Créer une police nouvelle pour un « État libre » : aux origines de la Garda Síochána (1922-1925)
Abstracts
When the Irish Free State came into being, following the London Treaty of December 1921, it seemed obvious that the police, along with all other public bodies, would strike out in a different path. But setting up a new police force, as well as creating a new political order, was not an easy task in these early and unstable years. State legitimacy was challenged and its existence disputed, the outcome was the Civil War. In such particular circumstances, the defining features of the Royal Irish Constabulary (RIC) shaped a range of of basic aspects of the Civic Guards: a highly centralized force, much open to political involvement, and a lack of democratic governance and accountability.
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1Si l’avènement d’un État nouvellement indépendant incarne radicalement le nouvel ordre politique, il n’en va pas nécessairement de même lorsqu’il donne naissance à une force publique nouvelle, d’autant qu’il n’a souvent que très peu de temps pour la créer. Par ailleurs, la mise en place d’une force publique, dont la vocation est de permettre à l’État de revendiquer avec succès le monopole de la coercition légitime, prend un relief particulier lorsque précisément la légitimité de l’État est remise en cause par une fraction de la population. Ce fut le cas de l’État Libre d’Irlande dont la contestation de la légitimité, fondée sur le Traité de Londres signé le 6 décembre 1921, dégénéra en guerre civile, en opposant deux polarités idéologiques et politiques. L’une, rassemblant les opposants du Traité, procède du romantisme révolutionnaire et d’un nationalisme ethnique, sur une base fortement localiste, dans le droit fil de la tradition des Public Bands. L’autre, à l’inverse, réunit les Free Staters, dont les leaders embrassent une légitimité « légale-rationnelle », et qui ambitionnent d’ériger un appareil administratif moderne, au service d’un régime démocratique et libéral. Cette opposition s’exprimera avec acuité à travers la recherche d’un ordre public démocratique. Enfin, à la radicalité de la rupture dans l’ordre politique répond la survivance des traits de l’ancien ordre policier, qu’il s’agisse de pesanteurs objectives ou d’héritages assumés. De ce point de vue, le paradigme des études postcoloniales, en fort développement depuis une dizaine d’années, apporte un éclairage nouveau.
L’État Libre d’Irlande, fort de sa souveraineté interne, doit établir une force publique sans modèle préconçu et dans un délai très court
2Une fois le statut de Dominion obtenu par le Traité de Londres du 6 décembre 1921 et ratifié par le Dáil le 7 janvier 1922, le gouvernement provisoire de l’État Libre s’employa à mettre en place des institutions, dont la moindre n’était pas celle ayant vocation à revendiquer avec succès le monopole de la coercition légitime. Tâche d’autant plus ardue et périlleuse qu’elle devait être l’œuvre d’un État peu assuré de sa légitimité et dans des circonstances politiques pour le moins incertaines. Il n’en demeurait pas moins que les institutions de l’État Libre devaient être effectives le 5 décembre 1922, selon les termes du traité anglo-irlandais.
- 1 Conor Brady, The Guardians of the Peace, Gill and Macmillan, Dublin, 2000. pp 37-38.
- 2 La DMP tient une place particulière au sein de l’appareil policier britannique en Irlande. (...)
3Dès le mois d’août 1921, soit trois semaines après la trêve conclue avec les Britanniques qui marque la fin de la Guerre d’Indépendance, Michael Collins et Sir Hamar Greenwood, Secrétaire d’État pour l’Irlande, s’étaient entretenus de l’avenir de la police. À en croire Conor Brady1, ce serait à ce moment-là que fut décidé le démantèlement de la Royal Irish Constabulary (RIC), mais également le maintien de la Dublin Metropolitan Police (DMP)2.
- 3 « G Division » pour « Government Division ».
4Ce fut en effet dès le mois de septembre 1921 que Michael Collins s’était attaché à nouer des contacts avec des agents de la RIC et de la DMP. Parmi ceux-ci David Neligan et Eamon Broy comptèrent beaucoup ; véritables agents de renseignement, ils officiaient au sein de la fameuse « G Division3 », police politique en lutte contre le « terrorisme » des Républicains.
- 4 Austin Stack fut le commandant de la brigade du Kerry des Volontaires Irlandais au moment d (...)
- 5 L’Irish Republican Police était la contre-police émanant de l’IRA et qui entendait (...)
5En janvier 1922, Eamon Duggan succéda à Austin Stack4 comme ministre de l’Intérieur. Il lui incombait par conséquent la responsabilité de restaurer l’ordre public, à travers la mise en place de la police, mais aussi d’un nouveau système juridictionnel. C’est en février 1922, que Collins sélectionna dans l’urgence certains de ses amis, membres de l’IRA, pour constituer un comité ad hoc, chargé de mettre en place la police de l’État Libre. La présidence du comité revenait à Michael Staines, député et chef de l’Irish Republican Police (IRP)5, qui devint naturellement premier préfet de Police.
6La séance inaugurale du comité se tint à l’hôtel Gresham de Dublin le 9 février 1922. En trois semaines, il allait jeter les fondations de l’institution policière. Le comité devait aller d’autant plus vite que le démantèlement de la RIC devait intervenir le 20 février, et que tout recrutement avait cessé depuis le 11 juillet 1921. Mais les obstacles rencontrés étaient tels que l’opération dut être étalée jusqu’à la fin du mois d’août. Une difficulté, aux conséquences lourdes, n’était pas tant le reclassement d’anciens policiers de la RIC pour lesquels l’engagement républicain était avéré que l’intégration des éléments de l’Irish Republican Police, véritable bras séculier des juridictions républicaines, les Dáil Courts. Michael Collins ressentait une certaine défiance à l’égard de cette contre-police constituée des activistes de l’IRA, au point qu’il n’hésitera pas à demander aux autorités britanniques de suspendre la démobilisation de la RIC le 15 mars 1922.
7En matière de recrutement, ce sont les services de renseignement de l’IRA qui opéraient localement avant d’envoyer des recrues présélectionnées à Dublin. Le 20 février 1922, J.J. McInnimey devint le premier gardien de la paix qui se dénommait alors Civic Guard.
8Mais la construction de l’édifice policier, notamment à travers le recrutement, se déroulait sur fond de guerre civile larvée. La jeune police n’échappait pas au conflit politique opposants les anti-traité et les pro-traité, même si ces derniers étaient nettement majoritaires au sein de la police en devenir.
- 6 Cathal Brugha fut un militant très actif de la Gaelic League et de la Gaelic Athletic Leagu (...)
- 7 Gregory Allen, The Garda Síochána: Policing Independent Ireland, 1922-82, 1999: Dublin, Gil (...)
- 8 Oriel House, qui se situe sur la place Merrion à Dublin, est le siège du service des opérat (...)
9Austin Stack et Cathal Brugha6, opposants les plus résolus au Traité de Londres ne manquèrent pas de faire savoir que la moindre tentative de créer une police à la place de la police républicaine constituerait une atteinte intolérable à la souveraineté du Dáil issu des élections de 1919. Mais peu à peu, l’idée de la création ex-nihilo d’une police l’emporta ; du reste, Eamon Duggan confirma bien devant le Dáil le 28 février 1922, en réponse à Austin Stack, que « Les volontaires de la police républicaine avaient rejoint leurs unités et que l’armée assurait de manière temporaire les missions de police7 ». Par la suite, des lettres envoyées par le Dáil Police Department, informaient les policiers de l’IRP qu’ils étaient relevés de leurs fonctions ; ils devaient en outre remplir un formulaire de candidature à retourner à Oriel House8.
10La démobilisation précipitée de la RIC pousse le gouvernement provisoire à entamer les opérations de recrutement de la nouvelle force publique dès la fin du mois de février. Le 7 mars, l’Irish Independent confirme la création d’une police nouvelle, l’alternative proposée par Austin Stack était définitivement écartée.
- 9 Donald J. O’Sullivan, “The disbandment of the RIC”, Siochan, décembre 1997, p. 85.
11Au-delà des circonstances politiques qui président au recrutement de ces Civic Guards, les difficultés rencontrées par les jeunes policiers sont aussi d’ordre matériel. Les installations laissées vacantes par les membres de la RIC étaient détruites par les opposants du Traité qui souhaitaient ainsi empêcher la substitution du nouvel ordre policier à l’ancien. Les policiers de la RIC étaient par ailleurs retardés pour rejoindre leurs centres de démobilisation, attendu qu’ils constituaient des cibles idéales pour certains combattants républicains de la « onzième heure9 ».
- 10 Archives nationales, ministère de la justice, 4/140.
- 11 Archives nationales, H99/30, 4 septembre 1922.
12La montée en puissance de la jeune police n’en demeurait pas moins vigoureuse : pendant le premier semestre de 1922, 4 300 policiers sont recrutés et répartis dans 21 circonscriptions. Pour armer ces policiers, Michael Collins doit procéder dans l’urgence à la réquisition de 30 véhicules de la RIC, de 100 fusils Lee-Enfield et de 70 revolvers Webley10. Dès septembre 1922, l’adjoint au préfet de police, Patrick Brennan, en charge du recrutement, prend des mesures de nature à garantir l’anonymat des candidatures, notamment dans les régions où les Irréguliers sont fortement présents11. En effet, les obstacles qui allaient mettre à l’épreuve les premières recrues n’étaient pas rares à en croire Eoin O’Duffy, successeur de Michael Staines nommé le 9 septembre 1922 :
- 12 « History of the Garda Síochána », Garda Review, mars 1929, p. 331.
They were arrested, kidnapped, held in custody and threatened: attempts were made to extort pledges of neutrality from them. […] They were held up, turned back, arrested and threatened with the most severe penalties. The object was to strangle the infant Garda at its birth12.
- 13 Les officiers avaient été sélectionnés par un comité spécial, placé sous la tutelle du mini (...)
- 14 Brady, op. cit, p. 38.
13Devant un recrutement aussi important de jeunes, sans expérience policière de surcroît, la question de l’encadrement et de l’instruction se posait avec d’autant plus d’acuité. L’encadrement de la nouvelle police nécessitait la nomination d’officiers, postes qui étaient par la force des choses accessibles aux seuls officiers de la RIC13. Les premiers policiers recrutés durent d’autant mieux être encadrés que leur recrutement se faisait sur la base de leur engagement politique. De février à mai 1922, sur les 1500 policiers en formation ou affectés, 86 % venait des rangs de l’IRA, seuls 5 % étaient issus de la Irish Republican Police. 3,6 % avaient servi dans la RIC, mais étaient clandestinement des membres de l’IRA. Dix ans plus tard, en 1932, les membres de l’IRA ne comptaient plus que pour 55 % des effectifs14.
- 15 Ibid., p. 40.
14Ces policiers étaient très représentatifs (à l’exclusion des femmes) de la société irlandaise de l’époque, même si la surreprésentation des membres de l’IRA est corrélée à celle des régions de l’ouest, traditionnellement les plus actives au service de la cause nationaliste. Les comtés de Clare, de Galway, de Limerick, de Leitrim, de Mayo, de Tipperary et de Longford représentent 53 % des effectifs, à raison de leur origine, alors que ces sept comtés représentaient à peine 1 % de la population irlandaise de 192615. 55 % des policiers étaient des fermiers et des ouvriers agricoles avant d’intégrer les rangs de la Garda Síochána.
Revendiquer avec succès le monopole de la coercition légitime : la mutinerie de Kildare
15En prévision de la Foire de Printemps de 1922, les policiers en formation durent évacuer le site de Ballsbridge à Dublin, où ils avaient été rassemblés, avant la fin du mois d’avril. C’est le 25 de ce mois que les quelque 1500 recrues évacuèrent les lieux à destination de Kildare. Sur place, ils devaient emménager dans une caserne désaffectée. Mais l’arrivée des Civic Guards ne se présentait guère sous les meilleurs auspices. Reçus fraîchement par les hommes de la Free State Army, et en butte à l’hostilité à peine voilée de soldats britanniques sur le départ, les policiers prirent leurs quartiers dans une des ailes les plus délabrées du bâtiment.
16Les conditions matérielles déplorables étaient de nature à causer beaucoup d’amertume. En effet, la partie du bâtiment en question n’était autre que les écuries de l’ancienne garnison britannique. Le bâtiment, mal chauffé, était exposé au froid du mois d’avril, et l’irritation des occupants allait vite se transformer en exaspération lorsqu’ils se rendirent compte qu’ils étaient surveillés par des sentinelles armées. Conor Brady rapporte le témoignage amer d’un policier :
- 16 Ibid., p. 53. C’est nous qui traduisons.
Le camp était divisé en huit lignes de huttes, parallèles les unes aux autres, avec une compagnie de cent hommes par ligne… Nous n’avions pas de cuisine, seulement une cafétéria, où l’on cuisinait du mieux que l’on pouvait […] le dîner se résumait au bœuf bouilli, les tasses étaient rares, on utilisait de vieilles boîtes de corned-beef16.
- 17 J.N. Shaw (sergeant), “In the beginning”, Garda Review, janvier 1976, pp. 19-23, Ja (...)
17Ces circonstances allaient favoriser une indiscipline généralisée ; de nombreux témoignages font état d’incidents liés à l’usage anarchique d’armes à feu17. Cette indiscipline était aussi liée aux problèmes d’alcoolisme qui gagnaient une fraction des policiers, comme en témoigne Gregory Allen :
- 18 Pioneers on the beat, Gregory Allen, Siochan, mars 1992, p. 99.
Under the ad hoc command of confused officers, and without motivation, it was not surprising that some of the young men slipped into bad habits, and the local shopkeepers began to count the cost18.
- 19 B. Mac Carthy, The Civic Guards Mutiny, Cork, Mercier Press, p.32.
18Un comité de policiers s’était organisé autour de Daly, meneur hostile au Traité de Londres. La nomination, le 6 avril 1922 comme adjoint au Préfet de Police, de Patrick Walsh, issu des rangs de la RIC, alluma le feu de la contestation. Mais le déclencheur de la mutinerie sera la nomination le 11 mai 1922 de cinq anciens policiers de la RIC, et notamment celle de John Kearney qui avait joué un rôle clé dans l’arrestation de Roger Casement, mais également dans celui de son évasion19. Le comité d’insurgés fit main basse sur une partie du stock d’armes de la caserne. Il provoqua également l’élection par les huit compagnies que comptait le camp d’un nouvel Etat-Major, en lieu et place du Préfet de Police et de ses subordonnés.
- 20 C’est à dire le Palais de Justice de Dublin.
- 21 Brady, op. cit., p. 39-40.
19Dès le 22 mai, le gouvernement fit des ouvertures aux mutins ; Patrick Brennan et Sean Liddy étaient invités à rencontrer Michael Staines et Eamon Duggan. La situation devenait d’autant plus critique qu’il fallait tenir compte de l’occupation par les Irréguliers des Four Courts20 à Dublin, aggravant le risque d’une guerre civile. Dans la dernière semaine de mai, Michael Collins lui-même se rendit, selon Conor Brady21, à quatre reprises à Kildare. Devant l’imminence d’une guerre civile, Collins était persuadé qu’il fallait transiger avec les mutins. Les traitements suspendus depuis le début de la crise, étaient versés dès le 21 juin. Collins s’engagea par ailleurs à nommer les officiers contestés sur des postes de conseillers ou d’instructeurs au sein de l’armée.
20Les élections législatives de 24 juin 1922 renforcèrent au sein du Dáil les partisans du Traité de Londres, et partant celle du gouvernement. Kevin O’Higgins, nommé ministre de la Justice, se rendit au camp de Kildare, fit savoir que le gouvernement « oublierait » la mutinerie, qu’un nouveau préfet de police serait nommé et qu’une enquête serait diligentée pour connaître les causes de ces événements. Dans ses conclusions, transmises au gouvernement provisoire dès le 7 août, le rapport co-rédigé par deux hauts fonctionnaires, O’Shiel et Mac Auliffe, insista sur le rôle important joué par des éléments travaillant pour le compte des Irréguliers, en désignant
- 22 Mac Carthy, op. cit., p.57.
a small faction of Irregulars Civic Guards as the principal lever in their attempt to organise “the smashing” of the Civic Guard completely, or, at least, rendering it helpless22.
21Dans ces conditions, il parut crucial aux yeux des auteurs du rapport de désarmer les policiers. En effet, la conséquence la plus importante de la mutinerie fut de faire des Civic Guards des policiers non-armés, alors que le comité pour l’organisation de la police s’était prononcé en faveur de leur armement.
22Par conséquent, la volonté de ne pas armer la police tenait de l’illusion rétrospective, et ce d’autant plus que le préfet de police O’Duffy se fit l’avocat de l’armement des policiers suite aux raids organisés par l’IRA contre les postes de police à la mi-novembre 1926. Cette recommandation, longtemps restée secrète, fut pourtant avancée par le chef de la police :
- 23 Ibid., p. 25.
I have come to the conclusion, after full consideration and consultation with the senior officers that the time has now arrived when I, with a full sense of my responsibility in the matter, should request authority to arm the force23…
23Par ailleurs la décision de désarmer la police suite à la mutinerie de Kildare, présentait l’avantage d’envisager avec sérénité l’intégration de la Dublin Metropolitan Police, comme le rappelle Gregory Allen :
- 24 Ibid., p. 5.
The disarming of the Garda Síochána in 1922 enabled the government of the Irish Free State to proceed with the plan to amalgamate the two police forces long sought by the Irish Office in Whithehall, where the DMP as an unarmed force was perceived as an obstacle to the desired end24.
24Ce statut de police sans arme était d’autant plus ancré qu’il avait survécu à plusieurs projets visant à en doter les agents de la DMP, comme le précise Gregory Allen :
- 25 Allen, Arms, the DMP and 1916, Garda Review, septembre 1977.
An attempt to arm the Dublin Police was made in the aftermath of the 1916 Rising. Rifles were distributed to all stations in the metropolitan area, and the constables paraded on Dollymount strand for training in the use of fire arms. The move coincided with agitation for more pay, and the Ancient Ordre of Hibernians stepped in to organise the campaign for the men. Amid rumours of an impending police strike, the rifles were withdrawn25.
- 26 Archives de l’université de Dublin (UCD), P7/A/33.
25Par la suite, la question du port d’arme pour les policiers de la DMP avait déjà été évoquée au moment de la négociation du Traité de Londres. En effet, Sir Mark Beresford Sturgis, haut fonctionnaire anglais en poste en Irlande, devant l’insécurité qui gagnait Dublin, avait fait la proposition d’armer les agents de la DMP. Mais d’autres y voyaient un coup funeste porté à son statut particulier, d’autant que les conditions conclues au moment de la trêve n’envisageaient pas une telle possibilité26.
- 27 State paper office, Taoiseach S5260.
26La question de l’armement des policiers fut définitivement tranchée par une décision du conseil des ministres en date du 24 janvier 192727. Suite à la mutinerie de Kildare, nombreux étaient donc les périls qui guettaient la jeune police de l’État libre, d’autant que la guerre civile semblait désormais inévitable. Le bombardement des Four Courts commença le 28 juin 1922 à 4 heures du matin. La question de la posture des policiers dans le conflit allait se poser avec d’autant plus d’acuité que les premières affectations à l’issue de leur formation intervenaient dès le milieu du mois de juin.
À la recherche d’un ordre public démocratique
27Dès 1922, on peut considérer que l’établissement d’un ordre politique démocratique n’a rien d’évident compte tenu des turbulences que connaît le pays depuis 1913. Le tableau dressé par G. Allen est éclairant à cet égard :
- 28 UCD, P7B/70, 2, 1er septembre 1922.
The foundations of civil government were crumbling. Decrees of the courts were not being executed. Debts could not be collected, credit was no longer available; commercial life was at a standstill. With employment rising, O’Higgins feared a social crisis in the winter that would ‘shatter all hope of founding a democratically governed Irish Free State’28.
28Mais également en raison de l’établissement d’une communauté et d’un régime politiques à partir du principe démocratique non expérimenté jusqu’alors. Comme le rappelle Tom Garvin dans son ouvrage consacré à la naissance de la démocratie irlandaise :
- 29 Tom Garvin, The Birth of Irish Democracy, p. 143.
[L]a possibilité qu’offrait un État libre et démocratique constituait un traumatisme pour beaucoup de républicains, qui étaient persuadés, sous l’effet de la propagande de De Valera et Gallagher que le suffrage démocratique était corrompu, en raison du comportement soit lâche soit vénal des électeurs. À ce stade d’une culture pré-politique, l’ensemble du processus électif, libéral et démocratique, était une véritable révélation29.
29Malgré la guerre civile, les recrutements reprirent dans le courant de l’été. Les Civic Guards commençaient à gagner une certaine notoriété publique, notamment lors des obsèques de Michael Collins, en août 1922, où ils apparurent en tenue d’apparat. Pourtant, tout restait à faire afin qu’ils puissent constituer les vecteurs et les garants d’une souveraineté étatique, à travers l’institution d’un ordre public démocratique. Mais c’est précisément le défaut d’un consensus autour de la légitimité de l’État Libre qui mettait à mal cette entreprise. En effet, la notion d’ordre public renvoie à un certain ordonnancement politique et constitutionnel, qu’une fraction de la population rejetait. Tom Garvin met en exergue cette difficulté :
- 30 Ibid., p.119.
[L]a période 1913-1923 a eu pour effet de favoriser un état d’anomie, et puisque les leaders du mouvement indépendantiste eux-mêmes se divisaient sur la question de la légitimité, la population se croyait en droit de ne plus observer les normes issues des différents institutions qui incarnaient l’autorité gouvernementale30.
30La situation était telle que le mandat policier ne pouvait être rempli sur tout le territoire, à telle enseigne que le préfet Eoin O’Duffy fit savoir au ministre de l’Intérieur que les affectations des policiers ne pouvaient être possibles sans la présence à proximité d’unités de l’armée. Dans la logique de conquête territoriale de la souveraineté étatique, afin de dégager des espaces sécurisés propices à la mise en place de l’ordre légal, la bataille fut rude : jusqu’au 31 mars 1923, 66 postes de police avaient fait l’objet d’attaques et 90 attaques contre les policiers en patrouilles avaient été répertoriées. Malgré les difficultés, à la fin de l’année 1922, 2 000 policiers furent affectés sur 180 sites.
- 31 Conor Brady , op. cit., p. 114.
31Si elle connaît des à-coups, la diffusion de la présence policière sur l’ensemble du territoire après une année d’existence n’est pas étrangère à la baisse de la criminalité, même s’il est probable que cette inflexion s’expliquait par la moindre intensité d’une guerre civile qui s’approchait de son terme. Les vols à main armée au sein desquels il est difficile de distinguer la motivation purement criminelle de la justification politique, diminueront dans des proportions considérables, passant de 996 crimes et délits à 137 entre 1923 et 192631. Il apparaît donc que la fin de la guerre civile dès avril 1923 marque l’acceptation très majoritaire du nouvel ordre policier. Mais avant cette date, le soulagement voire le franc enthousiasme des populations fatiguées par la violence politique, presque ininterrompue depuis le soulèvement de Pâques 1916, de voir ces agents de l’ordre, allait compter pour beaucoup dans la légitimation de la force publique.
32Michael Collins, à l’inverse de ce que recommandait le rapport sur la mutinerie de Kildare, souhaitait affecter un contingent de policiers à des fonctions militaires. Finalement, il dut se contenter d’une centaine de volontaires pour constituer une colonne volante. Ces policiers, qui intégraient une unité spéciale, la Civic Guard Active Service Unit, furent affectés dès la mi-juillet 1923 dans les gares de Newbridge et de Monasterevin ainsi que dans les villes de Kildare, Clooney, Portarlington et Athy.
- 32 Freeman’s Journal, 1er août 1923.
33Les circonstances se prêtaient parfois difficilement à ce que la jeune force publique pût assurer l’application de la loi sur tout le territoire. Les policiers avaient donc pour instruction du Préfet O’Duffy de n’appréhender l’auteur de crimes et délits ou d’un trouble à l’ordre public que dans des circonstances telles qu’elles ne mettaient pas leur vie en jeu. Il n’en demeure pas moins que l’objectif de 800 postes de police fixé pour l’été 1923 fut atteint32. La police devenait maîtresse de l’ordre public sans l’appui de l’armée.
Vers une incontournable centralisation
34La conquête de la souveraineté étatique, qu’il fallait mener d’autant plus vite que les circonstances politiques étaient difficiles, favorisa assez logiquement une centralisation qui n’avait rien à envier à celle de la RIC.
- 33 Archives de UCD, Desmond Fitzgerald Papers, P80/710.
35Plusieurs raisons ont présidé à ce choix. La première tient de l’évidence. En effet, de par sa taille, géographique et démographique, l’État Libre eut été bien mal inspiré de confier la mission de sécurité publique à une pluralité de forces. Surtout, il était impératif pour un État dont la légitimité était fragile de s’assurer le contrôle d’une force unique sous la tutelle du ministère de l’Intérieur puis de la Justice. Une pluralité de forces de police et/ou un système décentralisé aurait vraisemblablement provoqué leur instrumentalisation par les opposants et les partisans du traité de Londres, et mis à mal l'unité de l'État. La mutinerie de Kildare d’avril 1922 avait fait craindre cet éclatement de la police naissante entre partisans et opposants du Traité. À la suite de celle-ci, le haut fonctionnaire O’Shiel avait d’ailleurs recommandé une forte centralisation de son commandement33.
36La centralisation étatique n’allait pourtant pas de soi, et des voix s’élevèrent contre le projet de fusion de la Dublin Metropolitan Police avec la police nationale. Bryan Cooper, maire de Dublin, proposait la création d’un Advisory Watch Committee, véritable émanation des autorités locales, fonctionnant comme un organe consultatif auprès du préfet de police. Devant la crainte que l’exemple dublinois ne tente d’autres villes, Kevin O’Higgins rejeta en bloc l’initiative du maire de Dublin.
37Bryan Cooper, maire de Dublin, ne pouvait que s’inscrire en faux contre cette position. Son argumentation localiste consistait à dire que, dès lors que les Dublinois finançaient leur police par le biais d’impôts locaux, il était légitime que la population exigeât un droit de regard sur son activité. Lors des débats parlementaires, la position du gouvernement, par la voix d’O’Higgins, s’exprima sans ambiguïté :
- 34 Brady, op. cit., p. 133.
Treize personnalités de la société civile élues au petit bonheur la chance, par une demi-douzaine d’autorités locales. C’est séduisant. C’est tout à fait le genre de projet qui suscite l’enthousiasme, qui contente tous les pouvoirs publics, qui respecte toutes les opinions. Mais je m’y oppose. J’ai le sentiment que s’il (Bryan Cooper) était ministre de la Justice, il s’y opposerait tout autant, et peut-être davantage encore. Et très certainement après six ou douze mois d’expérimentation34.
- 35 Ibid., p.134.
38Selon Conor Brady, au moment des négociations qui aboutirent au Traité de Londres, des dissensions se faisaient jour entre républicains et travaillistes sur cette question35.
Une police postcoloniale ?
- 36 Clare Carroll, et Patricia King, (eds), Ireland and Postcolonial Theory, Cork, Cork Univers (...)
- 37 David M. Anderson et David Killinggray, Policing the Empire, Government, Authority and Cont (...)
39Dans le débat qui oppose toujours historiens et politologues au sujet de la nature de la domination britannique, nous faisons crédit aux thèses colonialistes, et notamment celles développées par C. Carroll et P. King s’agissant de l’Irlande36. Dans cette hypothèse, les approches comparatives montrent que la RIC était bien une police coloniale, telle qu’on pouvait en trouver au sein de l’Empire britannique37. D’ailleurs, nombreux furent les membres de la RIC après son démantèlement qui choisirent d’aller servir dans des territoires politiquement dominés, comme en Palestine.
- 38 L. Gandhi, Postcolonial Theory, New York, Columbia University Press, 1998.
40Lorsqu’un État vient à naître, la rupture avec l’ordre politique ancien implique, en tous cas au niveau des intentions, un refoulement de la représentation la plus accomplie et donc la plus honnie de la souveraineté déchue qu’est la police. L’historien et politologue L. Gandhi va encore plus loin, en démontrant à quel point le pouvoir postcolonial cherche à nier, voire à faire oublier le passé colonial, dont pourtant l’emprise symbolique et psychologique a tendance à perdurer38.
41L’Irlande n’échappe en rien à cette hypothèse. La continuité s’agissant de la police est d’autant plus forte que l’appareil policier britannique en Irlande fut le modèle des autres polices coloniales de l’Empire. En outre, les similitudes entre la RIC et la Garda Síochána étaient renforcées par certaines circonstances particulières.
- 39 Chemises bleues est le nom populaire donné à l’association de vétérans Army Comrades (...)
42La première est évidente : c’est le délai imparti au gouvernement de l’État Libre pour constituer sa police. L’opération constituante démarre le 7 février 1922, et les premiers recrutements et affectations commencent à l’été. Le modèle de référence de fait reste la RIC, d’autant que, nous l’avons vu, et c’est la deuxième circonstance particulière, l’encadrement et la formation seront le fait, pour partie, de ses officiers. La présence et l’influence d’anciens officiers supérieurs de la RIC au sein du comité constitutif ont également été déterminantes. La troisième circonstance tient au conflit politique opposant les Irlandais sur le Traité de Londres et donc sur la question de la légitimité de l’État. Les Civic Guards étaient certes en charge de la sécurité des biens et des personnes, mais ils étaient davantage les soldats emblématiques de la conquête de la souveraineté étatique. Cela n’a pas manqué d’inscrire la Garda Síochána dans une logique de police d’ordre. Cette tendance sera d’autant plus développée qu’après la guerre civile, et notamment après l’accession de de Valera au pouvoir en 1932, celui-ci devra renforcer la police politique, d’abord pour lutter contre les velléités fascisantes des Chemises Bleues39, puis contre l’activisme de l’IRA à l’encontre de ces derniers.
43Les exemples de ces continuités sont particulièrement révélateurs. En effet, en matière de formation, les seuls référents disponibles étaient ceux de la RIC. Le groupe de travail du comité d’organisation de février 1922 avait recommandé l’utilisation du Manuel du Policier de la RIC, publié en 1866. Ce vademecum restera en usage au sein de la Garda Síochána jusqu’en 1942, date à laquelle entrera en vigueur le Garda Síochána Manual. Le tableau d’équivalence des grades de la RIC et ceux retenus pour la Garda Síochána est particulièrement éclairant. Ainsi, les grades de County Inspector, de District Inspector et de Head Constable, étaient respectivement renommés en grades de Chief Superintendent, de Superintendent et d’Inspector.
- 40 Vickie Conway, Policing Twentieth Century Ireland, A history of An Garda Síochána, (...)
44Dans le jeu de ces ruptures et continuités, un trait majeur de la police de l’État Libre allait se constituer de manière sournoise mais profonde : son caractère politique. Vicky Conway montre comment à la RIC, dont la fonction était bien plus de garantir un ordre politique et social conforme à la domination anglo-protestante que de s’assurer la « sécurité » des irlandais de manière indiscriminée, répond, à grands renforts d’idéologie nationaliste, la politisation de la police de l’État Libre40.
- 41 B. Cole, « Post Colonial Systems », dans R. Mawby (dir.), Policing Acrosst the World : issu (...)
45Le cas irlandais illustre presque de manière archétypal la proposition de B. Cole selon laquelle la police reste l’héritage le plus évident de l’ordre politique colonial41. Au-delà d’une continuité normative qui a perduré, la Garda Síochána portera pour longtemps, certes dans un contexte politique différent, de nombreux traits de la RIC : une police fortement politisée et centralisée, une police d’ordre plus que de sécurité publique. Ce sont là autant d’éléments qui contribueront au manque de transparence et de capacité à rendre compte de l’institution, notamment au sujet d’affaires compromettantes, mettant gravement en cause les plus hauts niveaux de la hiérarchie. Le Tribunal Morris, instance spécifique et installée en 2002 qui aura à en connaître, publiera des rapports totalisant 4 000 pages à partir de 686 auditions.
Notes
1 Conor Brady, The Guardians of the Peace, Gill and Macmillan, Dublin, 2000. pp 37-38.
2 La DMP tient une place particulière au sein de l’appareil policier britannique en Irlande. En effet, elle est créée par une loi du 4 juillet 1836 qui s’inspire très largement de celle qui a donné naissance à la police métropolitaine de Londres en 1829. La police de Dublin devient distincte de la RIC, placée sous l’autorité opérationnelle et administrative de deux juges de paix nommés par le Lord Lieutenant.
3 « G Division » pour « Government Division ».
4 Austin Stack fut le commandant de la brigade du Kerry des Volontaires Irlandais au moment de l’insurrection de 1916. Arrêté et condamné à mort, sa peine capitale fut commuée en peine de prison à vie. Ministre de l’intérieur du gouvernement du Dáil, il met en place les Dáil Courts. Il était un ardent opposant du Traité de Londres.
5 L’Irish Republican Police était la contre-police émanant de l’IRA et qui entendait se substituer aux institutions policières britanniques. De la même manière, des contre-juridictions, les Dáil Courts, apparaissent dès 1920 pour supplanter les tribunaux officiels. Voir Mary Kotsonouris, Retreat from revolution : The Dáil Courts, 1920-1924, Dublin, Irish Academic Press, 1994.
6 Cathal Brugha fut un militant très actif de la Gaelic League et de la Gaelic Athletic League avant de rejoindre en 1913 les Volontaires Irlandais. Il devient ministre de la défense du premier gouvernement du Dail et s’oppose au traité de Londres. Il sera tué au début de la guerre civile.
7 Gregory Allen, The Garda Síochána: Policing Independent Ireland, 1922-82, 1999: Dublin, Gill and MacMillan. pp 10-11. C'est nous qui traduisons.
8 Oriel House, qui se situe sur la place Merrion à Dublin, est le siège du service des opérations spéciales créé par Collins pendant la guerre d'indépendance, il deviendra la Criminal Investigation Division puis la Special Branch en 1926.
9 Donald J. O’Sullivan, “The disbandment of the RIC”, Siochan, décembre 1997, p. 85.
10 Archives nationales, ministère de la justice, 4/140.
11 Archives nationales, H99/30, 4 septembre 1922.
12 « History of the Garda Síochána », Garda Review, mars 1929, p. 331.
13 Les officiers avaient été sélectionnés par un comité spécial, placé sous la tutelle du ministère de la Défense, distinct de celui dédié à la création de la police.
14 Brady, op. cit, p. 38.
15 Ibid., p. 40.
16 Ibid., p. 53. C’est nous qui traduisons.
17 J.N. Shaw (sergeant), “In the beginning”, Garda Review, janvier 1976, pp. 19-23, James Donohoe, “Depot days at Kildare”, Garda Review, juillet 1948, pp. 615 à 619.
18 Pioneers on the beat, Gregory Allen, Siochan, mars 1992, p. 99.
19 B. Mac Carthy, The Civic Guards Mutiny, Cork, Mercier Press, p.32.
20 C’est à dire le Palais de Justice de Dublin.
21 Brady, op. cit., p. 39-40.
22 Mac Carthy, op. cit., p.57.
23 Ibid., p. 25.
24 Ibid., p. 5.
25 Allen, Arms, the DMP and 1916, Garda Review, septembre 1977.
26 Archives de l’université de Dublin (UCD), P7/A/33.
27 State paper office, Taoiseach S5260.
28 UCD, P7B/70, 2, 1er septembre 1922.
29 Tom Garvin, The Birth of Irish Democracy, p. 143.
30 Ibid., p.119.
31 Conor Brady , op. cit., p. 114.
32 Freeman’s Journal, 1er août 1923.
33 Archives de UCD, Desmond Fitzgerald Papers, P80/710.
34 Brady, op. cit., p. 133.
35 Ibid., p.134.
36 Clare Carroll, et Patricia King, (eds), Ireland and Postcolonial Theory, Cork, Cork University Press, 2003.
37 David M. Anderson et David Killinggray, Policing the Empire, Government, Authority and Control 1830-1940, Manchester, Manchester University Press,1991.
38 L. Gandhi, Postcolonial Theory, New York, Columbia University Press, 1998.
39 Chemises bleues est le nom populaire donné à l’association de vétérans Army Comrades Associations, créée en réaction à l’élection de de Valera en février 1932. Composés d’anciens membres de l’armée de l’Etat Libre, le mouvement s’élargit à tous les opposants au gouvernement Fianna Fáil. Il emprunte les oripeaux des mouvements fascistes continentaux, sans en épouser exactement l’idéologie. Son audience diminuera à partir de 1933, et il disparaîtra en 1936.
40 Vickie Conway, Policing Twentieth Century Ireland, A history of An Garda Síochána, Londres, Routledge, 2013.
41 B. Cole, « Post Colonial Systems », dans R. Mawby (dir.), Policing Acrosst the World : issues for the 21st century, New York, UCL Press, pp. 88-106, 1999.
Top of pageReferences
Bibliographical reference
Éric Meynard, “Créer une police nouvelle pour un « État libre » : aux origines de la Garda Síochána (1922-1925)”, Études irlandaises, 40-1 | 2015, 29-41.
Electronic reference
Éric Meynard, “Créer une police nouvelle pour un « État libre » : aux origines de la Garda Síochána (1922-1925)”, Études irlandaises [Online], 40-1 | 2015, Online since 30 June 2017, connection on 03 December 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesirlandaises/4437; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesirlandaises.4437
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