Arthur Griffith
Owen McGee, Arthur Griffith, Sallins, Merrion Press, 2015, 536 p.
2015
Texte intégral
1Si l’on s’en tient à la première page, le titre de l’ouvrage pourrait paraître trompeur. En effet, seuls les quatre premiers chapitres semblent s’attacher de près à des moments clés de la vie d’Arthur Griffith : son enfance dans les quartiers pauvres de la capitale (expliquant ses prises de position futures en faveur de l’amélioration des conditions de logement via la rétention d’une partie des sommes versées au Trésor britannique), sa formation politique et ses années de journalisme en Afrique du Sud, puis son retour en Irlande comme éditeur du journal The United Irishman avant la parution de The Resurrection of Hungary et la fondation du Sinn Féin en 1905. Mais, c’est là où s’opère le tour de force d’Owen McGee. En effet, dans la seconde partie de l’ouvrage, l’auteur parvient à mener en parallèle une biographie d’Arthur Griffith et une étude du mouvement nationaliste irlandais entre les années précédant le troisième projet de Home Rule et celles conduisant aux négociations pour le traité de Londres, en passant par le soulèvement de Pâques. En s’appuyant sur un minutieux travail d’archives, tant en Irlande qu’au Royaume-Uni, ainsi que sur de nombreuses autres sources primaires sur la période, comme en attestent les quelques cent vingt pages de notes, l’ouvrage propose une analyse stimulante du mouvement nationaliste irlandais. Il souligne ainsi avec finesse les tensions qui traversent et structurent le mouvement nationaliste en Irlande, mais également les difficultés que pose la relation coloniale, autant sur le plan politique que sur le plan économique, afin de tendre vers la république tant désirée alors que le futur État libre ne dispose pas de ressources économiques suffisantes.En ce sens, en retraçant les années conduisant à l’établissement de l’État libre d’Irlande, l’ouvrage met véritablement en lumière la structuration du discours nationaliste, le positionnement du Sinn Féin, les luttes de pouvoir au sein du parti avant que celles-ci ne conduisent à sa lente division sur la question du Traité. L’ouvrage montre également le rôle controversé des autorités britanniques, apportant dès lors une vision plus nuancée de la partition de l’île, soulignant les intérêts souvent complémentaires des milieux économiques, tant au nord qu’au sud, et montrant comment la dimension religieuse en vint à revêtir une importance toute particulière entre les deux parties de l’île alors que Griffith considérait avant tout la dimension économique comme première pierre d’achoppement, synonyme du déséquilibre existant entre le Royaume-Uni et l’Irlande.L’on peut regretter toutefois que les derniers chapitres se teintent d’un certain manichéisme, décrivant Arthur Griffith comme un homme fatigué, bataillant ferme pour défendre ses idées face à un gouvernement britannique manipulateur et à ses nombreux détracteurs au sein du mouvement nationaliste. Une telle position semble d’autant plus critiquable dans la mesure où le dernier chapitre, longue conclusion de cinquante pages, s’attache à remettre en perspective les idées de Griffith tout en interrogeant le travail des historiens, passés et présents, dans la production du récit national. Il n’en demeure pas moins que cet ouvrage comble un vide sur la politique irlandaise avant et après la Première Guerre mondiale, et l’on ne peut que rendre hommage à Owen McGee pour ce précieux travail.
Pour citer cet article
Référence papier
Julien Guillaumond, « Arthur Griffith », Études irlandaises, 41-1 | 2016, 189-190.
Référence électronique
Julien Guillaumond, « Arthur Griffith », Études irlandaises [En ligne], 41-1 | 2016, mis en ligne le 10 juin 2016, consulté le 05 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesirlandaises/4898 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesirlandaises.4898
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