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Comptes rendus de lecture

Marie Mianowski, Post-Celtic Tiger Landscapes in Irish Fiction, London, Routledge, 2017

Sylvie Mikowski
p. 159-161

Texte intégral

1Dans cet ouvrage, Marie Mianowski invite à une lecture de la littérature irlandaise ultra-contemporaine à travers le prisme de l’espace, du lieu et du paysage. Au premier abord, ces thèmes ne surprendront pas quiconque est familier du contexte irlandais tant la terre, sa possession, sa perte et son contrôle ont joué un rôle majeur dans l’histoire politique, sociale et culturelle du pays. Seamus Heaney avait déjà conceptualisé l’importance du lieu dans l’imaginaire collectif irlandais dans son célèbre texte « A Sense of Place ». Pourtant cette approche semble particulièrement appropriée à l’époque envisagée dans l’ouvrage, celle qui suit l’effondrement de l’économie du Tigre celtique, fondée en partie sur la spéculation immobilière. Ainsi les modifications profondes de la société irlandaise se sont trouvées reflétées par les transformations du paysage urbain ou rural, ce que la littérature a enregistré à son tour, à tel point que la fiction irlandaise des années 2010 a pu donner les signes d’une véritable obsession pour les chantiers de construction, les terrains, les friches et autres « ghost estates », ainsi que pour les personnages de promoteurs immobiliers, de préférence véreux et cyniques. Parmi les œuvres étudiées ici, c’est clairement le cas dans The Forgotten Waltz de Anne Enright, The Devil I know de Claire Kilroy, ou encore dans The Spinning Heart de Donal Ryan. La superbe nouvelle de William Trevor, « At Olive Hill », est également replacée dans le contexte de la fièvre immobilière du Tigre celtique. Mais l’ouvrage établit aussi des liens moins évidents entre écriture et paysage dans A Second Life de Dermot Bolger (dans sa version revue par l’auteur), ou dans City of Bohane de Kevin Barry. Deux chapitres entiers sont également consacrés à l’écriture de l’espace chez Colum McCann. M. Mianowski déplie tout au long des pages les possibilités lexicales et sémantiques des mots « place » et « landscape » : à propos de la nouvelle de « At Olivehill » de Trevor, il s’agit par exemple de l’attachement pour le lieu. À propos de The Forgotten Waltz est établi un lien entre désir de posséder un lieu, soif d’enrichissement et sexualité. En ce qui concerne Donal Ryan, il s’agit plutôt de « place » dans le sens de « community », avec toutes les dérives néfastes que la ruralité irlandaise peut entraîner. Et pour introduire le chapitre consacré à McCann, M. Mianowski écrit : « we will first elucidate the notions of place, displacement, and placelessness. » Beaucoup des œuvres analysées ont d’ailleurs autant un lien direct avec un lieu, au sens de « espace habité », qu’avec un paysage : il en est ainsi du domaine de Olivehill, du rôle de la propriété et de la spéculation immobilière dans The Forgotten Waltz, dans The Spinning Heart ou dans The Devil I know, mais aussi des maisons qui jouent un rôle central dans certains récits, comme dans The Gathering, ou dans Transatlantic, qui fait d’ailleurs l’objet d’une magnifique analyse. Une autre analyse particulièrement brillante est celle du roman de Kevin Barry City of Bohane. M. Mianowski suggère que ce que Barry parodie ici, c’est l’aspect névrotique du « sense of place » caractérisant Bohane – autre nom pour l’Irlande d’hier et d’aujourd’hui – qui, à travers une fétichisation du lieu, entretient un rapport stérile et paralysant avec son passé, rapport que M. Mianowski décrit comme « la nostalgie de la nostalgie ».

2L’ouvrage alterne des micro-lectures très pénétrantes avec des réflexions plus abstraites appuyées entre autres sur les concepts de « containment », ou de « boundedness », inventés par le philosophe australien Jeff Malpas. Marie Mianowski propose non seulement une lecture de certains textes irlandais contemporains, mais une véritable méthode de lecture, qui emprunte ses concepts et ses outils à d’autres domaines que celui de l’analyse littéraire proprement dite, et qui ouvre des perspectives pour l’étude d’autres littératures que celle de l’lrlande.

3Toutefois, bien qu’adoptant une méthodologie précise et bien définie, les lectures proposées ne sont jamais systématiques, car l’auteure sait distinguer dans chaque texte ses particularités ; de plus, même si le titre de l’ouvrage suggère un ancrage socio-historique, celui de la crise économique datant de 2008, elle n’utilise jamais le texte comme prétexte à un commentaire sociologique mais sait au contraire exalter les qualités esthétiques des œuvres considérées.

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Pour citer cet article

Référence papier

Sylvie Mikowski, « Marie Mianowski, Post-Celtic Tiger Landscapes in Irish Fiction, London, Routledge, 2017 »Études irlandaises, 42-2 | 2017, 159-161.

Référence électronique

Sylvie Mikowski, « Marie Mianowski, Post-Celtic Tiger Landscapes in Irish Fiction, London, Routledge, 2017 »Études irlandaises [En ligne], 42-2 | 2017, mis en ligne le 29 novembre 2017, consulté le 01 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesirlandaises/5398 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesirlandaises.5398

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Auteur

Sylvie Mikowski

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-SA-4.0

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