demarcation of Simien boundaries » [Mebratu Fisseha 1969b : 2].

Association, tension et hybridation institutionnelles (1969-2012)

  • 6 Le klipspringer est une antilope africaine de petite taille.

17Depuis quarante ans, les acteurs nationaux et internationaux engagés dans la gestion du parc travaillent à la sauvegarde des Walia ibex, klipspringer6 et babouins Gelada, des Lobelia et pelouses d’altitude, des panoramas et, pour ce faire, à la limitation des activités humaines qui menacent leur intégrité [EWCO 1974, 1995 ; Stephenson 1978 ; Unesco/WHC 1996a ; Ludi 2005 ; ANRS/PADPA 2006b]. Toutefois, les rapports d’activité produits par ces professionnels de la nature révèlent un travail avant tout guidé par l’imaginaire d’un idéal africain de type faune - flore - pano­rama, et du cercle vicieux qui l’accompagne, de type déforestation - surexploitation - surpâturage. Depuis 1970, les populations humaines et non-humaines ont été multipliées par quatre : environ 12 000 personnes vivent aujourd’hui au sein et aux alentours du parc, et environ 650 walia y évoluent [ANRS/ PADPA 2006b : 11]. Pourtant, à propos du walia, on peut lire: en 1963, « about 150 [...], the situation in regard to the Walia ibex is serious but far from hopeless » [Brown 1963a: 2]; en 1978, « Walia ibex (a maximum of 300 now remain) [...] may be lost for ever » [Stephenson 1978: 1]; et en 2000, « about 430 today [...] there is a great fear for the long term conservation of the Walia ibex » [ANRS 2000: 28]. Concernant le couvert forestier, notamment sur l’escarpement de Chenek à l’est du parc, les mêmes archives font sys­tématiquement état d’une forêt « autrefois luxuriante » et « aujourd’hui » menacée de disparition par une population humaine trop nombreuse. Néanmoins, comme le suggèrent ces deux clichés, le couvert forestier semble aujourd’hui au moins aussi dense qu’autrefois.

Fig. 4. Chenek, septembre 1972.

Fig. 4. Chenek, septembre 1972.

(cliché Robin Veitch 1972).

Fig. 5. Chenek, novembre 2012

Fig. 5. Chenek, novembre 2012

(cliché Guillaume Blanc).

18L’analyse n’enlève rien à l’ampleur des risques environnementaux associés à l’éro­sion, la déforestation ou la contamination des espèces sauvages par le bétail. Elle indique toutefois que leur saisie par les acteurs inter­nationaux et nationaux renvoie moins à l’environnement qu’à la représentation qu’ils se font de la nature et de la façon dont elle doit être gérée. Entre le « poids de l’État » [Gallais 1989 : V] d’une Éthiopie nationaliste usant désormais de l’échelle globale pour contrôler ses territoires [Planel 2015] et l’ima­ginaire occidental d’une Afrique vierge mais dégradée [Leach et Mearns 1996 : 1-33], le Semēn est d’abord un lieu et un enjeu de pou­voir. Jusqu’à son classement au patrimoine mondial en 1978, le parc évolue au rythme d’une opposition larvée entre experts occiden­taux et fonctionnaires impériaux, les premiers planifiant pour les seconds l’aménagement du site : « Populations are easily obedient [...] ; vital [...], their removal should not be a big problem » [Blower 1966a : 2].

19Notamment financé par l’UICN et le WWF, un expatrié est à la tête du parc. Après Laurence Guth et Clive Nicol, un cer­tain W.E. Lilyestrom assure la tâche de Chief Warden en 1970. Il est suivi par le zoologue suisse J. Muller de 1971 à 1973, puis par ses compatriotes, géographes, Peter Stahli et, en 1975, Hans Hurni [Lilyestrom 1974 : 2 ; Klotzli 1975 : 18 ; Stahli et Zurbuchen 1978 : 18]. Installés à Gich, au cœur du parc, ils supervisent la délimitation de ses frontières, planifient le déplacement de ses habitants et, quotidiennement, ils conduisent des patrouilles afin de faire respecter « l’interdiction de la chasse, de la culture sur brûlis, de la défores­tation et du pâturage » [UICN 1976 : 143].

20Témoignant de la « géographie morale occidentale » selon laquelle un parc naturel africain doit être vide d’habitants [Neumann 2004], ces expatriés sont d’autant plus enclins à une certaine arrogance qu’ils sont directe­ment sollicités par l’administration impériale [Bahru Zewde 2002 : 100]. Celle-ci conserve néanmoins une stricte ligne de conduite : la reconnaissance internationale est au service de la souveraineté nationale, et non l’inverse [Markakis et Asmelash Beyene 1967 : 204]. Aussi lorsqu’au printemps 1969, le Prince de Hollande et président du WWF, Bernhard de Lippe-Biesterfeld se rend en Éthiopie pour convaincre Hailé Sélassié de renforcer le pouvoir des « gardiens expatriés », l’empereur juge la recommandation « peu pertinente » et décide d’assigner à leurs côtés un « gardien national » [EWCO 1970 : 1]. Le därg mettra un terme final à cette forme de confiscation de la souveraineté éthiopienne. Le classement du parc au patrimoine mondial est obtenu en septembre 1978 et, au mois d’octobre, l’EWCO cesse de nommer des gardiens étrangers [Aerni 1978 : 101].

21Éthiopiens et expatriés entretiennent ensuite, jusqu’en 1991, une coopération de façade. À la fin des années 1970, les opposants politiques issus des milieux étudiants et les indépendan­tistes venus du Nord prennent le maquis pour lutter contre le därg. Contraints de quitter le parc et de se replier à Debark, les uni­versitaires suisses entendent tout de même « superviser » la gestion du Simien Mountains [ibid. : 102]. Promoteurs du nouveau régime de la conservation qui émerge à l’échelle internationale, celui dit de la « community conservation » [Adams et Hulme 2001 : 10], ils établissent un « plan d’action » destiné à améliorer la prise en compte par les popula­tions locales de « l’état de la nature » [Messerli 1978 : 8]. Puis en 1986, subventionné par l’Unesco, Hans Hurni rédige le premier pro­gramme d’aménagement du parc. Celui-ci sti­pule que « dans le Semēn, l’élément le plus fragile est l’Homme ». À ce titre, l’action est dédiée à la sauvegarde « de la beauté du paysage et de la diversité écologique », au « développement socio-économique » des popu­lations mais, aussi, à leur resettlement [EWCO et Unesco 1986 : 46-50].

22Dans la mesure où le Semēn échappe jus­qu’au contrôle de Mälaku Täfära, gouverneur tyrannique de la province de Gondar, le därg a d’autant plus intérêt à feindre la coopération. Ainsi, en 1982, l’EWCO informe l’Unesco du déplacement de 1 200 habitants : « The vege­tation come-back was fantastic, [...] encoura­ging from the wild-life habitat aspect » [Ermias Bekele 1982 : 12]. Et en 1983, déplorant leur retour dans le parc, elle s’engage à mettre en œuvre les « recommandations des experts » : limitation de l’agro-pastoralisme et déplacement des habitants [Provisional Military Government of Socialist Ethiopia 1983 : 2]. Dissimulant les succès et les infortunes de la guerre civile derrière leur détermination à gérer comme il se doit le Simien Mountains, les dirigeants marxistes-léninistes continuent finalement de mettre la reconnaissance internationale au ser­vice de la nation.

23L’entreprise se poursuit depuis. Excepté qu’elle donne lieu à une hybridation institu­tionnelle inédite entre une république fédé­rale, conjuguant désormais autoritarisme et liberté civile, et un régime international de la conservation dorénavant orienté vers la doc­trine du « parks for people » [Castro Larranaga 2013 : 325].

24Dès 1991, la chute du därg signe la ré­ouverture du Semēn sur le monde extérieur. Le programme des Nations Unies pour le développement et le gouvernement transitoire éthiopien reconstruisent en 1993 la piste rou­tière qui traverse le massif [United Nations Sudano-Sahelian Office (UNSO) 1993 : 8], en 1995, le Fonds d’équipement des Nations Unies (UNCDF) et le ministère éthiopien du Développement des ressources naturelles et de la Protection environnementale (MNRDEP) y diligentent des « sondages socio-écologiques » [EWCO 1995 : 76]. À leur terme, ils prévoient un « développement communautaire partici­patif » et définissent une « stratégie de réduc­tion de la pression anthropique » [MNRDEP, UNCDF et Food and Agricultural Research Management in Africa (FARMA) 1995 : 18-21]. Puis, en 1996, le centre du patrimoine mon­dial de l’Unesco envoie une nouvelle mission dans le Semēn. Estimant que les habitants du parc en exploitent 80 % des terres, ses membres suggèrent l’inscription du Semēn sur la « liste du patrimoine mondial en péril » [Unesco/WHC 1996a : 24]. L’Unesco suit ces recommandations, et ses responsables condi­tionnent la réinscription du site sur la « liste du patrimoine mondial » au resettlement de ses occupants [Unesco/WHC 1996b : 32]. Pour cela, l’ambassade autrichienne et l’État- Région Amhara s’efforcent d’abord de pro­mouvoir le développement économique des alentours du parc, l’objectif étant d’inciter ses habitants à s’y déplacer, puis à s’y installer définitivement. L’entreprise échoue. Les repré­sentants de l’Unesco et de l’UICN demandent alors à l’administration éthiopienne d’élargir le parc sur ses flancs occidentaux et orientaux afin de protéger les walia, de resserrer ses frontières septentrionales et méridionales afin d’exclure certains villages du périmètre de pro­tection et de planifier le « déplacement volon­taire » des résidents [Edroma et Hillman-Smith 2001 : 5]. L’EWCO modifie les frontières du parc en 2006, mais les populations refusent de quitter les lieux [ANRS/PADPA 2008]. Aussi le parc demeure-t-il « en péril » et sa gestion consacrée « à satisfaire les objectifs définis par l’Unesco » : plantation de forêts, protection accrue des espèces animales, limitation de l’agro-pastoralisme et déplacement des popu­lations [ANRS/PADPA 2006b : 3 ; Ethiopian Wildlife Conservation Authority (EWCA) 2012].

  • 7 Jemal, cité dans Blanc [2015 : 285].

25Comme aux époques impériale et marxiste-léniniste, l’influence de ce discours internatio­nal sur les autorités éthiopiennes se mesure à l’aune du pouvoir que celles-ci accordent à ses locuteurs [Rist 2002 : 18]. La construction de la route qui traverse le Semēn d’ouest en est est significative (voir fig. 2). Débutée en 1969 avec l’aide de l’armée britannique afin d’accroître le potentiel touristique du parc, elle s’étendait en 1975 sur 30 kilomètres [Morton 1969 : 1 ; WWF 1975 : 130]. Vingt ans plus tard, après la guerre civile et les des­tructions qui s’en sont suivies, les dirigeants de l’Ethiopian People Revolutionary Democra­tic Front (EPRDF) décident de réhabiliter la route, gage probable de remerciements adressés aux populations qui les ont abrités dix années durant dans leurs montagnes [MNRDEP, UNCDF et FARMA 1995 : 30]. Néanmoins, inquiets du coût écologique de l’opération, l’ambassade autrichienne, les universitaires suisses et l’Unesco préconisent la fermeture de cet axe et sa « relocalisation » au sud du parc. Les dirigeants de l’EPRDF optent, quant à eux, pour une extension vers l’est, le nord et le sud du Semēn. Aussi, en 1996, au moment où l’Ethiopian Road Authority débute les tra­vaux, l’Unesco inscrit le Simien Mountains sur la liste du patrimoine mondial en péril, et l’UNCDF suspend son aide financière [Unesco/ WHC 1996a : 15]. Les autorités éthiopiennes poursuivent, malgré tout, leur entreprise. La route s’étend sur plus de 65 kilomètres en 2002 et en 2007, elle rejoint les villes de Beyeda et de Mekane Birhan, au nord et au sud du Semēn [ANRS 2007 : 8]. Les évène­ments prennent ensuite une tournure singu­lière. En 2008, les gestionnaires du parc planifient la construction du tronçon routier qui fera office, au sud, de « route relocali­sée ». En 2012, une vingtaine de kilomètres y sont tracés à flanc de montagne. Cependant, toujours en 2008, l’EPRDF fait installer une ligne électrique en bordure de la première route [ANRS/PADPA 2008 : 7]. Et en 2012, si la circulation s’effectue encore sur celle-ci, en attendant qu’émerge un consensus avec les institutions internationales, les autorités décident de couper l’électricité7.

26Ni tout à fait international ni tout à fait éthiopien, le Simien Mountains évolue donc depuis les années 1970 au gré d’une hybri­dation institutionnelle née de la tension qui associe, autant qu’elle les oppose, gouver­nance nationale et régulation globale. Certes, chacune d’elle connaît des recompositions majeures. Tandis que la gestion étatique des territoires éthiopiens évolue au gré de rééqui­librages entre les centres et les périphéries du pays, les éthiques qui président à la gestion internationale de la nature oscillent entre « préservationnisme » et éviction des popula­tions, « conservationnisme » et intégration des communautés locales. Cependant, entre un monde expert étranger travaillant à la sauve­garde nationale d’un patrimoine mondial et une administration éthiopienne recherchant la reconnaissance mondiale d’un patrimoine national, le Semēn continue d’être un territoire sans cesse négocié et débattu, voire contesté. À l’échelle locale de l’espace-parc patrimonialisé, le Semēn apparaît alors comme un territoire de violence.

Violences et résistances (1969-2012)

  • 8 Selon le mois de l’année, le calendrier grégorien ajoute sept à huit ans au calendrier éthiopien or (...)

27Le parc créé, la réglementation édictée par les autorités publiques rend le mode de vie des populations illégal. Les occupants du Semēn sont d’abord sanctionnés pour la chasse d’ani­maux sauvages, activité épisodique ayant cours, avant tout, en période de crise alimentaire [Mellon 1970]. L’administration impériale étend l’interdiction de chasser aux étrangers en 1970, met en place une « unité anti­braconnage » en 1972, augmente le montant des amendes sanctionnant le « braconnage » en 1982 [Ethiopian Tourism Commission 1982 : 3] et continue, depuis, d’appliquer une stricte réglementation. En 2003, par exemple, les auto­rités locales condamnent à une et à cinq années de prison les villageois ayant abattu, l’un, une hyène, l’autre, un walia [Lule Wendemallegne 1996 (cal. éth.)8 ; Siviter 2003]. Les occu­pants du Semēn sont sanctionnés, d’autre part, pour leurs pratiques agro-pastorales. Celles-ci sont légalement proscrites en 1972 [Negarit Gazeta 1972 : 38], il est question de « sanc­tions judiciaires » en 1978 [Hurni 1978 : 94], de « décisions pénales » en 1994 [Zewde Yesuf 1987 (cal. éth.)], de « sentences d’empri­sonnement » en 2006 [Asfaw Menesha 1999 (cal. éth.)], de « saisies de récoltes » en 2007 [Meherete Mekonnen 2000 (cal. éth.)] ou encore d’amendes pour « pâturages illégaux » en 2009 [Mola Anderge 2002 (cal. éth.)]. Enfin, l’habitation permanente est proscrite. Les responsables du parc interdisent l’exten­sion des villages existants au milieu des années 1970 [Hurni 1978 : 94] et depuis les années 1990, ils sanctionnent l’exploitation des lieux. Les tribunaux locaux jugent des villa­geois de Gich et de Chenek pour avoir défriché des zones boisées en 1995 [Tilahun Bezabe 1988 (cal. éth.)], la justice condamne 91 « criminels » pour avoir étendu leurs terres de pâture à Sankaber en 1997 [Belay Gedamu 1990 (cal. éth.)] et en 2007, les gardes du parc détruisent les maisons nouvellement construites dans le district d’Adi Arkay, dans la partie orientale du massif [Mesganaw Mulate 2000 (cal. éth.)].

  • 9 « District » en amharique, l’unité administrative du wäräda est instaurée par l’empereur en 1941.

28Par l’intermédiaire des scouts de l’EWCO, des milices du qäbälē et du tribunal des trois wäräda9 du Semēn, l’État fait du parc un outil de la violence qu’il exerce sur ses sujets, dans le Semēn comme sur l’ensemble du ter­ritoire national. L’appropriation des normes internationales de la conservation donne cependant lieu à une violence de plus en plus symbolique [Lemos et Agrawal, 2006]. Le programme de resettlement éclaire le processus.

29Ancien Chief Game Warden du Kenya, Ian Grimwood est mandaté en 1965 par l’Unesco pour évaluer aux côtés de Leslie Brown le potentiel du futur parc. Grimwood se montre explicite: « I have emphasized the need to extinguish all individual or other human rights in any area to be declared a National Park » [1965: 4]. Successeur de John Blower, l’Amé­ricain Patrick D. Stracey est tout aussi clair: « The ideal of a National Park of international status, with no human presence or activities within its boundaries, is one well worth stri­ving » [1972: 3].

30C’est sur ses conseils que l’EWCO dit envisager en 1972 un déplacement des popu­lations dans l’Arsi, 800 kilomètres au sud [1972]. Les populations ayant refusé, il faut attendre l’avènement du därg et le début de la guerre civile pour que l’armée détruise sept villages dans les basses terres du parc, et expulsent leurs 1 200 habitants [EWCO 1984 : 18]. Néanmoins, comme dans le reste des cam­pagnes éthiopiennes en proie à la politique socialiste de villagisation, le resettlement tourne au fiasco [Pankhurst et Piguet 2009 : 9-13]. Les populations reviennent occuper les mon­tagnes contrôlées par les opposants et séces­sionnistes en 1986 [UNSO 1993 : 4] et en 1994, les surfaces cultivées et pâturées sont plus étendues qu’avant leur départ [FARMA 1994 : 7].

  • 10 Propos tenus par Ali [Blanc et Bridonneau 2007 : 22].

31Au sortir de la guerre, la nouvelle Répu­blique fédérale éthiopienne promouvant une certaine ouverture démocratique, et les institu­tions internationales de la conservation s’étant converties au principe du parks for people, l’idée d’une expulsion forcée s’efface derrière celle d’un voluntary resettlement. Dans cette perspective, en partenariat avec les autorités autrichiennes, l’administration fédérale met en œuvre l’Integrated Development Project (IDP). Initié en 1996 et suspendu pendant la guerre qui oppose deux années plus tard l’Éthiopie à l’Érythrée, le projet reprend en l’an 2000. Compensations financières et emplois sont promis aux populations qui accepteraient de quitter les lieux, mais seuls 13 % des foyers se déclarent volontaires [ANRS 2000 : 88]. L’Unesco et l’UICN diligentent deux nou­velles missions dans le Semēn en 2001 et 2003 mais, là-encore, la majorité des résidents expriment leur intention de rester vivre sur place [Edroma et Hillman-Smith 2001 : 11 ; Hurni et Stiefel 2003 : 6-8]. Les gestionnaires de l’IDP adoptent alors une stratégie dite d’incitation. Grâce au financement autrichien, les employés de l’EWCO implantent en 2004 des pépi­nières d’eucalyptus aux alentours du parc, où ils dispensent également des formations aux agriculteurs désireux d’améliorer leur produc­tivité. En revanche, dans l’enceinte du parc, aucune semence d’eucalyptus n’est distribuée, aucune formation n’est proposée, et interdic­tion est faite aux populations de collecter du bois là où il a été fourni gratuitement : « People are now left - theoretically - with no access to wood at all » [Ludi 2005 : 27]. Les villageois perçoivent la manœuvre d’un mauvais œil : « l’IDP veut nous affaiblir, que l’on soit si pauvres qu’on n’ait pas d’autre solution que de quitter nos villages »10. Cepen­dant, de l’avis des pouvoirs publics, l’entreprise est inévitable:

By logic there is no hope for the park population to continue their present way of life for any lengthier period of time. The only option through which a) the long-term livelihoods of the park popu­lation can be ensured, b) the degradation of the natural resources of the park can be halted and reversed and c) the popu­lation of the park can be significantly reduced (fulfilling the third benchmark set by UNESCO [...]) is to cooperate with the park population in their volun­tary removal from the park, encouraged by providing them with new housing and alternative and acceptable liveli­hoods in the wider Simen Mountains Region [ANRS/PADPA 2006a: 14].

32Le même argument est répété depuis. Selon les responsables du parc, la survie de l’envi­ronnement, et de ses occupants, dépend de leur départ [ANRS/PADPA 2008 : 8 ; ANRS, Frankfurt Zoological Society et Unesco 2009 : 41-48]. Au-delà d’une évolution discursive, la planification du resettlement signale ainsi la permanence d’une « pratique étatique [éthio­pienne] récurrente de gestion territoriale » [Bridonneau 2014 : 120] et celle de la logique néo-malthusienne qui accompagne la « gouver­nance verte » promue, au Sud, par les institu­tions internationales de la conservation [Luke 1999]. En revanche, la résistance qu’opposent désormais les occupants du Semēn à cet ordre naturel et social révèle l’efficience d’une violence étatique devenue aussi concrète que symbolique. Dès 1971, Leslie Brown fait état d’actes de protestation: « Arms are used, not only against the wildlife, but against the staff of the Wildlife Conservation Department » [1971].

33L’administration mentionne trois ans plus tard un « mépris de la loi et de ses représen­tants » [EWCO 1974 : 9], et à la veille du classement au patrimoine mondial, la « des­truction répétée des balises signalétiques » [Stahli et Zurbuchen 1978 : 21]. Les violences redoublent ensuite d’intensité, au point qu’en 1991, les bureaux du parc sont pillés et cha­cun des camps jonchant le Simien Mountains est détruit [Hillman 1991 : 2]. Ces violences sont loin d’être dues à la seule existence du parc. Tout au long des années 1980, le Semēn est le théâtre de la Terreur rouge qu’imposent à leurs ennemis le därg et son gouverneur, Mâlaku Tâfâra. Symbole du pouvoir politique qui les opprime, le parc semble toutefois visé, aussi, pour les valeurs écologiques qui sous-tendent son existence. En effet, au mois de mai 1991, les villageois de Sankaber et des hameaux alentours tirent de nouveau à vue sur chaque horde de walia qu’ils aperçoivent [Tesfaye Hundessa 1995 : 73]. Ministre du Développement des ressources naturelles et de la Protection environnementale, Mesfin Abebe analyse ainsi ces évènements quelques années plus tard :

Infrastructure were destroyed and wil­dlife killed. Indeed, the people who have since antiquity lived harmoniously with their ecology and thus with the wild ani­mals and their habitat, were portrayed as the main threats to the animals [1995: 3].

34Les populations auraient d’autant plus vio­lemment revendiqué leur paysage qu’elles en étaient exclues. Depuis, la résistance aux pou­voirs publics paraît épisodique. En 1996, des villageois volent du bois stocké par l’adminis­tration gestionnaire à Chenek [Endalekatchew Teshome 1988 (cal. éth.)]. En 1997, à Bwahit, un homme menace de mort le garde qui l’accuse de défricher la forêt [Belay Gedamu 1990 (cal. éth.)]. En 1999, les résidents de Sankaber détruisent la maison d’un scout qui a confisqué leurs récoltes [Wolde Gebriel 1992 (cal. éth.)] et en 2003, à Dirni, un berger, s’en prend physiquement au garde qui a abattu son chien [Berhanu Gebre Mohammed 1995 a (cal. éth.)]. En conflit uniquement lorsque l’intégrité des ressources matérielles et alimen­taires est en jeu, les populations locales et l’administration gestionnaire semblent désor­mais entretenir une relation relativement paci­fiée. Le phénomène révèle la résignation des paysans face à l’attitude autoritaire du pouvoir central [Pausewang 2002], mais pas seulement.

35En 1994, en association avec l’Unesco, les géographes de l’Université de Berne conduisent un projet baptisé Simien Mountains Baseline Study. Il est destiné à saisir « l’attitude des populations envers les ressources naturelles et leur dégradation » [MNRDEP 1994 : 8], et à mieux communiquer avec celles-ci : « It was felt that if people wanted to resettle, this should be seen as one of the strategies to improve the situation for people » [MNRDEP, UNCDF et FARMA 1995 : 28]. À cet effet, jusqu’en 2009, les gestionnaires du parc organisent près de 650 journées de « sensibilisation envi­ronnementale », auxquelles assistent, chaque année, près de 8 000 personnes. De village en village, ils expliquent aux habitants du Semēn: « Wild life conservation is important, [...] tou­rism can improve their livelihoods [...], they must leave the park to save the wild life » [Endalekatchew Teshome 2002 (cal. éth.)].

36Cette transmission des bons usages - condi­tionnés par les bonnes représentations - de l’environnement mène à une progressive déstructuration du corps social. D’une part, les populations mendient toujours davantage l’aide des touristes. Les responsables du parc évoquent à cet égard l’« exaspération » des voyageurs, mécontents d’être « harcelés » par les enfants et les villageois qui leur demandent argent, médicaments, nourriture et stylos [Desire Gabreze 2001]. Aspirant à une activité plus lucrative que l’agro-pastoralisme, les habitants du Semēn cherchent, d’autre part, à travailler pour le parc. Certains surveillent « volontairement la faune et la forêt » en atten­dant d’être embauchés comme gardes [Jemaneh Jagiso 1984 (cal. éth.)], d’autres postulent pour être guides touristiques [Fante Teshagre 1999 (cal. éth.)], et ceux éconduits par l’admi­nistration se font passer pour des guides offi­ciels auprès des visiteurs [Berhanu Gebre Mohammed 1995b (cal. éth.)]. Enfin, les pay­sans qui continuent de se consacrer à l’agro­pastoralisme sont de plus en plus nombreux à dénoncer aux autorités leurs voisins qui chassent la hyène, défrichent la forêt ou étendent la culture des sols [Ali Reta 2002 (cal. éth.)].

Conclusion

37Certains acceptent aussi de quitter le parc. Ainsi en 2012, au cœur du Semēn, les habi­tants d’Arkwaziye détruisent leur village, et à l’aide des matériaux que les gestionnaires du parc leur ont fournis, ils le reconstruisent en contrebas du corridor de circulation emprunté par les walia [EWCA 2012]. Cet abandon volontaire d’un espace de vie signale l’inté­riorisation par la collectivité locale du pré­supposé selon lequel il est dans son intérêt, sinon dans son devoir, de libérer la nature de sa présence. En cela, l’éthique de la conserva­tion qui préside à l’ordonnancement du Semēn s’accompagne d’une violence désormais plus symbolique que concrète [Terray 2002 : 15]. Mais elle s’accompagne aussi, et surtout, d’incohérence. Car lorsque les autorités éthiopiennes annoncent aux représentants de l’Unesco le déplacement volontaire du village d’Arkwaziye, elles font également connaître leur volonté de privilégier, plutôt que l’expul­sion de ses occupants, un « développement intégré » du parc national [EWCA 2012]. Cette incohérence renvoie, au moins, à trois ordres de fait.

38S’agissant d’abord des institutions inter­nationales de la conservation, leurs dirigeants et experts paraissent les défenseurs malgré eux d’une Afrique « autrefois » de faune, de flore et de panoramas, et « aujourd’hui » menacée par l’occupation humaine. Si le dis­cours et l’action se sont désormais orientés vers la participation de la communauté et la défense de paysages culturels, la gouvernance globale de l’environnement africain repose encore sur la vision d’une nature et d’un continent - idéalement - caractérisés par l’absence de l’Homme.

39S’agissant ensuite de l’Éthiopie, la gou­vernance du Semēn fait largement écho à la « politique d’émulation » que mènent les pou­voirs publics éthiopiens depuis les années 1960, leurs représentants instrumentalisant les idéo­logies extérieures afin de les réinventer à la faveur du contexte national [Clapham 2006]. Si l’on s’en tient à la courte durée du régime fédéral en place depuis 1995, l’apparente accep­tation par les populations de leur « départ volontaire » signale qu’à la faveur de la glo­balisation croissante de ses territoires, l’État éthiopien manie désormais les instrumenta­tions d’un pouvoir politique « total », à savoir : « l’exercice, intrinsèquement coercitif, de la puissance publique, l’usage, intrinsèquement persuasif, de l’action rhétorique, enfin le recours, intrinsèquement charismatique, aux procédés symboliques » [Ory 2000 : 525].

40Cependant, si l’on élargit la perspective à la moyenne durée de la construction nationale éthiopienne contemporaine, aussi fluctuante soit-elle dans ses formes et ses temporalités, la résistance des populations locales face à la mise en parc de leur territoire signale que l’imaginaire national demeure « partiellement réinventé mais toujours contesté » [Bach 2011 : 439]. L’opposition tient à la coercition qu’emploient systématiquement les pouvoirs publics afin d’enraciner à l’échelle locale les principes qu’ils défendent à l’échelle nationale. Aussi négligent-t-ils de donner à la nature et à la nation qui la régit la cohérence nécessaire à leur appropriation par l’ensemble des popu­lations. Au lieu de promouvoir l’amour de la première afin qu’il s’étende à la seconde [Olwig 1996 : 386 ; Walter 2004 : 178], l’État continue de les imposer toutes deux par la force.

41S’agissant enfin du Semēn, l’espace-parc paraît prisonnier du cadre dans lequel il a été inscrit, à la fin des années 1960. Le Simien Mountains ne peut accueillir un paysage qui soit à la fois mondial et naturel, éthiopien et anthropique. Entre une élite internationale « persuadée d’œuvrer pour le bien commun » [Morin 2001 : 222] et un État national déter­miné à se faire reconnaître par l’extérieur pour mieux s’imposer à l’intérieur, la nature paraît vouée à la négociation, à la violence et à toujours davantage d’incohérence.

Haut de page

Bibliographie

Aerni, Klaus — 1978, « The Panorama of the Imet Gogo (3926 m) in Simen », in B. Messerli et K. Aerni eds., Simen Mountains Ethiopia. vol. I: Cartography and its application for geographical and ecological problems. Berne, Geographisches Institut der Uni­versität Bern: 101-102.

Ali Reta — 2002 (cal. eth.), lettre a SMNP (Simien Mountains National Park) « Regarding report of field work », 16 juin. Debark.

ANRS (Amhara National Regional State) — 2000, « Simen Mountains National Park Management Plan ». Bahir Dar. — 2007, « Simen Mountains National Park Integrated Development Project, Project 1722-00/ 2005 ». Bahir Dar.

ANRS, Frankfurt Zoological Society et Unesco — 2009, Simien Mountains National Park. General Management Plan 2009-2019. Bahir Dar.

ANRS/PADPA (Parks Protection and Development Authority) — 2006a, « Development of Alternative Livelihoods for the Population of the Simen Moun­tains National Park, Ethiopia ». Bahir Dar. — 2006b, « Simen Mountains National Park Management Plan ». Bahir Dar. — 2008, « Status Report of the World Natural Heritage Site, Simien Mountains National Park (Ethiopia) ». Bahir Dar.

Asfaw Menesha — 1999 (cal. eth.), lettre a ANRS/ PADPA « Fiscal Year Annual Report », novembre. Debark.

Belay Gedamu — 1990 (cal. eth.), lettre a SMNP « Deforestation », 25 octobre. Debark.

Berhanu Gebre Mohammed — 1995a (cal. eth.), lettre a The Farmers Association of Agdamiya Kebele « Regarding the problems caused by villagers to the scouts », 29 janvier. Debark. — 1995b (cal. éth.), lettre à The Police Office of Debark Woreda « Regar­ding the disclosure of lawsuit », 24 novembre. Debark.

Blower, John — 1966a, lettre au Major Gizaw « Notes for Briefing His Imperial Majesty », mai. Addis-Abeba. — 1966b, lettre au Major Gizaw « Memo », 9 août. Addis-Abeba. — 1966c, lettre au Major Gizaw « Report on a visit to the Simien Moun­tains ». Addis-Abeba. — 1969a, lettre au Major Gizaw « Salary », 22 février. Addis-Abeba. — 1969b, lettre au Général Mebratu « Memo. Simien National Park », 16 juillet. Addis-Abeba.

Brown, Leslie — 1963a, « A report on the Wild Life Situation in the Semien Mountains of North Ethio­pia ». Addis-Abeba. — 1963b, lettre à Noël Simon, 26 décembre. Karen (Kenya). — 1965, « Recommen­dations for the Proposed Semien Park ». Karen. — 1971, « Wildlife Conservation ». Addis-Abeba.

Demett, Tag — 1968, lettre à l’United States Peace Corps Ethiopia, 12 mai. Debark.

Desire Gabreze — 2001, lettre à Ato Negussie « About Sankaber Refuge », 19 septembre. Debark.

Edroma, Eric L. et Kes Hillman Smith — 2001, Report on the WHC/IUCN mission to Simen Natio­nal Park, Ethiopia, Unesco (<http://whc.unesco.org/ fr/documents/1122>).

Endalekatchew Teshome — 2002 (cal. éth.), lettre à SMNP « Regarding the conducting of environmental education campaigns from 18/09/2002 to 24/09/ 2002 ». Debark. — 1988 (cal. éth.), lettre à Milli Gebssa Kebele. Debark.

Ermias Bekele — 1982, A Description of the Conser­vation Status and Future Outlooks of Ethiopia’s Semien Mountains, Bale Mountains, and Abijata- Shall Lakes National Parks. Addis-Abeba, Unesco’s World Heritage Mission to Ethiopia.

Ethiopian Tourism Commission — 1982, Endemic Mammals of Ethiopia. Addis-Abeba.

Ethiopian Wildlife Conservation Authority (EWCA) — 2012, « An integrated approach to the conservation of the Simien Mountains Ecosystem », 30 octobre. Addis-Abeba.

Ethiopian Wildlife Conservation Organization (EWCO) — 1970, « Comment of the Wildlife Conservation Organization ». Addis Ababa. — 1972, « Comment on the Final Draft Report of IBRD / UNDP Aviation and Tourism in Ethiopia ». Addis Ababa. — 1974, « National Parks and Wildlife Legis­lation in Ethiopia ». Addis Ababa. — 1984, « An overview of the progress to-date and the planned development ». Addis Ababa. — 1995, « Participa­tory Wildlife Management Workshop. Proceedings May 16-18 1995 ». Addis Ababa.

EWCO et Unesco — 1986, « Management Plan, Simen Mountains National Park and Surrounding Rural Areas ». Addis-Abeba.

Fante Teshagre — 1999 (cal. éth.), lettre a SMNP, 16 septembre. Debark.

Food and Agricultural Research Management in Africa (FARMA) — 1 994, « A reconnaissance of Simen Mountains National Park and Buffer Zone, 23rd March — 4th April 1994 ». Addis-Abeba.

Gizaw Gedlegeorgis — 1969, lettre a John Blower « Re. Salary », 24 février. Addis-Abeba.

Grimwood, Ian — 1965, Ethiopia. Conservation of Nature and Natural Resources. Paris, Unesco.

Hillman, Jesse — 1991, « Simien Mountains Natio­nal Park: visit report ». Addis-Abeba.

Hurni, Hans — 1978, « Soil Erosion Forms in the Simen Mountains - Ethiopia (with map 1:25 000) », in B. Messerli et K. Aerni eds., Simen Mountains Ethiopia. vol. I: Cartography and its application for geographical and ecological problems. Berne, Geo­graphisches Institut der Universität Bern: 93-100.

Hurni, Hans et Sarah-Lan Stiefel — 2003, Report on a Mission to the Simen Mountains National Park and World Heritage Site, Ethiopia. Berne, NCCR North-South.

Jemaneh Jagiso — 1984 (cal. éth.), lettre à SMNP, 19 août. Debark.

Klotzli, Frantz — 1975, « Simien - A Recent Review of its Problems », Walia 6: 18-19.

Lilyestrom, W.E. — 1974, « Birds of the Simien Highlands », Walia 5: 2-3.

Ludi, Eva — 2005, Simen Mountains Study 2004. Intermediate Report on the 2004 Field Expedition to the Simen Mountains in Northern Ethiopia. Berne, NCCR North-South.

Lule Wendemallegne — 1996 (cal. éth.), « Personal diary ». Debark.

Mebratu Fisseha — 1969a, lettre au Dr. Vollmar (Secrétaire-Général du WWF), 5 août. Addis-Abeba. — 1969b, lettre à John Blower « Honorary Game Wardens », 5 août Addis-Abeba.

Meherete Mekonnen — 2000 (cal. éth.), lettre à SMNP « Regarding a report of December », 20 avril. Debark.

Mellon, James — 1970, « The Abyssinian Ibex, or Walia. A Shoot on the Heights and Abysses of Semien », Ethiopia.

Mesfin Abebe — 1995, « Welcome address », in MNRDEP (Ministry of Natural Resources Develop­ment and Environmental Protection), UNCDF (Uni­ted Nations Capital Development Fund) et FARMA, « Workshop on The Simien Mountains National Park Management. Gondar February 15-17, 1995. Procee­dings ». Addis-Abeba: 3-5.

Mesganaw Mulate — 2000 (cal. éth.), lettre à SMNP « Field report », 15 mai. Debark.

Messerli, Bruno — 1978, « Simen Mountains. A Conservation Oriented Development Project », in B. Messerli et K. Aerni eds., Simen Mountains Ethiopia. vol. I: Cartography and its application for geographical and ecological problems. Berne, Geographisches Institut der Universität: 8-10.

MNRDEP — 1994, « Simien Mountains Baseline Study - Ethiopia : Concept for the 1994 Field Expedi­tion ». Addis-Abeba, université de Berne-université de Zurich-Addis Ababa University.

MNRDEP, UNCDF et FARMA — 1995, « Workshop on The Simien Mountains National Park Manage­ment. Gondar February 15-17 1995. Proceedings ». Addis-Abeba.

Mok, Michael — 1970, « The Losing Fight for Game Parks », Life 69 (22): 57-63.

Mola Anderge — 2002 (cal. éth.), lettre à SMNP « Regarding the submission of current report », 3 août. Debark.

Morton, Boyd — 1969, lettre à John Blower « The Nature Conservancy U.K. », 15 juillet. Addis-Abeba.

Negarit Gazeta — 1969, « Order no 59 Simien National Park Order », 29(4), 31 octobre: 6-8. — 1970, « Order no 65 Wildlife Conservation Order », 30(4), 5 novembre: 30-33. — 1972, « Regulations issued pursuant to the Game Proclamation of 1944 and the Wildlife Conservation Order of 1970 », Negarit Gazeta 31 (7), 19 january: 35-52.

Nicol, Clive — 1969a, lettre au Major Gizaw « Transfer of Game Warden », 5 février. Gondar. — 1969b, « A Census of the People of Geech and the Livestock at Geech », 27 mai. Gondar. — 1969c, lettre à John Blower, 30 mai. Gondar. — 1969d, lettre à His Excellency Abeba Retta « Resignation », 8 juillet. Gondar.

Provisional Military Government of Socialist Ethiopia — 1983, « Management Planning Conside­rations for the Simien Mountains National Park ». Addis-Abeba.

Simon, Noël — 1964, lettre à Leslie Brown. Morges.

Siviter, David — 2003, « Return to the Semyen », Indoor and Outdoor Notice of Events 68-69.

Stahli, Peter et Max Zurbuchen — 1978, « Two Topographic Maps 1:25 000 of Simen, Ethiopia », in B. Messerli et K. Aerni eds., Simen Mountains Ethiopia. vol. I: Cartography and its application for geographical and ecological problems. Berne, Geographisches Institut der Universität Bern: 11-31.

Stephenson, J. G. — 1978, An Appraisal of the Cur­rent State of the Wildlife of Ethiopia with a Resultant Recommendation on the Banning of Sport Hunting. Addis-Abeba, EWCO.

Stracey, Patrick D. — 1972, « A Brief Note on a visit to Simien National Park », 11 février. Addis-Abeba.

Tesfaye Hundessa — 1995, « Utilization of Wildlife in Ethiopia », in MNRDEP, UNCDF, FARMA, « Workshop on The Simien Mountains National Park Management. Gondar February 15-17 1995. Procee­dings ». Addis-Abeba : 69-81.

Tilahun Bezabe — 1988 (cal. éth.), lettre a Kebele 04 Debre Febres Seber 3 janvier. Debark.

UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) — 1976, Proceedings of a Regional Meeting on the Creation of a Coordinated System of National Parks and Reserves in Eastern Africa, 10-14 october 1974. Morges, IUCN Publications New Series.

Unesco — 1964, « Unesco Sends Nature Conserva­tion Mission to Ethiopia », Press Release 2061.

Unesco/World Heritage Committee (WHC) — 1978, « Second Session. Final report ». Washington. — 1996a, « Technical Mission to Ethiopia on Simien Mountains National Park ». Paris. — 1996b, « Twen­tieth Session. Final report ». Washington.

United Nations Sudano-Sahelian Office (UNSO) — 1993, « Proposal for the Rehabilitation of the Simien Mountains National Park, Ethiopia ». Addis-Abeba.

Veitch, Robin — 1972, The John Hunt Exploration Group of Endeavour Training Expedition to the High Simiens of Ethiopia 14th January19th February 1972, London, J. Walter Thompson.

Wolde Gebriel — 1992 (cal. éth.), lettre a ANRS Agriculture Office « Regarding the sending of a quarterly report », 7 novembre. Debark.

Vollmar, Frederic — 1969, Conservation in Ethiopia. Morges, WWF: 25-31.

WWF (World Wildlife Fund) — 1 975, Yearbook 1974-1975. Morges, WWF.

Zewdu Yesuf — 1987 (cal. éth.), lettre a SMNP « Regarding the problems in Dirni », 15 juillet. Debark.

Bibliographie

Adams, Jonathan S. et Thomas O. McShane — 1996, The Myth of Wild Africa. Conservation without Illusions. Berkeley, University of California Press.

Adams, William M. et David Hulme — 2001, « Conservation and Communities: Changing Narra­tives, Policies and Practices in African Conserva­tion », in D. Hulme et M. Murphree eds., African Wildlife and Livelihoods: The Promise and Perfor­mance of Community Conservation. London, James Currey : 9-23.

Bach, Jean-Nicolas — 2011, Centre, périphérie, conflit et formation de l’Etat depuis Ménélik II : les crises de et dans l’Etat éthiopien (XIXe-XXe siècle). Thèse de doctorat en science politique, Université Bordeaux-4 Montesquieu.

Bahru Zewde — 2002, A History of Modern Ethiopia 1855-1991. Oxford, James Currey.

Bertrand, Georges — 1975, « Pour une histoire écolo­gique de la France rurale », in G. Duby et A. Wallon eds., Histoire de la France rurale. vol. 1 : La formation des campagnes françaises des origines au XIVe siècle. Paris, Éditions du Seuil : 37-118.

Blanc, Guillaume — 2015, Une histoire environne­mentale de la nation. Regards croisés sur les parcs nationaux du Canada, d’Ethiopie et de France. Paris, Publications de la Sorbonne.

Blanc, Guillaume et Marie Bridonneau — 2007, « Politiques patrimoniales dans le Simien Mountains National Park. Quels enjeux pour quel territoire ? Rapport d’étude de terrain ». Addis-Abeba, Centre français des études éthiopiennes.

Bridonneau, Marie — 2014, Lalibela, une ville éthiopienne dans la mondialisation. Recompositions d’un espace sacré, patrimonial et touristique. Paris, Karthala.

Castro Larranaga, Monica — 2013, Au nom de la biodiversité : de la construction d’une norme inter­nationale à son application au niveau local. Paris, thèse de doctorat en géographie, EHESS.

Clapham, Christopher — 2006, « Ethiopian Develop­ment. The Politics of Emulation », Commonwealth & Comparative Politics 44 (1): 137-150.

Dessalegn Rahmato — 2008, The Peasant and the State: Studies in Agrarian Change in Ethiopia 1950s-2000s. Addis Ababa, Addis Ababa University Press.

Fantini, Emanuele — 2013, « Developmental State, Economic Transformation and Social Diversification in Ethiopia », ISPI Analysis 163 (<www.ispionline.it/en/pubblicazione/developmental-state-economic-transformation-and-social-diversification-ethiopia>).

Ficquet, Éloi, Arnaud Kruczynski, François Piguet et Hugo Ferran — 2007, « Les peuples d’Éthiopie », in G. Prunier ed., L’Ethiopie contemporaine. Paris, Karthala-CFEE : 37-88.

Gallais, Jean — 1989, Une géographie politique de l’Ethiopie. Le poids de l’Etat. Paris, Economica « Tiers Monde ».

Griffiths, Tom et Libby Robin eds. — 1997, Ecology et Empire. Environmental History of Settler Societies. Seattle, University of Washington Press.

Hoben, Allan — 1995, « Paradigms and Politics: The Cultural Construction of Environmental Policy in Ethiopia », World Development 23(6): 1007-1021.

Kaplan, Steven — 1992, The Beta Israel (Falasha) in Ethiopia from Earliest Times to the Twentieth Century. New York et London, New York University Press.

Leach, Melissa et Robin Mearns eds. — 1996, The Lie of the Land. Challenging Received Wisdom on the African Environment. Oxford et Portsmouth, James Currey-International African Institute.

Lefort, René — 2007, « Power - mengist - and pea­sants in rural Ethiopia: the May 2005 elections », Journal of Modern African Studies 45 (2): 253-273.

Lemos, Maria Carmen et Arun Agrawal — 2006, « Environmental Governance », Annual Review of Environment and Ressources 31: 297-325.

Luke, Timothy W. — 1999, « Environmentality as green governmentality », in É. Darier ed., Discourses of the Environment. Oxford, Blackwell Publishers: 121-151.

Markakis, John et Asmelash Beyene — 1967, « Representative Institutions in Ethiopia », The Jour­nal of Modern African Studies 5 (2): 193-217.

McCann, James — 1997, « The Plow and the Forest : Narratives of Deforestation in Ethiopia, 1840-1992 », Environmental History 2: 138-159.

Morin, Edgar — 2001, La méthode : vol. 5 L’huma­nité de l’humanité. L’identité humaine. Paris, Édi­tions du Seuil.

Neumann, Roderick P. — 2004, « Moral and Discur­sive Geographies in the War for Biodiversity in Africa », Political Geography 23 (7): 813-837.

Olwig, Kenneth R. — 1996, « Reinventing Common Nature: Yosemite and Mount Rushmore - A Mean­dering Tale of a Double Nature », in W. Cronon ed., Uncommon Ground. Rethinking the Human Place in Nature. New-York, Norton & Company: 379-408.

Ory, Pascal — 2000, « L’histoire des politiques sym­boliques modernes : un questionnement », Revue d’histoire moderne et contemporaine 47 (3) : 525­536.

Pankhurst, Alula et François Piguet — 2009, « Migration, Resettlement & Displacement in Ethiopia. A Historical & Spatial Overview », in A. Pankhurst et F. Piguet eds., Moving People in Ethiopia. Develop­ment, Displacement & the State. Rochester, James Currey: 1-22.

Pausewang, Siegfried — 2002, « No Environmental Protection without Local Democracy? Why Peasants Distrust Their Agricultural Advisers », in Bahru Zewde et S. Pausewang eds., Ethiopia. The Challenge of Democracy from Below. Stockholm, Elanders Gotab: 87-100.

Planel, Sabine — 2015, « Jeux d’échelles et rapports de domination en Éthiopie », in A. Clerval, A. Fleury, J. Rebotier et S. Weber eds., Espace et rapports de domination. Rennes, Presses universitaires de Rennes : 99-109.

Planel, Sabine et Marie Bridonneau — 2015, « Glocal Ethiopia. Échelles et repositionnements des pouvoirs », EchoGéo 31 (<http://echogeo.revues.org/14199>).

Rist, Gilbert — 2002, « Le prix des mots », in G. Rist ed., Les mots du pouvoir. Sens et non-sens de la rhétorique internationale. Paris, Genève, PUF-Institut Universitaire d’Études du Développement : 9-23.

Terray, Emmanuel — 2002, « Réflexions sur la vio­lence symbolique », in J. Lojkine ed., Les sociologies critiques du capitalisme en hommage à Pierre Bourdieu. Paris, PUF: 11-23.

Vaughan, Sarah et Kjetil Tronvoll — 2003, The Culture of Power in Contemporary Ethiopian Politi­cal Life. Stockholm, Sida.

Walter, François — 2004, Les figures paysagères de la nation. Territoire et paysage en Europe (XVIe-XXe siècle). Paris, Éditions EHESS.

Haut de page

Notes

1 Les acteurs internationaux et nationaux utilisent la dénomination « Simien Mountains [National Park] ». Afin de respecter la translittération éthiopienne amharique, nous utiliserons également la dénomination « Semēn ».

2 « Voisinage » en amharique, le qäbäle désigne dans les campagnes un groupe de hameaux ou un village. Créée en 1974 pour instaurer la réforme agraire, l’unité administrative est encore dénommée Association de paysans.

3 Mängeśt désigne à la fois le gouvernement, l’État et celui qui est perçu comme le détenteur du pouvoir.

4 Les traductions des références bibliographiques et archivistiques anglophones sont de l’auteur.

5 Les Éthiopiens emploient l’expression farendj pour désigner une personne étrangère blanche de peau.

6 Le klipspringer est une antilope africaine de petite taille.

7 Jemal, cité dans Blanc [2015 : 285].

8 Selon le mois de l’année, le calendrier grégorien ajoute sept à huit ans au calendrier éthiopien orthodoxe, fondé sur les calendriers copte et julien : « (cal. éth.) » indique que les archives renvoient au calendrier éthiopien.

9 « District » en amharique, l’unité administrative du wäräda est instaurée par l’empereur en 1941.

10 Propos tenus par Ali [Blanc et Bridonneau 2007 : 22].

Haut de page

Table des illustrations

Titre Fig. 1. Le Walia ibex, espèce endémique au Semēn
Crédits (cliché : DR)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/docannexe/image/10691/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 100k
Titre Fig. 2. Le Simien Mountains National Park.
Crédits (carte Marie Bridonneau et Guillaume Blanc)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/docannexe/image/10691/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 344k
Titre Fig. 3. Le parc national des montagnes du Semēn
Crédits (carte Amélie Chekroun et Guillaume Blanc)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/docannexe/image/10691/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 324k
Titre Fig. 4. Chenek, septembre 1972.
Crédits (cliché Robin Veitch 1972).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/docannexe/image/10691/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 448k
Titre Fig. 5. Chenek, novembre 2012
Crédits (cliché Guillaume Blanc).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/docannexe/image/10691/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 501k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Guillaume Blanc, « Violence et incohérence en milieu naturel : une histoire du parc éthiopien du Semēn »Études rurales, 197 | 2016, 147-170.

Référence électronique

Guillaume Blanc, « Violence et incohérence en milieu naturel : une histoire du parc éthiopien du Semēn »Études rurales [En ligne], 197 | 2016, mis en ligne le 01 juin 2018, consulté le 22 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/10691 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesrurales.10691

Haut de page

Auteur

Guillaume Blanc

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search