Transforming post-Catholic Ireland – Religious Practice in Late Modernity de Gladys Ganiel
Gladys Ganiel, Transforming post-Catholic Ireland – Religious Practice in Late Modernity, Oxford, Oxford University Press, 2016, 273 p., ISBN 978-0-19-874578-5.
Texte intégral
1Transforming post-Catholic Ireland est le résultat d’un travail de recherche action mené par une équipe pilotée par Gladys Ganiel, chercheuse à l’Institut d’étude de transformation des conflits et de justice sociale (ISCTSJ) à Queen’s University Belfast, dans le cadre de son activité militante au sein de l’Irish School of Ecumenics. L’ouvrage vise tout à la fois à évaluer la diversité religieuse dans l’île d’Irlande, en lien avec les questions d’immigration et de réconciliation, et à proposer des pistes pour faire en sorte que la religion puisse contribuer, mieux qu’aujourd’hui, à la complexe édification de la paix au sens le plus large.
2Ganiel s’inscrit ainsi en faux contre des théories telles que celle de Beck (A God of One’s Own: Religion’s Capacity for Peace and Potential for Violence, CUP, 2010), qui vise à démontrer que l’individu réflexif moderne tend à créer ses propres dieux hors de toute institution, ce qui serait facteur de tolérance et d’ouverture à l’autre, sur la base d’une recherche de la paix plutôt que de la vérité. Selon Ganiel, les avancées en ce domaine seraient davantage le fait d’organisations religieuses qu’elle nomme « extra-institutionnelles » dont la caractéristique principale est de garder des liens forts avec les institutions à la marge desquelles elles se situent.
3Afin de tester ses hypothèses, son équipe a mené en 2009 deux enquêtes, la première, directe, auprès de plus de 4 000 chefs religieux, dont quelque 700 ont répondu, et la seconde, en ligne, qui a reçu plus de 900 réponses. Fort de ces données, l’ouvrage passe en revue un panel de groupes religieux ou para-religieux, œcuméniques ou non, souvent multiethniques, s’inscrivant, pour l’essentiel, dans une démarche chrétienne, et dont la particularité est d’adopter une position critique vis-à-vis de leur institution de référence, que ce soit l’Église catholique ou les Églises protestantes, presbytérienne, méthodiste ou autre. À noter une passionnante enquête sur le développement en Irlande du Pentecôtisme et l’émergence de groupes charismatiques évangéliques, notamment d’origine africaine (ainsi le Jesus Centre à Dublin).
4Seul un chapitre évoque la question des religions dites minoritaires (Bouddhisme, Islam, Sikhisme, Hindouisme, Baha’i), auxquelles s’ajoutent les athées. Il n’est plus question alors de religions « extra-institutionnelles » mais des difficultés rencontrées par les minorités religieuses dans une Irlande encore très fortement marquée par le catholicisme malgré l’apparente sécularisation. Le faible nombre de personnes interrogées (10 pour l’ensemble des religions minoritaires, dont 5 Irlandais convertis) limite la portée scientifique des résultats présentés dans cette section. L’auteure est manifestement davantage intéressée par le renouveau du christianisme à partir de ses marges, qu’elle voit comme une source d’espoir dans la perspective de son action engagée au service de l’œcuménisme, particulièrement en Irlande du Nord, dans un contexte ou la réconciliation demeure difficile.
5Les conclusions de l’enquête se résument aux constats suivants : l’Église catholique, massivement rejetée, notamment en raison des scandales récents auxquels elle est associée, demeure l’institution de référence à la fois au Nord et au Sud. Les tendances identifiées par Ganiel confirment les analyses de ses prédécesseurs au niveau du monde occidental : individualisation et désinstitutionnalisation en sont les maîtres-mots. L’épanouissement personnel résulte de la libération des entraves et de la participation à des initiatives à visée à la fois sociale et religieuse. Le sectarisme sous toutes ses formes demeure toutefois latent et le terme d’œcuménisme est peu compris, voire polémique, au moins dans sa définition. La preuve, enfin, n’est pas faite de l’aptitude des groupes « extra-institutionnels » à faire évoluer les institutions et la société depuis la périphérie, même s’ils en ont le potentiel et l’envie. La fragmentation et la faible masse critique de ces organisations limitent en effet la portée de leur action.
6L’ouvrage de Ganiel est tout à fait intéressant. Il a le mérite de faire découvrir aux lecteurs des groupes religieux ou para-religieux peu connus qui contribuent au pluralisme, à l’intégration des minorités ethniques et à l’évolution identitaire de l’Irlande. Il situe également son analyse dans le cadre plus large des débats théoriques et conceptuels de sociologie des religions sans jamais s’éloigner des préoccupations politiques et sociales propres à l’Irlande, tant au nord qu’au sud. L’ambition du travail est considérable et l’ouvrage malheureusement bien court pour rendre compte de la richesse manifeste des données accumulées. Les notions de religion « extra-institutionnelle » et d’Irlande « post-catholique » demeurent aussi un peu discutables par certains de leurs aspects, d’autant que l’engagement de l’auteure dans l’action œcuménique est revendiquée. Il n’en demeure pas moins que l’originalité, la richesse et l’orientation thématique de Transforming post-Catholic Ireland en font une lecture indispensable pour toute personne intéressée par les évolutions religieuses de l’Irlande contemporaine.
Pour citer cet article
Référence papier
Catherine Maignant, « Transforming post-Catholic Ireland – Religious Practice in Late Modernity de Gladys Ganiel », Études irlandaises, 41-2 | 2016, 195-197.
Référence électronique
Catherine Maignant, « Transforming post-Catholic Ireland – Religious Practice in Late Modernity de Gladys Ganiel », Études irlandaises [En ligne], 41-2 | 2016, mis en ligne le 30 janvier 2016, consulté le 04 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesirlandaises/5066 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesirlandaises.5066
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