Daniel Iglesias, Les mythes fondateurs du Parti Apriste Péruvien. Sociohistoire de la culture politique d'un parti latino-américain (1923-1980)
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Daniel Iglesias, Les mythes fondateurs du Parti Apriste Péruvien. Sociohistoire de la culture politique d'un parti latino-américain (1923-1980), Paris, Éditions de l'IHEAL, « Travaux et Mémoires » no 86, 2013, 132 p.
1C'est à une « culture d'appareil » que l'auteur, spécialiste des réseaux transnationaux en Amérique latine et enseignant à l'université du Havre, consacre le présent ouvrage, fruit de son parcours de recherche.
2Le Parti Apriste Péruvien (PAP), présenté en introduction, est né en 1930 à Lima. C'est une section de l'Alliance Populaire Révolutionnaire Américaine (APRA), mouvement anti-impérialiste, panaméricain, marxiste et teinté de nationalisme, fondé à Mexico en 1924 en présence d'un Péruvien, Victor Raúl Haya de la Torre (1895-1979).
3L'indigénisme et l'agrarisme alimentent les discours du PAP, par ailleurs engagé dans la création d'une internationale apriste latino-américaine, antiyankee. Suscitant l'hostilité des élites économiques, le parti effraie d'abord l'oligarchie puis parvient à s'intégrer au jeu politique national, après une évolution réformiste.
4L'auteur s'attache à exposer comment le PAP a légitimé dans un discours destiné au pays cette évolution.
5Dans une première partie, il présente la construction initiale de l'identité et du programme du PAP, dans le Pérou des années 1930, temps de forte agitation ouvrière et paysanne. Jusqu'en 1956 sa base idéologique se constitue essentiellement depuis les pays où ses dirigeants vivent en exil. Victor Raúl Haya de la Torre s'emploie à faire du PAP le seul organe incarnant les besoins du pays contre l'oligarchie péruvienne.
6La deuxième partie expose comment le PAP fait accepter son évolution vers une gauche modérée, après 1956 et sa légalisation. Il privilégie alors l'accès au pouvoir par les urnes et développe une intention réformiste.
7Luis Alberto Sanchez (1900-1994), président du Sénat (1965-1966), Premier ministre du Pérou (mai-septembre 1989), joue un rôle majeur pour donner une cohérence à l'évolution du parti. Vers 1970, il rédige une histoire arrangée du PAP destinée à rendre logique le passage à un réformisme de gauche, sans diminuer l'aura qui entoure Haya de la Torre.
8De l'ensemble de l'ouvrage, il ressort que l'auteur a d'abord discuté la manière dont le PAP a su réinventer à chaque étape de son évolution le parcours et la pensée de son principal fondateur, Haya de la Torre. C'est donc une étude discursive sur la façon dont le plus ancien parti constitué du Pérou se raconte.
9L'ouvrage est maigre sur la manière dont les populations reçoivent ces discours. Certes, l'évocation du contexte général laisse entendre que les oubliés et les déçus de la politique ont été nombreux. Toutefois, il est beaucoup trop partiel pour un lecteur étranger à l'histoire péruvienne.
10L'armée, si importante, a voulu contrecarrer les mécontentements en lançant un programme économique révolutionnaire sous la dictature de Juan Velasco Alvarado (1968-1975), notamment sous l'angle agraire contre les grands propriétaires. Son échec renforce les aspirations de mouvements issus du communisme péruvien d'autant que le PAP ne paraît plus en prise avec de larges pans de la société.
11À qui s'adresse vraiment le PAP ? Issu de milieux étudiants et organisé par des intellectuels, le parti donne le sentiment de se raconter loin des préoccupations des Péruviens. Où est le peuple au nom duquel il parle ? Les écrits évoqués par l'auteur avaient-ils de l'importance, au fond, pour les Péruviens ordinaires ?
12La lecture de l'ouvrage donne le sentiment que la politique n'est pas en prise avec les populations mais qu'elle recouvre deux domaines, celui de la lutte pour le pouvoir et celui de la négociation pour s'y maintenir. Ce qui est ici éclairé, c'est la façon dont le parcours et la pensée du père fondateur du parti ont été valorisés, jusqu'à forger une mystique.
13Enfin, le lecteur aurait aimé en savoir plus sur l'abandon par le PAP des options révolutionnaires des premiers temps et sur la montée en puissance de mouvements plus radicaux (le Sentier Lumineux né en 1970, le mouvement Tupac Amaru né en 1984). L'absence d'éclairage sur cet objet donne le sentiment que le PAP a participé, au fond, au jeu des oligarchies.
14Dès lors que les problèmes ordinaires forment simplement des thèmes de réflexion, il n'est guère étonnant que des mouvements radicaux aient pu séduire des populations qui avaient le sentiment d'être ignorées dans leur quotidien par le jeu des partis.
Pour citer cet article
Référence électronique
Fabien Gaveau, « Daniel Iglesias, Les mythes fondateurs du Parti Apriste Péruvien. Sociohistoire de la culture politique d'un parti latino-américain (1923-1980) », Études rurales [En ligne], 195 | 2015, mis en ligne le 01 janvier 2015, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/10329 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesrurales.10329
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