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Evénements / Events

Colloque « Begetters of Revolution? Shelburne and the Bowood Circle Reappraised »

5-7 juillet, Sherborne
Emmanuelle de Champs

Le Colloque

Un colloque organisé par Nigel Aston (University de Leicester) et Clarissa Campbell Orr (University of Anglia) c'est tenu du 4 au 7 juillet 2007 à Sherborne School dans le Dorset. Tout comme le thème du colloque, « Lord Shelburne et son cercle », l'école secondaire où le colloque était organisé avait été choisie en hommage à Derek Jarrett, décédé en 2003. Ancien enseignant dans cet établissement puis à Goldsmith College (Londres), il avait publié en 1973 The Begetters of Revolution. England's involvement with France, 1759-1789 (Londres : Longman), consacré à Lord Shelburne et à son entourage.

Rassemblant plusieurs générations d'historiens ainsi que plusieurs approches historiographiques, le colloque a été l'occasion d'une mise au point importante sur cette figure majeure de l'histoire politique et diplomatique de la seconde partie du XVIIIe siècle.

Deux fois ministre, Shelburne (qui accéda à la pairie sous le titre de Lord Lansdowne en 1784), laissa malgré ses la courte durée de ses mandats un héritage important: ce fut l'un des premiers à promouvoir les idées libre-échangistes tirées d'Adam Smith au niveau national et il fut en grande partie l'architecte du Traité de Paris qui marqua la reconnaissance de l'indépendance américaine par la Grande-Bretagne.

A contre-courant de l'histoire politique telle qu'elle s'écrivait dans les années 1970, Jarrett s'intéressait aux échanges politiques et intellectuels entre la France et l'Angleterre. Shelburne fut une figure majeure de ces transferts, recevant chez lui à Bowood et à Londres des Français (Morellet, Mirabeau) et des Genevois (François d'Ivernois et Etienne Dumont). Outre les attaches européennes de Shelburne, les interventions présentées lors de ce colloque ont mis en lumière les différents réseaux familiaux (l'Irlande et la cour d'Angleterre), financiers (les investisseurs de la East India Company et les milieux de la City), religieux (latitudinaires et non-conformistes) et surtout politiques auxquels appartenait Shelburne. Sur ce dernier point, l'homme politique se distingue de ses contemporains : héritier de Pitt l'Ancien mais dépourvu de son charisme, pourfendeur des partis, partisan d'une politique ministérielle forte, il souffre d'une réputation détestable parmi ses pairs (les mémoires de Walpole et les écrits de Burke en témoignent). La confiance de la Chambre des Communes et la défiance du roi conduisent à sa chute au terme des huit premiers mois de son mandat en 1783. Mais Shelburne manie également les instruments politiques de son temps : patronage et pensions lui permettent de se constituer une poignée de fidèles et l'attention qu'il porte à cultiver ses attaches locales lui assure un certain soutien.

Pour les spécialistes de Bentham, ce colloque a permis un certain nombre de mises au point importantes. La correspondance ainsi que les « souvenirs » confiés à John Bowring par le philosophe à la fin de sa vie sont l'une des sources principales sur la personnalité et le caractère de Shelburne. L'amitié sincère que Bentham lui portait (de leur rencontre en 1781 à leur éloignement progressif au début de la décennie suivante) tranche avec la réputation de celui qu'on appelait « le jésuite de Berkeley Square ». Ces sources constituent l'essentiel des témoignages sur l'homme privé, qui, contrairement au ministre et au diplomate, a laissé peu de traces dans les archives.

L'étude des sources permet de confirmer qu'il est important de confronter les souvenirs tardifs de Bentham à d'autres sources : contrairement à ce qu'affirme le philosophe à plusieurs reprises, ce n'est pas Shelburne qui est allé spontanément, en 1781, rendre visite à l'auteur du Fragment sur le gouvernement. Dès 1779, Bentham avait demandé à Shelburne des lettres de recommandation pour son frère Samuel avant son départ pour la Russie. Toutefois, l'amitié indubitable qui se noue entre les deux hommes au début des années 1780 ne laisse pas d'étonner : qu'est-ce qui pouvait rapprocher un grand aristocrate whig d'un obscur juriste lié (par l'entremise de John Lind) à ses opposants politiques? Quelle fut la nature de leurs échanges? Les témoignages manquent sur ce point. En 1781, Bentham travaillait depuis plus de dix ans à l'analyse des principes du code pénal et l'Introduction aux principes de morale et de législation était sous presse. Il avait publié, outre le Fragment, A View of the Hard-Labour Bill. Shelburne lui ouvrit sa bibliothèque et lui permit de prendre contact avec d'autres réformateurs. Il l'invita également à se pencher sur les questions constitutionnelles. Comme en témoigne Bentham lui-même, Shelburne rétablit sa confiance en lui et l'encouragea à poursuivre ses travaux. Parti rejoindre Samuel en 1785, il écrira désormais en français dans l'espoir d'augmenter le nombre de ses lecteurs et de toucher l'impératrice Catherine II.

A son retour de Russie, au début de l'année 1788, Bentham revint à Lansdowne House. Il y rencontra Dumont, une étape dont on connaît l'importance pour le développement et la diffusion de sa pensée. C'est également avec la bénédiction de Lansdowne qu'il s'intéressa aux premiers temps de la Révolution française. Ce milieu donna l'occasion à Bentham d'envisager concrètement sa participation à la réforme politique et juridique: lors de la Révolution française, il s'adressa directement aux constituants par l'entremise de Dumont et cultiva également des ambitions politiques dans son propre pays. En 1790, il reprocha à Lansdowne de ne pas lui avoir proposé de siège à la Chambre des Communes, qu'un philosophe réformateur y aurait eu toute sa place.

Ces deux épisodes se soldèrent par des échecs : Lansdowne se défendit d'avoir fait une telle promesse à Bentham et la Révolution poursuivit son cours sans rendre plus d'hommage au philosophe qu'une citoyenneté honorifique conférée en 1792. Déçu par la France et plus au fait des rouages du parlementarisme anglais, Bentham changea alors de stratégie. A partir de 1793 débuta la grande campagne du panoptique, une entreprise de lobbyisme très moderne dans ses formes, par laquelle Bentham promut auprès des parlementaires de tous bords les principes de sa prison modèle.

L'étude de l'influence de Lansdowne sur Bentham ou de Bentham sur Lansdowne a été remise en perspective par les différentes interventions à ce colloque. L'une de ses conclusions paradoxales a été la remise en question de l'existence du « Bowood Circle », selon l'appellation popularisée par Jarrett et souvent reprise. On n'a pu trouver trace d'un « cercle » ni d'un groupe soudé autour de Lansdowne qui aurait partagé des idées politiques, philosophiques ou religieuses : il n'y a pas eu de rencontre entre Price, Priestley et Bentham, par exemple. Les différentes communications ont fait ressortir la diversité des personnalités et des relations que Lansdowne entretenait avec chacun. S'il n'y a pas eu de « cercle de Bowood », il y a, en revanche, autour de Lord Lansdowne, un foisonnement d'experts et de penseurs, de Britanniques et d'Européens, des rencontres et des discussions qui fournissent un exemple fascinant des relations sociales, intellectuelles et politiques à la fin de l'âge des Lumières en Angleterre.

Communications

Shelburne in Perspective (John Cannon) ; Family bases:Shelburne, father, brother and sons (Nigel Aston) ; Wives, Aunts and Courtiers: The Ladies of Bowood  (Clarissa Campbell Orr) ; Shelburne and Ireland: Politician, Patriot, Absentee (Martyn Powell) ; Shelburne and the Landscape of Englishness  (John Phibbs) ; A Chathamite In Opposition And In Government: (Frank O’Gorman) ; "A little knot of young orators”: Shelburne and his political following, 1761-83 (Craig Beeston) ; Les idées constitutionnelles de Shelburne: le témoignage de l'abbé Morellet (Edmond Dziembowski); The Prince and the Philosopher: The Bentham-Shelburne relationship reconsidered (Emmanuelle de Champs); Shelburne, Opposition Politics and the Changing Face of reform 1783-1805 (John Stevenson); Shelburne, Finance and Sir Francis Baring (John Orbell); Shelburne, America and the Peace of Paris (Peter Marshall) ; Shelburne the European Powers and the Peace of 1783 (Andrew Stockley) ; Genevan culture, citizenship and Bowood thinking (Linda Kirk) ; Opening the door to Truth and Liberty: Bowood’s French Connection (Robin Eagle)s; Lord Shelburne and The Latitudinarian Tradition (Grayson Ditchfield) ; "Literary caballers and intriguing philosophers": Burke, Shelburne and the dissenters  (John Seed) ; Dumont’s politics: Bowood and the Reform of Large Empires (Richard Whatmore) ; The Real Benthams (Cyprian Blamires) ; Bowood and Anglo-French Intellectual Relations: The case of Mirabeau (Rachel Hammersley).

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