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Dossier : Émotions

À propos de violence. Étude d’une danse communautaire du Nord-Est de la Turquie

Nicolas Elias
p. 113-130

Résumé

Dans les chaînes des montagnes pontiques du nord-est de la Turquie, derrière les brumes d’une des régions les plus pluvieuses au monde, se cache une mosaïque hétéroclite de peuples unis par une passion commune pour les armes à feu, un nationalisme exacerbé, et une musique d’une force inouïe où résonnent heurts et éclats. Aux portes du Caucase, la violence est omniprésente et la musique n’échappe pas à cette fièvre… si elle ne participe pas à la mettre en scène. En étudiant plus spécifiquement le horon, danse en cercle, danse de groupe menée autant par la vièle kemençe ou la cornemuse tulum que par les clameurs des participants, il s’agira de mettre en évidence de quelle manière une certaine violence (physique et sonore) redéfinit les logiques sociales et musicales. Et ce faisant, partir sur les traces de Pierre Clastres (Archéologie de la violence).

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Texte intégral

  • 1 Cette dénomination englobe usuellement les préfectures de Trabzon, Rize et Artvin.
  • 2 Ajoutons à cela une réputation d’idiotie qui en fait l’objet d’innombrables blagues à travers tout (...)
  • 3 « Comme à la fois Anthony Bryer et Xavier de Planhol l’ont indiqué, les hautes chaînes pontiques on (...)

1Sur les rives turques de la Mer Noire qui préfigurent déjà le Caucase, s’étend le littoral pontique oriental (doğu Karadeniz) 1 : terre côtière à la végétation luxuriante séparée de l’aride Anatolie par la chaîne des Alpes pontiques. La population locale – qui passe une partie de l’année sous la pluie ou dans la brume – s’est taillé une réputation à travers tout le pays sous le cliché ethnique du « Laze » ou géographique du « Karadenizli » (« originaire de la Mer Noire », entendu comme la côte s’étendant de part et d’autre de Trabzon) : une passion immodérée pour les armes à feu, un nationalisme exacerbé, une tradition encore prégnante de vendetta et un conservatisme religieux résolument borné 2. Si cette figure régionale stéréotypée cache un melting-pot ethnique et linguistique unique en Turquie (turc, dialectes turkmènes, laze, grec pontique, dialecte arménien, géorgien), il n’en reste pas moins qu’un fort particularisme local, dû à des causes tant géographiques qu’historiques 3, confirme la spécificité de ce littoral pontique.

  • 4 Jusqu’au XIXe siècle, le cabotage était encore le moyen le plus simple de circuler le long de la cô (...)
  • 5 Puis, au début du XXe siècle, contre les invasions russes.

2Pour la géographie : une succession de vallées à l’accès difficile 4, aux habitats dispersés dans la montagne (certains centres urbains se résument encore aujourd’hui, malgré l’urbanisation fulgurante de ces dernières années, à un agrégat de commerces tandis que les maisons sont éparpillées à travers la vallée), et qui garantit, à qui le veut, un relatif isolement. Pour l’histoire : une longue tradition d’insoumission qui s’exprima, jusqu’au XIXe siècle, en d’incessantes guérillas menées par des « chefs de vallée » (derebey) contre l’autorité de l’Empire ottoman 5 ou simplement entre eux (le plus souvent les deux à la fois, les alliances se faisant et se défaisant au gré des opportunités). Chefs de vallées dont l’anthropologue Michael Meeker constate encore l’existence, sous des formes plus discrètes.

  • 6 Le Oflu hoca, « hodja d’Of », est l’objet d’innombrables histoires. Plus généralement, les habitant (...)

3D’ailleurs, s’il n’y a plus de guerres aujourd’hui, on a l’occasion, en voyageant vers l’Est, de se rendre compte que la réputation sulfureuse de cette côte pontique orientale est loin d’être usurpée : s’y succèdent en quelques heures les villes de Trabzon – lieu d’origine de l’assassin du journaliste turc arménien Hrant Dink et bastion du groupuscule nationaliste Ergenekon –, de Sürmene – réputée pour ses couteaux –, d’Of – dont l’intolérance des religieux locaux est proverbiale 6 – ou encore d’Ardeşen – » capitale des Lazes », dont l’emblème de la municipalité figurant un fusil et une mosquée est suffisamment éloquent.

  • 7 Réhabilitation qui se limite aux chansons, les musiques de danse restant indigestes pour une grande (...)

4La musique, quant à elle, participe également de cette fièvre : les chants et les danses, menées par la cornemuse (tulum) ou la vièle locale (kemençe) au son criard – plus rarement par le couple davul / zurna –, sont émaillés de cris, de bruits sourds de pas, des clameurs des participants ou de coups de feu intempestifs… Atypiques et souvent dépréciées dans l’espace national (malgré une récente réhabilitation habilement menée par le chanteur Kazım Koyuncu 7), les musiques de ces vallées servent le plus souvent à accompagner des danses d’une vigueur impressionnante (ou intimidante, selon le contexte). En parcourant la région, on a de fortes chances – et ce d’autant plus que l’on quitte la côte pour s’enfoncer dans les montagnes – d’assister à l’une de ces danses, comme a pu en faire l’expérience l’écrivain voyageur Nicolas Bouvier, qui traversa la Turquie il y a de cela un demi-siècle (Bouvier 2004 : 155) :

5Au sommet du col [d’Ordu], entre quelques maisons de bois délabrées, une trentaine de villageois dansaient au son d’une musique aigrelette. Ils tournaient lentement sous la pluie qui nettoyait ces collines touffues, se tenant par le coude ou par la manche de leurs vieux vestons noirs rapiécés à la ficelle. Nez crochus, méplats bleus de barbe, visages de tueurs. Le gros tambour et la clarinette ne se pressaient pas mais ne marquaient aucune pause. Une sorte de pression montait. Personne ne disait mot, et j’aurai bien préféré qu’ils parlent ; la controverse, même irritée, m’apparaissait soudain comme la plus paisible des occupations. J’avais l’impression déplaisante qu’on chargeait méthodiquement un fusil par la gueule. Le village rival, s’il existait quelque part dans cette jungle brumeuse, ferait bien de ne dormir que d’un œil.

  • 8 Notons que l’auteur n’est pas néophyte en matière de musique et que, lui-même musicien, il effectue (...)

La musique elle aussi n’était que menaces et coups de fléau. Quand nous tentions d’approcher pour mieux voir les instruments, une houle d’épaules et d’échines tendues nous repoussait vers l’extérieur. Personne n’avait répondu à nos saluts ; on nous ignorait complètement. J’avais l’enregistreur sur l’épaule mais cette fois-ci je n’osai pas m’en servir. Au bout d’une heure, nous sommes redescendus vers le brouillard qui couvrait la mer Noire 8.

  • 9 La transposition des thèses de Clastres à notre étude peut sembler peu appropriée. Loin de nous l’i (...)

6Ce à quoi assistait Nicolas Bouvier n’est autre, mené ici par le couple davul / zurna, qu’un horon, forme qui constitue l’écrasante majorité des danses de la côte orientale. Tension palpable, virulence des participants, âpreté de la musique… le horon semble être un condensé de cette violence que l’on prête si facilement aux habitants de la région. Violence fascinante et problématique : pour se pencher sur celle-ci, encore faudrait-il la définir. À la fois cerner ce qui peut être perçu, dans le déroulement de cette danse, comme relevant (ou non) d’une certaine violence, et interpréter le rôle que ce phénomène peut y jouer : par l’étude d’une danse communautaire – et en s’appuyant sur les travaux de Pierre Clastres 9 – nous essayerons de comprendre comment, dans une société donnée, une outrance physique et sonore est utilisée pour redéfinir les logiques sociales et musicales.

« Une sorte de pression montait »

7Grand horon unique des salons de mariage (que toute ville, si petite soit-elle, se doit de posséder en plusieurs exemplaires), petits horon qui poussent comme des champignons sur les hauts-plateaux lors des grands rassemblements estivaux, accompagnés de détonations d’armes à feu, horon mis en scène pour les grandes occasions ou horon esquissés à l’improviste, sur un bout de pelouse ou entre deux tables… cette danse fait l’objet d’une passion locale, et quelque vieille femme impotente se trémoussera au son du kemençe tandis que son mari vous glissera à l’oreille qu’elle fut en son temps une danseuse hors pair.

  • 10 Ce mot signifie « danse » dans le dialecte grec pontique et ne désigne donc pas, à l’origine, une d (...)
  • 11 Quant à la place du meneur, voir infra.

8Il est avant tout nécessaire de préciser que, de Trabzon à Artvin, ce nom de horon ne désigne pas tant une danse unique qu’il n’en englobe toute une famille 10 et qu’on lui ajoute très souvent une désignation territoriale (Pazar horonu, Trabzon horonu…), ethnique (laz horonu, hemşin horonu), plus rarement de genre (kız horonu), la danse étant, de nos jours, très majoritairement mixte. D’ailleurs, dans une région où, d’une vallée à l’autre, l’on tient à marquer ses différences, le horon accuse de flagrantes disparités : disparités de pas bien sûr, mais également de rythme ou de fonctionnement 11. Cette précision faite, force est de constater qu’il s’en dégage une unicité suffisamment marquante (ne serait-ce que dans cette volonté de tracer des frontières stylistiques), pour qu’on puisse se permettre de considérer ces différentes danses comme autant de variantes au sein d’un système commun, et ce d’autant plus que ces disparités ont déjà commencé à se dissoudre sous l’effet d’une régionalisation de la musique.

9De fait, pour un observateur peu coutumier de la région, rien ne ressemble plus à un horon qu’un autre horon : ronde animée par les mouvements vigoureux – joyeusement exagérés chez les jeunes hommes – et les cris des danseurs, tournant lentement autour du musicien qui, debout au centre, martèle inlassablement un rythme soutenu à coups de formules répétitives. La virulence des danseurs est ce qui frappe au premier abord : vives clameurs, pieds frappés sur le sol…le silence dont fait état Nicolas Bouvier (à Ordu, extrême Ouest de la région considérée) n’est pas la norme et, plus l’on se rapproche du Caucase, plus les cris des danseurs s’intensifient, jusqu’à sciemment couvrir la musique (lorsque cette dernière n’est pas amplifiée, évidemment). À l’opposé d’autres danses de Turquie, comme le karşılama ou le zeybek, où le contact physique est quelque fois recherché mais toujours soigneusement évité, il est ici une composante fondamentale. Ce n’est d’ailleurs pas par le petit doigt que l’on se tient – comme pour la plupart des danses anatoliennes ou égéennes en ronde ou en demi-cercle –, mais à pleine main, sans se lâcher à aucun moment et en tirant allègrement sur les bras de ses voisins : le nouveau venu est ainsi littéralement emporté par l’élan du groupe.

  • 12 Et l’on notera l’absence de luths spécifiques à la région.
  • 13 Il n’est pas rare que l’instrument se limite à la tonique, quelque fois alternée avec la quinte ou (...)
  • 14 Ou ne pas avoir lieu : quand le temps nécessaire à ces développements n’est pas disponible, quand d (...)

10Le musicien, quant à lui, joue sans discontinuer (les instruments « ne marquaient aucune pause », note Bouvier). Si c’est là une caractéristique partagée par nombre de musiques de danse, le son continu12 du tulum ou du kemençe, rehaussé de trilles et de petits jeux polyphoniques qui ne laissent pas de place au silence, semble avant tout offrir un tapis sonore et une ossature rythmique13, un espace pour la danse. D’ailleurs, par « horon » s’entend généralement ce temps de musique (et de danse) ininterrompu, long d’au moins plusieurs dizaines de minutes de musique, où viennent se succéder chansons (türkü) et airs de danse (horon havası). En cela, le horon ne suit pas – dans son développement général – une structure stricte, si ce n’est le sentiment qu’il donne d’une accélération progressive ; sentiment souvent renforcé par le glissement d’un rythme aksak à un rythme régulier (de 7/8 à 4/4 vers Trabzon, de 5/8 à 4/4 vers Rize) et qui tend vers une certaine intensité. On peut malgré tout relever la récurrence d’un long cycle en trois phases et guidé par la même logique de tension (« Une sorte de pression montait. […] J’avais l’impression déplaisante qu’on chargeait méthodiquement un fusil par la gueule »), cycle qui nécessite l’intervention orale d’un meneur (ce rôle peut être tenu par le musicien, par l’un des danseurs ou, plus rarement, par un personnage externe à la danse) et qui pourra se répéter plusieurs fois14 :

  1. Les pas de base constituent l’entame et la majeure partie de la danse, ponctués d’autres figures simples laissées au gré des danseurs. Durant cette phase, selon la localité et le contexte, peuvent prendre place des chansons (türkü).

  2. Au signal, les bras se lèvent progressivement, tendus à hauteur de tête, s’accompagnant souvent (mais pas nécessairement) d’un changement dans la musique et de mouvements moins amples.

  3. À un second signal, crié, la tension est rompue : les bras sont jetés vers le sol, le buste en avant, dans un cri de joie collectif. Durant un court laps de temps, et sans que cela n’implique nécessairement de changements notables ni dans les pas ni dans la musique, les mouvements sont exécutés dans une joyeuse exagération, paroxysme d’intensité qui s’estompe rapidement avant un retour à la première phase (qui durera sensiblement moins longtemps que lors de sa première occurrence, la danse touchant alors généralement à sa fin) ; déferlement d’énergie quasi-cathartique où la musique instrumentale tient le second rôle – toute l’intensité étant focalisée sur les danseurs.

Une danse guerrière ?

11Que Nicolas Bouvier lie implicitement, dans ses impressions, cette danse à l’activité guerrière (« Le village rival, s’il existait quelque part dans cette jungle brumeuse, ferait bien de ne dormir que d’un œil ») n’est pas anodin. Cette démonstration de virilité (si la danse est mixte, ce sont les hommes – et parmi eux particulièrement les plus jeunes – qui lui impriment son mouvement, eux qui se distinguent par l’exubérance de leurs gestes et de leurs cris), débauche d’énergie qui touche à la violence, entre en résonance avec les faits locaux de vendetta ou de fanatisme que tout un chacun peut avoir à l’esprit, et ne manque pas de produire un effet intimidant sur l’auditeur étranger.

  • 15 « Bien souvent les adultes confient [aux enfants] les coutumes dont ils savent la désuétude, et leu (...)
  • 16 « Pour que la communauté puisse affirmer sa différence, il faut qu’elle soit indivisée, sa volonté (...)

12Pour autant le horon n’est pas une danse guerrière, on n’y cherche pas à impressionner un ennemi imaginaire, ni à offrir à la société, réunie en public, une image guerrière d’elle-même, au contraire. Pour impressionner, il faut faire front, faire spectacle. Le zeybek – cette danse individuelle aux gestes ostentatoires du sud-ouest du pays qu’a étudié Jérôme Cler (1998) –, vers lequel convergent tous les regards, peut-être. Peut-être aussi cette « danse aux couteaux » (bıçak dansı), autre danse du littoral pontique passée dans le domaine folklorique, où, aujourd’hui, deux enfants 15 simulent un combat au milieu de l’attroupement formé par la communauté. Mais rien de cela dans le horon. À l’opposé, le public y est étrangement absent. Absence relative bien sûr, et il y a toujours des spectateurs occasionnels, des curieux qui se pressent autour du cercle, mais sans cesse repoussés par le mouvement de recul qu’il opère. D’ailleurs, comme en témoigne Bouvier, de l’extérieur on ne voit rien, ou pas grand-chose (« Quand nous tentions d’approcher pour mieux voir les instruments, une houle d’épaules et d’échines tendues nous repoussait vers l’extérieur »). Anti-spectacle : plus que nié, le public est repoussé, refoulé. La violence perçue acquiert dès lors un sens foncièrement autre. Dans ce cercle qui concentre toute son énergie vers l’intérieur, qui ne se laisse ni cerner ni complètement apercevoir, elle est à la fois la condition sine qua non et l’expression de la cohésion de la communauté. En liant, dans son Archéologie de la violence, l’utilisation de la violence à l’idéal d’un « Nous » indivisé 16, Pierre Clastres touche au cœur du problème ; ce vers quoi tendent les marques de « violence » décrites précédemment – importance du contact physique, exagération des mouvements, tension, cris collectifs –, c’est avant tout à la synergie du groupe.

  • 17 Cela s’explique bien sûr assez facilement par le fait que, dans l’absolu, tout un chacun est un dan (...)

13Si, à ce niveau d’analyse, un parallèle entre ce « Nous » et le groupe des danseurs serait probablement trop hâtif, l’indivision qu’évoque Clastres étant avant tout sociale, l’on peut toutefois le rejoindre sur deux points : la constitution d’un groupe fort (« Nous ») implique nécessairement un mouvement de mise à distance (« Nous exclusif des Autres »), les logiques d’intégration et d’exclusion fonctionnant de paire. Ainsi les mouvements qui entraînent la synergie de la danse provoquent simultanément le recul du public : en le rejetant en dehors, ils permettent la définition claire du groupe ; cette mise à distance traduit un rapport étroit au territoire, « exclusivité dans l’usage du territoire » qui réalise spatialement l’opposition « Nous »/» Autres ». L’énergie dégagée par les danseurs vient, de fait, actualiser et renforcer la division spatiale latente dans toute ronde, danse communautaire par excellence 17 : espace intérieur/espace extérieur.

Le dehors et le dedans

  • 18 Là encore, le contraste avec le zeybek est frappant, où l’interaction avec le public, l’écoute part (...)
  • 19 Tourner le dos est en soi une attitude de communication explicite.

14Le horon comme élément incontournable de sociabilité est tout entier construit sur cette opposition : ou l’on est dedans (et l’on est porté par la synergie) ou l’on est dehors (et l’on est d’office exclu du jeu), mais il n’y a pas d’entre-deux, cette position intermédiaire qu’est celle du spectateur en interaction avec les danseurs ou le musicien (en allant placer un billet dans la poche du musicien, en demandant une chanson, en félicitant ou en encourageant un danseur, en exprimant son contentement à une phrase musicale, en participant tout simplement par des cris ou des applaudissements) 18. Cela ne signifie pas, bien sûr, qu’il n’existe pas un public, ni n’empêche qu’une circulation s’organise entre ces deux espaces : si l’extérieur du cercle est un hors-territoire (et cette affirmation demanderait à être tempérée 19), l’espace intérieur acquiert une importance fondamentale et devient, dès que le cercle s’agrandit suffisamment, un espace privilégié.

15Ce phénomène est particulièrement frappant aux environs de Trabzon : parcouru par le musicien, mobile (que ce soit le kemençe, le tulum ou le zurna, les instruments locaux se jouent debout), l’intérieur du cercle accueille régulièrement les personnes dans l’incapacité de danser (personnes âgées, enfants en bas âges…) qui se regroupent alors au centre, assises par terre. C’est à l’intérieur également que se glissent les curieux pour filmer la scène avec leur téléphone portable. À l’intérieur encore que, lorsque la ronde arrive à un point d’extension critique, se recrée un second cercle, plus restreint. Que ce second cercle puisse ne pas en être un et qu’on puisse alors se contenter d’un demi-cercle est, peut-être, révélateur d’un rapport distinct à l’espace qui prévaudrait au sein de la ronde : danse d’extérieur, le horon recrée un intérieur, il produit du territoire.

  • 20 Cf. note 15.

16 Et très exactement, dans certains cas, reproduit symboliquement un territoire préexistant. Ainsi dans les pâturages d’été d’Honofter (Honofter yaylası), lors du festival annuel rassemblant villes et villages alentour, et alors que l’on a du mal à circuler entre la foule, la scène, les tentes, les danses improvisées çà et là, un horon dégage un vaste espace au centre duquel trône une banderole, tenue par des enfants 20, où l’on peut lire en lettres rouges : TONYA. Ce sont les hommes de la ville éponyme qui forment leur propre horon, flanqués de leurs propres musiciens (cinq kemençe, un davul et un zurna ne seront pas de trop pour concurrencer la sono voisine). Et avant que la danse ne rentre dans le vif du sujet, c’est le maire de la ville (issu d’une importante famille agnatique locale) qui fait le tour de l’immense cercle en trottinant, suivi des musiciens et acclamé par les participants. S’il y a, à l’évidence, une bonne dose de mise en scène dans ce cas précis – minutieusement préparé les jours précédents et où se joue une partie de la fierté locale, les habitants de Tonya n’hésitant pas à s’autoproclamer centre (ana merkez) du horon –, il illustre à outrance la valeur territoriale qui est octroyée au horon. Les quelques jeunes danseurs du village voisin d’Ağasar qui se sont joints à la ronde de Tonya ne sont là qu’à titre d’invités dans un territoire ostensiblement signé et qui n’est pas le leur, ce que ne manquent pas de préciser les observateurs avertis.

  • 21 « […] de nombreux documents attestent la réalité et l’importance de telles corrélations, principale (...)
  • 22 Évoquant l’époque byzantine, A. Bryer constatait déjà : « Dans les temps troublés, l’instinct ponti (...)
  • 23 Les montagnes environnant Çaykara abritèrent ainsi de nombreuses écoles coraniques durant leur inte (...)

17La dichotomie dehors/dedans que cristallise cette danse communautaire se retrouve à d’autres niveaux d’analyse de la société pontique, confirmant au passage, et si besoin était, la corrélation qu’établit Claude Lévi-Strauss entre structures spatiales (dont celle, instable et éphémère, de la danse) et phénomènes mentaux 21. Deux exemples suffiraient à expliciter ce parallèle. Prenons tout d’abord le rapport à l’espace habitable, l’«  aménagement du territoire » pourrait-on dire, organisé, sur toute la côte orientale, autour d’un système de vallées « bipolaires » : à une extrémité le littoral – espace ouvert de commerce et de conflit – à l’autre les villages montagnards – espace fermé de tradition et d’entre-soi. La montagne escarpée et brumeuse tient, en tant qu’espace intérieur, une place privilégiée dans les consciences, qui a de tout temps servi à la fois de refuge 22 et de cachette 23.

18Un autre exemple nous est donné par le système fermé de parentèles (akraba) qui cloisonne les relations sociales. Nicolas Bouvier en a fait l’expérience,

Fig. 1. Les hommes de la ville de Tonya lors d’un festival sur les hauts-plateaux de Kadirga.

Fig. 1. Les hommes de la ville de Tonya lors d’un festival sur les hauts-plateaux de Kadirga.

Province de Trabzon, 16 juillet 2010. Photo Nicolas Elias.

  • 24 Notons au passage que, dans cette sociabilité qui fonctionne par exclusion, ou plus exactement par (...)

dans ces montagnes où l’étranger est rarement le bienvenu (« Personne n’avait répondu à nos saluts ; on nous ignorait complètement »). Seul le statut d’invité (misafir) – statut lui-même raccordé à une famille patronymique, on n’est jamais que l’invité de quelqu’un – y offre une place ponctuelle. D’étranger à invité, du dehors au dedans, il s’opère alors un changement notable : les regards froids et silencieux qu’on jette à l’inconnu (forcément espion ou malveillant) de passage dans telle petite ville de montagne deviennent sourires bienveillants et paroles de bienvenue dès qu’on apprend qu’il est l’invité d’une famille locale. Ce dernier détail rejoint un point important déjà noté dans le cas du horon : l’intérieur se réalise par exclusion de l’extérieur, la cohésion du groupe est fonction de la mise à distance constante qu’il oppose à ce qui lui est étranger – » l’indivision interne et l’opposition externe se conjuguent, chacune est condition de l’autre » (Clastres 1999 : 19) – ; plus prosaïquement, ce qui était perçu comme violence de l’extérieur ne l’est plus de l’intérieur, la violence comme intimidation n’ayant pour but que de maintenir la séparation mentionnée 24.

La violence comme frontière d’un entre-soi ?

19Dans cette logique, la violence interviendrait-elle comme la frontière d’un entre-soi ? D’évidence, l’effervescence locale va de pair avec une forme d’autarcie, toute aussi flagrante au niveau national. Pour comprendre l’usage qui en est fait, il faut là encore quitter l’aire de danse et se reporter aux travaux anthropologiques menés dans la région par Michael Meeker. En s’appuyant sur les écrits de voyageurs de passage et de consuls européens en poste à Trabzon lors des guerres intestines du XIXe siècle, il analyse le déroulement et la portée réelle de ces conflits armés. Quelques-uns de ces témoignages sont particulièrement éloquents quant à la logique mise en œuvre et semblent corroborer cette hypothèse. Ainsi le constat que dresse le consul britannique Guarracino, au fait des arrangements passés entre deux chefs locaux :

Uzunoglu Mehmet Agha, le commandant des troupes d’Osman Pacha, vint à Miruvet ; Kior Hussein Bey et Uzunoglu s’étaient mis d’accord pour qu’un affrontement factice prenne place sur les rives opposées du fleuve, mais sans qu’aucune des deux factions ne fasse directement feu sur leurs opposants. Les hommes maintinrent un feu nourri pendant deux jours, et bien sûr sans qu’aucun coup ne fasse effet. Les troupes, qui étaient apparemment ennemies durant le jour, traversaient le fleuve en bateau durant la nuit et festoyaient ensemble (Meeker 2002 : 210).

20Ou encore le témoignage du voyageur Fontanier évoquant des scènes de guérilla dans la ville même de Trabzon (« Il est difficile d’imaginer une anarchie plus complète ») tout en soulignant que « ces combats sont plus bruyants que meurtriers parce qu’il apparaît souvent à la fin du combat que personne n’a été tué ni même blessé » (Meeker 2002 : 212). S’il s’agit là d’événements épisodiques au milieu de faits de guerre réels (massacres, pillages, exécutions…), ils illustrent comment une logique guerrière interne, et plus spécifiquement ici les démonstrations de force et l’éclat des armes, est utilisée pour tenir à distance les indésirables : c’est précisément par l’état (quelquefois soigneusement simulé) d’« anarchie » interne, de « barbarie » dira plus loin un autre voyageur (Meeker 2002 : 235), qu’est atteint l’entre-soi désiré.

  • 25 Meeker relate la conversion espérée par ses interlocuteurs locaux. Tout voyageur de passage pourra (...)
  • 26 La présence de musulmans grécophones est en soi exceptionnelle, mais la coexistence, aux environs d (...)

21Et pourtant, malgré l’acuité de ces témoignages, la violence ne peut être réduite à une volonté d’intimidation, loin de là ; nous avions noté qu’elle visait avant tout à la synergie. En ce sens, la logique d’exclusion n’est jamais première : elle ne doit être appréhendée que comme épiphénomène, réplique au sens sismologique d’une puissante logique interne d’intégration. Dans le horon, le même équilibre prévaut et l’étranger en fait facilement l’expérience : tenu à distance par la rangée de dos qui le repousse (et peut-être intimidé par les cris), s’il fait l’effort de dénouer deux mains pour se glisser dans le cercle, il est rapidement entraîné par l’énergie de ses voisins (voir infra à propos du statut d’invité conféré aux danseurs du village voisin dans le horon de Tonya). Le nouveau venu ne sera pas mis en quarantaine, au contraire ; ignorant qu’il est des mouvements, il aura droit à une double ration d’énergie qui le propulsera dans la ronde. De même, si l’on signalait en introduction la (très) mauvaise réputation des habitants d’Of, liée en majeure partie à leur intolérance religieuse, il faut admettre qu’ils jouissent en retour d’une longue tradition de prosélytisme : la violence religieuse (dont la réputation est loin d’être exagérée…) n’est pas tant exercée pour repousser le mécréant que pour intégrer le futur croyant 25. Mise en demeure face au fait religieux (et à ce jeu là, mieux vaut être chrétien qu’athée…), elle procède avant tout d’une logique d’intégration (par la conversion espérée). À un niveau plus large, les historiens n’ont pas manqué de souligner l’extraordinaire faculté d’assimilation de la région face aux éléments exogènes, allant jusqu’à évoquer une « exception pontique » (Bryer 1975), exception dont on retrouve aisément les traces de nos jours 26. Aujourd’hui encore, la ferveur (régulièrement violente) religieuse comme nationaliste joue pour beaucoup à la fois dans la cohésion de la région et dans son intégration à l’espace national.

  • 27 Les italiques sont de nous.

22Si les marques de violence viennent incontestablement tracer une frontière (poreuse), comme nous l’avions relevé dans la division spatiale du horon, la question est alors de savoir sur quels critères s’établit cette frontière. C’est au détour d’une remarque de Meeker que l’on trouve des éléments de réponse. Relatant un fait similaire aux précédents, il conclut : « Ce qui fait de Sürmene une terre promise pour ses habitants, leur expérience de (la) sociabilité, est exactement ce qui en fait un enfer pour ceux venant de l’extérieur » (Meeker 2002 : 235) 27. Ce constat d’une sociabilité locale basé sur ce qui pourrait était perçu, de l’extérieur, comme une expression de violence fait écho aux travaux de George Drettas s’interrogeant sur la cohabitation, avant l’échange de populations de 1923, entre chrétiens orthodoxes et musulmans dans la région (Drettas 1989). Analysant les mécanismes identitaires qui régulaient leurs relations de voisinage (par l’étude de la figure guerrière de saint George), il fait l’hypothèse d’une sociabilité commune, interreligieuse et interethnique, à travers un modèle héroïque. De violent à héroïque, il se joue un glissement notable, qui implique un regard fondamentalement différent sur l’usage de la violence.

  • 28 Ainsi la garde personnelle de Mustafa Kemal était réputée pour être composée de « Lazes » (ce qui é (...)

23Les Lazes (et plus globalement les « Karadenizli orientaux »), population virulente et rebelle, de tous temps marginale par l’état d’anarchie qu’elle entretenait soigneusement, ne se sont jamais autant intégrés à l’Empire ottoman puis à l’État turc (auxquels elles appartenaient de facto) que par les guerres qu’ont mené ces États (excellents marins, garde-frontières par la force des choses, les Lazes se sont distingués dans toutes les guerres). Et l’on pourrait de la même manière se demander en quoi leur adaptation réussie à la nation turque, si surprenante dans le contexte nationaliste (c’est un exploit de pouvoir revendiquer si fièrement une affiliation ethnique différente dans un État idéologiquement mono-ethnique) ne résulte pas d’une conformité à ce même idéal héroïque que porte le nouvel État 28.

La figure du meneur

24Revenons à l’aire de danse. Nous avions jusqu’à présent limité notre analyse des clameurs et des expressions de virilité à une sociabilité subordonnée aux logiques de cohésion et d’intimidation (c’est à dire leur impact sur la formation du groupe), en faisant l’impasse sur le poids qu’exercent ces éléments sur le fonctionnement interne de certains horon (c’est-à-dire leur rôle dans l’organisation de ce groupe). Il faut, pour constater cela, s’éloigner de Trabzon et pénétrer au cœur du pays laze, la « vallée des tempêtes » (fırtına vadisi) qui s’ouvre non loin de la ville d’Ardeşen (préfecture de Rize) et où le tulum est roi. Alors que plus à l’ouest (aux environs de Trabzon) le déroulement de la danse est entièrement du ressort du musicien, il se joue ici un jeu plus complexe : celle-ci est de bout en bout emmenée par un ou plusieurs meneurs successifs, qui se comptent parmi les danseurs et ne sont pas clairement désignés d’avance. L’action de ce meneur, mais également les mécanismes régulant sa prise de fonction, illustrent au mieux l’ingérence de la virulence des participants dans le déroulement de la pratique musicale.

  • 29 Une question sur cette dénomination, posée à Istanbul à des musiciens originaires de lieux différen (...)
  • 30 Le mot komutçu semble être un néologisme local formé à partir du mot komut,« ordre », et du suffixe (...)
  • 31 Exemple parmi d’autres.

25Concentrons-nous en premier lieu sur le rôle que joue, une fois désigné, ce meneur. Divergeant selon les lieux 29, le nom attribué à cette fonction est déjà d’une éloquence frappante : horon başı (« chef du horon »), komutçu (« donneur d’ordre » 30), horon vurdurur (« celui qui fait battre le horon »)… Dominant l’assemblée de sa voix et de ses gestes, c’est lui qui impulsera au groupe la dynamique nécessaire, en l’encourageant et en montrant l’exemple, lui qui montrera, tout en les dictant à voix haute, les figures à effectuer (yerinde oyna : sur place), lui qui lancera les chansons, reprises à l’unisson par les danseurs et attrapées à la volée par le musicien, lui qui commandera le changement de rythme (s’il a lieu), de 5/8 à 4/4, lui surtout qui gèrera le cycle évoqué précédemment et la tension qui en résulte (au cri de yüksek oyna, « joue haut », les bras se lèvent, qui s’abaissant avec force cris au signal explicite de sesler beraber, « les voix ensemble » 31).

26Que ces mouvements impliquent nécessairement des changements musicaux (de rythme, de tempo, de mélodie, de phase du cycle) suppose en retour une constante interaction avec le musicien (par la voix, les gestes, le regard), interaction qui est toujours à l’initiative du meneur. Selon les dires de meneurs le (bon) musicien doit pouvoir répondre (au doigt et à l’œil) aux plus légers changements de tempo ou de mélodie qu’indiquerait, de la voix ou du pied, le meneur. Ce dernier peut aller jusqu’à dicter au joueur de tulum les motifs rythmico-mélodiques qu’il doit jouer à l’aide d’onomatopées (« lit » et « lut »). Logique qui trouve son paroxysme à l’extrême est de la région (préfecture d’Artvin), près de la frontière géorgienne, où, dit-on, il n’est pas rare de voir des musiciens harassés par les sollicitations des danseurs.

27Si les modalités de cette interaction ne sont ni similaires d’un lieu à l’autre, ni – en l’état des recherches – clairement analysables, deux points méritent d’être relevés :

  • c’est en canalisant l’énergie du groupe (sesler beraber) que le meneur peut escompter imposer sa volonté au musicien ; musicien auquel, quand cette logique est poussée à son paroxysme, il fait violence ;

  • les cris et les bruits de pas du groupe ne couvrent pas tant la musique qu’ils ne la guident. Marquant du pied le rythme, le meneur prend, littéralement, le pas sur le musicien.

28À première vue, les meneurs se distinguent donc par leurs qualités « viriles » : une voix qui porte, des gestes délurés, une énergie communicatrice (ce sont souvent des hommes jeunes), qualités qui acquièrent ici une fonction précise dans le déroulement de la danse. Si les femmes se joignent sans souci à la danse, et s’il est possible – à de rares occasions – de les voir jouer d’un instrument, il est plus qu’improbable qu’elles se mêlent de mener la danse. L’analyse révèle pourtant une autre dimension de ce rôle : à la fois figure virile et virulente – donc touchant à la violence –, le meneur est également (« surtout » préciseront les intéressés) le dépositaire d’un savoir spécifique (figures, déroulement général du horon, chansons aux paroles en partie improvisées…), tout comme le garant d’une sociabilité (responsable de la danse, responsable aussi de la hiérarchie, du non-conflit),et l’on retrouve en filigrane le modèle héroïque qu’évoquait Drettas.

29Ces pré-requis réduisent considérablement le nombre de meneurs potentiels présents dans la ronde, qui se feront connaître par leur vitalité et leur participation active à la danse. Si l’un d’eux prend de facto l’ascendant sur les autres, et ce sans qu’il n’y ait matière à conflit, ces derniers, par la même attitude qui a permis au premier de s’imposer, feront savoir qu’ils sont capables – et désireux – d’assumer cette fonction, n’hésitant pas à venir légèrement empiéter sur le territoire du meneur en titre (rien n’empêche a priori un autre danseur de proposer une chanson ou une figure de danse).

  • 32 Ou plus exactement un contexte villageois : köyde (« au village »)…mais bien sûr un village « tradi (...)

30Là encore, faute d’informations suffisantes, il est difficile de rendre compte des mécanismes exacts qui régissent, ou devraient régir, la prise et la passation de fonction dans un contexte « traditionnel 32 » – selon les intéressés, « au village » la préséance laisserait ce rôle à une personnalité éminente (et âgée) qui le délèguerait ensuite aux plus jeunes. Au regard des diverses situations auxquelles nous avons pu assister, le cadre semble plus souple qu’il n’y paraît, et ce d’autant plus que de nombreuses inconnues rendent difficile toute conclusion hâtive. Que ce soit entre les différents meneurs potentiels ou entre musicien et meneur, les relations ne sont pas fixes et dépendent en grande partie des positions et des interactions prévalant hors de la danse : si l’on est entre amis, on connaîtra d’avance le meneur le plus doué ; si par contre les danseurs sont en partie, comme c’est souvent le cas, des inconnus, il s’établira parfois un réel rapport de force qui, sans jamais dégénérer en conflit ouvert, se traduira au contraire par une surenchère d’énergie ; si, d’autre part, le musicien est réputé on l’écoutera plus docilement, probablement parce qu’on lui fera alors crédit d’un savoir plus authentique… Analyser toutes les situations possibles ne rentre pas dans notre propos : il serait plus judicieux de penser l’intérieur de ce horon laze comme d’un champ de force où interagissent position sociale, compétences particulières (celles, spécifiques, du musicien et du meneur) mais également force physique dans un équilibre rarement atteint, mettant de ce fait en exergue la position délicate qui est celle du meneur, à la fois détenteur ponctuel d’un pouvoir fort sur le groupe et objet d’un consensus constamment remis en question par ce même groupe.

Le refus de l’exo-nomie

  • 33 Quelques fois un meneur externe au cercle (donc non danseur) officiera de concert avec le musicien  (...)
  • 34 Que, dans ce dernier cas, les cercles n’atteignent pas les proportions impressionnantes qu’ils peuv (...)

31L’analyse du horon par le prisme de cette figure du meneur, si nécessaire au bon déroulement de la danse, permet donc de distinguer grosso modo deux types d’organisation : alors qu’à l’ouest, le rôle est assumé par le musicien 33 – meneur désigné d’avance et extérieur au groupe des danseurs, maîtrisant tous les éléments de la fête – à l’est, le meneur, figure ponctuelle, s’oppose ou soumet le musicien à ses ordres en s’affirmant avec virulence comme porteur de la volonté du groupe 34.

  • 35 Il ne doit pas faire violence au groupe mais démontrer qu’il est en mesure de faire l’usage de la v (...)
  • 36 À l’ère républicaine, détournement de fonds publics.
  • 37 « […] les villages s’exposent constamment à perdre le contrôle de leur production musicale » (Lorta (...)

32À ce découpage, trop grossier pour être pertinent, répond un autre, établit par Michael Meeker. Décrivant la situation politique de la région au cours du XIXe siècle, il distingue de manière similaire, mais avec les guillemets nécessaires, la côte est de Trabzon « ingouvernable » – aux mains de chefs de guerre locaux – de la côte ouest « gouvernable » – zone sous contrôle du gouvernement central – (Meeker 2002 : 216). Dans cette corrélation sommaire entre organisation du horon et organisation sociopolitique, l’on peut tenter un rapprochement entre la situation du meneur à l’est, donneur d’ordre (komutçu) et meneur d’homme (horon başı), et celle de ces anciens « maîtres de vallée » (derebey), que Meeker décrit comme détenteurs d’un « pouvoir souverain à travers une association interpersonnelle » (Meeker 2002 : 390) : s’imposant par sa virulence (mais pas nécessairement par la violence) 35, l’individu canalise l’énergie de ses associés pour assurer l’intégrité et l’autonomie du groupe. C’est là un élément clé des analyses de Meeker concernant l’organisation sociopolitique en vigueur à l’est du littoral : la violence comme détournement dans l’intérêt du groupe. Détournement prosaïque de flux commerciaux – ainsi, l’état d’anarchie soigneusement entretenu à Trabzon (voir supra) était le fait de chefs d’autres villes côtières orientales qui, par ce chahut, détournaient le commerce florissant (la ville était alors un port important sur la route commerciale Orient-Occident) vers leurs propres ports, plus petits mais moins dangereux 36 – mais également détournement constant du contrôle étatique, d’un contrôle extérieur – que ce soit en le combattant, en l’intimidant ou en l’infiltrant – et il rejoint en cela les thèses de Clastres. Or la virulence du meneur, qui à la fois entraîne et répond à celle des danseurs, n’est-elle pas, elle aussi, le détournement d’une certaine logique musicale, logique dominante accordant au musicien les pleins pouvoirs ? Lortat-Jacob 37 avait déjà noté à quel point le contrôle de la production musicale constitue un enjeu majeur pour certaines sociétés rurales. Ce refus de la communauté de se faire dicter sa musique se double ici du refus de déléguer au musicien le contrôle de ce moment communautaire privilégié qu’est la danse. Les cris et les bruits de pas qui guident et couvrent l’instrumentiste ne sont-ils pas plus largement le refus d’une situation d’écoute passive, refus d’une domination sonore par le musicien ? Hold-up sur les pouvoirs généralement dévolus à ce dernier, participation active et sonore à la danse qui semble trahir une contestation plus profonde sur laquelle Pierre Clastres met le doigt : « le refus de l’exo-nomie, de la Loi extérieure, c’est tout simplement le refus de la soumission » (Clastres 1999 : 20).

Épilogue

33À l’analyse, la violence postulée du horon éclate en une myriade de logiques : synergie, opposition, insoumission, mouvement continu… On se frotte les yeux et les oreilles : quelle violence ? N’est-on pas parti tête baissée à la recherche de ce que l’on nous avait tant promis ? Car, là-dessus, les témoignages sont unanimes : ceux des voyageurs du siècle passé, celui frappant de Nicolas Bouvier, ceux d’amis ou d’inconnus turcs (même sur place, l’on vous découragera d’aller spécifiquement dans telle ville), nos propres impressions … Un malaise persistant à certains endroits, des regards trop cru, un niveau de décibels légèrement trop élevé, des codes non partagés : le problème est peut-être là, tout cela n’est-il pas qu’une affaire de perception, de proportion ? Alexandre Toumarkine relève le même phénomène pour la réputation d’imbécilité que traînent les lazes : on vous dira qu’elle est fondée, pas ici évidemment, mais rendez vous dans le village (ou la vallée) d’à côté, et là vous verrez… Notions fuyantes, rétives à l’analyse, qui cachent plus qu’elles ne montrent. Il serait pourtant trop facile de mettre ces impressions sur le compte d’un relativisme culturel et indélicat de croire que la violence se résume à des logiques dont les acteurs n’ont pas conscience. Si le horon n’est pas une mise en scène, il n’en est pas moins le temps attendu de l’excès sonore et physique, temps de rupture dans un quotidien en coupe réglée (code de l’honneur, règles religieuses…). Territoire symbolique, il est aussi terreau à émotions, bouillonnement de passions violemment partagées, catharsis.

  • 38 Les turbulentes tribus turkmènes qui se sont installées dans ces territoires il y a plusieurs siècl (...)

34Il faudrait alors revenir sur nos premières constatations : le horon n’est peut-être pas une danse guerrière mais il se joue là quelque chose qui tient d’une danse de guerriers. Si le zeybek, « théâtralisé », raconte une histoire de bandit (celle d’un outsider qui se soustrait à la société, et l’on rejoue indéfiniment, dans les plaines, un improbable départ vers les montagnes, l’on rejoue indéfiniment les histoires mythifiées d’ancêtres insoumis38), le horon débridé célèbre la puissance de ses participants ou peut se percevoir comme un dispositif destiné à la laisser s’exprimer (à la contraindre à s’exprimer ?). L’un se remémore des guerres passées, l’autre semble préparer la suivante. Un ethos guerrier donc, comme clé de voûte de cette danse ? Cela nous renvoie à l’étude qu’a consacrée Dumézil (loin d’être ignorant des réalités du Caucase) à la figure du guerrier dans les mythologies indo-européenne, Heurs et malheurs du guerrier (Dumézil 1989) : la violence n’est qu’un des attributs de celui-ci – ou plus exactement un recours : la possibilité de la violence – aux côtés des notions plus fondamentales de force, d’éclat, de démesure (ubris)… Moment de fête, de partage, de plaisir, le horon est avant tout une explosion : explosion de joie, de violence, d’émotions, de cris, qu’importe ; et l’on pourrait lui appliquer les mêmes mots : force, éclat, démesure.

  • 39 Violence symbolique qui tient au pouvoir de la musique. Ce « pouvoir qu’exerce la musique » devient (...)

35Dumézil encore : « Et surtout le guerrier, par le fait qu’il se met en marge ou au-dessus du code, s’adjuge le droit d’épargner, le droit de briser entre autres mécanismes normaux celui de la justice rigoureuse, bref le droit d’introduire dans le déterminisme des rapports humains ce miracle : l’humanité » (Dumézil 1989 : 129). Force qui est avant tout force de transgression : transgression de l’appareil étatique pour Clastres, transgression des cadres ethnico-religieux pour Drettas… où la violence physique intervient en réponse à une violence symbolique. La violence sonore également peut se percevoir comme transgression, rupture des cadres d’écoute traditionnels. En introduisant la notion de violence dans le rapport musiqué-musiquant, ce type d’organisation renverse la question : n’y-a-t-il pas une certaine violence symbolique dans la situation d’écoute passive qui fait loi 39 ?

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Bibliographie

BOUVIER Nicolas 2004 [1963] « L’usage du monde  », in Œuvres. Paris : Gallimard.

BRYER Anthony 1975 « Greeks and Türkmens : The Pontic Exception » in Dumbarton Oaks Papers, vol. 29, Dumbarton Oaks.

CLASTRES Pierre 1999 [1997] Archéologie de la violence. La guerre dans les sociétés primitives. La Tour-d’Aigues : Éditions de l’Aube.

CLER Jérôme 1998 Musique et musiciens de villages en Turquie méridionale. Thèse de doctorat, Paris X Nanterre, sous la direction de Jean During.

DRETTAS Georges 1989 « Saint Georges le fou, un modèle de patron. Contribution à l’étude critique des mécanismes d’identité ethnique », in F. de Sivers, dir. : Questions d’identité, Sociolinguistique 4, Paris : Peeters-SELAF.

DUMEZIL Georges1985 Heur et malheur du guerrier. Paris : Flammarion.

LEVI-STRAUSS Claude 1974 [1958] Anthropologie structurale. Paris : Plon pocket.

LORTAT-JACOB Bernard 1994 Musiques en fête. Maroc, Sardaigne, Roumanie. Nanterre : Société d’ethnologie.

MEEKER Michael 2002 A Nation of Empire. The Ottoman Legacy of Turkish Modernity.Los Angeles : University of California Press.

TOUMARKINE Alexandre 1995 Les Lazes en Turquie (XIXème-XXème siècles). Cahiers du Bosphore XI. Istanbul : Les éditions Isis.

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Notes

1 Cette dénomination englobe usuellement les préfectures de Trabzon, Rize et Artvin.

2 Ajoutons à cela une réputation d’idiotie qui en fait l’objet d’innombrables blagues à travers tout le pays.

3 « Comme à la fois Anthony Bryer et Xavier de Planhol l’ont indiqué, les hautes chaînes pontiques ont joué un rôle décisif dans la détermination d’une histoire distincte pour la côté orientale de la région » (Meeker 2002 : 90).

4 Jusqu’au XIXe siècle, le cabotage était encore le moyen le plus simple de circuler le long de la côte (Toumarkine 1995 : 9).

5 Puis, au début du XXe siècle, contre les invasions russes.

6 Le Oflu hoca, « hodja d’Of », est l’objet d’innombrables histoires. Plus généralement, les habitants de la ville (Oflu) sont stigmatisés pour leur roublardise dans des proverbes qui les dépeignent comme plus rusés que le diable ou que des serpents.

7 Réhabilitation qui se limite aux chansons, les musiques de danse restant indigestes pour une grande partie du public (mais sont-elles jouées pour être écoutées ?).

8 Notons que l’auteur n’est pas néophyte en matière de musique et que, lui-même musicien, il effectuera de nombreux enregistrements au cours de son voyage.

9 La transposition des thèses de Clastres à notre étude peut sembler peu appropriée. Loin de nous l’idée de comparer les sociétés étudiées ou de tenter une anthropologie politique : nous émettrons plus simplement l’hypothèse de concordances dans l’utilisation récurrente de la violence au sein d’une société.

10 Ce mot signifie « danse » dans le dialecte grec pontique et ne désigne donc pas, à l’origine, une danse spécifique. On retrouve d’ailleurs des noms similaires dans tous les Balkans (oro en Macédoine, horo en Bulgarie, hora en Roumanie, koro en Serbie), souvent appliqués à des rondes.

11 Quant à la place du meneur, voir infra.

12 Et l’on notera l’absence de luths spécifiques à la région.

13 Il n’est pas rare que l’instrument se limite à la tonique, quelque fois alternée avec la quinte ou l’octave, pour insister sur le sentiment rythmique.

14 Ou ne pas avoir lieu : quand le temps nécessaire à ces développements n’est pas disponible, quand danseurs ou musicien n’ont pas les compétences requises, seule une phase, dont tout un chacun connaît les pas, servira alors de plate-forme commune.

15 « Bien souvent les adultes confient [aux enfants] les coutumes dont ils savent la désuétude, et leur abandonnent des rôles (notamment musicaux) auxquels eux-mêmes ne croient plus » (Lortat-Jacob 1994 : 9).

16 « Pour que la communauté puisse affirmer sa différence, il faut qu’elle soit indivisée, sa volonté d’être une totalité exclusive de toutes les autres s’appuie sur le refus de la division sociale : pour se penser comme Nous exclusif des Autres, il faut que le Nous soit corps social homogène. » (Clastres 1999 : 13).

17 Cela s’explique bien sûr assez facilement par le fait que, dans l’absolu, tout un chacun est un danseur potentiel et que la ronde engage d’office la communauté dans sa totalité : l’extérieur ne peut alors qu’être l’étranger.

18 Là encore, le contraste avec le zeybek est frappant, où l’interaction avec le public, l’écoute participative, est un élément central de la danse. Cf. l’analyse qu’en donne Jérôme Cler (1998).

19 Tourner le dos est en soi une attitude de communication explicite.

20 Cf. note 15.

21 « […] de nombreux documents attestent la réalité et l’importance de telles corrélations, principalement en ce qui concerne, d’une part la structure sociale, et de l’autre, la configuration spatiale des établissements humains : villages ou campements. […] On possède ainsi le moyen d’étudier les phénomènes sociaux et mentaux à partir de leurs manifestations objectives, sous une forme extériorisée et – pourrait-on dire – cristallisée. Or, l’occasion n’en est pas seulement offerte par des configurations spatiales stables, comme les plans de village. Des configurations instables, mais récurrentes, peuvent être analysées et critiquées de la même façon. Ainsi, celles qu’on observe dans la danse, le rituel, etc. » (Lévi-Strauss 1974 : 347).

22 Évoquant l’époque byzantine, A. Bryer constatait déjà : « Dans les temps troublés, l’instinct pontique à toujours été de se retirer dans les forêts escarpées » (Bryer 1975 : 120).

23 Les montagnes environnant Çaykara abritèrent ainsi de nombreuses écoles coraniques durant leur interdiction par la jeune république turque. Aujourd’hui encore, les montagnes pontiques recèle bien des surprises (particulièrement linguistiques…ou musicales !) et alimente bien des rumeurs (rumeurs fondées de mafia, rumeurs persistantes de drogue ou rumeurs de nos jours plus fantasques de « crypto-chrétiens », que l’on peut encore entendre en Grèce).

24 Notons au passage que, dans cette sociabilité qui fonctionne par exclusion, ou plus exactement par retranchement (au sens littéral comme militaire), la dichotomie dehors/dedans peut se répéter à l’envi, et l’on pourrait lui substituer l’image des poupées russes : décrivant, dans la ville d’Of, ce lieu de sociabilité par excellence qu’est le café (de fréquentation exclusivement masculine, faut-il le préciser ?), Meeker s’arrête longuement sur un détail frappant, la présence d’une seconde salle plus petite à l’intérieur du café, et dédiée aux conversations plus confidentielles, « une pièce dans une pièce » (Meeker 2002 : 348) qui rappelle singulièrement le horon dans le horon que constitue le second cercle de danse.

25 Meeker relate la conversion espérée par ses interlocuteurs locaux. Tout voyageur de passage pourra également en faire l’expérience.

26 La présence de musulmans grécophones est en soi exceptionnelle, mais la coexistence, aux environs de Tonya, de villages grécophones et de villages parlant un dialecte turkmène atteste de cette faculté d’assimilation de populations d’origines fondamentalement différentes au sein d’une même culture.

27 Les italiques sont de nous.

28 Ainsi la garde personnelle de Mustafa Kemal était réputée pour être composée de « Lazes » (ce qui était ethniquement faux même s’ils étaient originaires du littoral pontique oriental). Le premier président de la Turquie n’a d’ailleurs pas manqué de souligner le soutien qu’ont apporté les habitants de Trabzon à la révolution nationale.

29 Une question sur cette dénomination, posée à Istanbul à des musiciens originaires de lieux différents, avait provoqué une longue discussion et amené une profusion de noms.

30 Le mot komutçu semble être un néologisme local formé à partir du mot komut,« ordre », et du suffixe -çu qui indique l’activité.

31 Exemple parmi d’autres.

32 Ou plus exactement un contexte villageois : köyde (« au village »)…mais bien sûr un village « traditionnel ».

33 Quelques fois un meneur externe au cercle (donc non danseur) officiera de concert avec le musicien ; c’est souvent un professeur de horon qui veille au grain.

34 Que, dans ce dernier cas, les cercles n’atteignent pas les proportions impressionnantes qu’ils peuvent avoir aux environs de Trabzon n’est pas sans significations, et l’on rappellera que Clastres lie le contrôle (conscient ou non) de la taille du groupe à la volonté d’autonomie qui l’anime.

35 Il ne doit pas faire violence au groupe mais démontrer qu’il est en mesure de faire l’usage de la violence que l’on requiert de lui.

36 À l’ère républicaine, détournement de fonds publics.

37 « […] les villages s’exposent constamment à perdre le contrôle de leur production musicale » (Lortat-Jacob 1994 : 72).

38 Les turbulentes tribus turkmènes qui se sont installées dans ces territoires il y a plusieurs siècles et dont la sédentarisation ne s’est pas faite sans heurts. Ainsi, à Acıpayam, petite ville paisible, l’on se rappelle et l’on chante encore les hauts faits du Bey des Avşars dont on glorifie l’esprit d’« indépendance et de rébellion » (Cler 1998 : 44). Plus généralement, le mot zeybek renvoie simultanément à la danse et à la figure du « bandit d’honneur » que cette danse met en scène.

39 Violence symbolique qui tient au pouvoir de la musique. Ce « pouvoir qu’exerce la musique » devient par la force des choses « pouvoir qu’exerce le musicien sur l’auditeur ». N’est-ce pas également une restriction de ce pouvoir qu’espère opérer – par des moyens et dans des optiques fondamentalement différentes de celles que nous évoquions – moralistes et censeurs de tous poils ?

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. Les hommes de la ville de Tonya lors d’un festival sur les hauts-plateaux de Kadirga.
Légende Province de Trabzon, 16 juillet 2010. Photo Nicolas Elias.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/976/img-1.png
Fichier image/png, 250k
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Pour citer cet article

Référence papier

Nicolas Elias, « À propos de violence. Étude d’une danse communautaire du Nord-Est de la Turquie »Cahiers d’ethnomusicologie, 23 | 2010, 113-130.

Référence électronique

Nicolas Elias, « À propos de violence. Étude d’une danse communautaire du Nord-Est de la Turquie »Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 23 | 2010, mis en ligne le 10 décembre 2012, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/976

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Auteur

Nicolas Elias

Doctorant au Centre de recherche en ethnomusicologie (Université Paris-X Nanterre), sous la direction de Jean During, et chercheur associé à l’Institut Français d’Etudes Anatoliennes. Il étudie les musiques des montagnes pontiques (province de Trabzon, Nord-est de la Turquie) et leur reterritorialisation en Grèce après l’échange de population de 1923. Dans le cadre du Master 2, il s’est intéressé à la pratique du lavta, et aux allers-retours de cet instrument entre Istanbul et Athènes (« Lavta: étude pour un luth d’Istanbul», sous la direction de Makis Solomos, Université Montpellier 3).

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