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Comptes rendus

Panagiota Kotsila, Socio-political and Cultural Determinants of Diarrheal Disease in the Mekong Delta. From Discourse to Incidence

Zürich-Berlin, Lit Verlag, « ZEF Development Studies », 2014, 372 p.
Fabien Gaveau

Texte intégral

Panagiota Kotsila, Socio-political and Cultural Determinants of Diarrheal Disease in the Mekong Delta. From Discourse to Incidence. Zürich-Berlin, Lit Verlag, « ZEF Development Studies », 2014, 372 p.

1Post-doctorante à l'Université autonome de Barcelone, Panagiota Kotsila s'intéresse aux questions sociales et politiques liées au développement. L'étude des maladies diarrhéiques qu'elle propose peut surprendre. Or, en un travail solidement structuré, doté d'un dense appareil argumentaire, l'auteure démontre que ces maladies sont un problème que seule une perspective globale permet de saisir.

2Huit parties organisent le propos. La première introduit l'objet et le lieu de l'étude. La huitième conclut efficacement l'ensemble. Une bibliographie d'environ 440 titres, mêlant publications officielles et études scientifiques, confirme l'importance de la réflexion.

3L'étude s'ancre dans le delta du Mékong au Vietnam, soit environ 40 000 km2. Venu de Chine, le fleuve a parcouru environ 4 500 km à travers la péninsule indochinoise avant de rejoindre la mer de Chine méridionale. Il charrie des alluvions, des limons, des rejets et des polluants, qu'accroît l'activité humaine d'un delta très densément peuplé. L'urbanisation est à l'œuvre mais les activités agricoles et piscicoles restent nombreuses. La municipalité de Can Tho, capitale économique régionale de plus de 1,2 million d'habitants, et les communes rurales du district de Phong Dien, au sud-ouest de cette ville, ont fourni son cadre à l'enquête de terrain.

4Panagiota Kotsila rappelle que les touristes associent les diarrhées à un mal redoutable que le sous-développement et le voyage induisent malheureusement, comme si les populations locales y échappaient, par habitude... Loin de tels préjugés, ces pathologies sont responsables d'environ 10 % des décès d'enfants de moins de 5 ans chaque année au Vietnam. En outre, citadins et ruraux en sont régulièrement les victimes. Or, la lutte contre ces affections ne paraît pas un objectif sanitaire prioritaire pour les autorités publiques. Comment expliquer une telle situation ?

5L'auteure rappelle que la proportion de pauvres dans la population est tombée de 37,4 % en 1998 à 11,1 % en 2012 grâce à l'essor économique, sans que la prévalence des maladies diarrhéiques ne recule vraiment. D'autres pathologies régressent dès lors qu'elles sont considérées comme politiquement prioritaires. Voilà qui pose la question des politiques de santé publique et de la perception des maladies diarrhéiques par les autorités vietnamiennes. Les axes de l'étude sont ainsi posés.

6Le chapitre 2 présente les implications d'une recherche sur la santé humaine. L'analyse multifactorielle s'y impose. En effet, les paramètres sociaux, environnementaux, politiques et scientifiques, en se combinant, permettent de saisir comment une maladie est prise en charge dans une société donnée.

7Le chapitre 3 expose la méthodologie qui a guidé l'enquête au Vietnam. Il a, en particulier, fallu beaucoup d'habileté pour s'entretenir avec des personnes toujours craintives de voir un agent à la solde du gouvernement derrière le masque du chercheur !

8Depuis la libéralisation économique de 1986, les paramètres vitaux se sont améliorés au Vietnam, répondant aux Objectifs du Millénaire définis par le PNUD. Néanmoins, comme l'expose le chapitre 4, l'offre de soins, si dense soit-elle sur le territoire, est marquée par la faiblesse qualitative des équipements ruraux. Les priorités sanitaires nationales sont souvent définies par rapport aux attentes des agences internationales pour valoriser les efforts du pays.

9En outre, le secteur privé a récemment pris son essor aux côtés du secteur public de santé. Ce dernier concerne encore 60 % des habitants, notamment les plus pauvres. Les coûts des soins poussent les malades à privilégier des recettes personnelles, ancestrales, dans le cas d'affections jugées anodines ou socialement perçues comme le produit d'une vie condamnable, négligente, peu en prise avec une bonne morale. L'inégalité d'accès aux soins est ainsi renforcée par l'effet des représentations sociales.

10Enfin, si une veille sanitaire officielle existe, les données qui en sortent sont éloignées de la réalité. Outre l'absence d'évaluation des personnes qui se soignent sans le secours des institutions, des fonctionnaires tronquent leurs rapports pour témoigner de l'efficacité de leur action en matière de prévention.

11Certes, le développement de l'accès à l'eau potable et la promotion de l'hygiène personnelle nourrissent nombre d'injonctions, analysées dans le chapitre 5. L'État attribue aux autorités locales des crédits pour financer l'équipement des ménages en toilettes. Or, la corruption et l'inertie administrative détournent une partie de ces sommes de leur cible, surtout dans les zones rurales. Quant aux autorités locales, elles soulignent les bénéfices de tels programmes en produisant des statistiques encourageantes. Sur le fond, personne ne contrôle réellement leurs dires puisque le chiffre témoigne de l'engagement du pouvoir au service du bonheur des citoyens.

12Les politiques publiques de prévention, présentées dans le chapitre 6, relèvent ainsi de bonnes intentions et d'une stratégie de communication du pouvoir vietnamien. Elles ne ciblent qu'imparfaitement les maladies les plus courantes. Certes, sous la pression des ONGs et de l'UNICEF, le gouvernement a publié des guides d'action contre la diarrhée en 2012. Toutefois, au quotidien, les employés chargés de la prévention peinent à délivrer un message sérieux et audible aux populations.

13Un tel système se combine avec les représentations que les individus se font des maladies, de la santé, des bonnes pratiques. Par exemple, beaucoup pensent qu'il suffit d'évaluer l'odeur, le goût et la couleur d'une eau pour savoir si elle est potable, méthode risquée s'il en est ! En outre, l'idée s'est répandue que les diarrhées concernaient les personnes les moins attentives aux recommandations publiques et celles qui sont les moins honorables, ce qui est important dans la société vietnamienne. La stigmatisation des malades les pousse à une discrétion qui fait croire au recul des pathologies diarrhéiques.

14En somme, le Vietnam vante ses réussites en matière de développement tout en s'accommodant avec la réalité d'un environnement toujours très pathogène, en particulier là où l'omniprésence des eaux concentre tous les rejets et toutes les déjections. Un des acquis majeurs de l'ouvrage réside dans la mise en évidence de ce paradoxe et du système qui permet de l'entretenir tout en confinant les maladies diarrhéiques dans une sphère de négligence.

15Il y a fort à parier pour que ce schéma ne soit pas le propre du Vietnam ! Un tel constat devrait conduire à plus de clairvoyance sur la réalité des indicateurs humains de développement élaborés à l'échelle planétaire.

16L'examen des maladies diarrhéiques nous a donc conduits au-delà des politiques publiques de santé. Les phénomènes liés à la santé humaine ne relèvent pas seulement de la médecine ni de l'environnement. Les sciences sociales et politiques sont nécessaires à leur compréhension. Elles permettent surtout, selon Panagiota Kotsila, de mieux savoir sur quels leviers agir pour améliorer vraiment le sort des individus.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Fabien Gaveau, « Panagiota Kotsila, Socio-political and Cultural Determinants of Diarrheal Disease in the Mekong Delta. From Discourse to Incidence »Études rurales [En ligne], 195 | 2015, mis en ligne le 01 janvier 2015, consulté le 24 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/10332 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesrurales.10332

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Auteur

Fabien Gaveau

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