L’Homme à la cape
James Clarence Mangan, L’Homme à la cape, suivi de Les trente flacons, traduit, préfacé et annoté par Claude Fierobe, Rennes, Terre de brume, 2009, 159 p., ISBN 978-2-84362-405-6, 17€
Texte intégral
1Voici un livre qui incite à la lecture et aux relectures. Il s’agit d’une traduction de deux textes de James Clarence Mangan, eux-mêmes librement traduits, voire adaptés, à partir de – pour le premier – Melmoth réconcilié de Balzac, pour le second La Peau de chagrin, de Balzac encore, lesquels renvoient au Melmoth, l’homme errant, du Révérend Maturin. Le vecteur de publication des deux textes de Mangan ne manque pas non plus d’intérêt puisqu’ils parurent dans le Dublin University Magazine, le premier en novembre 1838, le second en deux parties, en octobre et en décembre de la même année (une petite erreur de date, aisément rectifiée, donne 1938). La note bibliographique invite en plus à se replonger dans les œuvres complètes de Mangan, la prose en particulier, celle-ci rééditée il n’y a pas si longtemps sous la direction de Jacques Chuto, Peter Van de Kamp, Augustine Martin et Ellen Shannon-Mangan. Le pedigree de ce volume de traductions renvoie clairement à la littérature « gothique », fantastique, de la fin du xviiie siècle et du début du xixe, en partie travestie ici par la plume de Mangan. Claude Fierobe, grand connaisseur de Maturin et de son Melmoth, établit, dans l’introduction, la filiation entre les textes successifs, qui se chevauchent sans se recouvrir. Il analyse en particulier les ressorts du fantastique dans les avatars du récit et de la narration, qu’il lie à un questionnement de l’identité dans lequel Mangan aurait trouvé son compte, si l’on suit les éléments biographiques qu’il apporte sur Mangan. Ceci vaut tout particulièrement pour le transfert Mangan/Braunbrock dans L’Homme à la cape, lorsque Braunbrock endosse la cape, dans un récit où l’irrationnel le dispute au fantastique, mais Les trentes flacons ne sont pas en reste de ce côté, ajoutant un grain de burlesque. Tout aussi intéressante est l’analyse du « grotesque » qui, à côté de la délocalisation de l’histoire à Vienne, contribue à la spécificité des deux textes de Mangan. A ceci doit encore s’ajouter l’élément traduction – élément double puisqu’il est le fait de Mangan d’une part, et de son traducteur, Claude Fierobe, d’autre part. Pour ce qui est de Mangan, citons Claude Fierobe qui, après avoir souligné les libertés que prend Mangan par rapport à son modèle ajoute: «’Les noirs à jamais les plus profonds’ qu’André Breton se plaisait à trouver chez Maturin ont viré au gris blafard de la modernité selon Balzac. Mangan, en manipulant la rhétorique de l’excès, du dérapage verbal, de la collision saugrenue d’idées étrangères l’une à l’autre, en mêlant le philosophique et le trivial, combat en réalité son anxiété fondamentale et masque par une série d’écrans le moi angoissé d’un narrateur insaisissable. » Quand à la traduction de Claude Fierobe, elle suit un texte marqué historiquement, respecte « les phrases qui n’en finissent pas », qu’il attribue au style « germanique », jongle avec le jeu de mots : il arrive que le texte traduit « frotte » un peu, manière – à l’instar de ce que recommande Antoine Berman – de préserver une certaine étrangeté du texte.
Pour citer cet article
Référence papier
Bernard Escarbelt, « L’Homme à la cape », Études irlandaises, 34-2 | 2009, 120-121.
Référence électronique
Bernard Escarbelt, « L’Homme à la cape », Études irlandaises [En ligne], 34-2 | 2009, mis en ligne le 30 juin 2011, consulté le 03 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesirlandaises/1672 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesirlandaises.1672
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