Hooleygan
Terri Hooley, Richard Sullivan, Hooleygan : Music, Mayhem, Good Vibrations, Belfast, Blackstaff Press, 2010, 229 p., ISBN 978-0-85640-851-9
Texte intégral
1Depuis plus de 40 ans, Terri Hooley est une « figure » de la vie locale à Belfast. Sans lui, la scène punk de la fin des années 1970 n’aurait jamais pu se développer et un groupe comme les Undertones, dont les chansons sont utilisées par la publicité, n’aurait jamais connu le succès. Personnage volubile, il livre ici une autobiographie drôle et intéressante et donne à lire au monde entier les multiples anecdotes avec lesquelles il amuse toutes les personnes qui le rencontrent. En creux, se dessine une histoire de l’Irlande du Nord des années 60 à aujourd’hui, vue depuis la marge.
2Au-delà d’un penchant immodéré pour la fête, l’alcool et les substances illicites, Terri Hooley apparaît avant tout comme un homme de conviction. Dans les années 60, il était profondément impliqué dans le mouvement hippie, faisant inlassablement campagne contre la guerre du Vietnam et pour la paix. Au cours de cette décennie, il a rencontré Bob Dylan et les Rolling Stones lors de leurs concerts à Belfast. Il a également commencé une correspondance avec Bob Marley.
3Une anecdote particulièrement révélatrice est celle de sa rencontre avec John Lennon à Londres, en 1970. Invité à une fête dans Portobello Road, Hooley voit l’ex-Beatle qui lui fait part de ses opinions pro IRA. La discussion s’envenime et Hooley, qui n’est pas d’accord, en vient à donner un coup de poing dans la figure du chanteur ! Le Belfastois en conclut que l’on ne devrait jamais rencontrer ses héros. Lennon ne lui en tint pas rigueur, cependant, et, en 1978, Yoko Ono et lui envoyèrent à Hooley un télégramme de soutien avant un mini festival punk à la Queen’s University.
4Terri Hooley décrit la plongée de l’Irlande du Nord dans la violence, et la fin de toute vie culturelle et sociale, comme des années marquées par un profond ennui. En 1976, il ouvrit son magasin de disques, Good Vibrations, qui devint un lieu de rencontre pour tous les jeunes punks. Pour Terri Hooley, l’arrivée du punk a été une salutaire bouffée d’air frais qui lui rappelait l’atmosphère des années 60. En 1978, Good Vibrations devint un label qui permit de faire découvrir les principaux groupes de ces années-là : Undertones, Stiff Little Fingers et Outcasts. Hooley n’a jamais cherché à gagner de l’argent. Aucun groupe n’avait signé de contrat avec lui et lorsque le label américain Sire a repris les Undertones, il n’a reçu que la somme de 1 000 livres sterling. Il n’a jamais voulu quitter l’Irlande du Nord non plus.
5Sa seule motivation était de faire découvrir des talents et d’animer la scène musicale et culturelle de Belfast. Terri Hooley fait ainsi partie de ces protestants d’Irlande du Nord qui ont refusé de se laisser enfermer dans la vie politique étriquée de leur société. Son père était un syndicaliste et travailliste anglais, élu local dans le Staffordhire. S’étant marié avec une protestante d’Irlande du Nord, il s’est installé à Belfast et a continué de militer pour le Parti travailliste dans les années 50. Probablement influencé par son père, Terri ne se situe nulle part sur l’axe nationaliste-unioniste. Son manque de considération pour tout ce qui peut constituer une figure d’autorité – il a ainsi refusé d’obtempérer aux tentatives de racket des paramilitaires loyalistes qui l’ont, en retour, copieusement battu –, son goût pour tout ce qui peut déranger l’ordre établi, indiquent un penchant pour l’anarchie mais cela ne suffit pas pour le qualifier d’anarchiste.
6En 2004, la galerie marchande dans laquelle se trouvait son magasin a été incendiée dans des circonstances non élucidées (mais l’on soupçonne des promoteurs immobiliers). Hooley a perdu toutes ses archives, notamment les pressages originaux des disques sortis sur son label. Son ouvrage, riche en reproductions de documents de toutes les époques, montre qu’il a réussi à en reconstituer une partie. Hooley a rebondi, comme à chaque coup de malchance. En 2008, la ville de Belfast lui a décerné un prix et le tournage d’un film sur sa vie, écrit par le romancier Glenn Patterson, a débuté en août 2011. Terri Hooley est un personnage singulier et attachant ; le récit de sa vie est celui d’un homme qui a voulu vivre le rêve de sa génération jusqu’au bout, tout en restant profondément attaché à Belfast et à l’Irlande du Nord.
Pour citer cet article
Référence papier
Michel Savaric, « Hooleygan », Études irlandaises, 36-2 | 2011, 200-202.
Référence électronique
Michel Savaric, « Hooleygan », Études irlandaises [En ligne], 36-2 | 2011, mis en ligne le 30 septembre 2011, consulté le 24 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesirlandaises/2536 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesirlandaises.2536
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