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Études d'histoire et de civilisation

Le Château de Dublin de 1880 à 1922 : repaire de traîtres ou d’agents doubles ?

Émilie Berthillot
p. 9-34

Résumés

Entre 1880 et 1922, le Château de Dublin se transforme : le quartier général des deux forces de police de la ville (la Dublin Metropolitan Police et la Royal Irish Constabulary) devient celui d’un service de renseignement officiel. Cette évolution répond à celle de la menace à laquelle il doit faire face en tant que symbole concret de la Couronne. En effet, après les violentes attaques des Fenians, groupe surveillé de près par la police, le Château devient la cible des agents doubles de Michael Collins qui l’infiltrent. Le Château est ainsi le théâtre de nombreux actes de trahison dans le jeu engagé entre l’observateur et l’observé et joue un rôle clé dans les relations anglo-irlandaises. Cet article tente, à travers l’étude du Château de Dublin, de démontrer que la professionnalisation des méthodes d’espionnage transforme les traîtres d’alors en agents doubles, mais que le sort qui leur est réservé en cas d’interception reste le même : la mort.

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Texte intégral

  • 1 Denis McCarthy, Dublin Castle at the Heart of Irish History, Dublin, Stationery Office (...)

1En août 1204, le roi Jean d’Angleterre ordonne la construction d’un Château entouré de murs épais et de douves profondes pour défendre la ville de Dublin, rendre la justice et mettre l’argent de la Couronne en sécurité1. Le Château remplit plusieurs fonctions au cours des siècles, mais il demeure le centre de l’administration coloniale et, jusqu’à l’indépendance de 1922, le rôle premier du Château de Dublin, reflet de la puissance du gouvernement central, est de faire appliquer les lois britanniques sur le sol irlandais. Résidence officielle des représentants royaux, il abrite aussi le parlement, les cours de Justice et des Finances, tout comme les baraquements de la police et de l’armée.

  • 2 Their [Young Irelanders] romantic but unsuccessful agitations soon gave rise, seamlessl (...)
  • 3 Eamonn T. Gardiner, Dublin and the Anglo-Irish War: Counter-insurgency and Conflict, Ne (...)
  • 4 Le choix de Thomas Billis Bleach, comme exemple d’agent double infiltré, repose sur la (...)
  • 5 Alan Sharp, « From Dublin Castle to Scotland Yard: Robert Anderson and the Secret Irish depar (...)

2Les menaces représentées par les Fenians (1881-1885) puis l’IRB/IRA2 (1919-1921), influent sur la fonction de la forteresse et la transforme en quartier général des services de renseignement. En effet, les agents travaillant au Château pour les forces de l’ordre ou encore pour les services secrets britanniques surveillent les groupes d’insurgés nationalistes et envoient des comptes rendus réguliers à Whitehall3. Toutefois, en tant que représentants de la Couronne, ces mêmes agents représentent des cibles de choix pour les mouvements républicains irlandais. Entre 1919 et 1922, pendant la guerre anglo-irlandaise, Michael Collins infiltre ses agents doubles dans les services du Château, procurant ainsi aux insurgés le bénéfice d’une connaissance anticipée des intentions des forces de police et de l’armée britannique. Ce jeu d’espionnage anglo-irlandais entre l’observateur et l’observé place la loyauté au cœur de la forteresse et donne aussi lieu à de nombreux actes de trahison dans les deux camps. En nous appuyant sur les définitions du traître et de l’espion données par Thomas Billis Bleach, alias Henri Le Caron4, lui-même agent double infiltré5, nous démontrerons que le rôle du Château et de ses occupants demeure énigmatique et ambigu sur la période étudiée, à l’image de l’agent double qui sert deux maîtres à la fois. Dans ce but, le premier point présente le Château comme le représentant de Londres en Irlande et donc comme une cible de choix pour les insurgés. Le deuxième analyse la réaction du gouvernement britannique face aux assassinats de Phoenix Park en 1882 et aux attaques à la bombe des Fenians avec la création de services secrets permanents au Château. La troisième partie dépeint le Château comme le centre névralgique des services d'espionnage et de contre-espionnage pendant la guerre anglo-irlandaise (1919-1921). Enfin, cet article s’attarde sur l'analyse du serment, de la loyauté et du sort réservé aux traîtres afin de rapprocher les méthodes de contre-espionnage britanniques et irlandaises.

Le Château : représentant de Londres en Irlande et cible de choix

  • 6 En 1778, le parlement de Westminster vote une loi qui augmente considérablement le pouvoir (...)
  • 7 Nick Pelling, Anglo-Irish relations, 1798-1922, New York, Routledge: Taylor and Francis Gro (...)

3Après plusieurs réformes politiques6 instaurées par le gouvernement britannique pour institutionnaliser un service de sécurité efficace en Irlande, Dublin signe l’acte d’Union avec Londres, le 1er janvier 1801 : le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande est créé et le drapeau de St Patrick, qui flotte au dessus de la tour Bedford, est incorporé dans celui de la Grande-Bretagne7. Mais, les relations entre Dublin et Londres restent ambigües car l’Irlande conserve son propre ministère des finances et est représentée par ses parlementaires à Londres, alors qu’à Dublin, le vice-roi et son Ministre des affaires irlandaises, membre du Cabinet britannique, symbolisent le pouvoir du gouvernement.

4La confusion entre les deux instances de prises de décisions (le Château et Londres) joue un rôle clé dans les relations anglo-irlandaises puisque le fait que le plus haut représentant de la Couronne, qui gouverne l’Irlande depuis le Château, agisse à la manière d’un vice-roi contredit l’acte d’Union et caractérise l’unicité du statut de l’Irlande dans le Royaume-Uni :

  • 8 Ibid., p. 13-14.

The day-to-day political governance of Ireland reverted to the Castle and in many ways the Lord Lieutenant expanded his role into that of an Imperial Viceroy, the personal symbol of the British Empire, in a colony now almost more distant than before. […] Thus there was an ambiguity about the Act: in a legal constitutional sense Ireland had become an integrated part of the most powerful kingdom in the world, but in terms of symbols and national pride the Act seemed to involve a lessening of national prestige8.

  • 9 Eamonn T. Gardiner, op. cit., p. 41.

5La coexistence de deux instances de décision parfois en contradiction soulève de réelles difficultés dans la gouvernance du pays. De fait, à partir de la seconde moitié du xixe siècle, le rôle décisionnaire du Château décline et le statut de vice-roi d’Irlande devient subsidiaire. Le gouvernement nomme de jeunes fonctionnaires inexpérimentés qui manquent de vigilance et de prévoyance ; le Château est alors dirigé par des fonctionnaires de la Couronne parfois plus intéressés par l’apparat et les soirées organisées à la résidence du vice-roi que par un réel souci de gouvernance9. De plus, la double gouvernance et le manque de fermeté des autorités locales rendent le pays difficile à contrôler. Eamonn T. Gardiner souligne cette ambivalence dans le choix d’un véritable commandement pour l’Irlande :

  • 10 Ibid., p. 62.

The inability of the government to allow the Castle to run its own affairs and in turn the inability of the Castle administration to work effectively with each next Chief Secretary and Lord Lieutenant ensured that there would never be a harmonious relationship between the two. It would always be a case of who guarded whom? Did Dublin guard Ireland for London, or did London hold Ireland in trust for Dublin, never really releasing enough power to the Castle administration to be able to prove itself capable10.

  • 11 Colm Lennon, The Lords of Dublin under the Age of Reformation, Dublin, Irish Academic Press (...)
  • 12 Kevin P. O’Rorke, « Dublin Police », Dublin Historical Record, vol. XXIX, Dublin, C (...)
  • 13 Brian Henry, op. cit., p. 137-153

6Cette dualité décisionnaire laisse la part belle aux soulèvements tout au long du xixe siècle et le Château et ses représentants sont attaqués à trois reprises (1798, 1882, 1916). En effet, les manques de fermeté et de rigueur des dirigeants du Château (qui s’appuient sur la charte reconnaissant à Dublin le statut de ville autogouvernée signée en 1182 avec la Couronne anglo-normande11) entrent en totale contradiction avec la répression exercée par les forces de police qui épient la population et plus particulièrement les membres des groupes dissidents politiques. Dès l’instauration de la première force non armée à Dublin en 1795, les habitants considèrent cette dernière comme trop stricte et trop violente car elle va jusqu’à inspecter les débits de boisson, ce qui est considéré comme un abus de pouvoir et une attaque envers les « Good Dubliners12 ». Malgré sa rapide efficacité, cette nouvelle police fonctionne sur le modèle londonien et, dans l’esprit des Dublinois, semble inadaptée à la situation locale : « stealing the city’s traditions and customs13 ». Après la création de la police métropolitaine en 1838, les missions des agents tendent vers une surveillance individuelle et constante des dissidents, mais aussi de la population :

  • 14 Patrick Carroll-Burke, op. cit., p. 83.

The 1837 Dublin Metropolitan Police Instruction Book, for instance, required that the Constable on the beat be perfectly acquainted with the streets and court-ways of his section, and to possess such knowledge of the inhabitants of each house, as will enable him to recognize their persons14.

  • 15 En 1870, l’Irlande compte 1 policier pour 425 habitants soit deux fois plus qu’en A (...)

7Cette surveillance accrue, la mobilisation d’un grand nombre de policiers15 et les interdictions de rassemblements représentent, au xixe siècle, le terreau des groupes nationalistes qui attisent le sentiment d’injustice pour recruter de nouveaux membres et justifier le recours à la révolte.

  • 16 Owen McGee, « Dublin Castle and the First Home Rule Bill: the Jenkinson-Spencer Corresponde (...)
  • 17 Paul McMahon, British Spies and Irish Rebels: British Intelligence and Ireland 1916-1945, W (...)
  • 18 Ibid.
  • 19 Tom Corfe, The Phoenix Park Murders: Conflict, Compromise and Tragedy in Ireland 1878-1882, (...)

8En 1881, les rebelles de l’Irish Republican Brotherhood tentent de galvaniser la population, de généraliser l’agitation agraire et de provoquer l’anarchie16. En Irlande, les méthodes utilisées (boycotts, brutalités ou agressions) par les insurgés contre les représentants du gouvernement central deviennent plus violentes que dans les années 1860, mais elles sont aussi plus meurtrières notamment sur le sol britannique, lorsqu’elles prennent la forme d’attaques à la bombe17. En 1882, le représentant officiel de la Couronne britannique en l’Irlande, Lord Frederick Cavendish et Thomas Henry Burke, son sous-secrétaire d’Etat, se rendent à la résidence du vice-roi d’Irlande à Phoenix Park, et sont assassinés par un groupe d’hommes, nommés Les Invincibles, appartenant au mouvement des Fenians18. Ces meurtres provoquent l'indignation à Londres, et défraient la chronique : les critiques et caricatures satiriques des Irlandais abondent comme le montre un dessin, intitulé « The Irish Frankenstein », issu du magazine Punch du 20 mai 1882. Sa légende, « the maneful and blood-stained monster… yet was it not my master to the very extent that it was my creature ?… Had I not breathed into it my own spirit I19… », souligne la cruauté de la créature représentant les assaillants (figure 1).

  • 20 Il semble important de noter que l’analyse de L. Perry Curtis Jr. soulève des contr (...)

9Cette caricature est représentative de la tendance de l’époque victorienne à dépeindre les Irlandais comme des sanguinaires. Le meurtrier représenté a des traits simiesques et de grandes dents pointues, il tient deux armes : un revolver et un couteau plein de sang. Selon L. Perry Curtis, Jr., auteur de Apes and Angels : the Irishman in Victorian Caricature, les caricatures d’Irlandais dans les journaux britanniques sont particulièrement virulentes entre 1840 et 1860 en réaction aux actions violentes des Fenians. Curtis soutient que ces caricatures dénotent le sentiment de supériorité britannique envers les Irlandais basé sur une idéologie racialiste véhiculée par les conceptions victoriennes de la physionomie, l'anthropomorphie et l’évolution darwinienne20. Enfin, cette caricature exploite aussi l’imaginaire collectif nourri par les fictions gothiques des écrivains anglo-irlandais comme, Joseph Sheridan Le Fanu, Oscar Wilde, W. B. Yeats, John Millington Synge ou Elizabeth Bowen. Liés au pouvoir central, privilégiés et protestants, ces derniers effraient les lecteurs anglais par leurs représentations obscures et peu flatteuses des Irlandais catholiques :

  • 21 Jarlath Killeen, « Irish Gothic: a Theoretical Introduction », The Irish Journal of Gothic (...)

Thus, a “colonial” history, Protestantism, and the fear of marginalisation – rather than marginalisation itself – are central features of the Irish Gothic tradition. The demonisation of both Catholics in general, and Catholicism as a theological and social system, is also central to the Irish Gothic: its monsters are invariably Catholic or crypto-Catholic, the clearest example of which is the anti-Catholic manual that is Maturin’s Melmoth the Wanderer in which the Catholic Church is depicted as a cornucopia of perverts, control freaks, Satanists, and power-hungry sadists21.

  • 22 Denis McCarthy, op. cit., chapter16/theEndofBritishRule
  • 23 Ibid.
  • 24 Owen McGee, op. cit., p. 4.

10Ces meurtres sanguinaires démontrent les sentiments des Irlandais nationalistes extrémistes qui, entre 1880 et 1916, ciblent le Château, représentant de la Couronne jusqu'au soulèvement de Pâques, où il devient aussi le lieu d’affrontements directs entre les forces de l’ordre et les membres de l’IRB. Son rôle est prépondérant car lors des combats qui s’y déroulent, des pertes sont à déplorer dans les deux camps : l’agent de police O’Brien est tué alors qu’il ferme les grilles du Château et le capitaine insurgé, Séan Connolly, est abattu par un tireur d’élite depuis le toit de la tour Bedford en hissant le drapeau des insurgés sur City Hall. Ce jour-là, seules quelques jeunes recrues le défendent (deux cents soldats et vingt-quatre sentinelles et gardes rapprochés du vice-roi d’Irlande y sont habituellement postés en garnison) car la majorité des soldats assiste aux courses de chevaux de Fairy House22. Bien que les autorités n'anticipent pas cette attaque du Château, elles réagissent rapidement et parviennent à conserver sa fonction de miroir du pouvoir central en y enfermant pendant une semaine James Connolly, blessé pendant les combats, avant sa condamnation à mort et son exécution à la prison de Kilmainham avec d'autres meneurs de la rébellion23. De plus, à partir de 1920, dix mille hommes supplémentaires, entraînés au combat militaire, ainsi que leurs renforts paramilitaires (les Black and Tans et les Auxiliaries) sont postés en garnison dans une caserne d’entraînement pour jeunes recrues à Beggar’s Bush (quartier aujourd’hui situé près du Grand Canal, Dublin 4) pour pouvoir intervenir rapidement si nécessaire24.

11Entre 1880 et 1916, le fait que le statut du Château n’ait que très peu évolué démontre que, malgré les différentes attaques contre le gouvernement central en Irlande, Londres reste ferme et n’entend pas négocier avec les insurgés irlandais. Pour cela, le gouvernement central se base sur le travail des forces de l’ordre qui s’adaptent aux types de menaces qu’elles doivent juguler.

La nécessité de créer un service de renseignement permanent au Château

  • 25 En 1848, en réaction à la Grande Famine qui décime la population irlandaise et la pousse à (...)
  • 26 Terme qui provient du gaélique irlandais féinne lui-même issu de Fiann qui désigne un héros (...)

12L’exploitation du Château comme quartier général des forces de l’ordre perdure bien après la rébellion de la Jeune Irlande25 de 1848 car elle permet de regrouper les instances décisionnaires du gouvernement central avec celles qui font respecter la loi. Mais, malgré l’instauration de nouvelles forces de police en Irlande, le gouvernement central voit la situation lui échapper face à des groupes insurgés déterminés. Ainsi, afin de surveiller l’organisation des Fenians créée en 185826, devenue particulièrement dangereuse et puissante depuis les assassinats de Phoenix Park (1882), le gouvernement britannique adapte sa tactique et utilise alors les forces de l’ordre pour espionner les dissidents irlandais depuis le Château.

  • 27 « It was the job of the British intelligence system in Ireland to uncover and pre-empt this (...)

13Depuis la création de la Dublin Metropolitan Police (DMP) en 1836, les forces de l’ordre se développent et installent leurs quartiers généraux au Château : les départements spécialisés se multiplient comme la branche spéciale de détectives de la DMP, appelée division G, dont la mission de surveillance est le contrôle de la capitale irlandaise et du crime politique en Irlande27. Cette force se professionnalise sans recourir aux armes :

  • 28 Eamonn T. Gardiner, op. cit., p. 13-14.

This shift from high intensity policing to that of a lower intensity in the latter stages of the nineteenth century shows us that Ireland was beginning to move from a traditional historical wilderness to a more British ‘civilised’ social outlook. However, in spite of these changes, the RIC remained an armed coercive force, not following the example of the Dublin Metropolitan Police (in turn following the example set by the Police Force for the Metropolis of London) and providing an unarmed police service28.

  • 29 Sean Kavanagh, « The Irish Volunteers Intelligence Organisations », The Capuchin An (...)
  • 30 Le soulèvement de 1867 vise directement le gouvernement central puisque les Fenians lancent (...)
  • 31 Eamonn T. Gardiner, op. cit.,p. 27-28.
  • 32 « What the British government needed in 1917 and 1918 was not tactical intelligence on the (...)

14En outre, déployés sur le reste du pays, les agents de la Royal Irish Constabulary viennent en renfort et sont aussi logés au Château afin d’être au plus près des hommes qu’ils surveillent (les insurgés étant plus virulents dans la capitale)29. Ils sont lourdement armés, dirigés par le gouvernement central et soumis à la discipline militaire. Beaucoup d’informations sur la population et les dirigeants des mouvements nationalistes sont collectées et transférées au Château où elles sont décodées et analysées. A partir de 1867, aux lendemains de l’échec de la rébellion30, les officiers de police répertorient même les naissances, mariages, décès ou arrivées de nouveaux individus dans la communauté, en se renseignant sur leurs affiliations politiques31. En outre, au début du xxe siècle, la collecte d’informations du gouvernement britannique s’intensifie et évolue face à une situation de plus en plus explosive ; les forces de l’ordre sur le terrain pourvoient toujours les espions du gouvernement32.

  • 33 Index to Correspondence Relating to Illegal Activities, Archives nationales de Londres, (...)
  • 34 Peter Edwards, op. cit., p. 23.
  • 35 Ibid.,p. 39.
  • 36 T. Ryle- Dwyer, The Squad and the Intelligence Operations of Michael Collins, Cork, the Mer (...)

15Ainsi, à partir du soulèvement de 1848, le gouvernement central optimise l’utilisation conjointe de ces deux forces grâce à l’infiltration d’agents dans les plus hautes sphères des mouvements politiques séditieux. En effet, les espions infiltrent les organisations nationalistes (Sinn Féin, Gaelic League, Clan na Gael) qui sont, en outre, accessibles et transparentes puisque leurs activités sont publiées dans la presse, et constituent des registres détaillant le fonctionnement interne de chacune d’entre elles (congrès annuels, élections, discours des meneurs et lien avec les Etats-Unis)33. C’est le cas de Thomas Billis Bleach, alias Henri Le Caron, nom de code Informateur B34, qui accède à de hautes fonctions au sein du Sinn Féin et du Clan na Gael et envoie les informations compilées à Robert Anderson, son agent de liaison au Château en 186535. Or, aucun département de renseignement n’existe au Château de Dublin lorsque, pour la première fois, Robert Anderson et Henri Le Caron entrent en contact. Leur correspondance constitue donc la première trace officielle de surveillance et d’espionnage des mouvements nationalistes irlandais par le Château de Dublin. Toutes ces informations collectées permettent aux forces de l’ordre d’intervenir avant toute insurrection. En 1865 par exemple, un raid est lancé sur le quartier général des Fenians et les meneurs sont arrêtés et condamnés à la déportation. Bien que Peter Edwards classe Le Caron dans la catégorie des espions, le fait que l’accès aux sociétés secrètes soit libre, définit plutôt son rôle de surveillance comme celui d’un agent provocateur prêt à inciter des actions dans lesquelles les meneurs se dévoilent et sont arrêtés ou bien à déclencher des rébellions avant qu’elles n’aboutissent en cas de réel danger pour le gouvernement. Ainsi, les membres des mouvements dissidents sont placés sous le regard permanent de la Couronne britannique qui craint toutes les dérives remettant en cause son pouvoir et le Château gagne le surnom de : « the eyes and ears of Dublin Castle regime36 » parmi les insurgés.

  • 37 « As a means of defeating the agitation of tenant farmers the British government on (...)
  • 38 La Land League, un mouvement de désobéissance populaire qui exerce une forte pression sur l (...)
  • 39 Rupert Allason, The Branch: A History of the Metropolitan Police Special Branch 1883-1983, (...)
  • 40 Ibid.,p. 84-86.

16En avril 1881, afin de contrecarrer les Fenians, Gladstone, le Premier Ministre britannique, introduit au Parlement une série de lois pour juguler la violence en Irlande comme celle concernant la protection des personnes et des propriétés37, qui permet au Château d’incarcérer tout individu raisonnablement suspecté de crime ou de conspiration. De nombreux Irlandais comme Charles Parnell sont arrêtés, parfois uniquement en raison de leur appartenance à l’Irish National Land League38. Malgré une surveillance accrue, les mouvements dissidents irlandais continuent de lutter contre le gouvernement central : les Fenians lancent des attaques à la bombe sur Londres. Le 30 octobre 1883, deux bombes explosent dans le métro londonien ; le 27 février 1884, une autre explose à la gare Victoria et, le 7 juin 1884, les insurgés parviennent à en faire exploser une dans les urinoirs de la Special Irish Branch à Scotland Yard39. La représentation de cet attentat dans l’Illustrated Police News40 montre le chaos et la paranoïa dans lesquels la ville est plongée (figure 2). Ce journal déforme la réalité des faits en montrant le corps d’un policier soufflé par la déflagration de la bombe afin d’émouvoir et de susciter des sentiments de peur et de nationalisme parmi la classe politique, les forces de l’ordre et les hauts dignitaires britanniques. Ce sentiment de crainte justifie également le recours aux agents secrets depuis le Château afin d’infiltrer les groupes d’insurgés irlandais.

17Toutefois, la confiance accordée au Château par le gouvernement central a des limites puisqu’en parallèle, Gladstone et son Ministre de l’Intérieur, Sir William Vernon Harcourt, décident de créer un département permanent de services secrets au Château de Dublin en juillet 1882 : le Crime Special Branch (qui deviendra le Special Irish Branch), dont la mission se concentre sur le renseignement, le terrorisme et l’espionnage :

  • 41 Ibid., p. xi.

The work of the Branch is concentrated in the field of assassination, terrorism, revolution, sabotage, subversion and espionage. Their brief is protection, surveillance, infiltration and intelligence-gathering. This might sound like the natural environment of a secret intelligence service, and so it is […]41.

  • 42 Paul McMahon, op. cit., p. 6.
  • 43 Owen McGee, op. cit.,p. 1.
  • 44 Ibid., p. 3.
  • 45 Paul McMahon, op. cit., p. 5.

18Ce nouvel organisme de surveillance répond à la réémergence de la menace des Fenians des années 1880-85 et, selon Harcourt, son unicité repose sur le fait qu’il doit contrecarrer une organisation rebelle sans précédent : « Fenianism is a permanent conspiracy against English rule which will last far beyond the term of my life and must be met by a permanent organisation to detect and control it42 ». Depuis le Château de Dublin, les nouveaux services de renseignement se développent très rapidement : de 1882 à 1887, Edward George Jenkinson, ancien gouverneur d’Inde, est nommé « spy-master general », à la tête de la Special Branch ; il coopère avec les membres du Cabinet britannique et les généraux de l’armée et coordonne la collecte de renseignement des différentes forces de police. Jenkinson reçoit 35 693 livres sterling entre juillet 1882 et mars 1885 pour l’organisation de ses services secrets et pour l’arrestation des activistes de l’Irish Republican Brotherhood43. Le 15 janvier 1884, 2 725 livres sont offertes en récompense à des hommes qui venaient témoigner devant le procureur de la Couronne et 6 500 livres en échange d’informations générales44. Selon Paul McMahon, le département spécialisé du RIC, le Crime Special Branch, excelle dans la gestion des groupes politiques séditieux et gagne rapidement en notoriété mondiale45.

  • 46 Owen McGee, op. cit., p. 1.
  • 47 Ibid., p. 2.

19Entre juin et août 1883, la correspondance de Jenkinson révèle aussi la trace de sommes versées à des agents étrangers : « the cost of my agents in America and Paris46 » ainsi qu’à des agents provocateurs47. Les archives de Dublin en conservent des traces comme cet extrait de manuscrit qui dépeint des agents provocateurs fourbes et manipulateurs :

At the Meath Assizes, in 1842, Chief Justice Pennefather sentenced a spy, named Carroll, to four months’ imprisonment. He had endeavoured to incite James Caffry to kill three sheep, the property of Mr. Keating.

  • 48 Thomas Matthew Ray, « A Scrap book on Spies and Informers in Ireland apparently com (...)

A man named Moran, a printer in Cashel, was arrested on a charge of sedition, for printing a ballad. He was detained in gaol for seven months. […] It afterwards turned out that a policeman named Falvey had gone to Moran’s shop in plain clothes, and got him to print sixteen dozen of the ballads for a shilling, which Moran did unsuspectingly […]48.

20De même, Stephen Wade relate l’histoire d’une femme travaillant pour Jenkinson, agissant comme agent provocateur en plein cœur de Dublin :

  • 49 Stephen Wade, Spies in the Empire: Victorian Military Intelligence, Wimbledon, Anthem Press (...)

One of the most remarkable episodes in his work at the Home Office occurred in July 1884 when one of his agents – a woman named Tyler – during her stay at the Gresham Hotel in Dublin enquired about bombings and spoke of revolutions. After she had checked out of the hotel, detectives found letters/telegrams from the Home Office in her room. Such a discovery made it quite evident that she was a ‘spook’ in Jenkinson’s network. However, her true identity could not be discovered. What she clearly appeared to be was some kind of agent provocateur – something always frowned upon in open debate despite the fact that such a practice had been followed since Elizabethan times49.

  • 50 En 1813, quarante mille tisserands dénoncent leurs faibles revenus s’élevant à 8s 6d par (...)
  • 51 Christopher Harvie, op. cit., p. 30.
  • 52 En 1832, la ville de Walsall, au Royaume-Uni, se dote d’une force de police qui lui (...)
  • 53 Ibid.

21Pour le gouvernement central, le recours aux agents provocateurs permet d’espionner l’ennemi depuis l’intérieur, mais aussi d’identifier les traîtres envers la Couronne en les poussant à l’action. Cette manipulation politique de désinformation est aussi utilisée contre les mouvements insurrectionnels écossais des années 1820 (fileurs de coton et tisseurs de Glasgow ou réformateurs de Strathaven50) infiltrés par des agents provocateurs diffamateurs comme l’espion Richmond51. De plus, les forces de l’ordre agissent à l’identique avec les anarchistes lors du complot de Walsall (1891-189252) où l’agent provocateur Auguste Coulon, à la solde de William Melville de la Special Branch, est infiltré dans le groupe suspecté de construire une bombe en vue d’un attentat53. En conclusion, ce procédé de désinformation n’est donc pas propre au cas irlandais et semble efficace puisque la tactique est employée depuis l’époque élisabéthaine.

  • 54 Le soulèvement de Pâques fut planifié dans le plus grand secret par des révolutionnaires me (...)
  • 55 John Ainsworth, « British Security Policy in Ireland, 1920-21: A Desperate Attempt (...)

22Si la lutte contre les Fenians pousse le gouvernement central à instaurer des services secrets permanents au Château, le soulèvement de Pâques54 décuple l’utilisation de ce dernier en tant que base de surveillance. En effet, le gouvernement central doit identifier et arrêter les dissidents cachés parmi les habitants. Le colonel Ormonde Winter, nom de code O, s’installe alors au Château, à la tête d’un nouveau groupe d’agents du renseignement. Ses objectifs se définissent par la collecte d’informations secrètes sur les membres du Sinn Féin et de l’IRA, mais aussi le renforcement des échanges entre les sources extérieures et les informateurs vers le Château. Il crée donc en novembre 1920 le Central Raid Bureau qui compile tous les documents saisis par la police et l’armée lors d’opérations de fouilles ou de raids sur des maisons individuelles55.

23Finalement, face à la violence des groupes dissidents, Gladstone décide de donner au Château de Dublin plus de pouvoirs de coercition en suspendant l’Habeas Corpus en Irlande et en limitant la possession d’armes par la population. En outre, si le lien entre Henri Le Caron et Robert Anderson constitue la première instance officielle de l’utilisation du Château comme département de renseignement, l’évolution du combat du gouvernement central contre les insurgés (Fenians et IRB/IRA) transforme le Château de quartier général des forces de police et agents provocateurs en base pour unités très secrètes, spécialisées dans la propagande et le contre-espionnage. Toutefois, si le Château conserve le contrôle sur les Fenians, il n'en exerce aucun sur les forces de Michael Collins. L’une des raisons se situe dans le fait que le chef du service de contre-espionnage irlandais exploite la faiblesse de la forteresse en y infiltrant un grand nombre d’agents doubles qui permettent de déjouer des attaques et de prendre le Château à son propre jeu.

Le Château : au centre du « Grand Jeu56 » des agents doubles

  • 56 Expression inventée par Arthur Conolly, agent des services de renseignement britanniques en (...)
  • 57 Martin C. Hartline et M. M. Kaulbach, « Michael Collins and Bloody Sunday », CIA Hi (...)

24Entre 1880 et 1922, toutes les informations vitales sur le pays et ses activistes transitent par le Château de Dublin ; c’est pourquoi ce dernier représente une cible de choix et devient alors la première source de renseignement pour Michael Collins, directeur des services de renseignement de l’IRA à partir de septembre 191957.

25Pendant la guerre anglo-irlandaise, les agents doubles jouent un rôle capital car ils accèdent à des informations ultra-secrètes :

  • 58 Paul McMahon, op. cit., p. 28.

Numerous other RIC officers, some within the Crime Special Branch, secretly worked for the IRA throughout this period. Collins also had priceless moles deep within the DMP and Dublin Castle. Ned Broy, a confidential typist at DMP headquarters, provided high quality information from 1917 until 1921, including the tip-off for the ‘German Plot’ arrests in 1918. David Neligan was a detective within the DMP G division who met with Collins and pointed out officials for assassination. […] Two other detectives, Joe Kavanagh and Jim McNamara, also provided information. Perhaps, the most celebrated example of Collins’s achievement came in April 1919, when Broy smuggled him into the G division document room, where he spent the whole night examining police files on the Irish Volunteers ‑his own file made particularly fascinating reading! 58

  • 59 « Tonight’s the night. Tell O’Hanrahan to tell the warned men not to stay not to st (...)
  • 60 Meda Ryan, Michael Collins and the Women who Spies for Ireland, Cork, Mercier Press, 2006, (...)
  • 61 David Neligan, The Spy in the Castle, London, Prendeville Publishing Limited, National Libr (...)

26Ned Broy est une figure clé du réseau de Collins. Dactylographe dans la division des détectives, il retranscrit les listes des membres du Sinn Féin, connus pour leurs activités républicaines, chez qui la police organise des descentes. Ainsi prévenus, les dirigeants de l’IRA échappent aux arrestations59. Broy met aussi en lumière le fonctionnement interne du Château de Dublin, son système et ses techniques d’entraînement ; Joseph Kavanagh et James MacNamara rejoignent les détectives du Château et accèdent à leurs informations60, pendant que David Neligan organise la guérilla depuis l’intérieur du Château et met l’accent sur le soutien de la population : « The sort of guerrilla struggle which went on in Ireland depends, of course, on the active support of the populace61 ». Maurice Walshe souligne la valeur des informations collectées par les agents doubles infiltrés au Château qui, grâce à la rapidité de transmission de ces dernières, offrent à Collins l’opportunité de mener une guérilla efficace basée sur l’effet de surprise :

  • 62 Maurice Walsh, G2 in Defence of Ireland: Irish Military Intelligence 1918-1945, Cork, the C (...)

By December 1919 Collins had practically paralyzed the British government’s political spy system in Dublin. Half a dozen detectives kept Collins informed of every move, to such an extent that the London Globe remarked: ‘Every step taken by the Castle is known an hour afterwards, it is almost enough to make men believe in spirits’. By this time also, attacks on RIC patrols had greatly increased in frequency, with the Volunteers now waging a form of guerrilla warfare62.

  • 63 Peter Hart, « British Intelligence in Ireland: 1920-1921: the Final Reports », Davi (...)
  • 64 Martin C. Hartline et M.M. Kaulbach, op. cit., p. 3.

27Michael Collins s’entoure aussi d’un petit groupe d’agents de contre-espionnage, appelé l’Inner Circle, qui infiltre les différentes administrations britanniques comme les prisons, les services postaux ainsi que le gouvernement, au Château de Dublin, mais aussi à Whitehall. Afin de compiler et d’analyser les différentes informations récoltées (communications avec les prisonniers politiques, copies des télégrammes officiels, listes des futures arrestations63), ces agents installent leur quartier général, le Brain Center, à deux cents mètres de la forteresse. Cette proximité rend le lieu dangereux, mais permet d’obtenir une multitude d’informations comme des dossiers sur les chefs militaires ou les officiels du gouvernement, des documents secrets dérobés, ainsi que tout un matériel de déchiffrage et de décodage64.

  • 65 William Stapleton, « Michael Collins’s Squad », the Capuchin Annual, Dublin, Nation (...)

28Cette surveillance minutieuse débouche sur une guérilla meurtrière entre les agents du gouvernement central et ceux de l’IRA. Fort de toutes ces informations, Michael Collins sélectionne le Squad, une unité de tueurs prêts à agir à tout moment sur ses ordres uniquement. Dans ses mémoires, William J. Stapleton, l’un de ses membres, explique que ces hommes opèrent par groupes de deux. Ils marchent dans les rues de Dublin à la recherche de leur cible et attendent la venue d’un troisième homme qui donne le signal. Les exécutions se font généralement en plein jour, au milieu de la foule. Une fois l’assassinat perpétré, les tueurs se mêlent à la population et s’enfuient en marchant calmement, sans jamais utiliser de voiture65.

  • 66 Sean Kavanagh, op. cit., p. 354-367.
  • 67 Ibid.
  • 68 James Gleeson, Bloody Sunday: How Michael Collins’ Agents Assassinated Britain’s Secret Ser (...)

29Face aux tueurs efficaces du Squad, le gouvernement britannique envoie au Château une unité d’agents en civil, le Special Gang, chargée de reconnaître les membres de l’unité et les Irish Volunteers66. De plus, pour capturer Michael Collins, cette unité infiltre à son tour un agent double, Burn alias Jameson, au sein de l’organisation qu’il dirige. Néanmoins, Michael Collins découvre sa présence et lui communique de fausses informations que Jameson transmet directement au Château, ce qui va le trahir67. Grâce à une surveillance accrue et aux agents infiltrés au Château, Michael Collins parvient à identifier les membres du gang et leurs adresses et, le 21 novembre 1920, il coordonne l’action simultanée de huit groupes de tueurs qui exécutent quinze agents britanniques68. Cette opération secrète surprend le système d’espionnage britannique ainsi que le Château et suscite la panique puisqu’elle s’attaque à des agents sous couverture très réputés. Le chaos qui règne est décrit de l’intérieur du Château par David Neligan :

  • 69 T. Ryle Dwyer, op. cit., p. 188.

Panic reigned. The gates were choked with incoming traffic - all the military, their wives and agents. […] Terror gripped the invisible spy system of England. An agent in the castle whose pals had been victims shot himself. […] The attack was so well-organised, so unexpected and so ruthlessly executed that the effect was paralyzing. […] The enemy never recovered from the blow. While some of the worst killers escaped, they were thoroughly frightened69.

  • 70 Les officiers militaires évacuent les rues dublinoises pour rejoindre le Château, e (...)

30Les officiers militaires sont rapatriés à l’intérieur de la forteresse70 ainsi qu’un nombre croissant de fonctionnaires britanniques et de personnels des services secrets. Le Château est bondé : les femmes des officiers ne peuvent plus y loger et le pouvoir est transféré de l’administration civile à la force militaire, qui installe des pièges devant la grille d’entrée avec des barbelés et des mitrailleuses. Le Château, symbole de la puissance militaire et du pouvoir politique britannique, se métamorphose alors en lieu de retraite et de refuge face à une armée d’insurgés qui prend l’avantage.

31Pendant la guerre anglo-irlandaise, le combat politique opposant Lloyd George à Michael Collins place le Château de Dublin au cœur des manipulations militaires et politiques entre Londres et Dublin. Toutefois, certaines informations sont relayées, au prix de leur vie, par des traîtres qui seront réduits au silence s’ils sont repérés.

Le sort réservé aux traîtres

32Du fait qu’ils trahissent leur cause et leur serment, les traîtres sont à la fois détestés et craints par la population, et du point de vue des dirigeants, ils représentent une source d’informations non négligeable sur l’ennemi, tout en symbolisant aussi la peur de voir sa propre organisation infiltrée. Ainsi, le pouvoir donné par la possession d’informations pousse aussi bien les troupes britanniques que l’IRA à torturer et tuer ceux qui manquent de loyauté comme si la mort mettait fin à l’acte de trahison.

  • 71 Loch K. Johnson, The Oxford Handbook of National Security Intelligence, Oxford et N (...)
  • 72 J.A. Simpson et E.S.C Weiner, The Oxford English Dictionary, 2nd edition, Vol. I, O (...)

33Au Royaume-Uni, deux degrés de trahison se distinguent : la haute trahison touche la monarchie et la petite trahison concerne une autre personne71. L’Oxford English Dictionary (OED) maintient cette distinction et définit le traître soit comme « one who is false to his allegiance to his sovereign or to the government of his country ; one adjudged guilty of treason or any crime so regarded » soit comme « one who betrays any person that trusts him, or any duty entrusted to him ; a betrayer72 ». Néanmoins, dans le monde de l’espionnage, la mission première de l’agent est basée sur la ruse et la tromperie :

  • 73 W. J. Fitzpatrick, The Sham Squire and the Informers of 1798; with Jottings about Ireland a (...)

But the spy – for the culture of which Ireland is unfortunately pre-eminent began the work of deceit and destruction. Information was sent to the authorities, and the military immediately ordered out73.

34L’acte de trahison fait donc partie du métier d’espion. En outre, Henri Le Caron, lui-même agent double infiltré, illustre la distinction entre traître et espion, et déjà la distinction entre la recherche de récompense du traître et la mission militaire de l’espion les oppose :

  • 74 Peter Edwards, op. cit., p. 226.

A traitor was the lowest of the low, someone who turned on his own people for a price. A spy was a military man on a lonely and dangerous, seemingly never-ending secret assignment74.

  • 75 Loch K. Johnson, op. cit., p. 519.
  • 76 J.A. Simpson, op. cit., Vol. IV, p. 972.
  • 77 Ibid.

35De même, pour Walter Burket (cité par Loch K. Johnson) la trahison est plus grave que la simple transmission d’informations militaires à un ennemi75. Dans sa définition de l’agent double, le caractère militaire et l’exécution d’une tâche sont aussi soulignés par l’OED: « a spy who works on behalf of mutually hostile country usually with actual allegiance only to one76 ». La difficulté de distinguer le traître de l’agent double réside dans le fait que tous les deux trahissent la cause à laquelle ils avaient juré fidélité. L’agent double peut donc lui aussi être lui aussi considéré comme un traître. Le terme « double », dont la définition « acting in a double manner i.e. in two ways at different times, openly and secretly, or in profession and practice, characterised by duplicity, false, deceitful77 », rapproche l’agent du fourbe, du manipulateur et du traître, le prouve.

36Néanmoins, quelle que soit la catégorie à laquelle l’agent appartient, ce dernier bafoue le serment qu’il a prononcé. Or, le serment joue un rôle clé dans la gestion des services de renseignement et d’espionnage dans les deux périodes étudiées par cet article. En effet, à la fin des années 1880, le Clan na Gael (branche des Fenians aux Etats-Unis) se protège contre les espions de la Couronne grâce à l’élaboration d’un système de parrainage pour recruter de nouveaux membres et de serments de fidélité ponctués de mots codés :

  • 78 Peter Edwards, op. cit., p. 104-106.

I will foster a spirit of unity, nationality, and brotherly love among the people of “Jsfmboe” [Ireland]. I furthermore swear I do not now belong to any other Jsjti sfwpmvujpobsz [Irish Revolutionary] society antagonistic to this organization, and that I will not become a member of such society while connected with the v. c. [United Brotherhood, another term for the Clan na Gael], and, finally, I swear that I take this obligation without mental reservation, and that any violation hereof is infamous and merits the severest punishment. So, help me God78.

37Mais cette protection contre les agents infiltrés est insuffisante comme le souligne Fitzpatrick qui décrit une organisation infestée d’espions :

  • 79 W. J. Fitzpatrick, op. cit., p. 375.

Conspirators and informers will co-exist until the crack of doom, and the wider the conspiracy the greater the certainty of detection. Some of the seemingly staunchest hearts in Smith O’Brien’s movement of ’48 were false to their chief and colleagues; and when the crisis came, suggested to the police magistrates, that in order to preserve consistency, and keep up the delusion they ought to be arrested and imprisoned. Even when we write, the ranks of the Fenian Brotherhood, although knotted as it seemed by binding oaths of secrecy, are broken and betrayed by internal spies nor are the informers confined to Ireland79.

  • 80 Owen McGee, op. cit.,p. 3.

38Owen McGee, quant à lui, insiste sur l’omniprésence des agents doubles dans l’autre camp, parmi les insurgés irlandais, en mentionnant Robert Johnston de Belfast, et Mark Ryan de Londres, deux dirigeants de l’Irish Republican Brotherhood, agents doubles travaillant pour le compte de la Couronne, qui dévoilent à la Special Branch des informations sur les complots d’attaques à la dynamite et les rassemblements politiques jusqu’en 188280. Ainsi, au xixe siècle, les deux camps sont corrompus. Pendant la guerre anglo-irlandaise, lorsque David Neligan rejoint les services secrets de la Couronne au Château, il est interrogé par le major Strokes et doit déclamer un serment très similaire à celui de Le Caron :

  • 81 T. Ryle Dwyer, op. cit., p. 221.

I-----do solemnly swear by Almighty God that I will faithfully perform the duties assigned to me as a member of His Majesty’s Secret Service; that I will implicitly obey those placed over me; that I will keep forever secret such membership and everything connected therewith, that I will never, in any circumstances betray such service or those connected with it even when I have left the Service. If I fail to keep this Oath in every particular I realize that vengeance will pursue me to the end of the earth, so help me God81.

  • 82 Henri Le Caron, 25 Years in the Secret Service, the Recollection of a Spy, Londres, Wakefie (...)

39Ces deux serments insistent sur le sentiment d’appartenance à un service que les membres ont le devoir de protéger, mais aussi sur la vengeance divine qui s’abattra sur eux en cas de trahison. D’ailleurs, Henri Le Caron dépeint le sentiment de peur éprouvé par les agents doubles dans ses mémoires82, car leur statut les positionne en tant que traîtres envers l’organisation à laquelle ils prêtent serment et les expose à des risques considérables. La peur de la damnation et la distinction entre trahison envers ses amis ou son pays restent omniprésente comme l’affirme E.M. Foster en 1938 (propos repris par Ben Macintyre) :

  • 83 Ben Macintyre, A Spy Among Friends: Kim Philby and the Great Betrayal, Londres, Bloomsbury (...)

If I had to choose between betraying my country and betraying my friends, I hope I should have the guts to betray my country. Such a choice may scandalize the modern reader, and he may stretch out his patriotic hand to telephone at once and ring up the police. It would not have shocked Dante, though? Dante places Brutus and Cassius in the lowest circle of Hell because they have chosen to betray their friend Julius Caesar rather than their country Rome83.

40Cette citation insiste sur le fait que le traître ou l’agent double (ici Kim Philby, agent du MI6 et espion pour le KGB) signe un pacte avec l’Enfer et qu’il ne trouvera jamais le repos éternel. Les références à la trahison de Jules César semblent indiquer que rien n’a changé depuis lors et insiste sur le caractère inéluctable de la condamnation et de la damnation du traître qui trahit ses amis et doit en subir les conséquences. Ainsi, beaucoup de sentiments et d’expériences sont communs aux traîtres et aux agents doubles, mais la grande nuance réside dans la professionnalisation des méthodes de renseignement. En effet, comme cet article le démontre à travers l’exemple du Château de Dublin, les services de renseignement se développent, se modernisent et se professionnalisent entre 1880 et 1922. Ainsi, les traîtres, taupes et informateurs qui agissent pour leur compte personnel deviennent des professionnels de l'espionnage et du contre-espionnage avec toute la panoplie de spécialités : agents provocateurs, agents infiltrés, agents doubles, chacune correspondant à une mission particulière.

  • 84 James Gleeson, op. cit., p. 15.

41Parmi la population engagée dans la lutte contre le gouvernement central, la duplicité et la manipulation inhérentes à toute personne offrant des informations au camp adverse suscitent la peur : « “Informers” is a word that is detested and feared in Ireland, perhaps more than in any other country in the world84. » Ce sentiment est basé, selon Paul McMahon qui rapporte les paroles d’un officier de la Dublin Metropolitan Police, sur l’efficacité et le pouvoir des services britanniques de renseignement du Château :

  • 85 Paul McMahon, op. cit., p. 8.

Their web was spread wide and of a fine mesh: they kept a lynx eye on every Irish organization, big or small. It is well known that for centuries the Castle succeeded in penetrating Irish left wing circles with the aid of secret services, police, informers, and that crack regiment, St George’s cavalry (i.e. gold sovereigns)… In every age an Irish Judas was hidden in the undergrowth85.

42Cette peur, mais aussi la réalité de trahisons douloureuses, notamment pendant les conflits opposants le gouvernement central aux insurgés irlandais, amènent une extrême violence quant au sort réservé aux traîtres, et ce dans les deux camps. Pendant la guerre anglo-irlandaise, le Château est le lieu d’arrestations violentes et de tortures. Sean Kavanagh, arrêté par les troupes d’Auxiliaires du Château en janvier 1921, décrit son expérience :

  • 86 Sean Kavanagh, op. cit., p. 354-367.

The letters were seized and I hustled away into the Intelligence Room near the front gate of the Castle where my interrogation began at once. It was conducted by Major King, officer commanding F Company of the Auxies. […] The questions punctuated by body blows, hair pulling and face slapping continued for a couple of hours without producing satisfactory results86.

43Il est ensuite transféré à la prison de Kilmainham où il rencontre de nombreux insurgés, tous torturés au Château :

  • 87 Ibid.

He put his fingers in his waistcoat pocket and took out seven or eight teeth, saying with a laugh, that’s how I got on. He introduced me to Christy Carberry who had been arrested a couple of weeks earlier; Christy’s face was still a mass of bruises and his eyes half-closed from his treatment in the Intelligence room87.

  • 88 Ibid.
  • 89 Denis McCarthy, op. cit, chp16TheEndofBritishRule
  • 90 David Neligan, op. cit., p. 124.

44Le 20 novembre 1921, deux membres de l’IRA, Dick McKee et Peadar Clancy, s’évadent de leurs cellules et sont abattus dans la cour du Château par les Auxiliaires. Le lendemain, à l’hôpital King George V, Gearoid O’Sullivan, Frank Thornton et Sean Kavanagh réclament leurs corps : ils sont criblés de balles et couverts d’entailles faites par des baïonnettes88, ce qui prouve que des interrogatoires violents sont menés afin d’obtenir des renseignements89. De plus, David Neligan, infiltré au Château, dévoile les agissements des troupes et l’issue fatale de ce type d’arrestations : « He [Mr. Thornton] asked me where I thought they were and knowing that they had been arrested by the Castle Auxies, I answered ‘Probably dead’90 ». La sentence est sans appel et face à l'indignation, les relations anglo-irlandaises se détériorent toujours plus, les Irlandais s’isolent du Royaume-Uni : ils élèvent leurs victimes au statut de héros et considèrent les Britanniques comme des bourreaux.

45Néanmoins, des traîtres sont aussi cachés du côté britannique. Thornton, un agent de Michael Collins, dont la mission est de recruter des agents issus de toutes les classes sociales et en particulier, des personnes haut placées mettant en avant leurs connexions britanniques, conclut qu’un grand nombre de personnes sont prêtes à espionner la Couronne :

  • 91 Ryle Dwyer, op. cit., p. 14

It is amazing the number of this type of people, who when it was put to them, eventually agreed to work for us and did tremendous work for us afterwards, whilst at the same time keeping their connection with the British forces91.

46La question sous-jacente est celle de connaître les motivations de ces partisans qui trahissent le gouvernement central. Sont-ils des adeptes de la cause irlandaise ou bien sont-ils minutieusement choisis par l’IRA comme étant des partisans très influençables et facilement manipulables ?

47Enfin, pendant la guerre anglo-irlandaise, l’IRA réserve le même sort aux traîtres. Aucune attention n’est accordée à la présomption d’innocence ou encore aux circonstances atténuantes ; le couperet tombe tel une guillotine qui décapite sans laisser la moindre chance de survie à l’accusé :

  • 92 John Borgonovo, Spies, Informers and the ‘Anti-Sinn Féin Society’- the Intelligence (...)

Mick Murphy, later to captain Cork to All Ireland hurling glory, recalled the exceptional talkativeness of one fifteen-year-old, the son of an Englishman, caught while attempting to track the movements of a group of Volunteers. The child was imprisoned for a time while interrogated; then he was shot. Was age not considered a mitigating factor in Cork city, as it was during the considerable campaign in Ireland and Britain to secure clemency for Kevin Barry (‘Just a lad of eighteen summers’, and my grandmother’s brother) who did not even contest the charges of killing British soldiers for which he was condemned92?

48Paul McMahon affirme que cette répression brutale terrifie la population et la dissuade de parler :

  • 93 Paul McMahon, op. cit., p. 45.

The third and bloodiest aspect of the IRA counter-intelligence involved the ruthless execution of suspected informants. When an individual was suspected of passing information to the authorities he was passed invented details about future IRA activity. If the Crown forces were seen to act on his information, his guilt was assumed, and retribution was swift and brutal – a bullet in the head, the corpse by the road, beside it a sign “Traitor Shot by the IRA’”. […] Yet the IRA counter-espionage was effective because of its sheer brutality. It terrified local communities and any possible informers anywhere, into silence93.

49Dans leur manière de punir les traîtres (identifiés selon les critères de chaque camp), le gouvernement central et les insurgés irlandais se rejoignent et appliquent les pires sentences : la torture et la mort. Ceci démontre combien les deux camps se sentent vulnérables face aux fuites et aux diffusions d'informations sur leurs actions, comme si la torture symbolisait la vengeance de l'ami trahi, et la mort, le châtiment ultime, qui réduit le traître au silence.

50Finalement, la trahison traverse les âges et évolue avec la professionnalisation des méthodes de renseignement. Elle définit l’action d’un individu qui va à l’encontre de son serment d’appartenance liant ainsi le traître et l'agent double qui risquent, tous deux, la mort et la damnation éternelle s’ils sont découverts car elle déclenche la colère et la peur de celui qui est trahi.

51Pour conclure, cet article rapproche deux périodes très tendues entre le gouvernement central et les dissidents irlandais afin de montrer que la position et la fonction du Château de Dublin, représentant de la Couronne sur le sol irlandais, évolue face à la menace des insurgés irlandais. Ainsi, en 1880, le Château est le repaire de traîtres qui donnent (parfois sous la torture) des informations sur les mouvements nationalistes irlandais ; en 1919, il est infiltré par les agents doubles de Michael Collins qui remplissent des missions militaires risquées et qui, grâce à leurs renseignements tactiques, militaires et politiques, lui permettent de mener une véritable guerre d’espions. Le flux d’informations devient alors constant et régulier, mais le fait que les informations reçues par Michael Collins soient systématiquement décodées, analysées et amènent l’élaboration de contre-attaques par les services de contre-espionnage, professionnalisent le renseignement et donc transforment les traîtres en agents doubles. Si l’analyse des informations s’améliore, il n’en est rien du sort réservé à ceux qui trahissent leur cause. Bien que l’agent accomplisse sa mission, son sort est scellé s’il est découvert : il sera torturé et tué, ceci prouve combien sur la période étudiée les organisations secrètes ou gouvernementales craignent d’être infiltrées et trahies. Mais ces règlements de compte dévoilent aussi le caractère très personnel et sentimental de ces luttes fratricides.

52De surcroît, cet article permet de démontrer la spécificité du système de surveillance du gouvernement central en Irlande basé sur les forces de police comme source première d’informations sur les dissidents politiques. Par ailleurs, c’est précisément cette distinction qui fait le renom mondial des forces de l’ordre irlandaises au xixe siècle. En outre, au xxe siècle, la paralysie de ces forces du RIC, puis des agents secrets envoyés depuis Londres et basés au Château de Dublin, permet à M. Collins d’acculer le gouvernement central et de le pousser à négocier :

  • 94 Ibid., p. 8-9.

The final legacy of the nineteenth century tussle between Irish rebels and the British state was to reinforce the separateness of the Irish security system. The Irish police forces were very different from their British counterparts, and Dublin Castle handled political subversion in its own way. […] This was all very well so long as the Irish security system was effective and at the forefront of modern techniques. But by the start of the twentieth century this was no longer the case. The Irish police had become complacent and conservative. When outside British agencies were introduced, there was organizational confusion and clash of cultures. As violent revolution reshaped the country between 1916 and 1923, the British government struggled to fit the Irish anomaly into its developing intelligence system; it would continue to do so until the Second World War94.

53Dans le grand jeu de surveillance de l’Irlande que le gouvernement central mène jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la ruse de l’infiltration d’agents doubles reste l’approche privilégiée, et ce malgré les systèmes de protection et de détection d’informateurs plus efficaces des mouvements dissidents. Après la séparation de l’Irlande en deux (1922), les traîtres et agents doubles s’éloignent du Château de Dublin pour espionner de part et d’autre de la frontière entre l’Etat libre d’Irlande et l’Irlande du Nord.

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Notes

1 Denis McCarthy, Dublin Castle at the Heart of Irish History, Dublin, Stationery Office Books, January 2004, [http://www.dublincastle.ie/HistoryEducation/History/Introduction-ABriefHistoryofDublinCastle/], consulté le 30 janvier 2012.

2 Their [Young Irelanders] romantic but unsuccessful agitations soon gave rise, seamlessly, to the Fenian Brotherhood, a covert revolutionary belief system. From the ashes of Fenianism arose the 20th-century Irish Republican Brotherhood (IRB). In 1919, members of the IRB, styling themselves the Irish Republican Army (IRA) started and subsequently won the Irish War of Independence. Joe Ambrose, The Fenian Anthology, Cork, Mercier Press, 2008, p. 8.

3 Eamonn T. Gardiner, Dublin and the Anglo-Irish War: Counter-insurgency and Conflict, Newcastle-Upon-Tyne, Cambridge Scholars Publishing, 2009, p. 8.

4 Le choix de Thomas Billis Bleach, comme exemple d’agent double infiltré, repose sur la précision rare et la valeur des informations qu’il fournit aux services britanniques au xixe siècle, ce qui lui vaut le surnom de : « the champion spy of the century » (Peter Edwards, The Infiltrator- Henri Le Caron, the British Spy inside the Fenian Movement, Dunboyne, Maverick House Publishers, 2010, p. 285). De plus, la correspondance entre Henri Le Caron et Robert Anderson peut être considérée comme le tout premier lien officiel entre le Château de Dublin et un agent infiltré donc comme le début du service de renseignement basé au Château. Enfin, les deux définitions mentionnées ici sont extraites directement de ses mémoires ; les faits, le danger qui l’entoure, son expérience du métier d’espion ainsi que les sentiments qui le traversent y sont donc retranscrits sans intermédiaire offrant ainsi le point de vue interne d’un agent double infiltré.

5 Alan Sharp, « From Dublin Castle to Scotland Yard: Robert Anderson and the Secret Irish department », [http://www.casebook.org/dissertations/ws-dublincastle.html], consulté le 25 janvier 2012.

6 En 1778, le parlement de Westminster vote une loi qui augmente considérablement le pouvoir des patrouilleurs de la ville de Dublin : ils peuvent alors saisir des objets, fouiller et entrer dans les maisons des personnes suspectées de vol. Brian Henry, Dublin Hanged ‑Crime, Law Enforcement and Punishment in late Eighteenth Century Dublin, Dublin, Irish Academic Press, 1994, p. 137-153. Le 29 septembre 1786, George III instaure une police rurale qui vise une meilleure application de la loi en Irlande et un rétablissement de l’ordre : « A bill for the better execution of the law and preservation of the peace within the counties at large ». En 1795, les patrouilles de surveillance sont remplacées par la première force non armée en uniforme : « An act for more effectively preserving the peace within the city of Dublin and the district of the metropolis and establishing parochial watch in the said city ». Patrick Carroll-Burke, Colonial Discipline: the Making of the Irish Convict System, Dublin, Four Courts Press, 2000, p. 80.

7 Nick Pelling, Anglo-Irish relations, 1798-1922, New York, Routledge: Taylor and Francis Group, 2003, p. 12.

8 Ibid., p. 13-14.

9 Eamonn T. Gardiner, op. cit., p. 41.

10 Ibid., p. 62.

11 Colm Lennon, The Lords of Dublin under the Age of Reformation, Dublin, Irish Academic Press, 1989, p. 55-63.

12 Kevin P. O’Rorke, « Dublin Police », Dublin Historical Record, vol. XXIX, Dublin, Cahill and Co., Dec 1975-Sept 1976, p. 138-147.

13 Brian Henry, op. cit., p. 137-153

14 Patrick Carroll-Burke, op. cit., p. 83.

15 En 1870, l’Irlande compte 1 policier pour 425 habitants soit deux fois plus qu’en Angleterre ou au Pays-de-Galles et deux fois et demi plus qu’en Ecosse. Ibid., p. 84.

16 Owen McGee, « Dublin Castle and the First Home Rule Bill: the Jenkinson-Spencer Correspondence », 18th-19th Century History Features Home Rule, Issue 5, Vol. 15, Sept-Oct 2007, p. 1. [http://www.historyireland.com/home-rule/dublin-castle-and-the-first-home-rule-bill-the-jenkinson-spencer-correspondence], consulté le 25 janvier 2012.

17 Paul McMahon, British Spies and Irish Rebels: British Intelligence and Ireland 1916-1945, Woodbridge, Boydell Press, 2008, p. 6.

18 Ibid.

19 Tom Corfe, The Phoenix Park Murders: Conflict, Compromise and Tragedy in Ireland 1878-1882, London, Hodder and Stoughton, 1968, p. 147.

20 Il semble important de noter que l’analyse de L. Perry Curtis Jr. soulève des controverses. En effet, Sheridan Gilley (essay : « English attitudes to the Irish in England 1700-1900 ») affirme que l’image de Paddy vient certes des préjugés britanniques sur les Irlandais, mais aussi de la vision qu’ont les Irlandais d’eux-mêmes au xixe siècle. Cette idée est soutenue par Roy Foster (Paddy and Mr. Punch : Connections in Irish and English History, 1993) qui défend, de plus, l’idée que l’attitude des Britanniques envers les Irlandais, fluctue en fonction des événements politiques. Pour lui, bien plus que la différence raciale, les caricatures reflètent la violence politique, la paysannerie et la religion catholique en Irlande. Enfin, pour Michael de Nie (The Eternal Paddy and the British Press, 1798-1882, 2004), la nature des opinions britanniques dépend des crises dans les relations anglo-irlandaises, bien que de Nie démontre aussi que le poids des stéréotypes dans un grand nombre de journaux victoriens est prépondérant. Simon Potter, Reviews in History, 2006, [http://0-www-history-ac-uk.catalogue.libraries.london.ac.uk/reviews], consulté le 11 novembre 2015.

21 Jarlath Killeen, « Irish Gothic: a Theoretical Introduction », The Irish Journal of Gothic and Horror Studies, [http://irishgothichorrorjournal.homestead.com/jarlath.html], consulté le 3 décembre 2015.

22 Denis McCarthy, op. cit., chapter16/theEndofBritishRule

23 Ibid.

24 Owen McGee, op. cit., p. 4.

25 En 1848, en réaction à la Grande Famine qui décime la population irlandaise et la pousse à émigrer, les meneurs de la Jeune Irlande encouragent cette dernière à se soulever contre le gouvernement central qu’ils considèrent comme négligeant et indifférent à leur souffrance. Pour les insurgés, les années 1840 symbolisent en effet la désillusion après les promesses faites lors de la signature de l’Acte d’Union, par le gouvernement central qui prétendait traiter l’Irlande comme une entité à part entière du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande. Suite à l’arrestation de John Mitchell en 1848, fondateur des Irlandais Unis prônant la rébellion, le mouvement est dirigé par William Smith O’Brien. Il préconise notamment le rapprochement des Irlandais catholiques et protestants dans un combat commun pour l’indépendance nationale du pays. Mais, le soulèvement n’a pas lieu et la révolte avorte. Joe Ambrose, op. cit., p. 15, 333-334.

26 Terme qui provient du gaélique irlandais féinne lui-même issu de Fiann qui désigne un héros populaire irlandais. English Dictionary and Thesaurus, 21st Century Edition, Aylesbury, Harper Collins and Times Books, 2000, p. 436.

27 « It was the job of the British intelligence system in Ireland to uncover and pre-empt this plot (1916). However, the security and intelligence apparatus in Ireland was less equipped to deal with this threat than at any time during the previous century […]. By 1914 there were only twelve plain-clothes detectives in the G division of the Dublin Metropolitan Police. They spent most of their time attending public meetings and watching the movements of political activists; they did not attempt to place long-term secret agents inside revolutionary groups (though they had a string of casual informers or ‘touts’). »

Paul McMahon, op. cit., p. 14.

28 Eamonn T. Gardiner, op. cit., p. 13-14.

29 Sean Kavanagh, « The Irish Volunteers Intelligence Organisations », The Capuchin Annual, National Library of Ireland, 1969, p. 354-367.

30 Le soulèvement de 1867 vise directement le gouvernement central puisque les Fenians lancent leurs attaques sur le sol anglais : le Château de Chester et la prison de Clerkenwell (évasion de Richard Burke), pendant qu’en Irlande, les insurgés prennent d’assaut plusieurs baraquements de police et un poste de garde-côtes. Mais, le soulèvement échoue par manque de préparation et par des actions systématiquement contrecarrées et anticipées par les informateurs de la Couronne. Joe Ambrose, op. cit., p. 17.

31 Eamonn T. Gardiner, op. cit.,p. 27-28.

32 « What the British government needed in 1917 and 1918 was not tactical intelligence on the activists of the Irish Volunteers, but political intelligence on the momentous shifts in Irish opinion. This might indicate how British policy was going wrong. By and large, this was provided by the RIC and DMP, which made good reports to Dublin Castle on the deteriorating situation in the country. » Paul McMahon, op. cit., p. 22-23.

33 Index to Correspondence Relating to Illegal Activities, Archives nationales de Londres, Kew, Dec 1898 to Sept 1905, CO 904/190.

34 Peter Edwards, op. cit., p. 23.

35 Ibid.,p. 39.

36 T. Ryle- Dwyer, The Squad and the Intelligence Operations of Michael Collins, Cork, the Mercier Press, 2005, préface.

37 « As a means of defeating the agitation of tenant farmers the British government on 1 January 1881 made clear its intention to introduce a Coercion Act to pacify Ireland, becoming law in March. It was exceptionally draconian, suspending habeas corpus, trial by jury and facilitating the proclamation of entire districts as ‘disturbed’. This act was endorsed by the British government most important administrator in Ireland, the Chief Secretary in Dublin Castle, William Forster MP. The Coercion Act allowed for internment without trial and the suspension of Habeas Corpus. Under it over 900 Land League members were imprisoned, including their leader, Parnell. » Shane Kenna, « The Invincibles and the Phoenix Park Killings », Trinity College Dublin, Irish History online, 31 juillet 2012, [http://www.theirishstory.com/2012/07/31/the-invincibles-and-the-phoenix-park-killings-2/#.UmZIcHC-04s], consulté le 10 novembre 2013.

38 La Land League, un mouvement de désobéissance populaire qui exerce une forte pression sur le gouvernement et lutte contre le système des propriétaires, est créée à Mayo, en 1879, par Michael Davitt. En 1880, après avoir cherché à lever des fonds et à renforcer l’alliance entre les révolutionnaires et les alliés politiques aux États-Unis l’année précédente (Peter Edwards, op. cit., p. 127), Charles Stewart Parnell apparaît comme le nouveau meneur politique d’Irlande et transforme ces soulèvements paysans en cause nationale en faveur du Home Rule ou de l'indépendance irlandaise. Il négocie avec le gouvernement de Londres : la Land Act ou « the 3 F’s: fair rent, fixity of tenure, freedom for the tenant to sell his rights of occupancy at best market prices » (J. C. Beckett, The Making of Modern Ireland 1603-1923, Londres, Faber and Faber, 1966, p. 384-392) » qui doit résoudre les problèmes de bail et du prix du travail du paysan, mais qui divise et déchire le parti de Parnell. Les attaques verbales violentes de Parnell au parlement, ainsi que son lien avec le Clan na Gael et les Fenians, le rendent dangereux aux yeux du gouvernement qui le fait surveiller (Peter Edwards, op. cit., p. 124-128). Lorsqu’il réagit violemment à la proposition de loi de Gladstone, Parnell est enfermé à Kilmainham Gaol selon les nouvelles lois sur le crime ou Coercion Acts de mars 1881, mais la notoriété du prisonnier croît à Dublin, et Londres négocie un compromis avec lui : le Kilmainham Treaty. Parnell est relâché, et le Land Act est accepté en 1881. En fait, la protection souhaitée est accordée aux paysans, à la condition que Parnell utilise son influence pour calmer le pays et garantisse l’acceptation de la loi telle qu’elle est proposée par la majorité des Irlandais (F. S. L. Lyons, Ireland since the Famine, Dublin, Fontana Press, 1973, p. 392). Ce traité est signé à l’intérieur de la prison, il est destiné non seulement à calmer le pays, mais surtout à discréditer Charles Stewart Parnell au sein de ses partisans. En effet, malgré la création d’un nouveau parti politique, la National League, les Irlandais qui se battent pour l’indépendance sont déçus par un dirigeant politique qui pactise et négocie avec le camp adverse. De plus, son aventure avec Madame O’Shea, une anglaise mariée, anéantit la confiance que les Irlandais lui portent. En 1886, à la suite de mauvaises récoltes et un refus de réduire les baux, la Land League, menée par W. O’Brien et J. Dillion, organise une campagne qui propose aux locataires de payer ce bail dans un fonds destiné à aider les victimes d’expulsion (J. C. Beckett, op. cit., p. 400-401). Finalement, entre les années 1890 et 1900, l’opposition et la déchirure entre Parnellites (qui soutiennent Charles Parnell) et anti-Parnellites (J.C. Beckett, op. cit., p. 409-415) s’étend et permet à Londres de mieux gérer les Dublinois divisés grâce à la ratification du Land Act (F.S.L. Lyons, op. cit.,p. 400-405).

39 Rupert Allason, The Branch: A History of the Metropolitan Police Special Branch 1883-1983, Bungay, Chauster Press, 1983, p. 6.

40 Ibid.,p. 84-86.

41 Ibid., p. xi.

42 Paul McMahon, op. cit., p. 6.

43 Owen McGee, op. cit.,p. 1.

44 Ibid., p. 3.

45 Paul McMahon, op. cit., p. 5.

46 Owen McGee, op. cit., p. 1.

47 Ibid., p. 2.

48 Thomas Matthew Ray, « A Scrap book on Spies and Informers in Ireland apparently compiled by or on behalf of T. M. Ray of the Repeal Association 1842-45 », manuscrit 16 227, Archives nationales de Dublin.

49 Stephen Wade, Spies in the Empire: Victorian Military Intelligence, Wimbledon, Anthem Press, 2007, p. 135-136.

50 En 1813, quarante mille tisserands dénoncent leurs faibles revenus s’élevant à 8s 6d par semaine et débutent une grève générale en Ecosse. Mais le soulèvement ne mène à rien car le gouvernement central arrête rapidement les dirigeants. Deux années plus tard, à l’issue des guerres napoléoniennes, les soldats de retour des champs de bataille se retrouvent au chômage : le mécontentement des Ecossais atteint son paroxysme à Glasgow en 1816 où le montant total des multiples banqueroutes atteint deux millions de livres sterling (David Cramb Wilson, James ‘Perlie’ Wilson: the Scottish Radical Martyr, 2011, [http://www.dcwilson.tripod.com], consulté le 10 décembre 2012). Cette même année, quarante mille personnes se rassemblent à Thrushgrove, près de Glasgow, pour faire entendre leurs griefs. Les magistrats locaux ont tellement peur d’un soulèvement qu’ils préparent l’assaut du 42e régiment, ou Highland Watch, au baraquement de Gallowgate ainsi que les régiments de cavalerie des Dragons. Parallèlement à ces revendications sociales, une rébellion violente se répand sur les terres écossaises. En 1817, une conspiration cible le prince régent, à sa sortie du parlement et, en 1819, les actions d’anarchistes se généralisent et s’amplifient. À Glasgow, les fileurs de coton qui fomentent des insurrections sont célèbres, ils luttent pour un suffrage plus universel. Face au danger imminent, le gouvernement britannique envoie des agents britanniques qui infiltrent les mouvements extrémistes, afin de garder les agitateurs sous contrôle. Les agents secrets concentrent leurs actions sur la ville de Glasgow, considérée comme la plus révolutionnaire et active, puisque les ouvriers rebelles sont à la recherche d’emplois et attribuent la cause de leur désespoir aux décisions politiques. L’espion du gouvernement, Richmond, y séjourne et manipule les agitateurs en fabriquant de faux documents utilisés dans de faux procès : « Richmond, the government spy, resided in the city of Glasgow. He is credited with every appearance of justice, as the fabricator of many treasonable documents, to which under false representation, he obtained the adhesion of a number of reformers, whose simplicity enabled him to betray them (David Cramb Wilson, op. cit.) ». En 1820, le soulèvement des tisserands réclame une république écossaise (HARVIE, Christopher, Scotland and Nationalism – Scottish Society and Politics 1707-1977, Londres, George Allen & Unwin Publishing, 1977, p. 31). Le matin du dimanche 1er avril 1820, la lecture publique d’une loi, dans les rues de Glasgow, signe le début d’un soulèvement organisé et puissant, et le 3 avril, les autorités municipales informent le public de l’envoi de l’armée pour mater la rébellion. Le gouvernement cible les meneurs du mouvement et, le 8 avril, une proclamation royale est lue à Glasgow Cross, offrant une récompense de cinq cents livres sterling à qui voudra bien donner les noms des responsables de l’impression du document proclamé le 1er avril, symbole de trahison. Puisque les moyens pris par les autorités, considérés comme des actes de répression pour maintenir l’ordre et la paix, sont décriés par la population, les agents de la Couronne provoquent les meneurs et les poussent à la rébellion. Pendant ce temps, les espions du gouvernement œuvrent dans l’ombre, ils font croire aux révolutionnaires que des bataillons de l’armée britannique sont en route vers Falkirk, qu’ils ont pris possession de la manufacture de canons à Carron Iron Works et que les Français, au nom de la Liberté, envoient une armée de soldats pour soutenir les Ecossais à Cathkin Braes. Tous ces mensonges se propagent parmi les ouvriers affamés et sans travail, une vingtaine de réformateurs de Strathaven se retrouvent chez James Wilson et, bien que les éclaireurs n’aient aperçu aucun soldat aux alentours, les révolutionnaires, armés de neuf armes à feu, de pics et de fourches, marchent vers la ville, poussés par les espions du gouvernement central, afin de renverser le trône et prendre la tête du gouvernement écossais. Après avoir attendu une aide illusoire des Français, les réformateurs comprennent qu’ils ont été manipulés par les agents du gouvernement et qu’ils sont considérés comme des fugitifs ; ils rentrent chez eux, mais James Wilson, est arrêté à son domicile et condamné pour haute trahison tout comme vingt de ses compatriotes à Edimbourg. Il est pendu et décapité le 30 août 1820 devant la porte sud de la prison d’Edimbourg, alors que Hardie et Baird sont pendus le 8 septembre à Stirling et les autres conspirateurs sont déportés à vie.

51 Christopher Harvie, op. cit., p. 30.

52 En 1832, la ville de Walsall, au Royaume-Uni, se dote d’une force de police qui lui est propre, tout d’abord basée dans des bureaux à Church Hill puis Goodall Street. En 1889, un club de socialistes, soupçonnés d’avoir des liens avec les mouvements anarchistes, s’installe dans la même rue que le commissariat de police. Les forces de police de Walsall se doutent des intentions des extrémistes et préviennent Scotland Yard, tout en gardant les membres du club sous haute surveillance. A l’été 1891, Frederick Charles, un ami de Joseph Deakin, le secrétaire du club, arrive à Walsall depuis Sheffield, juste avant Victor Cailes, un Français qui connaît bien Auguste Coulon, lui-même ami de Frederick Charles. À la fin du mois d’octobre, Victor Cailes reçoit une lettre depuis Londres, de Jean Battola, qui lui envoie le schéma d’une bombe. De suite, Frederick Charles, Joseph Deakin et Victor Cailes construisent la bombe avec l’aide de John Wesley et de William Ditchfield eux-aussi membres du club. Ces deux derniers membres se chargent de la coulée de la bombe et le 5 décembre 1891, Jean Battola lui-même se rend à Walsall pour inspecter les progrès dans la construction de l’engin. Mais, il ne réalise pas qu’il est suivi par William Melville, l’inspecteur détective de Scotland Yard. Le 6 janvier, Joseph Deakin qui doit rencontrer Jean Battola à Londres, est intercepté et arrêté à la gare d’Euston par Melville. L’inspecteur se rend à Walsall le lendemain afin d’arrêter Frederick Charles, Victor Cailes et John Wesley, puis William Ditchfield et Jean Battola, le 13 janvier. Les anarchistes sont ensuite conduits dans les cellules de détention du quartier général des forces de police de Walsall, où Joseph Deakin, croyant qu’il a été trahi par Frederick Charles, passe aux aveux et déclare que la bombe visait le tsar de Russie. De mars à avril 1892, les procès de tous les anarchistes ont lieu aux assises de Stratford ; John Wesley et William Ditchfield sont relaxés, Frederick Charles, Victor Cailes et Jean Battola sont condamnés à dix ans de prison, et Joseph Deakin, à cinq. Or, pendant le déroulement des procès, il apparait qu’Auguste Coulon était un agent provocateur, un espion infiltré par Scotland Yard qui référait de l’avancement de la conspiration à l’inspecteur Melville. Cela n’est pas vraiment révélé aux procès, mais plutôt en 1895, où le sergent détective Patrick McIntyre de Scotland Yard confirme les allégations faites quant au rôle d’Auguste Coulon dans le complot. The Walsall Council, The Walsall Anarchist Bomb Plot, [http://cms.walsall.gov.uk/the_walsall_anarchist_bomb_plot.pdf], consulté le 5 juin 2012.

53 Ibid.

54 Le soulèvement de Pâques fut planifié dans le plus grand secret par des révolutionnaires membres de longue date de l’Irish Republican Brotherhood et une nouvelle génération de républicains. Ils voulaient mettre à profit les 8 000 Irish Volunteers radicaux dirigés par Eoin MacNeill qui s’étaient séparés du groupe principal mené par John Redmond en 1914 et qui avaient refusé la conscription britannique. En 1916, ce groupe de comploteurs se rapproche de l’Irish Citizen Army, un groupe de paramilitaires dirigés par le socialiste James Connolly, la conspiration devient alors internationale puisqu’elle recrute aussi des membres révolutionnaires américains du Clan na Gael. Le lundi de Pâques 1916, environ 2 000 insurgés occupent les bâtiments principaux du centre ville de Dublin. Les forces de l’ordre et l’armée britannique sont surprises malgré les nombreuses interceptions de messages secrets indiquant un passage à l’acte imminent des révolutionnaires irlandais. Selon Paul McMahon, les Britanniques manipulent déjà le Château de Dublin car les chefs de l’armée britannique avaient découvert que le soulèvement aurait lieu, mais ces derniers ne souhaitaient pas partager leurs informations avec le Château pour ne pas révéler leur département de décryptage, la Chambre 40. En fait, le manque de communication avec Dublin ainsi que la dissimulation d’informations importantes sur le soulèvement de Pâques sont la preuve, selon Paul McMahon, du souhait des chefs britanniques de voir la rébellion se produire. Le message de Londres au Château est simple : il faut laisser la révolte éclater. Mais, face à l’inaction et à la passivité des autorités irlandaises, plus de deux mille militants dublinois occupent des endroits centraux de la ville dès le matin de ce lundi de Pâques et le Château, dont la protection se résume à une seule garnison, est assiégé dès le lendemain matin. Le secrétaire d’État à l’Irlande et le commandant en chef des Armées, partis à Londres pour travailler, ne reviendront jamais, et le chaos s’installe dans la ville. Paul McMahon, op. cit., p. 13- 21.

55 John Ainsworth, « British Security Policy in Ireland, 1920-21: A Desperate Attempt by the Crown to Maintain Anglo-Irish Unity by Force », Australian Journal of Irish Studies, n° 1, 2001, p. 176-190.

56 Expression inventée par Arthur Conolly, agent des services de renseignement britanniques en Inde (British East India Company’ dans Stephen Twigge, Edward Hampshire et Graham Macklin, British Intelligence : Secrets, Spies and Sources, Kew, National Archives Publishing, 2009, p. 62. L’expression caractérise le jeu d’espionnage et de contre-espionnage entre la Russie et le Royaume-Uni en Asie centrale. En effet, dès 1829, Wellington, alors Premier Ministre, craint l’expansionnisme russe et plus particulièrement des attaques sur l’Inde. De plus, en 1838, le traité commercial signé avec la Turquie offre une place prépondérante à l’Empire Ottoman dans l’économie britannique, ce qui pousse Londres à asseoir son influence dans cette région. David Fromkin, The Great Game in Asia, 1980, [https://www.foreignaffairs.com/articles/south-asia/1980-03-01/great-game-asia], consulté le 11 novembre 2015. L’expression est ensuite reprise par Rudyard Kipling, dans son œuvre Kim, nom du héro qui espionne les Russes au profit des Britanniques.

57 Martin C. Hartline et M. M. Kaulbach, « Michael Collins and Bloody Sunday », CIA Historical Review Program, Studies Intelligence Archives, Volume 13, Issue 1, 2 July 1996, p. 1. [https://www.cia.gov/library/center-for-the-study-of-intelligence/kentcsi/vol13no1/v13i1ao6p0001.htm] consulté le 30 janvier 2012.

58 Paul McMahon, op. cit., p. 28.

59 « Tonight’s the night. Tell O’Hanrahan to tell the warned men not to stay not to stay in their usual place of abode and to keep their heads. » T. Ryle-Dwyer, op. cit., p. 10-11.

60 Meda Ryan, Michael Collins and the Women who Spies for Ireland, Cork, Mercier Press, 2006, p. 35.

61 David Neligan, The Spy in the Castle, London, Prendeville Publishing Limited, National Library of Ireland,1999, p. 104.

62 Maurice Walsh, G2 in Defence of Ireland: Irish Military Intelligence 1918-1945, Cork, the Collins Press, 2010, p. 41.

63 Peter Hart, « British Intelligence in Ireland: 1920-1921: the Final Reports », David Fitzpatrick (dir.), Irish Narratives, Cork, Cork University Press, 2002, p. 12.

64 Martin C. Hartline et M.M. Kaulbach, op. cit., p. 3.

65 William Stapleton, « Michael Collins’s Squad », the Capuchin Annual, Dublin, National Library of Ireland, 1969, p. 368-377.

66 Sean Kavanagh, op. cit., p. 354-367.

67 Ibid.

68 James Gleeson, Bloody Sunday: How Michael Collins’ Agents Assassinated Britain’s Secret Services in Dublin on November 21, 1920, Londres, Lyons Press, 2004, p. 141.

69 T. Ryle Dwyer, op. cit., p. 188.

70 Les officiers militaires évacuent les rues dublinoises pour rejoindre le Château, espace considéré comme faisant partie de la Grande-Bretagne.

71 Loch K. Johnson, The Oxford Handbook of National Security Intelligence, Oxford et New York, Oxford University Press, 2010, p. 520.

72 J.A. Simpson et E.S.C Weiner, The Oxford English Dictionary, 2nd edition, Vol. I, Oxford, Clarendon Press, 1989, p. 374.

73 W. J. Fitzpatrick, The Sham Squire and the Informers of 1798; with Jottings about Ireland a Century ago, Dublin, M.H. Gillard and Son Ltd, 1869, Appendix “Informers everywhere”, p. 357.

74 Peter Edwards, op. cit., p. 226.

75 Loch K. Johnson, op. cit., p. 519.

76 J.A. Simpson, op. cit., Vol. IV, p. 972.

77 Ibid.

78 Peter Edwards, op. cit., p. 104-106.

79 W. J. Fitzpatrick, op. cit., p. 375.

80 Owen McGee, op. cit.,p. 3.

81 T. Ryle Dwyer, op. cit., p. 221.

82 Henri Le Caron, 25 Years in the Secret Service, the Recollection of a Spy, Londres, Wakefield E. P. Publishing, 1974, p. 56.

83 Ben Macintyre, A Spy Among Friends: Kim Philby and the Great Betrayal, Londres, Bloomsbury Publishing, 2014, quatrième de couverture.

84 James Gleeson, op. cit., p. 15.

85 Paul McMahon, op. cit., p. 8.

86 Sean Kavanagh, op. cit., p. 354-367.

87 Ibid.

88 Ibid.

89 Denis McCarthy, op. cit, chp16TheEndofBritishRule

90 David Neligan, op. cit., p. 124.

91 Ryle Dwyer, op. cit., p. 14

92 John Borgonovo, Spies, Informers and the ‘Anti-Sinn Féin Society’- the Intelligence War in Cork City 1920-1921, Irish Academic Press, Dublin, 2007.

93 Paul McMahon, op. cit., p. 45.

94 Ibid., p. 8-9.

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Pour citer cet article

Référence papier

Émilie Berthillot, « Le Château de Dublin de 1880 à 1922 : repaire de traîtres ou d’agents doubles ? »Études irlandaises, 41-1 | 2016, 9-34.

Référence électronique

Émilie Berthillot, « Le Château de Dublin de 1880 à 1922 : repaire de traîtres ou d’agents doubles ? »Études irlandaises [En ligne], 41-1 | 2016, mis en ligne le 15 juin 2018, consulté le 20 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesirlandaises/4785 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesirlandaises.4785

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Émilie Berthillot

Université Toulouse 2-Jean-Jaurès

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