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Comptes rendus de lecture

John McGahern and the Imagination of Tradition de Stanley Van Der Ziel

Bertrand Cardin
p. 189-191
Référence(s) :

Stanley Van Der Ziel, John McGahern and the Imagination of Tradition, Cork University Press, Cork, 2016, 305 p. ISBN 978-1-78205-164-0.

Texte intégral

1L’ouvrage de Stanley van der Ziel a pour objectif de montrer en quoi l’imagination créatrice de McGahern fut alimentée par ses lectures et réflexions sur les œuvres des grands auteurs classiques. Il vise à prouver que les idées et principes esthétiques de ces auteurs se reflètent dans la production littéraire de l’écrivain irlandais. L’imagination de McGahern y est qualifiée de « traditionnelle », car ses romans et nouvelles s’inscrivent dans une large tradition que Van der Ziel définit comme « un potentiel de croissance et de progression », une forme de continuité littéraire qui se doit d’être constamment renouvelée. À sa manière, McGahern modifie la tradition, y laisse son empreinte et éclaire d’un jour nouveau les œuvres qui le précèdent, mais aussi celles qui lui succèdent. Comme le spécifie l’introduction de l’ouvrage, un écrivain véritablement « traditionnel » exploite les leçons du passé pour créer une œuvre à tel point unique et personnelle qu’elle est prise en compte par les écrivains ultérieurs, lesquels évaluent à nouveau la forme et les valeurs de la tradition.

2McGahern percevait l’écriture comme un dialogue avec les grands auteurs qui l’avaient précédé. Il reprenait volontiers à son compte la métaphore de W.H. Auden qui voyait dans la relation qu’entretient un écrivain avec ses prédécesseurs « un partage du pain avec les disparus ». Dans un essai, McGahern estime que ce pain partagé a toujours été aussi vital pour sa vie spirituelle, artistique et créative, que pour la survie de l’être humain au quotidien.

3L’ouvrage ne vise pas à identifier dans la prose de McGahern des citations extraites d’autres textes (ce qui serait difficile car elles sont relativement rares), mais isole et commente des idées que l’écrivain emprunte à d’éminents auteurs. Il montre comment son œuvre fictionnelle peut être lue à la lumière de traditions littéraires dans lesquelles elle s’inscrit. Il se veut ainsi une histoire des idées littéraires et esthétiques à travers le regard d’un « lecteur solitaire » devenu par la suite écrivain. Celui-ci forgea sa vocation dans les années 1940 : âgé d’une dizaine d’années, le jeune John McGahern avait alors libre accès à la bibliothèque privée de ses voisins protestants, Mr Moroney et son fils. Il put ainsi lire des centaines d’ouvrages et consolider sa culture livresque. De son propre aveu, cette expérience fut déterminante pour sa carrière littéraire.

4L’ouvrage est divisé de manière thématique et chronologique. Les chapitres qui le constituent abordent en détail les idées principales empruntées et adaptées des grands auteurs d’Irlande, mais aussi d’Angleterre et d’Europe continentale que McGahern admirait et dont la trace est perceptible sur sa propre pensée et sa conception de la littérature. Chacun de ces chapitres fait référence à des périodes marquantes de l’histoire littéraire : poètes anglais romantiques, romanciers victoriens, auteurs modernes, philosophes d’après-guerre… Bien sûr, le chapitre sur Yeats et Joyce, plus riche en exemples que d’autres, est particulièrement passionnant. De la même façon, les nombreuses connections entre l’œuvre de McGahern et celle de Shakespeare, Proust ou Beckett, qu’affectionnait l’auteur, sont très stimulantes. De manière générale, ces échos et résonances font l’objet d’intéressants commentaires de la part de van der Ziel.

5Certaines de ces analogies sont tout à fait convaincantes, notamment lorsqu’elles sont relativement explicites, car il s’agit de références sans doute délibérément insérées par McGahern dans ses textes. D’autres, en revanche, ne sont que de vagues allusions et s’avèrent donc plus discutables car, incertaines, elles s’apparentent aux sous-entendus et leur perception est souvent subjective. En effet, l’allusion dépend avant tout de l’effet de lecture : tout en pouvant ne pas être lue, elle peut aussi l’être là où elle n’est pas. Van der Ziel fait ainsi des associations libres, des rapprochements analogiques induits par similitude ou par contiguïté, que d’aucuns trouveront peut-être contestables. Du reste, conscient de la subjectivité de son interprétation, l’auteur de l’étude témoigne d’une grande prudence dans ses propos : « The title of the story may contain, the allusion seems to recall… » (p. 199).

6Il eut été intéressant de se demander si les échos intertextuels dans l’œuvre sont intentionnels de la part de l’auteur, si celui-ci est conscient ou non de ces correspondances, et si les notions substitutives des intentions de l’œuvre et du lecteur sont valides pour l’interprétation du texte. Or la notion d’intentionnalité n’est jamais véritablement abordée par l’étude. De la même façon, la distinction entre les concepts d’influence et d’intertextualité n’est pas développée, mais fait seulement l’objet d’une note (note 45, p. 248), ce que d’aucuns jugeront insuffisant. Eu égard à la problématique générale développée dans l’ouvrage, un propos parfois plus théorique aurait été pertinent.

7En outre, alors que McGahern est ici présenté comme le maillon d’une longue chaîne de prosateurs, l’influence qu’il exerce sur la génération suivante d’écrivains irlandais n’est guère approfondie. Toutefois, des échos de son œuvre sont clairement décelables dans les textes de Colm Toibin, Colum McCann ou Claire Keegan. Un chapitre entier aurait pu donner lieu à un traitement plus développé de la question, valorisant l’inscription de l’écrivain dans la longue tradition d’une continuité littéraire, alors que seulement une page et demie de l’épilogue évoquent cette postérité.

8Hormis ces quelques réserves, l’ouvrage de Stanley van der Ziel, John McGahern and the Imagination of Tradition, a le mérite d’enrichir l’appareil critique sur la production littéraire de McGahern et de mettre à jour un aspect original et peu exploité de cette œuvre. Incontestablement, il comble une lacune. Passionnante et d’une lecture très agréable, cette étude permet de relire les textes avec un autre regard et suscite un questionnement fertile sur toutes ces formes d’interaction.

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Pour citer cet article

Référence papier

Bertrand Cardin, « John McGahern and the Imagination of Tradition de Stanley Van Der Ziel »Études irlandaises, 41-2 | 2016, 189-191.

Référence électronique

Bertrand Cardin, « John McGahern and the Imagination of Tradition de Stanley Van Der Ziel »Études irlandaises [En ligne], 41-2 | 2016, mis en ligne le 30 novembre 2016, consulté le 04 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesirlandaises/5057 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesirlandaises.5057

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Auteur

Bertrand Cardin

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CC-BY-NC-SA-4.0

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