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AccueilNuméros39-2Avant-propos

Texte intégral

  • 1 Régis Debray, Le feu sacré – Fonctions du religieux, Paris, Fayard, 2003, p.12.

1Régis Debray ouvre ainsi son étude sur les fonctions du religieux à notre époque : « Saugrenu chassé-croisé. Quiconque compulse le dossier Dieu découvre la verdeur de l’Éternel, vingt-cinq siècles à peine […]. Notre monde contemporain, qui voulait tant faire jeune et déluré, trébuche sur des anachronismes – anathèmes, paradis et guerres saintes1. » Le religieux est devenu un enjeu clé au sein de la plupart des sociétés. Non seulement l’Europe découvre que la sécularisation, marque de fabrique du projet libéral, est plus fragile qu’escompté, mais elle prend conscience de son exceptionnalité dans un monde sous-tendu par les questions religieuses. Si l’illusion d’optique entretenue par l’approche européo-centriste ne peut plus abuser l’observateur du monde contemporain, c’est que l’actualité la plus brûlante porte témoignage de la prégnance de considérations religieuses partout dans le monde, y compris sur le sol européen.

  • 2 Peter Glasner, The sociology of secularisation. A critique of a concept, London, Routledge & (...)
  • 3 J-K Hadden, « Towards desacralizing secularization theory », Social forces, 65, 3, 1987, p. 5 (...)
  • 4 Voir notamment Jürgen Habermas, "Secularism's Crisis of Faith: Notes on Post-Secular Society" (...)

2Dès 1977 Glasner présentait la sécularisation comme un mythe sociologique2 ; dix ans plus tard Hadden y voyait un concept idéologiquement marqué, qui postulait arbitrairement l’incompatibilité entre modernité et religion3. Aujourd’hui, même si le débat se poursuit, on a le sentiment que le processus a avorté, que la sécularisation, pourtant longtemps annoncée comme inéluctable dans les sociétés modernes, s’est achevée avant de s’être véritablement imposée, et ce jusqu’en Europe occidentale, si l’on admet, par exemple, que le post-sécularisme, théorisé, notamment, par Habermas4, s’est incarné dans le Traité de Lisbonne. Le débat sur les théories de la sécularisation a montré l’inaptitude de ce seul concept à rendre compte des réalités complexes du monde d’aujourd’hui, déchiré entre la dynamique de sécularisation léguée par l’ère moderne, les revendications communautaires liées à l’immigration dans un contexte de nouvelles croisades globales, la fragmentation du croire dans le monde occidental et le ré-enchantement du monde qui caractérise l’ultramodernité contemporaine.

  • 5 Kieran Keohane et Carmen Kuhling, Collision Culture, Dublin, The Liffey Press, 2004, p (...)
  • 6 Sur ces questions, voir notamment Tom Inglis, Global Monopoly (Dublin, UCD Press, (1987) 1998) et (...)

3La situation, en Irlande, n’est pas plus simple. Ainsi que Kieran Keohane et Carmen Kuhling l’ont montré, « l’Irlande s’est construite dans l’imaginaire global comme un lieu “en dehors” de la modernité5 ». L’Église catholique a fait de l’Irlande, dans la deuxième moitié du xixesiècle, un laboratoire où ont été appliquées les directives morales et sociales de papes anti-modernes, dont Pie IX. La théorisation de la doctrine de l’Immaculée Conception et le renforcement du dogme du péché originel ont eu un impact indiscutable sur la position des femmes dans la société, leur effacement progressif de l’histoire et sur le rapport de la population dans son ensemble à la sexualité6. À la même époque, le rôle social légitimé et prescrit de l’Église s’est institué en norme et a permis à l’institution de prendre progressivement le contrôle de ces rouages essentiels que sont les secteurs de l’éducation, de la santé et de la charité. La collusion de plus en plus évidente entre nation et Catholicisme allait assurer à l’Église de l’État Libre, puis de la République d’Irlande un quasi monopole de la foi en même temps qu’un contrôle social, moral et politique, surtout après la ratification de la Constitution de 1937.

4Dans le même temps, les identités religieuses et ethniques héritées du xvie siècle, associées, respectivement, au catholicisme, à l’Anglicanisme de l’Église d’Irlande et au Presbytérianisme, pour signaler les plus importantes, se cristallisaient et prenaient une dimension politique et paramilitaire de plus en plus affirmée. La nation irlandaise se vivait comme catholique ; la majorité protestante d’Ulster rejetait l’idée du Home Rule, puis de l’indépendance au nom de spécificités religieuses qui rendaient incompatibles l’intégration dans un même État ayant brisé ses liens avec la Grande-Bretagne. Après la partition et la création de l’État Libre au Sud, la religion devait demeurer un marqueur politico-identitaire essentiel et définir pour l’Irlande du Nord, toujours rattachée au Royaume Uni, une histoire radicalement différente, même si l’Église catholique est restée jusqu’à ce jour, administrativement organisée sur le territoire de toute l’île.

5Près d’un siècle après la partition, et malgré des tendances marginales comparables ici ou là, le paysage religieux d’Irlande du Nord demeure si radicalement différent dans ses expressions et ses enjeux qu’il était exclu de l’intégrer dans un seul ouvrage consacré à la religion en Irlande. Un volume spécifique serait indiscutablement nécessaire à l’étude des phénomènes religieux sur ce territoire. Nous ne l’évoquerons donc pas dans ce recueil, consacré exclusivement à la République d’Irlande, si ce n’est dans l’introduction consacrée aux données, où Catherine Piola a trouvé judicieux, à des fins comparatives, d’étudier à la fois les Vingt-Six Comtés et l’Ulster.

6Dans son article, consacré pour l’essentiel à l’analyse des réponses aux questions religieuses du recensement de 2011, elle note les évolutions flagrantes par rapport au modèle hérité du xixe siècle et de l’ère De Valera. Si une large majorité des Irlandais reste très profondément attachée au catholicisme malgré le déclin de l’institution, si les protestantismes traditionnels stagnent globalement, de nouvelles tendances se font jour, notamment le succès de nouvelles religions ou religiosités, issues ou non de l’immigration caractéristique des années de réussite économique du Tigre celtique. Devant ces transformations, qui affectent l’identité irlandaise en son cœur même, il paraissait utile de proposer un bilan dynamique de la situation religieuse du pays. C’est ce que le présent numéro de la revue Études irlandaises se fixe pour objectif. L’ambition de ses responsables est de s’interroger sur les effets des facteurs qui ont abouti à la perte de crédibilité de l’Église catholique et à l’émergence de nouveaux modèles à la fois au sein du Catholicisme et chez ceux qui ont choisi d’autres voies. L’importance des développements économiques et de la globalisation dans le contexte religieux sera également mise en avant et les différents articles chercheront à rendre compte de la vigueur des débats ainsi que de la complexité des enjeux, dans un cadre international nécessairement prégnant.

7Si l’exhaustivité était impossible dans le volume prescrit, le prisme choisi pour capter les éléments essentiels vise à faire écho aux débats et transformations de l’Église catholique confrontée à une crise d’autorité sans précédent, tout en mettant en évidence par l’exemple la montée en puissance de nouvelles formes religieuses très variées. Seuls ont été privilégiés des acteurs potentiels de changement. Aucun article ne porte donc sur les protestantismes bien que le recul spectaculaire enregistré depuis le début du xxe siècle paraisse endigué. Passant de près de 10 % de la population en 1911 à un peu moins de 3 % en 1991, ils en représentaient en effet 3,5 % en 2011. Il faudra sans doute à l’avenir s’intéresser de près à cette nouvelle tendance, et en particulier à la multiplication par deux du nombre des Témoins de Jéhovah, par quatre des Évangélistes et par cinq des Luthériens entre 1991 et 2011. Parmi les Chrétiens, ce sont, néanmoins, indiscutablement les Orthodoxes dont la poussée a été la plus marquante, puisque leur nombre est passé de 358 à 45,223 au cours de la même période. Catherine Piola traite abondamment de ce cas. C’est pourquoi le choix s’est porté sur des cultes sans lien avec le christianisme pour les études de cas spécifiques.

  • 7 Voir par exemple Tony Flannery (ed), Responding to the Ryan Report, Dublin, Columba Press, 2 (...)

8L’ouvrage est structuré en trois parties. La première porte sur les transformations du catholicisme, dont les fidèles représentaient encore 84,5 % de la population lors du dernier recensement, contre 91,5 % en 1991. Partant de la période de transition accompagnant Vatican II dans les années 1960 et 1970 à des fins d’indispensable profondeur historique (Yann Bévant), le propos se concentre toutefois essentiellement sur la période postérieure à 1990, qui a brutalement vu se faire jour des transformations fondamentales, dans un laps de temps extrêmement réduit. S’ils n’en sont pas les causes uniques, les scandales de mœurs ont joué un rôle considérable dans la perte de confiance envers l’institution. Les affaires de Mgr Eamon Casey et du Père Michael Cleary ont été les premières à être révélées au public au début des années 90, les premières d’une longue série. Puis sont venus les rapports d’enquête ordonnés par l’État irlandais, qui ont mis en évidence les abus sexuels et violences sur mineurs pratiqués dans diverses institutions catholiques. Tous, le rapport Ferns (2005), le rapport Ryan (2009), le rapport Murphy (2009) et le rapport Cloyne (2011), sont accablants ; ils ont bouleversé et révulsé la population irlandaise et contribué à la rupture institutionnelle entre l’État et l’Église, même si le dernier document en date, le rapport sur le rôle de l’État dans l’affaire des blanchisseries Madeleine (2013), a démontré son implication directe. Les excuses du Taoiseach Enda Kenny et le versement d’une compensation aux survivantes ont mis l’accent sur la volonté des acteurs politiques d’aujourd’hui de s’absoudre des compromissions de leurs prédécesseurs. La plupart des articles de cette section évoquent les rapports sans qu’ils en soient le sujet direct. Ils ont en effet été déjà bien étudiés7 et les contributeurs ont préféré mettre l’accent sur des points moins connus, plus récents ou plus généraux.

9Déborah Vandewoude examine ainsi les tentatives de reconstruction qui font actuellement suite au choc des années 90. Catherine Maignant examine en perspective historique, juridique et théologique le débat sur la morale sexuelle et particulièrement la question de l’avortement, à la suite du vote, durant l’été 2013, du « Protection of Life during Pregnancy Act ». Colum Kenny, enfin, s’interroge sur la place du Catholicisme dans l’identité irlandaise après la crise des années 1990 et 2000, et défend l’idée qu’elle demeure forte, même si la voie de la réconciliation reste à trouver.

10La deuxième partie porte sur les représentations littéraires des changements et des débats qui sont intervenus sur les questions religieuses en République d’Irlande. Suivant le même schéma que dans la première partie, une première étude, proposée par Eamon Maher, s’intéresse aux années 60. Elle porte sur la culpabilité catholique en matière sexuelle, essentiellement dans deux œuvres de John McGahern: « The End or the Beginning of Love » (non publié) et The Dark (1965). Dans l’atmosphère de l’époque, évoquée précédemment par Yann Bévant, l’Église catholique fait peser sur les protagonistes une chape de rigorisme qui détruit l’humain au cœur des individus. James Silas Rogers, pour sa part, montre comment le poète Seán Dunne, se libère par le biais d’une expérience intérieure, tout en restant attaché à la foi catholique. Ce faisant, il interroge le genre de l’autobiographie spirituelle, dont The Road to Silence constitue un exemple singulier. Eugene O’Brien, enfin, démontre que dans l’Irlande qualifiée de « post-catholique », la suite de poèmes intitulée « Squarings » tirée du recueil Seeing Things de Seamus Heaney (1991), instaure une nouvelle forme de prière, séculière, non religieuse malgré un substrat religieux, où poésie et philosophie prennent le dessus mais véhiculent l’inconscient culturel pétri de symbolisme religieux d’un poète en quête d’une transcendance originale.

11Les trois écrivains traités dans ce numéro sont tous issus d’une génération pétrie de foi catholique et qui s’inspire de ses rituels et observances. Il est vrai que McGahern et Heaney, devenus adultes, ne pratiquaient plus la religion de leur enfance, mais ils y restaient fort attachés, à tel point qu’ils ont tous les deux été enterrés conformément aux coutumes et habitudes irlandaises traditionnelles. Dans son entretien avec Dennis O’Driscoll, Heaney fait la remarque suivante à propos des funérailles de son ami, McGahern :

  • 8 Dennis O’Driscoll, Stepping Stones Interviews with Seamus Heaney, London, Faber & Faber (...)

And no Latin either, just the vernacular parish mass – a low mass, as they used to call it – during which a tribute was spoken by the celebrant. No music, no addresses by friends or writers, the coffin carried down the aisle the same as at the funeral last week and last year and last century, the rosary said at the graveside and then local men shovelling in the mould8.

12Cette révérence envers les moeurs catholiques ne se reflète guère dans les écrits d’écrivains tels que Roddy Doyle ou Anne Enright, qui affichent leur hostilité envers ce qui représente à leurs yeux le conditionnement religieux qu’ils ont subi et auquel ils ont résisté. Les personnages doyliens de la Barrytown Trilogy, habitant dans une banlieue dublinoise déchristianisée, ne vont jamais à la messe et ne parlent que très peu de religion. Dans The Gathering, Prix Booker de 2007, Enright raconte le suicide du frère de son héroïne Veronica, suite à l’abus sexuel qu’il a subi par le pensionnaire perverti de sa grand’mère. Pour plusieurs raisons, Veronica ne supporte pas la religion et en vient à prendre conscience que son père lui ressemblait à cet égard :

  • 9 Anne Enright, The Gathering, London, Vintage Books, 2007, p.227.

Of course Mammy is a Catholic, in the way that Mammys are, but for fourteen years or so I sat by or behind my father, on a wooden church bench, every Sunday morning and in all that time, I never saw his lips move. I never heard him pray aloud, or saw him bend his head, or do anything that might be considered remarkable were he sitting on the top desk of a bus. When it was time for Communion he stood at the end of the bench as we trooped by, like letting sheep out at a gate, but I don’t know if he ever followed us up to the Communion rail. My father attended church in his official capacity. If I went looking for his personal belief I would not know where to begin, or in what part of his body it might inhere9.

13Se sentant de plus en plus étrangers par rapport aux religions traditionnelles, on voit dans plusieurs romans contemporains des personnages qui sont attirés par le spirituel, mais en dehors de toute religion organisée. Leur quête spirituelle devient une quête individuelle ou se réalise à travers de nouvelles expériences, liées à la nature ou à de nouvelles formes de témoignage spirituel. La troisième partie de ce numéro porte témoignage de ce phénomène. Elle propose en effet trois études de cas de religions et religiosités émergentes qui rencontrent un grand succès en Irlande aujourd’hui. Le choix était large. L’ouvrage dirigé par Olivia Cosgrove et al., intitulé Ireland’s New Religious Movements, montre bien la prolifération de formes religieuses ou para-religieuses très variées. Depuis le néo-paganisme jusque aux cultes divers dédiés à la Grande Déesse Mère, en passant par toutes les formes d’ésotérisme imaginables, l’Irlande s’est ouverte au vent du New Age. Elle a aussi intégré les expressions spirituelles de la contre-culture américaine et est devenue partie prenante du mouvement de diffusion de nouvelles religiosités sur internet. Un autre facteur essentiel de diversification religieuse a été l’immigration, favorisée par le succès économique des années fastes du Tigre celtique. Si Catherine Piola explique dans son introduction qu’elle a permis d’ajouter aux forces catholiques, notamment grâce à l’arrivée massive de migrants en provenance d’Europe de l’Est, elle a également permis à d’autres types de religion de s’implanter en Irlande.

14L’Islam, qui n’a aucun passé dans le pays, est ainsi devenu numériquement la troisième religion du pays. Oliver Scharbrodt lui consacre un article qui constitue un état des lieux complet de la situation des Musulmans. Il y analyse les conditions d’intégration de cette population dans la société irlandaise en évaluant le caractère opératoire des thèses qui suggèrent que le passé colonial de l’Irlande a une incidence favorable sur la manière dont l’Islam a pu s’implanter. Le cas du Bouddhisme, traité par Laurence Cox, diffère de celui de l’islam en ce que les phénomènes migratoires ne suffisent pas à expliquer la multiplication par dix de ses adeptes depuis les années 90. L’auteur adopte la perspective du système-monde pour analyser le développement du Bouddhisme en Irlande, dont il démontre qu’il a aujourd’hui perdu son image contestataire et exotique pour accéder à une forme de respectabilité. Dans le dernier article du recueil, Carmen Kuhling, évoquant les Nouveaux Mouvements Religieux en général, revient sur le recensement de 2011 et les théories de la sécularisation pour conclure sur la thèse suivant laquelle l’Irlande est finalement conjointement pré-séculière, séculière et post-séculière, une manière astucieuse de résumer les conclusions individuelles des différents contributeurs.

  • 10 John Waters, An Intelligent Person’s Guide to Modern Ireland, Londres, Duckworth, (1997) 199 (...)
  • 11 Jean-Paul II, Encyclique Fides et Ratio, 1998, accessible en ligne à l’adresse suivante (site (...)
  • 12 WIN-Gallup International, Global Index of Religiosity and Atheism, Accessible en ligne à l’a (...)

15En 1997 John Waters notait : « In Ireland, although there are Catholics, lapsed Catholics, non-Catholics and anti-Catholics, there is no such thing as an ex-Catholic10. » Certes, l’intégration de nouvelles populations au sein de la société irlandaise a manifestement modifié la composition religieuse du pays. Certes, la globalisation et l’influence de spiritualités et philosophies orientales ont permis de donner une place à d’autres pensées religieuses en Irlande. Certes, la redécouverte de cultes archaïques, natifs ou non, sur une base internationale, servie par la diaspora et le développement de l’internet, a favorisé le syncrétisme et le relativisme dénoncés en son temps par Jean-Paul II11. Certes enfin, l’athéisme, si l’on en croit la dernière enquête internationale en date (2012), atteint maintenant 10 %12. Mais le catholicisme demeure vigoureux, un catholicisme autrement, revigoré de l’intérieur et par les marges, ouvert sur le monde contemporain, pluraliste, désinstitutionnalisé, celui des « nouveaux catholiques », qui se cherchent encore, mais constitueront pour le chercheur de demain un terrain de recherche passionnant. Pour autant, l’avenir de la religion en Irlande est loin d’être assuré, l’effet du sécularisme et de l’incroyance est tel que le prêtre catholique dans la nouvelle de William Trevor (né anglican), « Justina’s Priest », voit un paysage religieux complètement transformé :

  • 13 William Trevor, A Bit on the Side, London, Viking, 2004, p.57.

Centuries of devotion had created a way of life in which the mystery of the Trinity was taken for granted, the Church’s invincible estate a part of every day, humility part of it, too, instead of rights plucked out of nowhere, order abandoned in favour of confusion. What priests and bishops had been – their strength and their parish people’s salvation – was mocked in television farces, deplored, presented as absurdity. The other priests in other towns, in cities, in country parishes, were isolated by their celibacy, by the mounting black of their dress, had been a consolation once, but that source of comfort had long dried up13.

16Le pouvoir d’un clergé catholique désillusionné est loin d’être une source de réconfort en Irlande à l’heure actuelle car les églises dans lesquelles les prêtres exercent leur métier se vident à une vitesse effrayante. Personne ne sait ce que réserve l’avenir, mais il est clair que, comme dans le reste du monde occidental, les puissantes Eglises d’antan ne renaîtront pas de leurs cendres dans un avenir proche. Même si le débat théorique sur la sécularisation n’est pas clos, les échos en provenance d’Irlande donnent à penser que les recompositions à l’œuvre dans le pays ont ouvert la voie à une ère nouvelle, marquée, comme dans la plupart des pays européens, par une privatisation du religieux, une prise de distance entre l’État et les Églises, une fragmentation du croire et une forme de laïcisation du quotidien.

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Notes

1 Régis Debray, Le feu sacré – Fonctions du religieux, Paris, Fayard, 2003, p.12.

2 Peter Glasner, The sociology of secularisation. A critique of a concept, London, Routledge & Kegan Paul, 1977.

3 J-K Hadden, « Towards desacralizing secularization theory », Social forces, 65, 3, 1987, p. 587-611.

4 Voir notamment Jürgen Habermas, "Secularism's Crisis of Faith: Notes on Post-Secular Society". New perspectives quarterly. vol. 25, 2008, p. 17-29. Pour la phase initiale du concept de post-sécularisme, voir également Simon During, "Toward the Postsecular", PMLA: Publications of the Modern Language Association of America: 120.3, 2005, p. 876–77.

5 Kieran Keohane et Carmen Kuhling, Collision Culture, Dublin, The Liffey Press, 2004, p. 125

6 Sur ces questions, voir notamment Tom Inglis, Global Monopoly (Dublin, UCD Press, (1987) 1998) et Lessons in Irish Sexuality (Dublin, UCD Press, 1998), ainsi que Diarmuid Ferriter, Occasions of Sin, Londres, Profile Books, 2009.

7 Voir par exemple Tony Flannery (ed), Responding to the Ryan Report, Dublin, Columba Press, 2009, John Littleton et Eamon Maher (eds), The Dublin/Murphy Report : A Watershed for Irish Catholicism ; Dublin, Columba, 2010.

8 Dennis O’Driscoll, Stepping Stones Interviews with Seamus Heaney, London, Faber & Faber, 2008, p.473.

9 Anne Enright, The Gathering, London, Vintage Books, 2007, p.227.

10 John Waters, An Intelligent Person’s Guide to Modern Ireland, Londres, Duckworth, (1997) 1998, p. 63.

11 Jean-Paul II, Encyclique Fides et Ratio, 1998, accessible en ligne à l’adresse suivante (site du Vatican) : http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/encyclicals/documents/hf_jp-ii_enc_15101998_fides-et-ratio_fr.html. Page consultée le 20 mai 2014.

12 WIN-Gallup International, Global Index of Religiosity and Atheism, Accessible en ligne à l’adresse suivante : http://www.wingia.com/web/files/news/14/file/14.pdf. Page consultée le 20 mai 2014.

13 William Trevor, A Bit on the Side, London, Viking, 2004, p.57.

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Pour citer cet article

Référence papier

Eamon Maher et Catherine Maignant, « Avant-propos »Études irlandaises, 39-2 | 2014, 7-14.

Référence électronique

Eamon Maher et Catherine Maignant, « Avant-propos »Études irlandaises [En ligne], 39-2 | 2014, mis en ligne le 20 novembre 2014, consulté le 06 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesirlandaises/3885 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesirlandaises.3885

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