Notes
Nietzsche, Friedrich, Aurore. Pensées sur les préjugés moraux, I, 13.
Ce vous est avant tout collectif car il s’adresse aux membres du centre Bentham. Il se décline aussi au singulier, à destination d’Anne Brunon-Ernst qui a orchestré cette journée d’étude avec autant de cordialité que de rigueur.
« Des passions naissent les opinions : la paresse d’esprit les fait cristalliser en convictions » (Nietzsche, Friedrich, Humain, trop humain, IX, 637).
Laval, Christian, « Foucault lecteur de Bentham », in Enfermement et sécurité pénale (Paris, Dalloz 2007), pp. 199-200.
Laval, C., « Foucault lecteur de Bentham », p. 200.
Laval, C., « Foucault lecteur de Bentham », p. 213.
Laval, C., « Foucault lecteur de Bentham », p. 213. Cet auteur conclut son développement sur la nature du pouvoir en écrivant que Foucault « désireux surtout de se débarrasser de la conception juridique du pouvoir, a fini par adopter une théorie finalement très proche de celle de Bentham » (Laval, C., « Foucault lecteur de Bentham », p. 214). Cette dernière affirmation appelle quelques réserves car si Foucault a bien repéré deux rationalités gouvernementales à l’œuvre dans le XVIIIe siècle européen, il n’a fait sienne aucune d’entre elles. Les contributions de ce numéro le feront sans doute apparaître.
Laval, C., « Foucault lecteur de Bentham », p. 212.
Je partage, de ce point de vue, la position de Christian Laval qui suggérait qu’il fallait « aller au-delà de Surveiller et punir pour avoir une vue complète de l’importance que Foucault a attribuée à Bentham » (Laval, C., « Foucault lecteur de Bentham », p. 215).
Michel Foucault est coutumier de ce genre de geste, et l’obstacle qu’il surmonte ainsi est souvent la Révolution française.
Cette figure lui permet d’éviter l’historicisme (Foucault, Michel, Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France (1978-1979), Paris, Seuil/Gallimard, 2004), p. 5), c’est-à-dire de tomber dans le bourbier d’une histoire linéaire appréhendée au moyen d’universaux qui lui auraient sans doute permis « d’expliquer » les conditions de l’apparition de la prison, mais pas de la « comprendre ». Il est en effet aisé de constater ce que l’extension de la prison comme peine doit à la Révolution et au Code pénal de 1810, mais cela ne permet pas de comprendre pourquoi elle s’est imposée comme une modalité générale et quasi exclusive de la sanction pénale. Cette figure lui permet également de ne pas entrer dans le débat très idéologique des lectures de la Révolution française, débat dont l’historiographie s’est emparée à la suite de l’ouvrage de François Furet.
Foucault, Michel, Surveiller et punir (Paris, Gallimard, 1975, Tel Gallimard, 1995),pp. 9 et s.
Foucault, M., Surveiller et punir, pp. 12 et s. Foucault réalise un pareil saut dans La société punitive en faisant passer son lecteur de l’ouvrage de Serpillon (1767) à l’intervention devant la chambre de Rémusat en 1831.
Dispensé au collège de France en 1973, ce cours n’est pas encore édité. Son résumé est toutefois disponible dans les Dits et écrits, II (1970-1975) (Paris, Gallimard, 1994), n° 131, pp. 456-470. Il vient également de faire l’objet d’un article de Frédéric Gros reproduit dans le numéro 135 de la revue Pouvoirs paru en novembre 2010 sous le titre « Foucault et la société punitive », pp. 5-14.
Dispensé au Collège de France en 1979, ce cours est accessible au public depuis 2004.
Gros, Frédéric, « Foucault et la société punitive », Pouvoirs, 135 (2010), p. 6.
C’est moi qui souligne.
Foucault, M., « La société punitive », Dits et écrits, II, p. 461.
« C’est du petit traité de Beccaria sur les délits et les peines que je tirais (...) la première allusion à ce principe [le principe de l’utilité] grâce auquel la précision, la clarté et le caractère incontestable du calcul mathématique sont introduits pour la première fois dans le champ de la morale » (cité par Audegean, Philippe, Introduction à la nouvelle traduction Des délits et des peines de Cesare Beccaria (Paris, ENS ed., 2009), p. 97).
La première édition française des délits et des peines paraît sous la forme d’un traité recomposé par les soins de l’abbé Morellet en 1766. C’est donc un Beccaria apocryphe qui est porté à la connaissance du public français, Morellet s’étant empressé de convertir en acte l’approbation privée que Beccaria lui avait donné dans une lettre du 26 janvier 1766 (Audegean, P., Introduction à la nouvelle traduction Des délits et des peines de Cesare Beccaria, pp. 61-72).
Bentham déclare avoir trouvé dans cette formule de Beccaria « le principe de l’utilité » et le fondement de sa doctrine qu’il énonce dès 1776 sous sa forme devenue célèbre : « c’est le plus grand bonheur du plus grand nombre (the greatest hapiness of the greatest number) qui est la mesure du juste et de l’injuste » (Audegean, P., Introduction à la nouvelle traduction Des délits et des peines de Cesare Beccaria, p. 306). Dans le corps de sa traduction, Philippe Audegean traduit cette formule par « le bonheur le plus grand partagé par le plus grand nombre » (p. 143). Sur les origines et le développement de cette formule, Audegean, P., Introduction à la nouvelle traduction Des délits et des peines de Cesare Beccaria, pp. 306-308).
Cléro, Jean-Pierre, « Un tournant dans la pensée des preuves : Beccaria et Bentham », L’IRASCible, Revue de l’Institut Rhône-Alpin de Sciences Criminelles, 3 (2011), à paraître.
Cette présentation est très répandue chez les juristes, pour qui le délinquant est le « violateur lucide du pacte social : un bonus pater familias qui a volontairement mal tourné en choisissant délibérément de faire un mauvais usage de sa liberté » (Merle et Vitu, Traité de droit criminel. Problèmes généraux de la science criminelle. Droit pénal général, 7e éd. (Paris, Cujas, 1997), p. 115), ainsi que chez les criminologues (Pires, Alvaro P., « Beccaria, l’utilitarisme et la rationalité pénale moderne », in Histoire des savoirs sur le crime et la peine, 2 La rationalité pénale et la naissance de la criminologie, eds C. Denuyst, F. Digneffe, A.P. Pires (Bruxelles, Larcier, 2008), pp. 128-143). Elle repose toutefois sur le postulat, discutable et d’ailleurs discuté (Audegean, P., Introduction à la nouvelle traduction Des délits et des peines de Cesare Beccaria, pp. 97-100) de l’efficience du paradigme contractualiste chez Beccaria. Quand on sait par ailleurs que Bentham avait rejeté les thèses du contrat social, le moins que l’on puisse écrire est que cette présentation est sujette à caution... Foucault s’incline pourtant devant ce poncif dans La société punitive, puis dans une série de conférences de l’été 1973 (« La vérité et les formes juridiques », Dits et écrits, II,p. 590).
Foucault, M., « La société punitive », p. 462.
Gros, F., « Foucault et la société punitive », p. 13.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, pp. 3-4.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 13.
Cet art de gouverner plonge ses racines dans le cœur du moyen âge chrétien et sa rationalité trouve son expression la plus aboutie dans le terme de contemptus. « L’attitude pécheresse de celui qui commet un péché criminel est désignée par un mot nouveau contemptus qui, bien que jamais défini, fut employé pour évoquer le mépris de la règle, l’ironie, le défi, l’obstination, la présomptuosité, ou [d’un] autre point de vue, l’orgueil ou l’exaltation de soi. Ainsi le péché d’Adam avait été cette exaltation de soi, traduite dans le défi présomptueux de la loi de Dieu »(H.J. Berman, Droit et Révolution, (Aix-en-Provence, 2002), p. 205).
Le supplice de Damiens par lequel Foucault ouvre Surveiller et punir en est une belle illustration.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 15.
Archives parlementaires, 2e série, t. 7, p. 442/2.
Martin, Xavier, « Target, Bentham et le Code civil », in Mythologie du Code Napoléon. Aux soubassements de la France moderne (Bouère, DMM, 2003), pp. 287-337. Du même auteur et dans le même ouvrage, voir également « Aux sources thermidoriennes du Code civil », p. 43.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 15.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 17.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 18. Il faut toutefois préciser qu’il n’y a pas substitution d’un critère à l’autre (cf infra, troisième temps).
Une telle politique criminelle est l’expression du paradigme classique. Elle se manifeste dans le cadre de cette forme ancienne de gouvernementalité que Foucault fixe dans l’esprit du lecteur de Surveiller et punir par l’exemple topique du supplice de Damiens.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 256.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 257.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 258.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 258.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 259.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 253.
Audegean, Philippe, La philosophie de Beccaria. Savoir punir, savoir écrire, savoir produire (Paris, Vrin, 2010), p. 126.
Cléro, Jean-Pierre, « Les contradictions de l’emprisonnement dans la conception utilitariste classique ou la revanche de Foucault ? », in Enfermement et sécurité pénale (Paris, Dalloz, 2007), p. 159. Et l’auteur d’ajouter : « le vrai problème qui est posé par cette double interprétation, c’est précisément que l’utilitarisme paraît admettre les deux attitudes, sans trancher. Dans le premier cas, on fait reproche à un plaisir d’être un plaisir et l’on prétend substituer une façon de sentir à une autre. Dans le second on ne touche à rien et l’on agit avec les affects comme s’ils étaient de fait ».
Le terme utilitarisme « désigne d’abord une doctrine philosophique formée d’une métaéthique et d’une théorie morale et politique normative : en ce sens, il n’y a cependant pas d’utilitaristes avant Bentham, sinon des « précurseurs » ou des « avant-coureurs » » (Audegean, P., La philosophie de Beccaria, p. 126).
« Le modèle anthropologique utilitariste de Beccaria s’accorde ainsi avec une conception de la justice fondée sur le consentement et donc avec le modèle juridique du contrat » (Audegean, P., La philosophie de Beccaria, p. 127. Il faut toutefois se garder de penser que Beccaria épouse les thèses jusnaturalistes ou fait sien le modèle théorique développé par Rousseau dans le Contrat social). Philippe Audegean fait en effet remarquer que « Beccaria se réfère [ici] moins à une obligation juridique qu’à une loi physique, à cette force de l’intérêt ou cet amour de la vie qui nous attache par un « inextinguible amour-propre » à la conservation de notre être : cette tendance spontanée de l’être est la source des consentements qui forment le critère de la justice » (Audegean, P., La philosophie de Beccaria, p. 127-128).
Audegean, P., La philosophie de Beccaria, p. 126.
F. Rosen, Classical Utilitarianism from Hume to Mill, Londres, Routledge, 2003.
Escamilla, Manuel, « Le droit pénal benthamien à la lumière des théories modernes de la punition », in Enfermement et sécurité pénale (Paris, Dalloz, 2007), p. 202.
On voit mal en effet comment des hommes « mus par la nécessité » (Audegean, P., La philosophie de Beccaria, p. 68), poussés à rechercher leur « bien être » (lequel peut passer par la commission d’un acte contraire à la loi) par une « force semblable à la gravitation » (Des délits et des peines, § VI, p. 161, cité par Audegan, P., p. 87), des hommes pour qui la passion prime la raison calculatrice (Audegean, P., La philosophie de Beccaria, p. 88), et dont la volonté est « proportionnée à la force de l’impression sensible qui en est la source » (Audegean, P., La philosophie de Beccaria, p. 88 note 2),pourraient incarner un quelconque homo oeconomicus deliberans.
Francioni, G., « Beccaria, filosofo utilitarista », cité par Audegean, P., La philosophie de Beccaria, p. 125.
Foucault, M., « La société punitive », p. 461.
Foucault, M., « La société punitive », p. 462.
Le passé est connu car Beccaria envisage la question de l’imputation à un auteur d’un acte contraire à la loi et de la détermination corrélative de la peine idoine. Il raisonne en législateur et ne se soucie pas de la question de la culpabilité qui consiste à établir l’existence d’un fait contraire à la loi et de déterminer si la personne poursuivie est ou non l’auteur de ce fait
Selon la terminologie d’Alvaro P. Pires, « Beccaria, l’utilitarisme et la rationalité pénale moderne », pp. 146-158.
C’est dans sa fameuse lettre à Morellet qu’il se reconnaît débiteur de ces auteurs (Franco Venturi, Introduction et notes à l’ouvrage de C. Beccaria, Des délits et des peines (Genève, Droz, 1965),p. 14.
Beccaria, C., Des délits et des peines, p. 15. Toutes les citations de Beccaria que j’utilise sont tirées de la traduction qu’en a proposée Franco Venturi (Genève, Droz, 1965).
Beccaria, C., Des délits et des peines, p. 15.
Beccaria, C., Des délits et des peines, p. 16.
Beccaria, C., Des délits et des peines, p. 71.
Beccaria, C., Des délits et des peines, pp. 72-73. Sur ce même registre, il va jusqu’à écrire que ce serait également faire erreur de « dire à la raison : soit esclave » (Beccaria, C., Des délits et des peines, p. 73). On aura tôt fait de compléter la phrase de la façon suivante : stimuler la raison en lui faisant croire qu’elle est libre et autonome, voilà la vraie utilité. Héritant cette pensée des philosophes, Napoléon et les idéologues sauront s’en souvenir (Martin, X., Nature humaine et Révolution française. Du siècle des Lumières au Code Napoléon (Bouère, DMM, 1994), pp. 23 et 94-95 ; Martin, X., « De Newton au Code civil », Mythologie du code Napoléon. Aux soubassements de la France moderne (Bouère, DMM, 2003), p. 371).
Beccaria, C., Des délits et des peines, pp. 17-18.
Beccaria, C., Des délits et des peines, pp. 17-18.
Beccaria, C., Des délits et des peines, p. 60.
Le vol « n’a d’ordinaire pour cause que la misère et le désespoir ; il est le fait de cette classe d’hommes infortunés à qui le droit de propriété (droit terrible et qui n’est peut-être pas nécessaire) n’a laissé qu’une existence dénuée de tout » (Beccaria, C., Des délits et des peines, p. 40). Et le Lombard de poursuivre : « qui ne serait remué jusqu’au fond de l’âme par le tableau de ces milliers de malheureux que la misère, voulue ou tolérée par des lois toujours favorables au petit nombre et cruelles à la masse, a forcés de retourner à l’état de nature ? » (p. 47).
Beccaria, C., Des délits et des peines, p. 74.
« Plus on augmente le nombre des délits possibles, plus on accroît les chances d’en commettre. La plupart des lois ne représentent d’ailleurs que les privilèges et ne sont qu’un tribut imposé à tous en faveur du petit nombre » (Beccaria, C., Des délits et des peines, pp. 74-75).
De même « que les lois simples et constantes de la nature ne peuvent éviter les perturbations qui surviennent dans le cours des planètes, les lois humaines sont incapables d’empêcher le trouble et le désordre résultant des forces d’attraction innombrables et opposées du plaisir et de la douleur (Beccaria, Des délits et des peines, p. 7).
Il faut admettre avec Christian Laval que ce genre de considération pointe parfois sous la plume de Bentham. « Bentham semble considérer parfois que le législateur ne peut pas grand chose, qu’il y a une telle abondance d’aiguillons qui poussent l’individu à l’action, face à une telle rareté des brides qui peuvent le retenir, que l’intervention gouvernementale est nécessairement très limitée. Mais ce n’est pas le seul propos à considérer… » (Laval, Christian, « La chaîne invisible ». Jeremy Bentham et le néo-libéralisme », http://etudes-benthamiennes.revues.org/63).
Ferrand, Jérôme, « La philosophie de la réforme criminelle dans l’œuvre de Michel Joseph Antoine Servan », L’IRASCible, Revue de l’Institut Rhône-Alpin de Sciences Criminelles, 1 (2011), pp. 59-149.
On trouve là l’une des principales justifications en faveur de la douceur des peines. L’autre tient, bien entendu, à une anthropologie qui suppose le caractère déterminé de toute action individuelle.
C’est cette question que Foucault révèle dans la Naissance de la biopolitique, en associant étroitement le « moins punir » au « punir utile ». C’est ce que les juristes connaissent sous le nom de prévention générale.
C’est ce phénomène que les juristes qualifient de prévention spéciale.
Toujours pour utiliser la terminologie d’Alvaro P. Pires, « Beccaria, l’utilitarisme et la rationalité pénale moderne », pp. 146-158.
Si la frontière entre ce qui relève du droit civil et ce qui relève du droit pénal est aujourd’hui clairement établie, elle pose de sérieuses difficultés à Jeremy Bentham (Brunon-Ernst, Anne, « Délimiter la branche civile du droit : Bentham et la quête impossible », in Bentham juriste. L’utilitarisme juridique en question, p. 177-200).
Bentham distingue en effet la législation directe qui consiste à punir les délits, de la législation indirecte qui consiste à prévenir et à susciter « en agissant principalement sur les inclinations des individus afin de les détourner du mal et de leur imprimer la direction la plus utile à eux-mêmes et aux autres (…) Les moyens indirects sont donc ceux qui, sans avoir les caractères de la peine, agissent sur le physique ou le moral de l’homme, pour le disposer à obéir aux lois, pour lui épargner les tentations du crime, pour le gouverner par ses penchants et par ses lumières » (Laval, C., « La chaîne invisible ». Jeremy Bentham et le néo-libéralisme », p. 8).
Ce glissement présente d’ailleurs quelque analogie avec la distance qui sépare un Rousseau d’un Volney : « Pour J.-J. Rousseau, l’acte vertueux, cri du cœur, ne se calcule pas. Pour Volney, l’acte vertueux est le produit d’une évaluation rationnelle de nos intérêts ; il n’est pas don, il est escompte » (Besse, Guy, « Philosophie, apologétique, utilitarisme », XVIIIe siècle, 2 (1970), p. 132).
Il ne faut jamais oublier que Foucault s’exprimait à l’oral et que la parole n’a pas toujours la précision de l’écrit. Il est en revanche presque certain que, pour le lecteur contemporain, le OU et le ET sont deux conjonctions de coordination équivalentes dans la mesure où aujourd’hui on associe spontanément le tort causé à la société et le danger qu’elle court. Aussi ce long développement n’avait-il pas d’autre objet que d’attirer l’attention sur cette association « naturelle » dont les conséquences sont plus décisives qu’il n’y paraît au premier examen.
Ce n’est pas le lieu de s’attarder ici sur l’intérêt qu’il y a à bien distinguer la rationalité d’une doctrine pénale fondée sur le déterminisme, comme peut l’être celle de Beccaria, et celle de la doctrine benthamienne qui semble indifférente à la lutte séculaire entre le libre arbitre et le déterminisme.
Foucault, M., « La vérité et les formes juridiques », p. 603.
Toute son œuvre s’inscrit en effet contre le caractère performatif d’une pensée produisant par elle-même des effets quantifiables dans la réalité.
« Comment la grande leçon de Beccaria a-t-elle pu être oubliée, reléguée et finalement étouffée par une pratique de la pénalité totalement différente, fondée sur les individus, sur leurs comportements et leurs virtualités, avec la fonction de les corriger ? » (Foucault, M., « La vérité et les formes juridiques », p. 603).
Si on peut dire cela à propos des ouvrages qu’il publie, les conférences, interviews, et cours qu’il donne lui permettent d’affirmer plus franchement ses positions.
Dans son article consacré à la société punitive, Frédéric Gros précise le sens que Foucault attribue à ce mot. Le pénitentiaire porte « l’idée d’un enfermement qui sanctionne moins l’infraction à une loi que les irrégularités de comportement (...) On enferme un individu non pour ce qu’il a fait, mais pour ce qu’il est (sa nature vicieuse, ses mauvais penchants, etc. » (Gros, F., « Foucault et la société punitive », p. 9).
C’est à l’occasion de conférences données à l’université pontificale catholique de Rio de Janeiro en mai 1973, que Foucault fait observer que « toute la pénalité du XIXe siècle devient un contrôle, non pas tant sur ce font les individus - est-ce conforme ou non à la loi ? -, mais sur ce qu’ils peuvent faire, de ce qu’ils sont capables de faire, de ce qu’ils sont sujets à faire, de ce qu’ils sont dans l’imminence de faire » (Foucault, M., « La vérité et les formes juridiques », p. 593).
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 36.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 36.
Cet auteur caractérise le coercitif dans un passage éloquent : « Crèche, internat, caserne, hôpital, hospice... Toutes ces institutions « coercitives » fonctionnent selon un même modèle : surveillance continue des individus, assortie de micro-châtiments en cas de conduite déplacée ; examen régulier des aptitudes, sanctionnée par un système de châtiment-récompense, et produisant tout un savoir normatif des individus identifiés selon leur écart à une norme (d’éducation, de santé, de travail, etc.), savoir individuel qui se réalise en rapports, notations, dossiers, etc. ; enfin, organisation rigoureuse et pratiquement exhaustive de l’emploi du temps (activités, déplacements, repos, etc.) » (Gros, F., « Foucault et la société punitive », p. 11-12).
Gros, F., « Foucault et la société punitive », p. 12.
Besse, Guy, « Philosophie, apologétique, utilitarisme », p. 131-146.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 22-23.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 35.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 166.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 169.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 24.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 24.
C’est sans doute là que résident les raisons du malentendu persistant entre les historiens et lui.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 68.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 67.
Aux termes de cette loi, la rétention de sûreté peut être prononcée s’il est établi, à l’issue d’un réexamen de leur situation par une commission pluridisciplinaire intervenant à la fin de l’exécution de leur peine, qu’elles présentent une particulière dangerosité.
Foucault, M., « La vérité et les formes juridiques », p. 593.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 285.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 286.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 286.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 285.
Foucault, M., Naissance de la biopolitique, p. 285.
Laval, C., « La chaîne invisible ». Jérémy Bentham et le néo-libéralisme », p. 16.
Une précaution épistémologique élémentaire interdit de considérer que la pensée d’un auteur, aussi puissante soit-elle, puisse être à l’origine des grandes transformations sociales ou, a fortiori, d’une loi particulière. C’est une idée contre laquelle toute l’œuvre de Foucault s’élève !
Voir dans ce numéro l’article de M. Bozzo-Rey, « Le droit comme système de contrôle social. La question des normes chez Bentham et Foucault » (http://etudes-benthamiennes.revues.org/295)
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