Représentations de l’identité irlandaise dans An Irish Journey de Sean O’Faolain
Résumés
En 1940, année où il fonde The Bell, Sean O’Faolain publie également An Irish Journey. Par sa fonction de reportage, ce premier récit de voyage est représentatif du tournant que prend la carrière de l’auteur à cette époque et des préoccupations qui seront au cœur du périodique. Cependant An Irish Journey s’inscrit aussi dans la continuité de l’œuvre de O’Faolain. L’objet de cet article est donc de montrer comment, en répondant aux enjeux identitaires qui occupaient déjà la fiction réaliste irlandaise qui se constituait dans les années 1920 et 1930, et en faisant usage de procédés exploités tant dans ses nouvelles que dans ses biographies, An Irish Journey met en évidence à la fois la cohérence de l’œuvre particulièrement riche et diverse de O’Faolain, et la spécificité de son esthétique.
Entrées d’index
Haut de pagePlan
Haut de pageTexte intégral
Introduction
- 1 The Life Story of Eamon De Valera (1933), De Valera, A New Biography (1939), Constance Mark (...)
1Écrivain, biographe, critique et essayiste, Sean O’Faolain occupe une place tout à fait singulière au croisement de la littérature, de l’histoire, et du journalisme. Particulièrement fécond durant les années 1930, il est l’auteur de deux recueils de nouvelles (Midsummer Night Madness [1932], A Purse of Coppers [1937]), et de deux romans (A Nest of Simple Folk [1933], Bird Alone [1936]). Il publie également durant cette même décennie quatre biographies consacrées à Eamon de Valera, Constance Markievicz et Daniel O’Connell1. Si ses nouvelles en font une figure de proue de la fiction réaliste, ses biographies, peut-être par la radicalité de leurs thèses, suscitèrent également un vif intérêt parmi les historiens les plus exigeants de son époque. En plus de mener de front une double carrière d’écrivain et de biographe, O’Faolain est également un intellectuel engagé à l’avant-poste de la contestation des instances politiques et religieuses de son temps qu’il étrilla par le biais d’articles publiés dans des revues comme The Irish Statesman, Ireland To-Day ou Motley. En rédigeant son premier récit de voyage, An Irish Journey, O’Faolain se tourne cependant vers un genre nouveau pour lui. Cette réorientation générique marque d’abord une forme de rupture dans sa carrière, car tandis que d’autres récits comme A Summer in Italy (1949) ou South to Sicily (1953) verront le jour quelques années plus tard, la fonction de reportage de l’ouvrage préfigure également son activité journalistique au sein de The Bell. Néanmoins, en poursuivant une réflexion déjà développée dans ses fictions ou ses biographies, An Irish Journey s’inscrit aussi dans la continuité de ces écrits. Ainsi, nous verrons que le voyage de O’Faolain à travers l’Irlande répond à des problématiques qui occupaient la fiction Irlandaise de cette période, tout en faisant appel à des procédés déjà éprouvés dans ses précédents ouvrages. En effet, An Irish Journey implique un voyage à travers l’Irlande, mais il constitue surtout un voyage à la rencontre des Irlandais. Nous pourrons alors étudier quelle image de l’Irlande et des Irlandais émerge au fil du récit. Si ce traitement de l’identité met en évidence la cohérence de l’œuvre très riche et diverse de O’Faolain, tout en permettant de comprendre une certaine pratique de la nouvelle et de la biographie, nous verrons enfin s’il n’est pas possible de déceler dans ce récit certaines ambiguïtés ou procédés qui pourraient trahir la dimension subjective des représentations qu’offre l’auteur, et donc fragiliser son propos.
Cartographie et noirceur réalistes
- 2 Sean O’Faolain, An Irish Journey [1940], London, Longmans, Green & Co., 1941, p. 18 (...)
2Entrepris en compagnie du peintre Paul Henry dont les peintures accompagnent l’ouvrage, An Irish Journey, constitue tout d’abord un voyage à travers l’Irlande. O’Faolain y décrit le climat et les différents paysages, la richesse des terres agricoles du centre ou l’univers aride des contrées côtières de l’ouest, battues par les vents et l’océan atlantique. Ainsi, il souligne la singularité de chaque région et toute la diversité du territoire : « What absolute divisions there are between county and county in Ireland, that here, too, the mind is excited by an awareness of being in yet another and different kind of world – the wild (to my mind the wildest in Ireland) world of Mayo2. »
- 3 Ibid., p. 153.
- 4 Ibid., respectivement p. 100, p. 93, p. 113 et p. 182.
- 5 Vivian Mercier, « Literature in English, 1921-84 », J. R. Hill (ed.), A New History of Irel (...)
- 6 Sean O’Faolain, An Irish Journey, p. 172. Voir également Sean O’Faolain, « Don Quixote O’Fl (...)
- 7 « For there is no use in pretending about the west. It is magic, but it is also frightening (...)
- 8 Ibid., p. 107.
3Mais O’Faolain inscrit également cette description de l’espace irlandais dans un univers très littéraire. Il mentionne Lady Gregory et Edward Martyn tandis qu’il se trouve à proximité de Gort puis de Tullyra Castle, et cite quelques vers de « The Wild Swans at Coole » et de « My House », de W. B. Yeats, alors qu’il aperçoit Ballylee Castle et Coole Park3. Par-delà ces références, An Irish Journey relaie en réalité les objectifs de la fiction réaliste qui émergeait en Irlande dans les années 1920 et 1930. En effet, comme Joyce l’avait fait pour Dublin, certains écrivains avaient déjà localisé leurs intrigues dans certaines régions d’Irlande. O’Faolain évoque ainsi l’œuvre d’Edith Somerville et de Martin Ross tandis qu’il approche Skibberreen, et recommande la lecture de The Threshold of Quiet de Daniel Corkery, d’Adrigole de Peadar O’Donnell ou de The Lake de George Moore lorsqu’il décrit Cork et parcourt les contrées environnantes de Glengarriff, dans le comté de Cork, puis de Ballinrobe dans le Mayo4. Néanmoins, Vivian Mercier notait que de vastes espaces restaient encore inexplorés, de sorte qu’une carte de l’Irlande élaborée à partir des descriptions trouvées dans la littérature aurait produit le même effet qu’un puzzle incomplet abandonné par un enfant : « A fictional map of Ireland during this period would be a peculiar one, rather like a jigsaw puzzle abandoned by an impatient child5. » Tandis que l’esthétique de la Renaissance littéraire avait essentiellement exploité le territoire comme un espace de légendes, la littérature nationaliste concentrait son attention sur les régions reculées de l’ouest du pays où le gaélique était encore parlé au quotidien. En proposant une description des villes et des campagnes de tout le pays, An Irish Journey répond donc à l’ambition cartographique de la fiction réaliste. D’autre part, à l’instar de Frank O’Connor, Sean O’Faolain avait essentiellement situé l’action de ses nouvelles et de ses romans dans les petites villes et la campagne du Munster. Ce récit de voyage est donc pour lui l’occasion de compléter sa propre cartographie de l’Irlande en explorant des espaces jusqu’alors négligés par sa fiction. Enfin, parmi les auteurs de sa génération, explique O’Faolain, seul O’Flaherty avait su trouver l’inspiration pour localiser sa fiction dans l’ouest de l’Irlande. Loin d’idéaliser ces régions cependant, O’Flaherty en soulignait le mode de vie pénible des habitants, asservis à toute la force brute des éléments6. Or, les représentations des contrées périphériques de l’ouest dans An Irish Journey sont tout aussi âpres et empreintes de la même noirceur. Ainsi, ce récit partage avec la fiction réaliste irlandaise d’auteurs tels que Frank O’Connor, Liam O’Flaherty, Brinsley MacNamara ou Peadar O’Donnell, le même objectif de couper court à toute représentation idéalisée de l’Irlande. Les habitants de régions comme les Blaskets, ou le Connaught sont contraints de mener une existence d’une grande dangerosité7. L’île de Cape Clear, à l’extrême sud de l’Irlande, au large de Baltimore et de Schull, est elle aussi plongée dans un univers hostile, qui résiste à toute tentative d’idéalisation : « There is nothing romantic about Cape. It is the Viking note, as cold and pitiless as the green cliffs that rise with immense, terrifying sheerness out of the wild sea when the boat rounds to the harbour8. » La pêche y constitue l’activité économique principale et la population est soumise à un mode de vie particulièrement rude et périlleux, contraignant de nombreux habitants à l’exil :
- 9 Ibid., p. 108.
In every house there are photographs of sons and daughters lost in America. Pale-faced enlargements by the Skibbereen photographer – of photos of boys drowned at sea – stare over the heads of their fathers and mothers in the appropriate colours of mourning. […] Losses at sea are unusually common here. Most fishing centres will tell you that nobody, thank God, has been lost for ten or, say, twelve years. Not so in Cape9.
Un récit de voyage en réponse à des enjeux identitaires
- 10 Ibid., p. 180-181.
- 11 Voir Daniel Corkery, The Hidden Ireland (1924) et Synge and Anglo-Irish Literature (...)
- 12 « Although Ireland was independent, it was still not unified in any cultural sense: the peo (...)
4Comme l’affirme O’Faolain lors de sa visite de Ballinrobe10, son travail entend d’une part rectifier les représentations jugées inexactes véhiculées par la Renaissance littéraire. Mais il s’oppose surtout aux représentations de la littérature nationaliste de l’Etat libre qui faisait des régions gaéliques de l’ouest l’épicentre identitaire de l’Irlande. En effet, au moment où elle s’affranchissait de son passé colonial, le mouvement de l’Irish Ireland, et des intellectuels comme Daniel Corkery ou D. P. Moran, auteur de The Philosophy of Irish Ireland et fondateur de l’hebdomadaire The Leader, entendaient répondre aux questionnements identitaires du pays en promouvant l’image d’une Irlande gaélique, catholique et rurale, imperméable à toute influence européenne et inaltérée par des siècles d’occupation britannique11. Or, pour O’Faolain, comme pour les réalistes, une telle représentation, à la fois passéiste et caricaturale, ne pouvait aucunement être justifiée par la nécessité de forger un sentiment d’unité nationale. En réalité, ainsi que le rappelle Declan Kiberd, l’Irlande au lendemain de son indépendance ne constituait pas encore une entité culturellement unifiée et les différentes régions et communautés demeuraient toujours étranges, voire mystérieuses, les unes aux autres12. Ainsi, l’œuvre de Sean O’Faolain, de même que l’émergence de la fiction réaliste de cette période, doit se comprendre non pas comme une réaction d’ordre exclusivement esthétique, mais comme un mouvement répondant à des enjeux politiques et identitaires. Plus que le désir de décrire la diversité du territoire, ou d’en nuancer les représentations édulcorées, c’est donc précisément la volonté de poursuivre ce débat autour de l’identité irlandaise qui sous-tend l’écriture de An Irish Journey.
- 13 Sean O’Faolain, An Irish Journey, op. cit., p. 13.
- 14 Ibid., p. 102.
- 15 Ibid., p. 130-131.
- 16 Ibid., p. 162 et p. 177.
- 17 « You will not meet an ancient inland church, chapel, monument, or stone of any kind […]. » (...)
- 18 Ibid., p. 108.
5Ce récit est principalement un voyage à la découverte des Irlandais et c’est parce que l’Irlande est avant tout un pays rural, « de champs, de fermiers et de petites villes » que O’Faolain choisit de ne pas entamer son tour du pays par Dublin13. Les remarques relatives à la géographie du territoire ne sont alors intéressantes que dans la mesure où elles expliquent la coexistence de communautés diverses, aux mœurs, aux coutumes et aux traditions spécifiques. En s’attachant à décrire des groupes sociaux et culturels dans leur milieu et la spécificité de leur mode de vie, An Irish Journey s’apparente ainsi à une véritable étude de cas anthropologique – « field work » –, alors même que cette discipline se développait dès la fin des années 1910, sous l’influence de Bronislaw Malinowski notamment. O’Faolain montre comment dans les espaces en marge, déconnectés du reste de l’Irlande, des populations ont pu développer leur propre richesse culturelle (« It is towns like [Skibbereen], cut off from the rest of Ireland, that breed the raciest life14 »), ou une identité religieuse singulière. Situé à la pointe de la péninsule du Kerry, le village isolé de Ventry a ainsi vu se constituer une communauté majoritairement protestante15. De même, toute une partie du Connemara, depuis la baie de Galway jusqu’à Killary, forme un territoire désolé (« a hinterland », « an impassable, or uninhabitable, waste16 ») incompatible avec le développement d’une quelconque culture17, mais qui tel un sas hermétique, a laissé s’épanouir depuis les îles d’Aran jusqu’à Clare Island, une culture insulaire tout à fait singulière. Plus au sud, enfin, les habitants de l’île de Cape Clear appréhendent leur rapport à l’Irlande d’une façon qui souligne leur sentiment de constituer une communauté autosuffisante distincte du reste de l’île : « We used to say it was more like an Island off the coast of America than Ireland, an impression accentuated by the way they spoke of going ‘to Ireland’ if they went across to Schull or Baltimore18. »
- 19 Ibid., p. 175.
- 20 Sean O’Faolain, Constance Markievicz [1934], London, The Cresset Library, 1987, p. 17. (...)
- 21 Ibid., p. 17.
6Ces espaces périphériques, tels que la campagne de Kilbreckan, dans le comté de Clare, où l’on voit des femmes vêtues de châles colorés étendre des algues – carrageens – pour les faire sécher, constituent parfois des enclaves où subsiste une certaine forme d’archaïsme. D’abord présentée par O’Faolain comme emblématique d’un mode de vie plus simple, cette représentation idéaliste se heurte à l’analyse tout aussi sévère d’un prêtre américain, selon lequel les conditions de vie misérables de ces populations ne s’expliquent que par un manque d’industrie19. Une telle vision n’est alors pas sans rappeler la description très sombre dans la biographie de Constance Markievicz, des paysans du comté de Sligo. Le contact direct de ces travailleurs avec les éléments bruts, tels que la tourbe et les algues prises entre les rochers, confère là aussi à leur activité une dimension très primitive, encore soulignée par l’âpreté des sonorités (« scraping among the stones and rocks for carrageen20 »). Tandis que la régularité du mouvement pendulaire de leurs corps rappelle le balancement d’un métronome ou la mécanique d’une noria : « they rise and stoop over the turf, mixing the mud with their hands and beating it with hands and feet into turves » ; « stooping and rising incessantly21 », la répétition de leurs gestes les enferme dans une circularité qui produit une impression de stagnation et rend toute évolution impossible.
- 22 Thomas Pavel, La Pensée du roman, Paris, Gallimard, 2003, p. 234-238 et p. 278. Pour Pavel, (...)
- 23 Sean O’Faolain, « Kitty the Wren », Collected Short Stories, 3 vols., Harmondsworth, Pengui (...)
- 24 Sean O’Faolain, An Irish Journey, p. 188. La Puck Fair, célébrée en août à Killorgl (...)
7En suivant O’Faolain au cours de son exploration de l’Irlande, le lecteur est ainsi exposé à ce qui s’apparenterait à de véritables « chocs régressifs », pour reprendre la formule de Thomas Pavel22, semblables à ceux auxquels sont confrontés certains personnages de ses nouvelles tels que le marin français découvrant les mœurs étranges d’une communauté du Connemara dans « Kitty the Wren » (A Purse of Coppers)23. Ainsi, dans la région de Westport, la façon dont les « anciennes » célébraient le solstice d’été dans la nuit du 23 juin – lors de la fameuse Bonfire Night – en récitant le rosaire et en en jetant une bille dans le feu après chaque dizaine montre que le catholicisme s’est répandu dans les contrées de l’ouest, non pas en supplantant les croyances païennes locales, mais en s’y mêlant de façon à créer une forme de religion hybride24.
- 25 « At last my train for Galway came in and I faced for the true west. It was a packe (...)
- 26 Ibid., p. 164.
- 27 Ibid., p. 173.
- 28 Ibid., p. 22-23.
- 29 Ibid., p. 91 et p. 89.
- 30 Ibid., p. 127, p. 174, p. 175, p. 178, p. 200 et p. 235.
- 31 Ibid., p. 45.
8An Irish Journey présente donc un territoire irlandais profondément disparate, non seulement en termes de géographie et de climat, mais également en termes d’identité. Chacune de ces populations, cependant, ne saurait se distinguer exclusivement par son mode de vie, son folklore, ses rites ou ses croyances. O’Faolain relève des propriétés physiques qui singularisent chaque peuplement. Ainsi remarque-t-il la beauté sauvage des yeux sombres des gens du Connaught qui contraste avec la pâleur de leurs visages25, ou les poses que prend un habitant de Galway lorsqu’il se livre à des commérages : « When a Galway man tells you a bit of gossip he hunches his shoulders, and makes eyes like a fish – both with being the natural effects of a long life in a submarine26. » Soulignant tout l’intérêt de O’Faolain pour la physiognomonie, ces remarques d’ordre physique n’ont de réel intérêt que si elles sont révélatrices d’un trait de caractère27. Il note alors la placidité qui se lit sur les visages des habitants de Kilkenny (« placidity of faces28 »). De même, la vivacité des gens de Cork transparaît dans leurs yeux, pareils à ceux d’un « faucon », et leur ténacité dans l’angle de leur maxillaire29. Les habitants du Kerry, comme ceux de Killarney, se montrent « tout à tour tendres et rugueux » (« soft and hard by turns »), ceux de Galway se distinguent par leur humour « railleur », tandis que dans tout l’ouest de l’Irlande, des qualités morales (« quality of heart ») et un sens de l’hospitalité côtoient une certaine friponnerie (« roguery »). Les communautés gaéliques du Mayo partagent quant à elles un sens de l’humour et de la satire très prononcé, mais également un certain bon-sens plein de perspicacité, alors qu’en Irlande du Nord, le ton légèrement ironique des habitants vise souvent à dissimuler des sentiments plus profonds (« the faintly derisive tone with which the Northener so often hides the depth of his affections30 »). Comme cela est le cas dans A Summer in Italy, O’Faolain s’attache encore à restituer un accent ou un mode d’expression, comme une propension à la répétition ou une circularité dans la syntaxe, dès lors que ceux-ci sont symptomatiques d’un mode de pensée. Il observe ainsi le goût des habitants de Cork pour l’échappatoire ou l’imprécision : « [The ballad-singer] was the most evasive man I ever met – and as a Corkman I ought to know what evasion means. To everything he responded with: “Now, I’ll tell you the plain truth, and I won’t tell you no lie. For I wouldn’t tell you a lie – I’ll tell you the plain, simple facts of the matter…” Then he would start off to tell me absolutely nothing31 ».
- 32 « Lift the latch in any promising house, and share the hearth with the people. » (I (...)
- 33 Sean O’Faolain, « The Dilemma of Irish Letters », The Month, vol. 2, n° 6 (December (...)
- 34 Sean O’Faolain, Constance Markievicz, op. cit., p. 18.
- 35 Sean O’Faolain, De Valera, A New Biography, Harmondsworth, Penguin, 1939, p. 13.
9D’une part, ces plongées au cœur même des personnages afin d’en exposer toute la complexité, de même que le désir de O’Faolain d’établir une forme d’intimité avec le lecteur et son sujet d’étude32, inscrivent An Irish Journey dans la continuité de sa fiction réaliste : « The realist, content to describe, without comment, the local life he knows intimately, will get one powerful book out of its surges and thrustings and gropings. […] Man is, after all, a thinking animal, and a writer must want to think – think through and with his people33. » Cependant, l’exploration de la nature intime du personnage par l’examen de son aspect physique ou des traits de son visage relève de procédés qui avant d’être exploité dans ses nouvelles, furent d’abord éprouvés dans ses biographies. Le premier chapitre de la biographie de Constance Markievicz offre ainsi une étude de son tempérament et de celui de sa sœur Eva Gore-Booth au moyen d’une description très détaillée des traits de leurs visages34. Les yeux d’Eva, légèrement trop enfoncés (« a little too deeply set »), reflètent ainsi une nature introspective et méditative, alors que ceux de Constance, légèrement exorbités (« a trifle too prominent »), indiquent une plus large ouverture comme s’ils cherchaient à entraîner le personnage dans l’action. Cette propriété rapproche alors Markievicz d’autres héros biographiques, tels que le jeune Eamon de Valera, dont le portrait souligne aussi la force de caractère en s’arrêtant sur ses yeux : « His eyes, at twenty-two, were warm with self-belief, deep with dream – the ambitious forward-looking dreams of youth: at thirty-six (after the Rising) they were closing, but not yet quite closed, on self-possession35. »
- 36 « Maybe it is because Bantry is a kind of frontier town between Catholic and Protes (...)
- 37 Ibid., p. 132.
- 38 Ainsi, dans sa biographie The Great O’Neill, Turlough Luineach O’Neill (cousin et rival de (...)
- 39 Sean O’Faolain, « Eamon De Valera », The Bell, vol. 10, n° 1 (April 1945), p. 10.
- 40 Sean O’Faolain, The Story of Ireland, [1943], London, Collins, 1946, p. 37. Voir également (...)
10On note alors certains procédés ou certains termes par lesquels O’Faolain se glisse dans la posture de l’anthropologue. Interpelant souvent un lecteur voyageur hypothétique (« traveller »), il adopte lui-même la posture d’un observateur extérieur et une certaine hauteur de ton, comme pour se distancier de son objet d’étude36. De la même façon, il choisit d’évoquer parmi les figures locales ou parmi ses rencontres celles qui sont les plus représentatives et qui constituent, tel un individu rencontré à Dunquin s’exprimant à la manière d’un hedge-schoolmaster, de véritables « types » ou de véritables « spécimens » : « He said the word “Island” with contempt. His Irish was like his English, grandiose, but he spoke it without relish. A common type; but I have never met such a perfect specimen37 ». Or si ces termes reflètent la démarche anthropologique qui sous-tend An Irish Journey, il renvoie également à une technique amplement éprouvée par l’auteur dans ses biographies, avant d’être mise en pratique dans ses nouvelles. L’une des façons d’écrire une biographie, explique O’Faolain, consiste précisément à aborder les personnages biographiques comme des « types38 ». Certains acteurs de l’histoire ont selon lui le pouvoir d’exercer une fonction symbolique et même métaphorique : « For although all periods are coerced into certain conditions by the evolution of political or economic necessity, public men and women do inside these compulsions create the metaphors of life39 ». Ainsi, l’influence de Daniel O’Connell fut telle, qu’il « marqua de façon indélébile » non seulement le cours de l’histoire de l’Irlande, mais également la conscience nationale des irlandais (« [O’Connell] left his mark indelibly on the national mind so that to understand fully the mentality of a modern Irishman it is necessary to study him40 »). O’Faolain voit par exemple dans la roublardise du « Libérateur », dans ses stratégies d’évitement, dans son recours à une forme d’imprécision ou au double entendre, des propriétés spécifiquement irlandaises :
- 41 Sean O’Faolain, The Story of Ireland, op. cit., p. 39.
If there is, as there may well be, for the Irish nature turns as swiftly as a fish, a volte-face into the ironical, the satirical, the sceptical, always, however, with its undercurrent of suppressed passion, it is the spirit of O’Connell – that passionate cryptographer – who broods over the gathering. Irishmen will probably never be free of the tyranny of that equivocating mind and the slavery of that emotional heart41.
- 42 Sean O’Faolain, An Irish Journey, op. cit., p. 105.
11Certains individus, tels que Jasper Wolfe, personnage haut en couleur de Skibbereen, sont dans An Irish Journey investis de cette même fonction de « type » qui lui confère la capacité de rayonner sur tout un groupe : « I have one picture of Jasper Wolfe that sums up that agility and adaptability in him which has made him so characteristic of his place and period42. »
- 43 Ibid., p. 13.
- 44 « Neddy wears riding-breaches. He speaks in terms of half-dollars and odds. […] As he comes (...)
- 45 Ibid., p. 145.
- 46 Ibid., p. 148. La description d’Athenry, offre un autre exemple de personnification : « [At (...)
12A l’inverse, si certains spécimens permettent de synthétiser les spécificités d’une communauté, des villes ou des comtés font l’objet d’une véritable personnification : « Wherever I go in this journey around Ireland, in very town I intend to ask myself: “What kind of chap is this Timsy Town?” So – “What kind of a chap is this Neddy Naas?” […] Or should I say, Topsy Town, and Nelly Nass, on the chance that some places are more feminine than masculine […]43. » Ainsi, « Neddy Nass », à l’instar de tout le comté de Kildare, est clairement masculin44, tandis que Limerick apparaît à l’auteur sous les traits d’une femme45. Le comté de Clare, quant à lui, reste d’une nature et d’une personnalité changeantes : « Clare is now a shaggy-dressed, hairy-faced, dark-eyed, rough-voiced man of the roads – a drover or a travelling man: now a girl whose natural wildness is constantly forgotten in and overlain by the softness of her temperament46. » An Irish Journey met donc en évidence l’interaction entre une identité individuelle et une identité collective, et la capacité de chacune à participer à la construction de l’autre. L’exemple le plus manifeste de ce mécanisme d’imbrication ou de fusion d’identité individuelle et collective, est peut-être celui de James Warren Doyle. Evêque de Kildare et de Leighlin, dont la biographie seule suffit à justifier la visite de Castlecomer, Doyle avait pour habitude d’utiliser comme signature le sigle JKL – « James Kildare and Leighlin » – intégrant ainsi à son identité l’évêché sur lequel il exerçait son autorité, comme si l’identité d’un lieu pouvait s’incarner dans la figure d’un individu.
- 47 Voir Brian Kennedy, « Paul Henry : An Irish Portrait », The GPA Irish Arts Review Y (...)
13On ne peut alors que remarquer le contraste saisissant produit par la juxtaposition de la multitude de portraits d’individus brossés par O’Faolain et les peintures de Paul Henry qui accompagnent l’ouvrage. Tout à fait caractéristiques de l’esthétique du peintre développée dans la deuxième partie de sa carrière, à partir des années 1920, celles-ci sont quasiment dépourvues de personnages47. Henry choisit de peindre des paysages ruraux (The Antrim Coast) ou des petites villes de province. Comme l’observe de façon générale Brian Kennedy, les scènes de la partie inférieure sont, ici aussi, souvent reliées à des ciels nuageux par un élément vertical tel qu’une église, dans New Ross ou Kilkenny, from the River, ou par le mat d’un voilier, dans Passage East, Waterford. Seul Belfast, from Greencastle dépeint l’horizon urbain de la ville, écrasé par les nuages et la fumée noire qui s’échappe des cheminées des usines. Dans An Irish Bog ou A Connemara Village, les monceaux de tourbe et les chaumières témoignent bien d’une présence humaine, mais même dans les représentations de villes comme dans Kinsale, ou Passage East, Waterford, les habitants ne sont que suggérés, et – jamais au premier plan – ne s’intègrent que de façon très discrète aux paysages. Cette absence de portraits s’explique peut-être par le fait que les scènes prosaïques aussi célèbres que The Potato Diggers, peintes durant la période où Henry résidait sur Achill Island dans les années 1910, sont emblématiques des représentations d’un mode de vie exaltées par l’Etat libre que O’Faolain remet précisément en cause. Pour autant, ces tableaux ne sauraient constituer une simple illustration du texte. L’impression de quiétude et d’intemporalité qui tranche avec la noirceur des descriptions de l’ouest par O’Faolain, mais aussi le choix de représenter l’Irlande par la singularité de ses paysages et non par ses habitants, font que les peintures de Paul Henry communiquent leur propre version de l’identité irlandaise. Elles constituent en réalité un contrepoint au texte avec lequel elles établissent un véritable dialogue tandis que le rapprochement de ces deux visions aussi réalistes que complémentaires, met en évidence la subjectivité de chacun de leurs auteurs.
Histoire d’une Irlande anglo-irlandaise
- 48 Sean O’Faolain, An Irish Journey, op. cit., p. 132.
- 49 Ibid., p. 116.
- 50 « There is hardly a field about this old town which does not, for that siege and ba (...)
- 51 Jacques Rancière, « Témoignage et écriture », conférence enregistrée au Collège de France, (...)
- 52 Sean O’Faolain, An Irish Journey, op. cit., p. 94.
14Enfin, si l’isolement géographique explique pour une part la constitution de communautés singulières, l’identité de chaque comté est également fortement conditionnée par l’histoire de l’Irlande et de son peuplement. Les territoires traversés sont ainsi appréhendés dans toute leur épaisseur historique de sorte que les déplacements géographiques de O’Faolain s’apparentent à une forme de voyage dans le temps. La visite de Derry est naturellement l’occasion d’un retour sur le siège mené par l’armée Jacobite en 1689 et la résistance héroïque de sa population. La péninsule de Dingle propulse O’Faolain au xviiie siècle : « I pushed on. Every mile of [the Dingle peninsula] is a mile of time. The years roll back. I can feel the eighteenth century is already on me at Dunquin. There a man […] speaks like a hedge-schoolmaster of 1700. […] The curragh was now ready, and the talk of the boatmen hurled me back behind “the bad century” by at least another hundred years48. » Associée à la figure de O’Connell et à l’Emancipation des catholiques, Darrynane Abbey marque quant à elle la resurgence de l’Irlande moderne, qui supplanta l’Irlande vaincue de Kinsale (1601) ou de Limerick (1691)49. Le paysage de Kinsale, justement, où la flotte espagnole commandée par Don Juan del Aquila accosta pour apporter son soutien aux troupes de Hugh O’Neill et de Red Hugh O’Donnell contre les forces de Mountjoy, alors Lord Deputy d’Irlande, porte toujours les marques de l’intensité des combats. Les habitants savent encore indiquer les positions de chaque acteur de la bataille, mais le territoire est également empreint de traces – une ferme portant l’inscription « massacre » en gaélique, ou les balles des mousquets à peine enfouies dans la terre – qui par leur présence même témoignent de souffrances passées50. Il ne s’agit pas là de témoins qui peuvent s’exprimer sur un événement parce qu’ils y ont assisté et dont la fiabilité peut être mise en cause, mais de témoins observables qui, comme le dit Jacques Rancière, « parlent d’eux-mêmes […] parlent sur le mode mutique ». En portant leur témoignage sur leur corps, leur parole ne peut être mise en doute car ils témoignent au-delà de l’acte de parole, et « produisent une vérité archéologique, paléontologique de la ruine » difficilement contestable51. A la manière d’un palimpseste, les vestiges de différentes périodes historiques se superposent pour conditionner l’identité présente d’un lieu : « The centuries overlay one another. In St Multose there are monuments from the sixteenth century to the twentieth. The flowery, yet honourable style of the nineteenth century gives way to the dignity of the seventeenth52. »
- 53 Ibid., p. 162. « A Broken World », nouvelle extraite du recueil A Purse of Coppers (...)
- 54 Sean O’Faolain, An Irish Journey, p. 184.
- 55 Voir également sur ce point : « Observe the history of Ireland in the lay-out of Li (...)
15Cette plongée au cœur de l’histoire propose également un retour sur les vagues successives de peuplement et sur les différents métissages entre populations qui contribuèrent à constituer l’identité de chaque région. Initialement fondée par les Normands, l’identité de Galway fut ensuite conditionnée par des influences hispaniques puis surtout gaéliques, auxquelles O’Faolain attribue le caractère rebelle de la ville, hostile, dit-il, à toute forme d’urbanisation. Un habitant de Galway auquel on demanderait d’énumérer quelques patronymes typiques de la ville ne citerait donc pas les noms d’origine normande – D’Arcy, Blake, Joyce, Lynch – mais les noms gaéliques tels que O’Flaherty, Laffey ou Hines53. La structure même de la ville matérialise le cours de ces événements historiques. Dernier avant-poste de l’autorité anglaise dans l’ouest, Castlebar porte les marques d’une ascendance étrangère (« alien genealogy54 ») et les casernes britanniques qui surplombent les modestes demeures des « autochtones » en contrebas, inscrivent dans l’espace la hiérarchie sociale qui régissait les rapports entre les populations qui la composaient à l’origine55.
- 56 Déjà entreprise depuis la fin du xixe siècle, cette instrumentalisation se confirma (...)
16Par cet ancrage historique, O’Faolain vise à réaffirmer le caractère composite ou hybride de l’identité de l’Irlande moderne pour mieux remettre en question les versions idéalisées du passé, popularisées par l’historiographie nationaliste56. Ainsi, la signature du Traité de Limerick en 1691 marquant la chute définitive de l’Irlande gaélique, l’Irlande de l’Etat libre est une Irlande anglicisée, une Irlande anglo-irlandaise, irrémédiablement marquée par les siècles d’occupation britannique. Elle est donc nécessairement le fruit d’un phénomène d’assimilation.
- 57 Sean O’Faolain, An Irish Journey, op. cit., p. 111. O’Faolain explique cette présen (...)
- 58 « Whenever I hear Irish Protestants suggesting that religion acts as a barrier to t (...)
- 59 Ibid., p. 103.
17Si la diversité religieuse est comme à Newry, Strabane, Armagh, mais aussi à Bantry, « ville frontière entre catholiques et protestants57 », source de tensions sectaires, elle ne saurait selon O’Faolain constituer un obstacle à la cohésion de cette Irlande moderne58. L’exemple le plus manifeste en est certainement Jasper Wolfe, que nous évoquions plus haut. Issu d’un milieu méthodiste en 1866, Wolfe, qui représenta longtemps les intérêts de la Couronne britannique en qualité de procureur, remporta à plusieurs reprises la circonscription de Cork West majoritairement catholique et nationaliste, dans les premières années de l’Etat libre. En constituant un produit de l’Irlande, en même temps qu’il contribua à en façonner l’identité, (« [Jasper] Wolfe and men like him are modern Ireland. It has made them and they have made it59 »), celui-ci incarne la possibilité de réconciliation entre les différentes traditions, qui par-delà toute sa diversité, constituent la véritable identité de l’Irlande.
18A la définition monolithique, figée, essentialiste d’une Irlande rurale, catholique et gaélique, An Irish Journey oppose la richesse d’une myriade d’identités distinctes. Par ses rappels historiques, O’Faolain y réaffirme en outre l’hybridité de l’Irlande dont la richesse tient à sa capacité à construire son identité sur l’amalgame de différents peuplements et traditions. Tandis que sa vision de l’ouest se lit comme une déconstruction de l’idéalisation d’une Irlande catholique et gaélique, l’étude des particularités des six comtés d’Irlande du Nord témoigne de la volonté de l’auteur de présenter une version de l’identité irlandaise très inclusive, en dépit de la frontière politique et administrative qui divise le territoire.
- 60 « For history is creative, not a frigidaire. It is largely the inevitability of things; lik (...)
- 61 Sean O’Faolain, The Irish (1947), Harmondsworth, Penguin, 1980, p. 44-45.
- 62 Ibid., p. 16.
- 63 Ibid., p. 11.
19La dimension historique de l’ouvrage reflète donc la conviction de Sean O’Faolain de la nécessité de réexaminer l’histoire irlandaise, et son intérêt tout particulier pour les figures de Daniel O’Connell et de Hugh O’Neill dont il rédigeait, à cette époque, les biographies60. Mais elle préfigure surtout The Irish, paru sept ans plus tard, dans lequel O’Faolain remet une nouvelle fois en cause la conception nationaliste d’une nation gaélique soudée contre les assauts de la conquête britannique61. O’Faolain y fait montre d’un même intérêt pour le vestige et pour la ruine62, et approfondit certains des arguments développés dans An Irish Journey. Cependant, renonçant cette fois à aborder son sujet depuis la géographie de l’Irlande pour privilégier l’histoire de son peuplement, il délaisse la posture de l’observateur et de l’anthropologue pour adopter une perspective plus historienne, semblable à celle choisie pour ses biographies. O’Faolain y propose surtout une étude de l’émergence de ce qu’il nomme l’« Esprit irlandais », forcé lors de chaque arrivée de nouveaux peuplements – gaélique, viking, normand – à se régénérer63, mais également nourri de ses contacts avec une culture européenne aussi riche que diverse. Reprenant plusieurs des thèses développées dans King of the Beggars (1938) et The Great O’Neill (1942), The Irish insiste sur la structure très hiérarchique mais aussi foncièrement tribale de l’ordre gaélique, incapable de se constituer en entité politique cohérente. Enfin, plutôt que d’appréhender les spécificités d’une communauté depuis ses rencontres dans chaque région avec des spécimens représentatifs d’un groupe, il propose alors une classification de la société irlandaise contemporaine en grands types généraux, hérités du processus historique qu’il décrit dans les deux premières parties de l’ouvrage. Ainsi, tant par leurs différences de démarche et de perspective, que par la nature des attaques qu’ils portent contre une lecture nationaliste de l’histoire, The Irish et An Irish Journey constituent des ouvrages tout à fait complémentaires.
Une vision singulière
- 64 Sean O’Faolain, An Irish Journey, op. cit., p. 183.
- 65 Sean O’Faolain, Constance Markievicz, op. cit., p. 32.
- 66 Ceci constitue un trait récurrent de l’œuvre de O’Faolain qui comparait volontiers (...)
- 67 Sean O’Faolain, An Irish Journey, p. 20, p. 140-141 et p. 150-151.
- 68 Ibid., p. 240. Voir également dans le même ouvrage p. 217-220.
- 69 Ibid., p. 134.
- 70 Ibid., p. 199.
- 71 Ibid., p. 200-201.Voir également dans le même ouvrage, p. 137.
20Comme The Irish, An Irish Journey est donc représentatif de la démarche profondément engagée de l’auteur, désireux de prendre part aux débats intellectuels de son temps. Cependant, l’engagement de O’Faolain se manifeste aussi par l’expression d’une subjectivité perceptible au fil du récit. Si celle-ci est d’abord mise en valeur par le contraste entre les portraits de personnages qui foisonnent dans le texte et les paysages déshumanisés de Paul Henry, elle se construit également par le recours à des images ou des procédés déjà à l’œuvre dans des fictions et biographies de O’Faolain, témoignant de l’usage d’une même mécanique stylistique. L’impression de stagnation qui se dégage de la campagne du Mayo entre Lough Carra et Lough Mask alors que tout mouvement se voit pris dans une forme de circularité (« The straight road seems endless, and so little presents itself to the eye to mark off distance that the motion of travel becomes like the movement of a whirling axle at its central, imaginary, point of rest64 ») fait ainsi écho à la monotonie des mœurs de l’aristocratie anglo-irlandaise décrite dans Constance Markievicz : « The life of County Sligo whose green and golden world turned on its axis as by the grace of God and the force of habit65. » La subjectivité de l’auteur se ressent encore dans le caractère autobiographique66 que prend le texte par endroits, lorsque O’Faolain évoque les lieux de son enfance, dans les environs de Castlecomer puis à Rathkeale, ou son expérience d’enseignant à Ennis67, et qui parasite la démarche anthropologique de l’ouvrage, puisque celle-ci suppose non pas une identification du sujet à son objet d’étude mais la distance et la neutralité d’un observateur extérieur. Elle transparaît enfin dans la formulation de commentaires sociaux qui préfigurent le réalisme journalistique de The Bell. Après avoir souligné le caractère arbitraire de la frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord qui ne répond à aucune logique identitaire, O’Faolain dénonce ainsi la ségrégation en place dans les six comtés du nord : « In short, this modern Ulster is pre-Emancipation. It lives by what made it; that superficial, coarse, and often brutal morality of the early nineteenth century which has frozen the faces of Carson and Craig out of all likeness to humanity68. » De même, son séjour sur les Blaskets lui permet de désacraliser ce territoire emblématique d’un mode de vie décrit dans The Islandman (« The Blaskets are not altogether magic69 »), dont il pût rencontrer l’auteur, Tomás Ó’Crohan, qui lui fit l’effet d’un « vieux prétentieux » (« pompous old man »). De même, son exploration des gaeltachts du Connemara et du Mayo souligne la richesse culturelle du monde gaélique, mais également la brutalité d’un climat qui rend la vie dans ces territoires extrêmement pénible. Dans les deux cas, O’Faolain remet en cause l’artificialité de la politique menée par le gouvernement pour promouvoir le gaélique : « The people [in North Mayo] are Irish-speaking, and they possess therefore a culture as rich as it is ancient. Let me not be misunderstood. I have small interest in the Gaelic Revival. As it is being worked it is a ramp, and a fake, and what is being revived is like rewarmed watery gruel70 ». Dénonçant l’instrumentalisation de la langue dans les centres urbains du pays, il recommande aux autorités de développer diverses infrastructures qui offriraient aux habitants un accès aux loisirs et à la culture, et permettraient d’endiguer l’émigration des jeunes générations depuis ces régions71. Nombreuses sont donc les traces de la subjectivité de l’auteur, de sorte que s’il se veut être un voyage à travers l’identité et le territoire irlandais, An Irish Journey constitue peut-être tout autant un voyage au cœur de l’identité intellectuelle de Sean O’Faolain.
Conclusion
- 72 « The articles and books he wrote on Italy opened a career for him as an internatio (...)
21Cet article s’est surtout attaché à montrer comment ce récit de voyage, publié à un moment charnière de la carrière de O’Faolain, met en évidence de nombreuses caractéristiques de son esthétique, tout en amorçant une progression dans sa démarche et dans sa carrière. An Irish Journey laisse d’abord transparaître certaines spécificités de ses récits de voyage ultérieurs. A Summer in Italy témoigne toujours de la même curiosité anthropologique, du même désir de décrire les mœurs des habitants – comme le rapport particulier des Italiens au catholicisme – ou de restituer des accents. O’Faolain y recherche encore une proximité avec son sujet, privilégiant l’intimité de ses rencontres avec des personnages représentatifs d’une région ou d’un caractère. Toujours autant imprégné d’histoire, ce récit est encore l’occasion de croiser des figures aussi illustres de l’histoire italienne que Giuseppe Garibaldi ou Giuseppe Mazzini. Cependant, entrepris à la demande de Graham Greene et financé par la maison d’édition Eyre & Spottiswoode, A Summer in Italy n’est pas inspiré par la même nécessité de prendre part à un débat identitaire semblable à celui qui sous-tend An Irish Journey, et ne répond pas aux mêmes enjeux72. Très autobiographique, puisque O’Faolain y évoque notamment sa relation avec Honor Tracy, ce récit aborde des thèmes tels que le fonctionnement de la mémoire, également très présents dans ses fictions de cette période.
- 73 Sean O’Faolain, An Irish Journey, p. 204-213.
- 74 Sean O’Faolain, « This is Your Magazine », The Bell, vol. 1, n° 1 (October 1940), p. 7.
- 75 Sean O’Faolain, An Irish Journey, op. cit., p. 277.
- 76 « For Sean O’Faolain is The Bell. He is not just a figurehead – he is the magazine (...)
22D’autre part, les commentaires de An Irish Journey sur une réalité sociale, politique, économique de l’Irlande, annoncent l’approche plus journalistique de The Bell. Ainsi, O’Faolain superpose à la vision « romantique » de la région de Sligo, empreinte de mythologie gaélique, une section « réaliste73 » dans laquelle il compare les prix des denrées alimentaires à ceux de Cork, et dénonce l’inefficacité de la municipalité ou les problèmes sanitaires causés par le manque d’infrastructures. Enfin la restitution des propos tenus par les divers individus rencontrés annonce la place qui sera accordée dans The Bell aux témoignages d’anonymes, dont la juxtaposition contribuera non seulement à représenter l’identité de l’Irlande mais aussi à la construire. Comme l’écrit O’Faolain dans son premier éditorial « This is Your Magazine » : « Only the people can create an image of themselves74. » Ainsi, lorsqu’il conclut son tour d’Irlande par une présentation très critique de Dublin, O’Faolain ne manque pas de citer l’article d’un lecteur dans The Irish Press s’insurgeant contre la promotion par le gouvernement Fianna Fáil d’un état gaélique recroquevillé sur lui-même, imperméable à toute influence culturelle extérieure, dans lequel il voit l’expression de la volonté d’une nouvelle génération de façonner son identité : « It was the first sign I saw of the rise of the new generation, and of its effort to mould life to its own needs and in the light of its own time75 ». Rédacteur en chef de The Bell jusqu’en 1946, Sean O’Faolain imposera toujours, dans une certaine mesure, sa propre vision sur le magazine76. Cependant, ainsi que l’affirme Kelly Matthews, la nature très hétérogène des textes sélectionnés – articles sociologiques, essais, témoignages, fictions – ainsi que la diversité des auteurs – à la fois écrivains professionnels ou simples anonymes – font que The Bell ne saurait être considérée comme l’œuvre d’un seul individu. C’est précisément cet effet de fragmentation kaléidoscopique produit par la multiplicité des perspectives et la diversité des articles, que le périodique parviendra à gagner en objectivité et à produire une image plus fidèle de l’identité irlandaise.
Notes
1 The Life Story of Eamon De Valera (1933), De Valera, A New Biography (1939), Constance Markievicz or the Average Revolutionary (1934) et King of the Beggars (1938).
2 Sean O’Faolain, An Irish Journey [1940], London, Longmans, Green & Co., 1941, p. 183.
3 Ibid., p. 153.
4 Ibid., respectivement p. 100, p. 93, p. 113 et p. 182.
5 Vivian Mercier, « Literature in English, 1921-84 », J. R. Hill (ed.), A New History of Ireland, vol. 7: Ireland 1921-1924, Oxford, Oxford University Press, 2003, p. 495.
6 Sean O’Faolain, An Irish Journey, p. 172. Voir également Sean O’Faolain, « Don Quixote O’Flaherty », The London Mercury, vol. 37, n° 218 (December 1937), p. 170-175.
7 « For there is no use in pretending about the west. It is magic, but it is also frightening. […] Ireland is more than a floating raft on a holiday sea. Half Connemara is uneconomic. As with Cape Clear, the thing about it is not the land but the people – their magnificent fight against the bare teeth of Connaught rock, and the spitting mouth of the ocean. » (Sean O’Faolain, An Irish Journey, p. 155.) Voir également dans le même ouvrage, p. 152, p. 200 ou encore p. 133.
8 Ibid., p. 107.
9 Ibid., p. 108.
10 Ibid., p. 180-181.
11 Voir Daniel Corkery, The Hidden Ireland (1924) et Synge and Anglo-Irish Literature (1931).
12 « Although Ireland was independent, it was still not unified in any cultural sense: the people of its regions remained strange, even mysterious, to one another. » (Declan Kiberd, « Perfect Furrow: review of Kelly Matthews, The Bell Magazine and the Representation of Irish Identity: Opening Windows », The Times Literary Supplement (4 January 2013).)
13 Sean O’Faolain, An Irish Journey, op. cit., p. 13.
14 Ibid., p. 102.
15 Ibid., p. 130-131.
16 Ibid., p. 162 et p. 177.
17 « You will not meet an ancient inland church, chapel, monument, or stone of any kind […]. » (Ibid., p. 177.)
18 Ibid., p. 108.
19 Ibid., p. 175.
20 Sean O’Faolain, Constance Markievicz [1934], London, The Cresset Library, 1987, p. 17.
21 Ibid., p. 17.
22 Thomas Pavel, La Pensée du roman, Paris, Gallimard, 2003, p. 234-238 et p. 278. Pour Pavel, le développement du roman réaliste dans la littérature européenne serait né des tentatives modernes d’insérer dans « le monde de l’expérience quotidienne », la conception de la perfection humaine telle qu’elle était véhiculée par les genres narratifs prémodernes et le roman ancien.
23 Sean O’Faolain, « Kitty the Wren », Collected Short Stories, 3 vols., Harmondsworth, Penguin, 1982-1986, p. 212-224.
24 Sean O’Faolain, An Irish Journey, p. 188. La Puck Fair, célébrée en août à Killorglin, dans le Kerry, ou encore l’adoration du « bouc de Noël » dans la péninsule de Dingle, offrent deux autres exemples de pratiques païennes subsistant dans d’autres régions d’Irlande. Voir Ibid., p. 129.
25 « At last my train for Galway came in and I faced for the true west. It was a packed train, and it contained a mob of people coming back from some big hurling match somewhere up the line. As I passed the corridors looking for a seat, bursts of song came out of the carriages, and the lovely wild, dark eyes stared up at me out of pale faces – the real “blue eyes put in with sooty fingers” of the Connaught folk. Nobody entering that train but must, as I did, have felt himself about to penetrate a hinterland. The old potency of the west began to take me by the throat. » (Ibid., p. 156.)
26 Ibid., p. 164.
27 Ibid., p. 173.
28 Ibid., p. 22-23.
29 Ibid., p. 91 et p. 89.
30 Ibid., p. 127, p. 174, p. 175, p. 178, p. 200 et p. 235.
31 Ibid., p. 45.
32 « Lift the latch in any promising house, and share the hearth with the people. » (Ibid., p. 174.)
33 Sean O’Faolain, « The Dilemma of Irish Letters », The Month, vol. 2, n° 6 (December 1949), p. 377. Notons également que O’Faolain louait les nouvelles de Frank O’Connor réunies dans Bones of Contention (1936), précisément parce qu’elles proposaient une plongée au cœur de la nature même des Irlandais : « a book which does reveal and does dig into the nature of our people. » (Sean O’Faolain, « Book Reviews », Ireland To-day, vol. 1, n° 1 (June 1936), p. 75.)
34 Sean O’Faolain, Constance Markievicz, op. cit., p. 18.
35 Sean O’Faolain, De Valera, A New Biography, Harmondsworth, Penguin, 1939, p. 13.
36 « Maybe it is because Bantry is a kind of frontier town between Catholic and Protestant. Nowhere else have I seen the two come so close together at such a raw stage of development – the moujik natives down from the mountains, the old conquerors entrenched in their forts on the edge of the lovely sea. » (Sean O’Faolain, An Irish Journey, op. cit., p. 111.)
37 Ibid., p. 132.
38 Ainsi, dans sa biographie The Great O’Neill, Turlough Luineach O’Neill (cousin et rival de Hugh O’Neill) ressemble par exemple à une figure échappée du Tain, et incarne à ce titre un monde gaélique archaïque. O’Neill au contraire est un personnage pivot, dans lequel s’incarnent des changements entre période médiévale et Renaissance. Voir Sean O’Faolain, The Great O’Neill, [1942], Cork/Dublin, Mercier Press, 1997.
39 Sean O’Faolain, « Eamon De Valera », The Bell, vol. 10, n° 1 (April 1945), p. 10.
40 Sean O’Faolain, The Story of Ireland, [1943], London, Collins, 1946, p. 37. Voir également An Irish Journey, p. 117.
41 Sean O’Faolain, The Story of Ireland, op. cit., p. 39.
42 Sean O’Faolain, An Irish Journey, op. cit., p. 105.
43 Ibid., p. 13.
44 « Neddy wears riding-breaches. He speaks in terms of half-dollars and odds. […] As he comes home from school he discusses the hopes and weights of the jockeys, the victories and defeats of the trainers. » (Ibid., p. 14.)
45 Ibid., p. 145.
46 Ibid., p. 148. La description d’Athenry, offre un autre exemple de personnification : « [Athenry] cowers from this unseasonable wind. » (Ibid., p. 154.) Voir encore sur ce même point la description de Sligo, p. 204.
47 Voir Brian Kennedy, « Paul Henry : An Irish Portrait », The GPA Irish Arts Review Yearbook, (1989-1990), p. 50.
48 Sean O’Faolain, An Irish Journey, op. cit., p. 132.
49 Ibid., p. 116.
50 « There is hardly a field about this old town which does not, for that siege and battle, still the mind with memories. Here in this dyke, overrun by brambles, the Irish dead were piled. There a farm carried the word of “slaughter” in its Gaelic name – Cnocanair. If you go for a walk here with a local inhabitant, he will, as casually as inevitably, interrupt the conversation, as you pass from vantage point to vantage point over the rolling hills, to indicate where O’Donnell approached the town, where the English trenches lay, where Carew encamped. One picks (even still) musket bullets out of the ground. The impress of that siege and battle is as fresh in Kinsale as if it were only yesterday that the Irish burst on the English camp at dawn and found to their dismay the troops ready and waiting. » (Ibid., p. 93)
51 Jacques Rancière, « Témoignage et écriture », conférence enregistrée au Collège de France, 10 mars 2009.
52 Sean O’Faolain, An Irish Journey, op. cit., p. 94.
53 Ibid., p. 162. « A Broken World », nouvelle extraite du recueil A Purse of Coppers paru en 1937, propose une réflexion semblable sur la construction de l’identité d’un territoire par l’histoire de son peuplement. Voir Sean O’Faolain, « A Broken World », Collected Short Stories, op. cit., p. 165-166.
54 Sean O’Faolain, An Irish Journey, p. 184.
55 Voir également sur ce point : « Observe the history of Ireland in the lay-out of Limerick. […] » (Ibid., p. 142-143.)
56 Déjà entreprise depuis la fin du xixe siècle, cette instrumentalisation se confirmait sous l’État libre. Comme en témoignent les programmes d’histoire de 1922, l’écriture et l’enseignement de l’histoire visait à promouvoir une identité nationale gaélique et à restaurer un sentiment de fierté nationale. Voir sur ce sujet : Roy F. Foster, The Irish Story: Telling Tales and Making It Up in Ireland [2001], Oxford, Oxford University Press, 2002, p. 41, F. T. Holoran, « History teaching in the Irish Free State, 1922-1935 », History Ireland, vol. 2, n° 4 (Winter 1994), p. 53 et Karin Fischer, L’Histoire irlandaise à l’école en Irlande, 1921-1966, thèse de doctorat effectuée sous la direction de M. le Professeur Paul Brennan, Université de Caen, 2001.
57 Sean O’Faolain, An Irish Journey, op. cit., p. 111. O’Faolain explique cette présence protestante par le fait qu’avant que l’Irlande accède à son indépendance, des troupes anglaises étaient stationnées dans la baie de Bantry et la péninsule de Beara.
58 « Whenever I hear Irish Protestants suggesting that religion acts as a barrier to the coalescing of the various elements in modern Irish life I think of men like Jasper Wolfe. At times differences of birth may make the coalition difficult, as they do everywhere; religion, never. » (Ibid., p. 105.)
59 Ibid., p. 103.
60 « For history is creative, not a frigidaire. It is largely the inevitability of things; like tradition it evolves and creates; it is not just something that people make. History has gone on abandoning its young. […] But traditions can die, nevertheless. They die, not for being interfered with but for not being interfered with. Tradition is like the soil that needs turning over, compost, change of crops. It has to be manhandled, shaken up – and sometimes given a rest. It is not those who question ritual who kill it. They get to know it better, and add to it by that knowledge, and add to it even while they rebel against it. But those who examine nothing and question nothing, end by knowing nothing and creating nothing. They are creatures of lethargy and their conformity is a mere excremental whiteness, as Milton called unpractised virtue. » (Sean O’Faolain, « 1916-1941: Tradition and Creation », The Bell, vol. 2, n° 1 (April 1941), p. 7 et p. 11.)
61 Sean O’Faolain, The Irish (1947), Harmondsworth, Penguin, 1980, p. 44-45.
62 Ibid., p. 16.
63 Ibid., p. 11.
64 Sean O’Faolain, An Irish Journey, op. cit., p. 183.
65 Sean O’Faolain, Constance Markievicz, op. cit., p. 32.
66 Ceci constitue un trait récurrent de l’œuvre de O’Faolain qui comparait volontiers le processus d’écriture aux sillons de la coquille du nautile suivant une spirale orientée vers son centre. Voir Sean O’Faolain, Vive Moi!, Boston, Little, Brown & Co., 1964, p. 253-254.
67 Sean O’Faolain, An Irish Journey, p. 20, p. 140-141 et p. 150-151.
68 Ibid., p. 240. Voir également dans le même ouvrage p. 217-220.
69 Ibid., p. 134.
70 Ibid., p. 199.
71 Ibid., p. 200-201.Voir également dans le même ouvrage, p. 137.
72 « The articles and books he wrote on Italy opened a career for him as an international journalist writing for glossy American magazines that paid well. […] The cosmopolitan European writer replaced the embattled Irish intellectual. » (Maurice Harmon, Sean O’Faolain, A Life, London, Constable, 1994, p. 165.)
73 Sean O’Faolain, An Irish Journey, p. 204-213.
74 Sean O’Faolain, « This is Your Magazine », The Bell, vol. 1, n° 1 (October 1940), p. 7.
75 Sean O’Faolain, An Irish Journey, op. cit., p. 277.
76 « For Sean O’Faolain is The Bell. He is not just a figurehead – he is the magazine […]. » (Vivian Mercier, « The Fourth Estate: VI. – Verdict on The Bell », The Bell, vol. 10, n° 2 (May 1945), p. 157, cité dans Kelly Matthews, The Bell Magazine and the Representation of Irish Identity: Opening Windows, op. cit., p. 30.)
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
François Sablayrolles, « Représentations de l’identité irlandaise dans An Irish Journey de Sean O’Faolain », Études irlandaises, 40-1 | 2015, 339-355.
Référence électronique
François Sablayrolles, « Représentations de l’identité irlandaise dans An Irish Journey de Sean O’Faolain », Études irlandaises [En ligne], 40-1 | 2015, mis en ligne le 30 juin 2017, consulté le 14 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesirlandaises/4643 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesirlandaises.4643
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page