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Le poids du nomadisme pastoral dans les steppes algériennes

Pastoral Nomadism on the Algerian Steppes
Yazid Ben Hounet
p. 107-122

Résumés

RéSUMé
On connaît, depuis les travaux du sociologue M’Hamed Boukhobza datant des années 1980, l’impact, en Algérie, de la colonisation et des politiques de l’État indépendant sur le nomadisme. À la veille de la colonisation (1830), les personnes vivant sous la tente représentaient près de 70 % de la population totale alors que, dans les années 1960-1970, elles n’en représentaient plus que 2,5 %. Cet auteur avait noté toutefois que, malgré ce déclin, un nombre remarquable de nomades persistaient en certains lieux, notamment dans les wilayat steppiques de l’Ouest algérien. L’article s’intéresse à la persistance du nomadisme pastoral et souligne le fait qu’il a même progressé dans le sud d’une wilaya de cette région : la wilaya de Naama. Il questionne également la place qu’occupe actuellement le lien tribal au sein des populations semi-nomades.

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Texte intégral

1DEPUIS LES TRAVAUX MENÉS par le sociologue M’Hamed Boukhobza [1982 et 1989], on mesure l’impact que la colonisation et les politiques du nouvel État indépendant ont eu sur le nomadisme en Algérie. Selon cet auteur, les individus vivant sous la tente au cours de la première moitié du XIXe siècle représentaient plus des deux tiers de la population totale alors que, dans les années 1960-1970, ils n’étaient plus que 2,5 %, c’est-à-dire quelque 500 000 personnes pour une population de près de 20 millions d’âmes. Toutefois, dans son analyse du déclin du nomadisme, le chercheur avait noté la persistance d’un nombre important de nomades dans divers endroits, notamment dans certaines wilayat (départements) steppiques de l’Ouest algérien, ainsi celles de Naama et de El-Bayadh. C’est la persistance de ce nomadisme et sa progression que nous souhaitons traiter dans cet article.

  • 1 La wilaya de Naama est issue de la nouvelle organisation administrative instituée par la loi 84/09 (...)
  • 2 Populations vivant sous la tente et pratiquant pour la plupart le semi-nomadisme sur un périmètre r (...)

2En 2006, sur l’ensemble de la wilaya de Naama 1, les semi-nomades 2 représentaient encore près de 21 % de la population totale. À propos des formes de nomadisme, Jean-Pierre Digard précise :

Entre le nomadisme vrai, qui suppose l’absence pure et simple de résidence et, à la limite, celle de la notion même de territoire (comme chez les Reguibat du Sahara occidental), et la vie sédentaire villageoise, il existe, en fonction des milieux (semi-désert, steppe, montagne) et des espèces élevées (dromadaire ou chameau, bœuf, petit bétail, cheptel mixte), une infinité de formes intermédiaires : semi-nomadisme (pendant une partie de l’année seulement), semi-sédentarité (entre plusieurs résidences), nomadisme vertical (entre des pâturages répartis altitudinalement), nomadisme apériodique, etc. [...] On peut noter à ce propos qu’une soigneuse distinction doit être établie entre le nomadisme qui, quelle que soit sa forme, suppose le déplacement de la totalité du groupe humain considéré et la transhumance où le bétail, appartenant généralement à des sédentaires, n’est accompagné que par les seules personnes nécessaires à sa garde [1990 : 99].

Divisions administratives de la wilaya de Naama

3C’est dire combien le terme générique « nomade » englobe de formes distinctes de nomadisme.

4Alors que, entre 1987 et 2006, la population sédentaire de la wilaya de Naama est passée de 90 847 à 156 272 individus, soit un accroissement de près de 72 %, la population des semi-nomades est, elle, passée de 22 853 à 40 768 personnes, soit un accroissement de plus de 78 %. Et, dans certaines communes, la population nomade est supérieure à la population sédentaire. Ainsi, dans la commune de Sfissifa, elle représente près de 60 % de l’ensemble de la population.

5Alors que l’on annonçait, avant même l’indépendance de l’Algérie, le déclin total du nomadisme, force est de constater qu’un substrat nomade demeure et qu’il existe encore des « irréductibles » à la sédentarisation définitive. Réalité qu’ont finalement admise les autorités politiques. En témoigne le récent projet du Haut Commissariat à la steppe algérienne, lequel consistait à équiper de panneaux solaires les tentes des semi-nomades alors que, jusque-là, toutes les mesures gouvernementales ne visaient, pour l’essentiel, qu’à sédentariser ces populations.

6Ce constat amène à nous interroger sur la persistance du nomadisme, les modalités de son évolution et son adaptation. La vision linéaire que l’on avait du déclin, ou, plus encore, de la disparition du mode de vie nomade se doit d’être revisitée : le nomadisme se définit justement par sa capacité à s’adapter non seulement à des systèmes écologiques souvent rudes mais également par son aptitude à s’ajuster à des contextes géopolitiques, économiques et sociaux fluctuants et difficiles.

7Pour illustrer cette assertion, nous nous proposons d’étudier les raisons de la persistance du nomadisme dans cette région des steppes algériennes, d’en observer l’évolution en suivant le devenir des nomades d’une confédération tribale du sud de la wilaya de Naama, dans le secteur d’Ain Sefra : les cAmūr. Puis nous tenterons d’évaluer le lien qui existe entre le mode de vie nomade et l’organisation tribale dans cette région où les solidarités tribales, qui transcendent le clivage ville/campagne, ont, compte tenu des politiques coloniales et du nouvel État indépendant, conservé un poids social et politique non négligeable [Ben Hounet 2007 et 2008a]. L’articulation entre le mode de vie nomade et l’organisation tribale – une des thématiques privilégiées d’Ibn Khaldoun [Ben Hounet 2008b] concernant l’histoire et la sociologie de l’Afrique du Nord – est particulièrement pertinente vu les évolutions sociales que connaît la région dans laquelle nous avons mené nos recherches.

Les cAmūr

  • 3 Jusqu’à la fin des années 1980, les statistiques faisaient apparaître la taille des groupes nomades (...)

8La confédération des cAmūr comprend trois grandes tribus : les Swala, les Awlād Būbkar et les Awlād Salim, chacune se subdivisant en trois fractions. En 1957, les Swala comptaient 3 765 individus, les Awlād Būbkar 3 908 et les Awlād Salim 1 500 [Bison 1957 : 16]. Depuis, à notre connaissance, aucun recensement de l’ensemble de la population de cette wilaya n’a été effectué en fonction des tribus d’appartenance. Toutefois, pour ce qui est des semi-nomades, ils ont été recensés en fonction de leur appartenance tribale jusqu’en 1987 3. S’il est difficile d’évaluer le nombre des personnes appartenant actuellement à la confédération des cAmūr, on peut estimer, compte tenu de leur pourcentage par rapport aux autres populations, que, en 2006, quelque 45 000 personnes appartenant à cette tribu habitaient la partie sud de la wilaya de Naama.

  • 4 Tente traditionnelle de taille variable, composée d’un pilier central recouvert de toile de laine d (...)

9D’après les statistiques de la wilaya et le pourcentage de cAmūr dans le sud de cette wilaya, on peut évaluer à 11 000 (soit 25 %) le nombre des cAmūr vivant actuellement sous la tente (khayma) 4. Les autres membres de la confédération résident pour l’essentiel dans les localités d’Ain Sefra, Tiout, Sfissifa et Moghrar. C’est à Ain Sefra que l’on trouve le nombre le plus important de cAmūr. Cette confédération tribale, dont le territoire traditionnel dépassait le cadre des actuelles divisions administratives, occupe pour l’essentiel une zone géographique enclavée, limitrophe du territoire marocain, située à plus de 800 kilomètres d’Alger et plus de 400 kilomètres d’Oran. Cette zone est caractérisée par ses hautes plaines et ses monts, à savoir les Monts des Ksour, dans la chaîne de l’Atlas saharien. Elle correspond principalement à la partie sud de la wilaya de Naama, entre l’Atlas tellien et l’Atlas saharien.

Les pasteurs nomades de la confédération des cAmūr

10Les pasteurs nomades de la confédération des cAmūr, et, plus largement, des steppes algériennes, ne pratiquent pas une forme unique de nomadisme. On peut considérer que les cAmūr vivant sous la tente sont des semi-nomades dont les mouvements, apériodiques, dépendent des précipitations. Les campements comptent 2 ou 3 tentes dans les zones particulièrement arides, jusqu’à 12 dans les zones les plus propices. Dans le Sud, les campements sont plus espacés, les tentes moins nombreuses. Cela est dû, bien entendu, à la rareté de la végétation. La forme du nomadisme tient aussi aux moyens matériels dont une famille peut disposer. Ainsi certaines familles peuvent posséder à la fois une tente traditionnelle et une maison. Depuis l’instauration, en 1984, du programme APFA (Attribution de la propriété foncière agricole) de nombreux pasteurs semi-nomades sont également propriétaires d’une exploitation agricole. Ce qui est, à titre d’exemple, le cas de 16 des 53 semi-nomades qui ont été interviewés dans le souk au bétail d’Ain Sefra. Souvent, les activités agricole et pastorale se répartissent au sein de la famille, le père s’occupant du bétail, les fils de l’exploitation agricole, ou inversement. Enfin, la forme du nomadisme dépend aussi de ce que l’on possède ou non un véhicule, les fameux GAK, ces camions dont l’arrière, ouvert, permet de déplacer le cheptel, la tente, la famille.

11Il n’est donc pas rare que les familles plutôt aisées pratiquent une sorte de roulement entre leurs membres. Les uns restent en ville ou au village pendant que les autres vivent sous la tente et s’occupent du cheptel. La plupart des nomades élèvent des ovins et des caprins. Si quelques pasteurs possèdent encore des dromadaires, ils sont très minoritaires. Dans les statistiques effectuées par les communes sont définis comme nomades ceux dont l’habitation principale est la tente.

12La persistance du nomadisme dans la région de Naama, chez les cAmūr en particulier, ne peut se comprendre, du moins pour partie, que si l’on tient compte des capacités d’adaptation dont fait preuve cette confédération tribale, ne serait-ce que depuis les débuts de la colonisation, en 1830.

Les cAmūr durant la période coloniale

  • 5 D’après les notes du Commandant Colonieu, datées de 1859, sur la tribu des cAmūr. Voir référence 66 (...)

13Jusqu’à la colonisation, les cAmūr vivaient essentiellement sous la tente. Certaines familles disposaient de jardins et de palmiers dans les ksour (villages traditionnels) de la région : Sfissifa, Tiout, Moghrar, Ich et Figuig (les deux derniers ksour se trouvent sur l’actuel territoire marocain). En 1855, selon Napoléon Lacroix et Henri Maximilien Poisson de La Martinière [1896 : 260-261], la majorité des tribus composant les cAmūr avaient fait allégeance à la France, et les autorités françaises les avaient organisés en trois caïdats : Awlād Salim, Awlād Būbkar, Swala. En 1859, ces trois caïdats réunissaient environ 520 tentes 5. Nombre de ces « tentes » fuirent vers le Maroc pour, d’une part, signifier leur refus de l’autorité française et, d’autre part, effectuer, çà et là, des actes de franche rébellion contre la France.

14En 1881, de nombreux cAmūr avaient participé à l’insurrection menée par Sīdi Abū cAmama, un marabout originaire de la tribu des Awlād Sīdi Tadj, tribu appartenant à la confédération des Awlād Sidi Shaykh. Cette insurrection s’inscrivait dans les actes de rébellion de cette confédération, résultat, entre autres, de la crise qu’avait générée la politique de dépossession des terres tribales, notamment les territoires de parcours. Les tribus des plaines du Nord, disloquées et privées de leurs terres, avaient, en effet, dû migrer en direction du sud, vers les terres d’autres tribus, ce qui avait engendré quantité de violences [Dunn 1977 : 141-146]. Refusant l’occupation française, de nombreuses tentes fuyaient encore vers le Maroc, ce qui s’expliquait aussi par le fait que les autorités françaises freinaient les cAmūr nomades dans leurs pratiques pastorales, par le biais de réorganisations territoriales, de mesures administratives concernant la fréquentation des marchés, et, plus généralement, tous les déplacements vers les autres cercles de la région.

Khayma d’une famille semi-nomade (cliché Yazid Ben Hounet et Sandra Guinard, 2005)

Un GAK au marché d’Ain Sefra (cliché Yazid Ben Hounet et Sandra Guinard, 2005)

  • 6 Voir réf. 66miom/108/3.
  • 7 Voir réf. 66miom/109/3.

15Pour contrer ce phénomène de fuite vers le Maroc, les autorités françaises décidèrent d’accroître l’importance de leur cavalerie dans le cercle d’Ain Sefra, en Algérie, et obligèrent 343 tentes de cAmūr à migrer vers l’est. Cette migration et le cantonnement des cAmūr dans l’annexe d’Aflou (Algérie) débuta en septembre 1888. Une partie importante du cheptel périt lors de ce déplacement qui dura plusieurs mois 6. Contrairement à ce qui avait été prévu, la décision prise par les autorités françaises eut pour effet de faire fuir vers le Maroc certaines tentes des cAmūr restées dans le cercle d’Ain Sefra et qui craignaient d’être internées dans l’annexe d’Aflou. Du fait du cantonnement dans cette annexe et des fuites vers le Maroc, en novembre 1888, des 697 tentes appartenant aux cAmūr, seules 95 se retrouvèrent effectivement dans l’annexe d’Ain Sefra. La majorité des tentes, à savoir 346, aboutirent dans l’annexe d’Aflou, 251 au Maroc. À partir de 1892, les cAmūr cantonnés à l’est rentrèrent progressivement dans le cercle d’Ain Sefra 7.

  • 8 Voir réf. 66miom/109/4.

16Dans une correspondance datée du 5 avril 1898 et adressée au Général commandant la division d’Oran, on peut lire que le Général Gaillard de Saint-Germain, qui commandait la subdivision d’Ain Sefra, avait proposé une nouvelle organisation du cercle d’Ain Sefra en raison des fuites et des retours des tentes 8. En 1898, les cAmūr étaient composés de 6 tribus : il demandait qu’elles soient réduites au nombre de 4, qui prirent les dénominations de Swala (environ 150 tentes), Awlād Būbkar (environ 80 tentes), Awlād Salim (environ 150 tentes) et Mrinat (environ 100 tentes).

17Jusqu’à la guerre d’Algérie, aucune mesure notable ne fut prise concernant les cAmūr en matière de cantonnement, reformation de douars, etc. Certains de leurs membres se sédentarisèrent mais nombre d’entre eux vivaient encore sous la tente. Et, pour les nomades, le problème majeur venait des restrictions et des contrôles assez stricts qui pesaient sur leurs déplacements.

18Les premières actions armées menées dans la région d’Ain Sefra se produisirent en 1956 et le territoire s’embrasa au point que, à la fin de la décennie, la moitié de la superficie actuelle de la wilaya fut déclarée zone interdite. Dès les premières opérations militaires, les nomades s’investirent en masse. En réaction, les autorités françaises cantonnèrent ceux qui n’avaient pas encore pris le maquis, en particulier les nomades qui résidaient le long de la bande frontalière, dans des centres qui, par la suite, devinrent les petites localités de Abdelmoula, Mekmen Ben Amar, Touadjer, Horchaia, Naama, Tirkount. Celles-ci longeaient les nationales 6 et 22, ce qui en facilitait le contrôle par l’armée française.

19Du fait de la guerre le pastoralisme entra dans une période de régression et des milliers de personnes migrèrent vers les centres agglomérés ou les grandes villes du Nord (Oran, Tlemcen, Sidi Bel Abbès, Saida) ou, plus tard, Béchar.

Évolution du nomadisme depuis l’Indépendance

20Après l’Indépendance, surtout dans les décennies 1960 et 1970, de nombreux descendants de ceux qui étaient partis pour le Maroc revinrent sur le territoire algérien. Ce fut le cas notamment des membres de la fraction des Lamdabih, qui arrivèrent sur le territoire des communes actuelles de Sfissifa et d’Ain Sefra, où certains se sédentarisèrent dans les centres agglomérés. Le nomadisme connut alors différentes évolutions dues aux politiques agropastorales de l’État et aux transformations des modes de vie.

21La troisième phase de la réforme agraire, celle qui portait sur le pastoralisme, ne débuta qu’en 1975. Elle avait pour objectif de développer et moderniser les pratiques pastorales, en particulier dans la steppe, en luttant contre le système d’exploitation qui bénéficiait aux gros éleveurs et en favorisant les petits éleveurs vivant directement de leur travail. Lors de cette réforme agraire, outre l’aide directe apportée aux bergers sous la forme d’argent et de bétail, on procéda à la création de villages pastoraux, notamment celui d’Oulakak, à 15 kilomètres à l’ouest de Sfissifa.

22Chaque village pastoral devait avoir une école pour les enfants de nomades, un centre culturel et des équipements pour les éleveurs, à savoir des puits et des fermes collectives pour élever et soigner le bétail. S’il fallait sédentariser les nomades, il convenait également de moderniser des pratiques considérées comme archaïques. Cet objectif ne fut jamais atteint et les villages pastoraux devinrent des sortes de résidences secondaires et de hangars pour les semi-nomades. De surcroît, cette politique n’avait été engagée qu’à la fin des années 1970 et n’avait duré que peu de temps, c’est-à-dire jusqu’au milieu des années 1980. La réforme agraire eut cependant un certain impact puisqu’elle aida les petits pasteurs qui vivaient directement de l’élevage et mit un frein au développement de l’économie pastorale capitaliste des grands propriétaires. Cette réforme agraire n’ayant pas été relancée et la politique de reboisement destinée à lutter contre la désertification ayant échoué, le gouvernement opta pour une politique de développement des petites exploitations agricoles afin de fixer les populations nomades. En 1984, on procéda donc à l’élaboration du programme d’Attribution de la propriété foncière agricole (APFA) afin de soutenir la propriété privée agricole.

  • 9 La superficie des terres agricoles est d’environ 22 000 km2. La surface agricole utilisée représent (...)

23En 2002, sur l’ensemble de la wilaya de Naama, près de 14 000 hectares de terres furent ainsi attribués. Ces terres concernaient 4 920 individus, la plupart étant des éleveurs 9. Le développement de l’APFA ne se fit pas au détriment du pastoralisme. Au contraire, de nombreux pasteurs qui ont obtenu une terre dans ce cadre ont développé simultanément des activités agricoles et des activités pastorales. Celles-ci, souvent complémentaires, rendaient plus facile la vie économique des éleveurs et leur indépendance alimentaire. Les terres étaient généralement situées sur le territoire de la fraction des demandeurs et peu éloignées de l’espace de transhumance de leur bétail.

24À la fin des années 1970, l’introduction massive des moyens de transport motorisés, les GAK notamment, transforma grandement les pratiques pastorales dans la mesure où ces véhicules accordaient aux éleveurs une plus grande liberté de mouvement. Il devenait possible aux semi-nomades de déplacer leur cheptel vers les marchés locaux, et ce en quelques heures au lieu de plusieurs jours ; ils pouvaient aussi parcourir en quelques minutes la distance qui séparait l’exploitation agricole de l’endroit où le bétail paissait, ou encore rapporter en peu de temps l’eau des puits. Ces moyens de transports allaient donner aux pratiques pastorales une plus grande souplesse. Tout en dynamisant les pratiques pastorales, ils réduisirent les déplacements collectifs des nomades dictés par la nécessité de se rendre sur les marchés pour à la fois vendre le cheptel et acheter les denrées indispensables à la vie sous la tente.

  • 10 Jusqu’en 1986, ceux-ci étaient encadrés par l’État. Par la suite, ils sont devenus « individuels », (...)

25La mise en place de l’APFA à laquelle s’ajoute l’apparition des nouveaux moyens de locomotion s’est conclue par la fin des mouvements collectifs de l’cashaba (mouvement d’estivage sud-nord) et de l’cazaba (mouvement d’hivernage nord-sud) 10. Si les pratiques pastorales ont beaucoup changé, le pastoralisme est toutefois demeuré l’économie principale de la région. En 2002, la wilaya de Naama disposait d’un cheptel de près de 900 000 têtes (92 % environ d’ovins) pour 8 470 éleveurs et une population de plus de 180 000 habitants, soit quelque 105 têtes de bétail par éleveur et 5 par habitant. Avec les attributions de terres et les véhicules, le pastoralisme est devenue une activité plus familiale que tribale. Les familles de pasteurs nomades sont en effet devenues moins dépendantes de la fraction ou de la tribu, dépendance qui se manifestait surtout à l’occasion des mouvements collectifs d’estivage et d’hivernage.

  • 11 Respectivement deuxième, troisième et quatrième secteurs d’activité économique de la wilaya de Naam (...)

26Depuis l’Indépendance, la population sédentaire de la région a augmenté de manière considérable, en raison notamment du développement des économies concernant l’administration, les bâtiments et travaux publics et le commerce 11. Les villes d’Ain Sefra et de Mecheria se sont développées assez rapidement et Naama, qui n’était jusqu’alors qu’un hameau, s’est considérablement agrandie à partir de 1984, date à laquelle cette localité a été promue siège de wilaya.

27Malgré ces évolutions, la population nomade n’a pas diminué en valeur absolue. Elle a même augmenté mais est, proportionnellement, devenue beaucoup moins importante que la population sédentaire. La population urbaine s’était considérablement accrue durant les décennies 1960 et 1970. La guerre avait conduit tout un ensemble de nomades à se sédentariser dans des communes ou dans des centres, qui allaient, par la suite, devenir des villages ou des villes, à l’instar de Naama. Et la révolution agraire, à la fin des années 1970 surtout, et les périodes de sécheresse des années 1980 ont, elles aussi, incité nombre de nomades à se sédentariser. Le trop-plein démographique de la population nomade s’est également répercuté sur la population urbaine, une grande partie des jeunes allant s’installer en ville alors que le reste de la famille continuait à vivre sous la tente.

Persistance du nomadisme et organisation tribale

28La persistance du nomadisme chez les cAmūr et, plus largement, dans la wilaya de Naama est sans aucun doute due à la capacité d’adaptation et de renouvellement de leur mode de vie. Déjà, au cours de la période coloniale, les mesures prises à l’encontre des nomades ne leur avaient pas été fatales. « Renaissant chaque fois de leur cendres », ceux-ci essayaient, bon an, mal an, de préserver leur économie. Toutefois cette persistance peut aussi s’expliquer par le manque d’alternatives qui s’offraient à eux.

29En effet, si depuis l’indépendance de l’Algérie, le mode de vie nomade perdure, voire a augmenté en nombre réel ces trente dernières années, cela s’explique aussi par des raisons économiques et géographiques. Si le nomadisme ne décline pas, c’est aussi parce que l’activité économique qui lui est associée est en expansion. Le géographe Jean Bisson constatait :

[...] il est certain que compte tenu du prix de la viande, dans les villes d’Algérie, l’élevage ne sera pas abandonné, et peut-être évoluera-t-il vers cette forme que pratiquent les Saït Atba de Ouargla et N’Gūsòa, les éleveurs nomades se faisant plus rares mais continuant à garder, contre rémunération, les bêtes de ceux qui ont opté définitivement pour une vie sédentaire et le salaire à l’usine [1987 : 41].

30L’élevage n’est pas abandonné tant il reste un moyen de subsistance sûr en Algérie (et ce malgré l’inflation qui a touché le pays dans les années 1990). Ainsi, le recensement de 2007 a révélé que, dans la wilaya de Naama, le premier secteur économique était encore le pastoralisme. Mais, contrairement aux Saït Atba et aux N’Gūsòa qu’évoque Jean Bisson, les cAmūr confient rarement cette activité à d’autres individus. Plus encore, c’est un mode de vie, une identité, et la tente est un référent identitaire encore très important pour les tribus arabophones de la région, notamment les cAmūr. Elle est en effet signe de « bédouinité », donc signe d’une « véritable » origine arabe [Ben Hounet 2009].

  • 12 Tous les massifs du secteur, à l’exception du Bou Amoud et du Bou Leghfad, possèdent de nombreuses (...)
  • 13 Concernant la steppe centrale algérienne, S. Bedrani, S. Benadjila et M. Ghazi affirment : « Juridi (...)

31La persistance du nomadisme pastoral est aussi due à la géographie de la wilaya de Naama où les pacages et les parcours couvrent 99 % du territoire. De surcroît, les points d’eau sont assez nombreux et bien répartis ; les massifs montagneux sont étendus, faciles d’accès et généralement boisés ; les plaines sont vastes et l’on y trouve les herbes les plus diverses nécessaires à la vie d’un troupeau 12. La steppe, grâce à sa végétation, est, elle aussi, favorable aux nomades, en particulier les semi-nomades, et elle n’est en outre que très peu soumise à la propriété privée, contrairement aux terres du Nord 13. Mais cette absence de propriété privée, au sens juridique du terme, n’exclut pas que des terrains de parcours soient reconnus comme appartenant à telle tribu ou à telle fraction de tribu. En outre, le milieu de la steppe est propice aux stratégies qu’exige le nomadisme pastoral :

[...] vastes espaces qui ne soient pas fermés, des parcours qui ne soient pas fermés, dont les limites ne soient pas trop rigides, de manière à offrir des ressources complémentaires en fonction des saisons et des conditions climatiques. Lorsque les ressources diminuent, les nomades doivent trouver des solutions par éclatement du groupe, fuite ou reconversion [Bernus 1990 : 44].

32La steppe constitue à cet égard un milieu privilégié car les possibilités de reconversion sont plus importantes qu’en milieu totalement désertique et aussi parce qu’en fonction des conditions climatiques, les nomades peuvent évoluer dans le Sahara ou dans le Nord, ou encore vers les Monts des Ksour, sans trop se déplacer. Toutefois, les conditions économiques ont beaucoup évolué et nombreux sont les nomades qui éprouvent des difficultés du fait de la sécheresse qui sévit dans la région depuis plus de quinze ans. Pour y remédier, ils sont souvent contraints de nourrir leur cheptel avec des aliments achetés sur le marché (blé, orge...), ce qui augmente le prix de revient des bêtes.

  • 14 Il existe une petite économie de contrebande transfrontalière, principalement en matière de cheptel (...)

33Enfin, le territoire de la wilaya de Naama est enclavé et n’a pas fait l’objet d’aménagements structurels et économiques notables, aménagements qui auraient pu modifier le cadre social. En effet, aucun gisement de gaz ou de pétrole, aucun projet d’ampleur nationale n’existe sur ce territoire. Par ailleurs, la frontière entre l’Algérie et le Maroc étant fermée, l’économie transfrontalière est faible 14.

Pratiques agropastorales et territoires tribaux

  • 15 Depuis l’Indépendance, de nouvelles localités se sont créées aux abords des ksour. Elles en portent (...)

34Hormis le cas de la ville d’Ain Sefra, où convergent des gens de diverses origines (mais habitée majoritairement par des membres de la confédération des cAmūr), les tribus issues de la confédération des cAmūr vivent sur des territoires distincts et considérés comme appartenant traditionnellement à tel ou tel segment, fraction ou tribu. Cette répartition géographique, mise en place ou clairement confirmée par les administrateurs coloniaux et en partie reprise par le nouvel État indépendant [Ben Hounet 2007 et 2008a], a fait que certaines localités, en raison de la prépondérance de telle ou telle tribu, sont devenues de vrais fiefs tribaux. Tiout est devenu le fief des Swala et Fortassa celui des Lamdabih. Excepté les ksour qui demeurent le territoire matériel et symbolique des Ahl qsūr (gens des ksour) 15, les tribus nomades ont investi les localités construites autour des villages près desquels elles avaient l’habitude d’évoluer, si bien que ces localités sont devenues de vrais repères spatiaux dans l’organisation territoriale des tribus. Certains segments ont même pris le nom de lieux-dits se trouvant sur les zones où ils évoluent traditionnellement. Par exemple, l’un des segments les plus importants de la fraction des Shwarab (tribu des Awlād Būbkar), les Oulakak, habite principalement le petit village du même nom (commune de Sfissifa), créé lors de la réforme agraire. Le segment Bū cArfa, de la fraction des Awlād cAliat, a pris le nom d’un lieu-dit situé du côté d’Ain Sefra. Le territoire des Swala se situe à l’est d’Ain Sefra, celui des Awlād Būbkar à l’ouest.

35Chaque tribu dispose ainsi d’un territoire qui, s’il n’est pas reconnu sur le plan juridique (les terres de parcours, qui constituent 74 % de la wilaya de Naama, et 99 % de la surface agricole utilisée relèvent du domaine de l’État), l’est sur le plan social, donc dans les faits. Ce territoire est considéré comme une zone d’évolution traditionnelle, et la territorialisation s’effectue encore en référence aux pratiques agropastorales, principalement celles des semi-nomades.

36Les pratiques pastorales contribuent en effet au maintien des territoires tribaux. C’est, de manière générale, sur les territoires traditionnels de leurs tribus que les semi-nomades évoluent et demandent l’attribution d’une parcelle de terre. Ainsi les pasteurs de la tribu des Swala transhument encore sur les versants des djebels Aissa et Morghad. Les pasteurs de la fraction des Awlād cAbdallah occupent toujours les versants du djebel Mekalis et ceux des Lamdabih vont faire paître leur bétail à l’ouest d’Ain Sefra, dans les plaines proches de Fortassa. C’est donc l’utilisation exclusive d’un espace par telle ou telle tribu qui fait de ce lieu un véritable territoire tribal.

37L’emplacement des parcelles attribuées au titre de l’APFA dépend souvent de l’appartenance tribale et du territoire qui lui est associé. Comme les demandes d’attribution sont généralement déposées par les personnes directement concernées, les Swala ont pu signifier leur préférence pour des parcelles situées à l’est d’Ain Sefra, les Awlād Būbkar pour des parcelles situées à l’ouest. Par ailleurs, on note que de plus en plus de pasteurs combinent activité pastorale et agriculture. Les parcelles tendent ainsi à constituer des formes d’assise territoriale pour certaines familles et certains segments de tribus. Souvent, ce sont les familles les plus influentes qui obtiennent les parcelles les plus grandes et les plus productives. L’APFA augmenterait donc le pouvoir de certaines familles, qui joueraient alors le rôle de familles leaders au sein du segment tribal.

38Ce rapport au territoire ne relève pas d’une conception ontologique de la tribu, bien qu’il joue un rôle important parmi les tribus du nord de l’Afrique du Nord, comme l’a souligné Jacques Berque [1962]. Il relève avant tout des politiques menées durant la période coloniale, mais aussi de politiques postérieures à l’Indépendance. En réorganisant les tribus et en les associant à des territoires précis, les administrateurs coloniaux avaient déjà participé à la création de rapports au territoire exclusifs et moins fluides [Ben Hounet 2007]. Les politiques du nouvel État indépendant – à travers ses découpages administratifs notamment [Ben Hounet 2008a] – n’ont fait que prolonger cet état de fait. Le programme de l’APFA a, on le comprend aisément, suscité un grand engouement, surtout auprès des semi-nomades, qui, pour faire valoir leurs droits, n’ont pas manqué de mettre en avant le lien tribal traditionnel et l’assise familiale territoriale qui leur donnaient la préséance sur certains territoires.

39On assiste parfois à l’arrivée de semi-nomades étrangers à la région, ce qui s’est produit au printemps de l’année 2008 sur tout le territoire de la wilaya de Naama. Comme les pluies y ont été abondantes, de nombreux pasteurs des régions steppiques et sahariennes du centre sont venus s’y établir, ce qui a suscité un certain agacement, voire des conflits. Mais des semi-nomades locaux, notamment des cAmūr, peuvent eux aussi aller s’installer sur des territoires autres que leur territoire traditionnel. Cette situation n’est pas exceptionnelle et aucun semi-nomade n’oserait prétendre détenir un droit exclusif sur un parcours particulier. Toutefois, lorsque les semi-nomades regagnent ou évoquent le territoire traditionnel de leur tribu, et plus précisément de la fraction à laquelle ils appartiennent, ils utilisent l’expression bladna, « notre pays », soulignant ainsi le rapport spécifique et affectif qui les lie à « leur pays », « leur terroir ».

40Bien que les solidarités tribales et que la grammaire de la tribu existent également en milieu urbain, ces rapports au territoire pastoral et agricole véhiculent une représentation tribale de l’espace en même temps que la référence à la tribu fait valoir la prééminence de tels ou tels semi-nomades sur tel ou tel terrain ou parcours.

41La population semi-nomade de la wilaya de Naama a augmenté en nombre mais s’est marginalisée en raison de l’accroissement qu’a connu la population sédentaire au cours de ces cinquante dernières années. Elle représente toutefois un cinquième de la population totale du département. La persistance du nomadisme n’est pas en soi un fait étonnant. À travers l’histoire des cAmūr, on peut constater les capacités d’adaptation et de renouvellement des populations nomades. La constance voire la progression des semi-nomades s’explique par des facteurs géographiques et économiques opportuns : le pastoralisme demeure l’une des seules activités économiques possibles et suffisamment rentables de la région. À ce mode de vie nomade, à cette culture bédouine sont aussi associées des valeurs et des logiques tribales. Si la tribu n’est plus le cadre dans lequel s’exerce réellement le nomadisme, elle reste néanmoins une sorte d’emblème auquel les nomades peuvent recourir pour faire valoir leurs droits sur certaines parties du territoire ou sur certains parcours.

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Bibliographie

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Ben Hounet, Yazid — 2007, « Des tribus en Algérie ? À propos de la déstructuration tribale durant la période coloniale », Cahiers de la Méditerranée 75 : 150-171. — 2008a, « Gérer la tribu : le traitement de la question tribale dans l’Algérie indépendante (1962-1989) », Cahiers d’études africaines 191 : 487-512. — 2008b, « De quelques approches des rapports tribus/pouvoirs politiques au Maghreb », Insaniyat (revue du Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle d’Oran) 39-40 : 91-104. — 2009, L’Algérie des tribus. Le fait tribal dans le Haut Sud-Ouest contemporain. Paris, L’Harmattan (« Connaissance des hommes »).

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Notes

1 La wilaya de Naama est issue de la nouvelle organisation administrative instituée par la loi 84/09 du 4 février 1984. Elle regroupe 7 dairat (sous-divisions administratives) et 12 communes. Elle est limitée au nord par les wilayat de Tlemcen et de Sidi-Bel-Abbès ; à l’est par la wilaya d’El Bayadh ; au sud par la wilaya de Béchar et, à l’ouest, par la frontière algéro-marocaine. Sa superficie totale est de 29 514 km2. La wilaya de Naama se caractérise par trois grands espaces géographiques : une zone nord steppique et plane représentant près des trois quarts de la superficie totale de la wilaya ; une zone montagneuse occupant 12 % du territoire et faisant partie de l’Atlas saharien ; une zone sud présaharienne qui couvre les 14 % restants.

2 Populations vivant sous la tente et pratiquant pour la plupart le semi-nomadisme sur un périmètre restreint à une trentaine de kilomètres et effectuant parfois quelques déplacements dans le Tell.

3 Jusqu’à la fin des années 1980, les statistiques faisaient apparaître la taille des groupes nomades selon les tribus. Depuis, les autorités refusent d’effectuer des recensements selon ce critère. Voir le Plan d’aménagement de la wilaya de Naama (rapport d’orientations) effectué par l’Agence nationale pour l’aménagement du territoire. On y trouve un effectif des nomades selon les tribus, le dernier recensement datant de l’année 1987. Ce recensement a été établi pour notamment encadrer les mouvements estivaux des nomades vers le Tell. Depuis 1986-1987, ceux-ci ne font plus réellement l’objet d’un encadrement étatique et ne se font plus collectivement. En effet, depuis l’instauration, en 1984, de la Loi d’attribution de la propriété foncière agricole, les éleveurs négocient directement avec les nouveaux propriétaires fonciers.

4 Tente traditionnelle de taille variable, composée d’un pilier central recouvert de toile de laine de mouton, de chèvre ou de dromadaire. Elle est destinée à accueillir une famille nucléaire (homme, épouse(s), enfants). La khayma est assez basse, 1,50 mètre en moyenne, ce qui lui permet de mieux résister aux vents de sable.

5 D’après les notes du Commandant Colonieu, datées de 1859, sur la tribu des cAmūr. Voir référence 66miom/108/1. Les documents microfilmés cités dans ces notes proviennent du Centre des archives d’outre-mer (Aix-en-Provence).

6 Voir réf. 66miom/108/3.

7 Voir réf. 66miom/109/3.

8 Voir réf. 66miom/109/4.

9 La superficie des terres agricoles est d’environ 22 000 km2. La surface agricole utilisée représente 1 % de la superficie totale des terres agricoles. Les pacages et parcours couvrent plus de 200 000 hectares, soit 99 % du territoire.

10 Jusqu’en 1986, ceux-ci étaient encadrés par l’État. Par la suite, ils sont devenus « individuels », notamment dans le cadre de contrats privés entre familles de semi-nomades et propriétaires terriens.

11 Respectivement deuxième, troisième et quatrième secteurs d’activité économique de la wilaya de Naama en 2002, l’agropastoralisme demeurant le premier.

12 Tous les massifs du secteur, à l’exception du Bou Amoud et du Bou Leghfad, possèdent de nombreuses sources, les rendant ainsi accessibles aux éleveurs, et ils constituent d’excellents pâturages d’été [Bison 1957 : 6]. Les sommets des principaux djebels (Aissa, Mekter) contiennent des boisements, notamment de thuyas et de genévriers. Les pâturages qui occupent la quasi-totalité du territoire offrent une variété de plantes, telles l’alfa, l’armoise...

13 Concernant la steppe centrale algérienne, S. Bedrani, S. Benadjila et M. Ghazi affirment : « Juridiquement, les terres de parcours appartiennent au domaine privé de l’État et, dans toutes les zones étudiées, la propriété privée titrée est rarissime, y compris celle des terres cultivées. » [1995 : 14] On peut, me semble-t-il, élargir cette remarque à l’ensemble des régions steppiques algériennes, y compris celles de l’Ouest.

14 Il existe une petite économie de contrebande transfrontalière, principalement en matière de cheptel. Mais celle-ci est difficile à chiffrer et on suppose qu’elle ne concerne que quelques membres des fractions les plus frontalières.

15 Depuis l’Indépendance, de nouvelles localités se sont créées aux abords des ksour. Elles en portent le nom.

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Table des illustrations

Légende Divisions administratives de la wilaya de Naama
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/docannexe/image/10514/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 107k
Légende Khayma d’une famille semi-nomade (cliché Yazid Ben Hounet et Sandra Guinard, 2005)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/docannexe/image/10514/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 135k
Légende Un GAK au marché d’Ain Sefra (cliché Yazid Ben Hounet et Sandra Guinard, 2005)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/docannexe/image/10514/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 84k
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Pour citer cet article

Référence papier

Yazid Ben Hounet, « Le poids du nomadisme pastoral dans les steppes algériennes »Études rurales, 184 | 2009, 107-122.

Référence électronique

Yazid Ben Hounet, « Le poids du nomadisme pastoral dans les steppes algériennes »Études rurales [En ligne], 184 | 2009, mis en ligne le 01 janvier 2011, consulté le 13 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/10514 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesrurales.10514

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Auteur

Yazid Ben Hounet

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