Revolution in Ireland
Conor Kostick, Revolution in Ireland, Popular Militancy 1917-1923, Cork, Cork University Press, 2009, p. 258, ISBN 978-1-85918-448-6
Texte intégral
1L’auteur de Revolution in Ireland estime que les conflits sociaux ont été sous-estimés par l’historiographie de cette période. L’IRA était militairement très faible et les succès politiques qu’elle a remportés ne se comprendraient pas sans le soutien d’une agitation populaire et ouvrière. Les grèves massives contre la circonscription obligatoire que voulait imposer le gouvernement britannique en sont un exemple. Ce mouvement populaire fut si important qu’il inquiétait les dirigeants conservateurs des deux camps. Ainsi s’explique le compromis du Traité de 1921. Les Britanniques craignaient que les ouvriers révolutionnaires prennent la place des dirigeants modérés du Sinn Féin, comme Lénine avait pris la place de Kerenski. Pour l’auteur, cette croyance était justifiée. Les ouvriers agitaient le drapeau rouge dans les manifestations, ils envoyaient des messages de solidarité à la révolution russe, ils organisaient des soviets. Le 4 février 1918, un rassemblement de soutien à la révolution russe attire dix mille ouvriers à Dublin. Les journaux syndicaux contenaient des articles enthousiastes pour les bolcheviks. Une vague d’occupation d’entreprises ou de propriétés agricoles étaient baptisés « soviets », une centaine en tout. Le plus connu est celui qui gouverna brièvement la ville de Limerick. Pendant quelques jours, la ville fut une enclave socialiste. Les fermiers furent contraints de livrer leurs produits à un prix réduit et comme l’argent manquait, le « soviet » décida d’imprimer des « billets de grève » qui servaient pour les échanges. Et quand les journalistes écrivaient des articles hostiles à la révolution, les dirigeants les menacèrent, s’ils continuaient, de couper l’eau, le gaz et l’électricité de l’hôtel où ils résidaient.
2Ces mouvements s’inscrivaient dans la vague de grèves de 1907 à Belfast à 1913 à Dublin. Jim Larkin et James Connolly ont été les fondateurs irlandais d’un grand mouvement connu en Europe sous le nom de syndicalisme révolutionnaire.
3Comment expliquer alors que les ouvriers protestants du nord se soient ralliés à l’unionisme et les ouvriers catholiques nationalistes à un nationalisme catholique conservateur ? Comment expliquer que ni Larkin ni Connolly n’aient réussi à fonder un grand parti ouvrier unissant protestants et catholiques en un seul parti révolutionnaire, alors qu’ailleurs en Europe, les grands mouvements populaires et les grandes grèves donnèrent naissance à des partis socialistes et communistes de masse ?
4C’et ici que ce livre fort bien documenté sombre dans l’incantation. Pendant toutes ces années, dit Kostick, les ouvriers irlandais révolutionnaires étaient à la tête des luttes. Ils furent battus, non par la société irlandaise, mais parce que leurs dirigeants n’ont pas su créer une organisation révolutionnaire d’avant-garde ou qu’ils les ont trahis. Ceux qui n’ont pas su : Larkin et Connolly, ceux qui les ont trahis : ceux qui ne voyaient les mouvements que de manière restrictive, comme un but en soi, pas comme un levier de transformation sociale.
5Si Lénine avait été irlandais, l’Irlande aurait connu une révolution socialiste. L’utilisation de « si » en histoire est toujours signe de faiblesse méthodologique. Les grévistes de Dublin en 1913 avaient conscience que les nationalistes soutenaient les patrons, mais ils ne disposaient pas d’une organisation révolutionnaire pour le dire. S’il y avait une organisation révolutionnaire, la situation eût été révolutionnaire. La grève de Belfast en 1919 était potentiellement révolutionnaire, mais les dirigeants syndicaux soutenaient les unionistes. Si le comité de grève avait été composé de délégués syndicaux plutôt que de cadres, la situation eût été révolutionnaire comme à Glasgow. Si les dirigeants syndicaux de Dublin avaient organisé une campagne de solidarité pour les grévistes de Belfast, elle eût rencontré un grand succès. Si les ouvriers de Belfast avaient soutenu la grève de 1913, les conditions d’une classe ouvrière unie étaient crées.
6Il y eut bien quelques bolcheviks à Belfast, mais leur difficulté, c’est que la majorité des grévistes et parmi les plus militants soutenaient les leaders unionistes et timorés. Il y eut bien quelques militants communistes à Dublin, mais leur difficulté c’est que la majorité des ouvriers dublinois soutenaient les leaders nationalistes. Les raisons de ces défections ont été analysées par une abondante littérature sur la prédominance des loyautés ethniques sur les solidarités de classe. Il faudra autre chose qu’un acte de foi pour remettre cette littérature en question.
Pour citer cet article
Référence papier
Maurice Goldring, « Revolution in Ireland », Études irlandaises, 35-1 | 2010, 187-188.
Référence électronique
Maurice Goldring, « Revolution in Ireland », Études irlandaises [En ligne], 35-1 | 2010, mis en ligne le 30 septembre 2010, consulté le 03 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesirlandaises/1913 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesirlandaises.1913
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