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Dossier : chamanisme et possession

Du samâ’ soufi aux pratiques chamaniques. Nature et valeur d’une expérience

Jean During
p. 79-92

Résumé

Décrire le samâ’ et le dhikr soufi en tant que pratiques dévotionnelles serait simple s’il suffisait de se référer à une ou deux traditions actuelles ou encore à quelques traités classiques remontant à plusieurs siècles. Mais depuis les premiers usages du samâ’ vers le Xe siècle, les formes et les usages de la musique se sont considérablement multipliés, tout comme les méthodes spirituelles et les types de mystique ou d’ascèse musulmanes se sont diversifiées à l’infini.
En examinant quelques grands types de dhikr et de samâ’, cette communication veut montrer en quoi diffèrent leurs objectifs et les représentations qui y sont associées. Ces pratiques s’accompagnent d’états allant de la « conscience océanique » jusqu’à la possession par des esprits, de la vision des mondes supérieurs jusqu’à la présentification des âmes des saints ou la convocation d’esprits auxiliaires. Entre l’absorption dans l’Unité, le contrôle de forces animistes et la transe-thérapie, le spectre est très étendu, et les frontières pas toujours très nettes. La musique, la danse, les textes et les représentations contribuent à brouiller les pistes.

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Texte intégral

« Bien que le faîte du septième ciel soit élevé, l’échelle du samâ’ passe par-dessus son toit »
(Rumi : Divân-e Shams : F13686).

Le stade ultime de l’audition

1Le samâ’, le concert soufi, est ici comparé à une échelle (mardebân), qui doit être considérée comme l’équivalent du fameux mi’râj, l’ascension céleste du Prophète, expérience suprême culminant dans le face à Face et l’entretien intime avec Dieu. Le mot arabe mi’râj a également le sens premier d’échelle. La fonction idéale du samâ’, qui est de conduire l’âme jusqu’au septième ciel, est évoquée à plusieurs reprises dans l’œuvre de Rumi. Avec Ruzbehân Baqli Shirâzi, le samâ’ devient une expérience totale englobant tous les états spirituels, et transcendant par son efficacité toutes les pratiques ascétiques.

  • 1 Resâlat al-qods, Téhéran, 1972 ( :50-54), traduction de l’auteur.

Il y a des centaines et des centaines de qualités durant le samâ’, comme par exemple connaissance et vérité, calamité, apparition de lumières et de fulgurances de sainteté, crainte et soumission, expansion et contraction, dignité et apaisement. Que l’une de ces mille subtilités (latâ’if), soit préparée pour le gnostique et elle le fait disparaître dans le monde du mystère (ghayb) pour lui faire contempler de nouveaux secrets. […] Par une seule de ces paroles, le gnostique sera délivré de la servitude et ressuscité en Dieu ; sa substance lui sera enlevée et Il lui donnera Sa substance en se faisant connaître de lui ; Il le fera étranger à lui-même et le fera connaissant de Lui ; Il le rendra intrépide vis-à-vis de lui et lui fera craindre Dieu ; dans l’assemblée Il lui enlèvera sa propre couleur et lui parlera en secret en écoutant les paroles d’amour de sa langue meurtrie. […] Parfois Il le fait voler dans l’atmosphère éternelle (azalî) vers les secrets du Très Saint. Parfois Il lui coupe les ailes du pouvoir spirituel (himmat) avec les ciseaux de la via negationis (tanzîh), dans l’atmosphère de l’ipséité. Tout cela arrive durant le samâ’ et bien plus encore » 1.

2Ces citations relèvent d’une vision idéale et transcendante, appartenant à l’âge d’or du soufisme et du samâ’, dont il est rare de trouver des traces de nos jours. Décrire le dhikr et samâ’ soufi en tant que pratique dévotionnelle serait simple si l’on s’en tenait à ces traités classiques ou encore à une ou deux traditions actuelles. Mais, depuis les premiers usages du samâ’ à Bagdad, Isfahan ou Nishapur, les formes et les usages de la musique se sont considérablement multipliés, tout comme les méthodes spirituelles et les types de mystique ou d’ascèse musulmanes se sont diversifiés à l’infini.

3La question du contenu et de la valeur de l’extase s’est d’ailleurs posée dès les origines du samâ’. Pour Joneyd-e Baghdâdi – le grand soufi persan qui contribua à répandre ce rite au IXe siècle – l’extase est comparable à une plongée au fond de l’océan. De chaque plongée le mystique rapporte une huître perlière. Ce n’est qu’après sa mort, dans l’autre monde, que toutes les huîtres représentant les extases de sa vie passée sont ouvertes devant lui. C’est alors seulement qu’il voit s’il s’y trouve quelques perles ou s’il ne s’agit que des coques vides. Dans le doute, d’époque en époque, de nombreux docteurs de l’islam ont condamné les pratiques musicales et les techniques extatiques des mystiques sous l’accusation d’innovation coupable et de commerce avec les esprits.

4Prolongeant cette problématique, cette communication s’appuie sur l’observation de rituels liés à des performances musicales, en cherchant en quoi diffèrent leurs objectifs et les représentations qui y sont associés, quelles sont les intentions de ces pratiques et quels en sont les contenus. Les états psychiques ou spirituels qui les accompagnent vont de la « conscience océanique » jusqu’à la possession par des esprits, de la vision des mondes supérieurs jusqu’à la présentification des âmes des saints ou la convocation d’esprits auxiliaires. Entre l’absorption dans l’Unité, le contrôle de forces animiste ou la transe-thérapie, le spectre est très étendu, et les frontières pas toujours très nettes. Leur point commun est que la performance musicale a pour but de faire accéder les participants à une dimension transcendante qui est définie, imaginée, nommée, qualifiée, valorisée, mais en des termes autres qu’esthétiques ou émotionnels. Car il s’agit ici d’autre chose que de beauté, d’émotion, de nostalgie, ou encore de communication et de transfert d’énergie qui ressortissent au plan sensible et quotidien, ainsi qu’aux formes artistiques ou conventionnelles, tant séculaires que religieuses.

Forme et contenu du concert soufi

5Dessinons brièvement les contours du samâ’. Ses formes anciennes consistaient en l’écoute de chants à thème religieux et mystique, généralement accompagnés de percussion, voire d’un instrument comme un luth ou une flûte. Ces formes subsistent un peu partout, dans des styles savants ou populaires. Une fonction accessoire mais concrète du samâ’ est d’ordre énergétique et rejoint certains aspects des pratiques profanes : il s’agit alors de redonner des forces aux derviches épuisés par l’ascèse et les privations, car comme il est souvent dit, la musique est une nourriture de l’âme.

6Des sources et anecdotes anciennes, il apparaît que le samâ’ incitait les auditeurs à accéder au sens profond des récits, allusions, images, symboles et concepts. L’impact émotionnel de la musique les aidait à saisir, ne serait-ce que fugitivement, la sacralité des doctrines ou la sainteté des figures. Beaucoup d’anecdotes et prises de position classiques attestent la fonction illuminative ou cognitive du samâ’, qui est activée par le fait que l’auditeur a été préparé par une intense activité spirituelle, par la méditation, la prière, l’étude et l’ascèse. C’est une des raisons pour lesquelles on ne laissait pas aisément les novices se lancer dans le samâ’.

7Qu’est ce que les derviches appréhendent dans ces moments ? Question essentielle à laquelle il n’est pas évident de répondre. Des soufis disent que chacun n’y trouve que ce qu’il y apporte ; d’autres (cf. supra) qu’on ne peut le savoir ici-bas. Certains maîtres en conclurent que la musique et la danse n’étaient que de peu d’utilité. Un ethnomusicologue leur aurait fait remarquer que le samâ’ est une façon d’attirer le public, qu’il correspond à une forme de religiosité plus fine, plus émotionnelle et surtout plus tolérante, ou encore, qu’il s’agit d’une pratique salutaire pour le corps et l’esprit. Sans oublier que c’est généralement l’occasion pour les connaisseurs d’entendre de la très bonne musique, fonction mineure mais attestée depuis un millénaire. Ces arguments qui rabaissent quelque peu le samâ’ auraient fait problème pour certains cheikhs, mais l’Histoire montre que c’est en partie grâce à ce rite que le soufisme s’est répandu en Asie. Sans un minimum de ritualisation, de chants, de mouvements corporels ou de danse, les assemblées de derviches ressembleraient à des séances zen. D’ailleurs, même la méditation silencieuse des Naqshbandi a souvent été remplacée par l’audition de chant et l’exercice du dhikr audible et collectif.

8Avec la popularisation du samâ’, d’autres éléments formels sont apparus. D’abord cette formidable technique du dhikr, avec mouvements corporels et rythmes respiratoires, qui a l’avantage de se combiner, si on le souhaite, à la musique, à la danse et au rythme, en une harmonie d’un genre unique : d’un côté la majesté et la force de toute l’assemblée des participants émettant un souffle rauque et rythmé (dhikr « de la scie » par exemple), de l’autre la voix du ou des chantres, sur des rythmes mesurés ou non. Peu de formes musicales atteignent cette intensité.

9En dehors de son côté esthétique, qui peut être très émouvant, la technique du dhikr – individuelle ou collective – est conçue pour induire un état particulier. C’est en tant que technique qu’elle se distingue radicalement du samâ’, et c’est son aspect technique qu’ont récupéré des psychothérapeutes contemporains, afin de conduire le patient à quelque état de conscience intense, sorte d’illumination dans le « lâcher prise ». Ainsi le dhikr peut fonctionner indépendamment de tout contenu ou investissement religieux. Il est dès lors permis de douter que tous les derviches pratiquant le dhikr et entrant dans des états de transe, d’excitation ou autre, partagent la même expérience spirituelle, indépendamment de ses degrés d’intensité. Il se pourrait bien qu’il n’y ait rien d’autre, pour certains, que de l’agitation, de la catharsis, ou même du spectacle, du show. Ce dernier cas a été identifié et réprouvé par les Anciens comme « simulation des états spirituels » (taqallob-e ahvâl).

Vraie et fausse extase

  • 2 Branche Tâlebâni, à Sanandaj, lors du tournage d’un film sur les derviches kurdes.

10Voici deux exemples illustrant ce point. Je n’oublierai jamais l’extase d’un derviche qâderi du Kurdistan 2. Durant le dhikr, les chants et les battements du tambourin, il se tenait très calme et ne semblait pas particulièrement affecté. Lorsque le dhikr fut fini, tandis que l’un des participants continuait à chanter doucement, il fut saisi de tremblement, d’agitation, puis se mit à tourner, à danser en poussant des cris avec une énergie et un enthousiasme extraordinaires. Aussitôt il fut entouré de tous les participants et soutenu par les percussions et les chants qui avaient repris de plus belle. Il devint évident qu’il avait une vision sacrée, une visitation (vârede) : les yeux fixés au ciel il criait « ahad ahad » (l’Unique) et «  dakhil, yâ dakhil » (ô Soutien), en se tenant au garde-à-vous, faisant le salut militaire, comme un soldat devant son roi.

11Ses compagnons attestent que son extase est toujours authentique et puissante, et citent quelques-uns de ses charismes pour preuve. Soit, mais quel en est le contenu ? Ses exclamations suggèrent bien qu’il contemple quelque chose de la majesté divine, mais sous quelle forme ? Voit-il Dieu ? Voit-il le divin comme une force, une lumière, une théophanie à un visage humain, sous les traits du Prophète, de l’Imam Ali ? Je n’ai pas osé le lui demander ; mais j’ai vu des Qâderi frappés de commotion en entendant mentionner dans un chant ou une litanie le nom de ‘Abdolqâder Jilâni, ou du sheikh Kaznazâni qui vivait il n’y a pas longtemps et qu’ils avaient peut-être connus. J’ai rencontré des derviches qui appréhendaient le divin à travers la figure de leur maître, ce qui les conduisait à des expériences très intenses, violentes même. Cela suppose évidemment qu’ils aient eux-mêmes éprouvé antérieurement des états spirituels profonds en présence de leur maître et attribués à cette présence. Même les Naqshbandi, qui en principe cultivent la sobriété et le calme, entrent dans des états d’extase en visualisant systématiquement la forme de leur cheikh dans leur méditation silencieuse. Quant à ceux qui se tournent vers des figures du passé, comme un saint ou le Prophète, il faut qu’ils s’en soient préalablement forgé une représentation mentale et qu’ils se soient investis en elle.

  • 3 Ainsi ce poème composé par un chantre de la confrérie Cheshti du Baloutchistan : « Je dis : je te d (...)

12Dans tous les cas, ce n’est pas Dieu seul qui est invoqué, mais aussi ses élus. Tous les poèmes du samâ’ qâderi kurde évoquant les images d’une belle femme (ou d’un bel homme), avec ses boucles noires, sa taille de cyprès, son œil ensorceleur etc., sont clairement et officiellement reconnus comme des attributs du prophète Muhammad. Il est donc possible que les derviches se concentrent sur lui durant toute la cérémonie. On comprend dès lors la signification de la métaphore érotique dans les poèmes soufis 3.

  • 4 Les Qâderi du Kurdistan cumulent deux chaînes de transmission : par élection (les pôles de l’Ordre (...)

13La hadra, la « présence », qui entraîne l’assemblée dans des états extraordinaires, est-elle celle du Prophète ? Il semble qu’il y ait plus, car les cheikhs parlent d’une spirale des anges qui se constitue au-dessus du cercle des participants. De fait, la cérémonie commence par l’évocation de plusieurs dizaines de saints, y compris les douze Imams chiites, qui constituent la chaîne initiatique qâderi du Kurdistan 4.

  • 5 Dans leur système, le fait de ne pas l’être n’a pas d’importance, car tout participant animé d’une (...)

14Plutôt que l’impression de « descente d’une essence » (le haqq, le hu divin), on a l’impression, dans ces assemblées, de présence d’une multitude d’âmes ou d’êtres célestes. Chez les Ahl-e haqq – gnostiques imamites du Kurdistan – la divinité ne se manifeste jamais seule ; lorsqu’elle descend, c’est après que le chemin eût été préparé par les saints de l’ordre qui, pour les adeptes, sont des manifestations des archanges. La divinité peut irradier à travers le nom de ‘Ali et une certaine représentation imaginale de cette figure (shâh, le roi) ; mais dans tous les cas, lorsqu’elle se manifeste dans l’assemblée (jam), c’est avec toute la hiérarchie cosmique. Dans cet instant, le chantre célèbre l’événement épiphanique par des paroles appropriées, scandant par exemple : « l’essence de ‘Ali (ou de Soltân) est sur l’assemblée ». Bien entendu, il n’est pas sûr que tous les derviches ressentent la même chose et soient touchés profondément 5 ; mais au moins l’affaire est claire, et souvent on en parle une fois la séance finie : il apparaît alors que plusieurs participants ont senti la venue dans l’assemblée de tel ou tel saint (ou ange).

  • 6 Branche Kaznazâni à Sanandaj.

15Si l’on en doutait encore, de nombreux cas indiquent que tous les derviches n’ont pas la même capacité de vision, même s’ils vivent des états psychiques d’une certaine intensité. En voici une illustration, tirée du contexte qâderi 6. Lors d’une séance assez chaude, un jeune homme poussait régulièrement un grand cri en brandissant sa canne, au rythme d’une fois par minute environ. Deux jours plus tard, je me rendis au khânegâh du regretté Khalife Karim Safvati pour y enregistrer le dhikr. Lorsque je vis ce jeune homme arriver avec son bâton, je fis part au khalife de mon souci que son extase bruyante ne perturbe l’enregistrement. Le khalife répondit : « ne vous inquiétez pas, il fait cela chez les autres khalife, mais devant moi, il se tient bien tranquille ». Tout ce passa comme il l’avait dit. L’homme était probablement saisi par une sorte d’agitation vide et sans contenu, sans rapport avec les objectifs du dhikr et du samâ’, et il sentait que ce khalife le savait. Le cas est souvent évoqué dans les traités soufis anciens.

16À la même séance, un derviche me fit comprendre d’un signe qu’il ne voulait pas apparaître sur mes photos. Il avait fait vœu de silence, et peut être de surdité, car il resta tout le temps assis dans son coin sans bouger, totalement absorbé en lui-même.

Le fonds païen

17En ce qui concerne le contenu de l’extase, l’« entité » qui habite le sujet ou qui se montre à lui, voyons un peu ce qui se passe dans d’autres cultures et dans des rites similaires. En entendant la description qui va suivre, les connaisseurs identifieront immédiatement le comportement des derviches qâderi ou rifâ’i du Kurdistan ou d’autres pays d’Orient ou d’Afrique du Nord.

Beaucoup, à l’approche du feu ne se brûlent pas, car le feu ne les touche pas en raison de l’inspiration ; beaucoup, s’ils se brûlent, ne réagissent pas, parce qu’à ce moment-là ils ne vivent pas de la vie animale. Et certains, qui se traversent de broches, ne le sentent pas, ni d’autres qui se frappent le dos à coup de hache ; d’autres encore qui se tailladent le bras avec des poignards, n’en ont aucune conscience.

18Et bien non, il n’est pas question ici de derviches qâderi ou rifâ’i, mais d’une description des religieux de l’antiquité donnée par Jamblicus dans Les Mystères d’Egypte (1996 : 104). La suite parle de théophorie, de « possession par les dieux » : « Ils ont soumis toute leur vie comme véhicule ou instrument des dieux qui les inspirent […], ils ont changé leur vie humaine contre la vie divine, ou exercé leur vie personnelle selon le dieu… » (1996 : 103).

19Ainsi, entre la vision polythéiste et celle des soufis, avec leurs saints et leurs intercesseurs, la différence n’est pas si tranchée que le pensent les monothéistes. Par exemple, d’un ouvrage ethnographique, je tire ces lignes :

Selon le [khalife], les [anges]… apportent à la séance leur propre orchestre de musiciens ; ces derniers jouent de façon beaucoup plus belle que les musiciens humains…  Le [khalife] doit veiller à ce que les deux orchestres jouent en harmonie (Lièvre et Loude 1990 : 526).

  • 7 Fée, comme l’anglais fairy, vient de l’antique terme persan pari.

20Que l’on m’excuse, mais j’ai changé deux mots dans la citation, remplaçant chamane par khalife, et pari par ange. Ce n’est donc pas un khalife qâderi qui explique comment les anges forment une spirale au-dessus du cercle des derviches et dansent en harmonie avec eux ; il s’agit d’un chamane du nord du Pakistan qui évoque la descente des fées (pari7 durant des rites que les docteurs de l’islam déclarent païens. Ce genre de pratiques où la musique joue toujours un rôle important existaient avant l’islam et a subsisté depuis, malgré les réprobations des censeurs. Les Qâderi qui apprennent leur existence dans la sphère hindoue sont saisis de doute : leurs charismes ne seraient donc pas la preuve que le vrai Dieu est avec eux durant le dhikr et samâ’.

Anges ou démons, derviches et chamanes

21Le contenu de l’expérience pourrait-il départager les unitariens des idolâtres ? Peut-être, mais dans certains rites animistes, tout comme dans le soufisme classique, on distingue l’extase authentique de l’agitation vide.

  • 8 Damali : dhikr ; guât : vent, esprit.
  • 9 Ce qui suggère qu’elles pouvaient se retenir jusqu’alors, pour respecter la priorité revenant au pa (...)

22Ainsi les Baloutches pratiquent une forme d’exorcisme par la transe et la musique, appelé le’b ou guâti-damali 8. Un musicien joue de la vièle (sorud) pour le patient et, après une ou quelques dizaines de minutes, ce dernier entre en transe, aidé par l’officiant, lequel, ce n’est pas un hasard, porte le titre soufi de khalife. Après plusieurs séances, il est soulagé du mauvais esprit, mais garde quelque contact avec lui, et généralement doit refaire une séance tous les ans ou tous les deux ou trois ans. Au cours de ces séances d’endorcisme, il y a toujours des personnes, parfois jusqu’à six ou huit à la fois, qui entrent en transe après que le patient ait repris conscience 9.

23Le problème est que les connaisseurs affirment que ces transes ne sont pas sérieuses, qu’elles ne sont pas l’effet d’un guât, d’un djinn ou d’un démon. Lorsqu’il y a possession, on perçoit d’autres signes que la transe et l’agitation : les mains tremblent, la voix change de timbre et le sujet peut avoir des dons de voyance. Le débat touche les khalife eux-mêmes : on en accuse plus d’un de ne pas « avoir d’esprit », de simuler, de faire du théâtre (ce n’est pas sans raison que la cérémonie s’appelle le’b : jeu), et de se livrer à ces pratiques uniquement pour l’argent. Pour mieux les stigmatiser on cite le cas de tel khalife authentique, qui, lui, opérait quasiment des miracles grâce à ses esprits et sa maîtrise de la transe. Dans leurs cas, il est clair que le contenu ou l’agent de l’extase ou de la transe est un esprit, un de ces êtres que les soufis, quant à eux, évoquent avec mépris, et qu’ils disent pouvoir neutraliser par une simple prière ou en soufflant sur le malade, sans avoir besoin de grand rituel, de mise en scène avec musique, parfums et sacrifice.

24Malgré ces nuances hiérarchiques entre khalife soufis et khalife guérisseurs guâti, il existe des cas limite où l’on perd ses repères.

25Que se passe-t-il lorsque les faqir pakistanais se rendent sur le tombeau d’un saint le jour de son anniversaire, font le dhikr avec une ardeur décuplée pour mieux se livrer à la danse, aux embrochements et autres exploits rituels ? S’agit-il de rendre hommage au saint, de se charger de l’énergie du lieu ou de se connecter avec lui ; et dans ce cas, de quelle nature est la connexion ? Va-t-elle jusqu’à la possession ou l’habitation sans franchir la limite taboue de l’incarnation (hulûl) ?

26Voici un dialogue que j’ai noté entre un khalife et un patient qui était entré en transe. Le khalife demande : « qui es-tu ? ». Il s’adresse à l’esprit qui possède le patient : « es-tu un djinn ? es-tu un démon (div) ? es-tu un cheikh ? »

  • 10 On rencontre une vision comparable dans certains rituels dansés hindous comme le Teyyam ou le Tiray (...)

27On découvre ainsi que dans un contexte pourtant bien musulman, un humain peut être habité par l’âme d’un cheikh, d’un saint. Dans le golfe Persique et la péninsule Arabe, le tombeau de Bâbâ Farid est un lieu de pèlerinage important. Vénéré comme un saint, après sa mort, dit-on, son âme est devenue un esprit, un « vent » qui peut posséder un être humain comme le ferait un vulgaire djinn (si selon une croyance, parmi les djinns se trouvent des saints, alors des saints pourraient bien devenir, post mortem, des esprits). Mais que veut dire « être possédé par un cheikh ? » s’agit-il d’une expérience supérieure à la possession, par un « vent » ou un djinn, s’agit-il d’un de ces « dieux » païens dont parle Jamblique, qui ne serait donc pas « mort » mais aurait usurpé l’identité de Bâbâ Farid 10 ? Possible, car dans cet islam des marges, les « vents » ne sont pas forcément méprisables. Les Baloutches, pourtant bon musulmans, leur ont dédié des chants et les honorent : durant leurs séances, ils servent du lait ou du café au patient possédé par Yâvara ou Shidi Bambasa.

28De même, les chamanes ouzbeks et tadjiks (bakhshi) témoignent du respect pour leurs esprits et, s’ils ne les honorent pas, ceux-ci risquent de se retourner contre eux et leur faire du mal. Dans leur panthéon, après le Prophète, quelques imâms, quelques grands cheikhs ou saints (‘Abdolqâder, Bahauddin Naqshband), sont cités de nombreux saints locaux (pir), puis les Quarante (ou 41 quarante, cheltan ou qirqlar) formant une légion de guerriers célestes à cheval, ainsi que plus d’une centaine de djinns et de fées (pari), sans oublier les mamans (mâmâ et bibi). À chaque séance, le chamane convoque tous ces êtres pour lui venir en aide, puis, au contact de l’un ou l’autre de ses esprits personnels, il entre en transe, ce qui apporte la guérison du malade. La musique tient ici encore une place indispensable, quoiqu’à un niveau moins artistique que dans le cas des Baloutches. La transe ou l’extase du ou de la chamane durant le contact avec son ou ses esprits ne semble pas moins profonde et authentique que celle du derviche durant son dhikr. De plus, contrairement aux Baloutches, il n’y a pas de charlatans parmi les chamanes ouzbeks et tadjiks, juste certains plus forts que d’autres (on dit même qu’un bakhshi très fort peut confisquer à son profit les esprits et donc les pouvoirs d’un confrère, quitte à les lui rendre un jour.).

  • 11 Curieusement, sous le nom d’Ablâ au lieu d’Allâh, mais aussi khodâ.

29Par ailleurs, même s’il s’agit de chamanisme, on est ici en terre d’islam. Dieu est invoqué continuellement 11, et l’on récite quelques sourates coraniques, comme Yâ Sîn. La relation entre le ou les esprits et le chamane est mystique, passionnée, pathétique, et évoque celle du derviche avec son maître. Les chants sont aussi une façon d’évoquer cette relation avec plus de douceur et de persuasion, de sorte que le rythme et les mélodies n’ont pas cet effet énergétique que l’on trouve dans la plupart des samâ’ et dans tous les dhikr.

30Sur le même registre dévotionnel, les khalife guâti baloutches sont souvent conviés, non pour guérir des gens, mais pour apporter une bénédiction sur la maison à la suite d’un événement heureux. Il s’agit de kheyriye ou shokrâne, d’actions pieuses qui se déroulent à peu près comme pour la guérison, mais sans malade. Le musicien joue à la vièle les mêmes airs que dans une séance d’exorcisme, et le ou les khalife entrent en transe, soit doucement soit puissamment selon l’esprit qui se manifeste. Ce contact avec une dimension occulte, cette sortie de soi-même, sont considérés semble-t-il comme un acte de dévotion bien rendue à Dieu et à ses saints, car la famille qui invite n’a rien à faire avec les esprits. En fin de compte, il s’agit d’un véritable samâ’, dans le sens où tout le monde écoute de la musique pure, sans chant, sans instruments de percussion, en tant que louange à Dieu et ses saints.

31A noter aussi que, même dans les rites guâti, lorsqu’on demande qui accorde la guérison, la réponse est invariable : c’est Dieu seul. De plus, avant d’ouvrir la séance, le khalife doit faire quelques prosternations rituelles (rak’at) appelées namâz-e khalife. Quant à l’espace où se déroule la séance, il est consacré, de sorte qu’on ne doit pas y fumer ou y marcher avec ses chaussures. À la fin du processus thérapeutique, les personnes présentes viennent auprès du khalife et demandent des bénédictions et protections ou band, un fil plié dont le khalife fait des nœuds sur lesquels il souffle. Plus encore, ils lui exposent leurs problèmes et il répond (par la voix des esprits) en donnant des conseils et prescriptions. Ces pratiques et ce comportement justifient le titre de khalife, qui ici signifie représentant non pas d’un cheikh soufi, mais d’un saint.

32Le khalife-chamane a donc chez les Baloutches un peu le statut d’un derviche guérisseur, d’un qalandar. En y regardant de près, on constate que chacun d’eux a une affinité particulière avec un saint, le plus souvent Abdolqâder Jilâni ou Shahbâz Lal Qalandar. Cela ne veut pas dire qu’ils soient affiliés à une confrérie qâderi ou autre ; il s’agit toujours, dans leur cas, d’initiation individuelle : ils ont été l’élève d’un autre khalife, c’est tout. Leur style porte cependant la marque de la confrérie : les Jilanistes ont une transe énergique et usent volontiers de couteaux dans leur rituel, les Qalandaristes sont plus doux et calmes, comme les chants dédiés à ce saint d’ailleurs, dans le style des berceuses. Sont-ils visités par l’esprit de ces saints personnages ? On ne saurait le dire ; mais avant d’entreprendre une séance, le khalife plante en terre une pique métallique fourchue qu’il honore par des guirlandes de fleurs, comme symbole de la présence du saint protecteur. Lorsqu’il manque d’énergie durant la séance, il vas se ressourcer auprès de la pique sacrée.

Possession à vie

  • 12 Ou fut (1795-1863).

33Possession par des esprits de bas niveau, visitation des saints, « possession » par un saint devenu « vent », contact avec les vakil ou muvakal (gardiens invisibles et efficients des tombeaux des saints), présentification (hadra, zuhûr) d’essences supérieures, d’archanges, ou de l’essence divine… Un pas de plus et nous sommes dans l’Hindouisme, que certains gnostiques musulmans considèrent comme la source de leurs doctrines les moins orthodoxes. Le principe des avatars, dont on perçoit un écho chez les mystiques kurdes Ahl-e haqq, peut se comprendre comme une sorte de possession à vie, avec ses phases récessives et paroxystiques. Au lieu de considérer comme les adeptes que l’essence (zât) de l’archange Raphaël s’est manifestée (totalement ou en « visite ») dans la personne de Pir Dâwud, on pourrait aussi bien dire que le sujet est visité par l’essence archangélique, ce qui se traduit par des comportements typiques reflétant les attributs de cette essence – dans ce cas précis, l’intercession et la clémence. Cet état va de pair avec une imitation spirituelle de son saint ou ange, qui serait soit la phase préparatoire, soit la conséquence de l’investiture de cette entité. Mais plutôt que d’une « imitation de Jésus-Christ » dans lequel le sujet et l’objet finiraient par se fondre (comme le suggère l’hagiographie de certains staretz orthodoxes), chez les Ahl-e haqq, l’investiture est subite, brutale même, quitte à ce que la fusion se fasse ensuite sur la durée, au point que l’on finit par dire : Seyyed Brâka est 12 la manifestation de Raphaël.

34Celui qui se prend pour Jésus est un fou, mais il est tout naturel que, dans un milieu gnostique et fermé, celui que ses charismes désignent comme avatar d’une essence soit poussé à tenir dignement son rôle. Le consensus l’aide à s’identifier à la figure qu’il incarne et à modeler son comportement sur le sien. Selon le principe soufi de « l’anihilation dans le cheikh » (forme mineure du fanâ fi’l lâh, l’anihilation en Dieu), il parviendra peut-être au point de ne faire plus qu’un avec l’entité visitante.

35Possession à vie. Des hymnes et des chants sacrés ont été composés il y a plusieurs siècles pour exprimer ce mystère et en transmettre les secrets.

Réalité et images

36Essayons de revenir dans le giron de l’islam. Certains supposent que, durant les siècles païens, il y aurait eu des bons et des mauvais esprits donnant deux catégories de transe de possession. Avec l’islam, les bons esprits et les bonnes transes auraient été intégrés aux rites du samâ’, du dhikr ou de la hadra, tandis que les mauvais auraient subsisté marginalement dans d’autres rites plus explicitement animistes. Ceci expliquerait la coexistence, dans les pratiques des zawiya nord-africaines ou du golfe Persique, de transes religieuses aussi bien qu’animistes et, d’une façon générale, l’ambiguïté de certains systèmes faisant intervenir des populations d’entités ou d’âmes. Au Baloutchistan, des cérémonies correspondant à ces divers types sont conduites par les mêmes officiants : le damal semblable au dhikr et samâ’, et le le’b, soit « jeu », terme qui en dit assez long sur le caractère animiste de l’affaire. De plus, on distingue le le’b concernant un djinn (qui est donc musulman) et celui destiné au guât, un « vent » païen paradoxalement moins agressif que le premier.

37Les suites musicales (nouba) propres aux confréries soufies de Sfax servent aussi à soigner des individus touchés dans leur corps par un esprit nuisible, qui, faute d’exorcisme approprié, les importunera toute leur vie durant. Curieusement, le possédé est appelé darvish, ce qui brouille encore les frontières entre les dimensions animiste et spirituelle. Comme chez les Baloutches, on distingue la pseudo-transe, l’excitation où les sujets se croient en transe, et la vraie, qui se déclenche avec des airs appropriés et se caractérise par des symptômes propres.

38Pour ajouter à la confusion, voici un autre exemple embarrassant posé par les Alevi d’Anatolie, une large communauté un peu en marge de l’islam officiel. Tout leur rituel témoigne de leur dévotion pour le Prophète et les douze Imams. Pourtant, dans un beau poème mystique, le barde chante avec son luth comment il a contemplé la manifestation de ‘Ali sous la forme d’une grue cendrée. Les experts y voient un motif chamanique des anciens Turcs, repris dans le taoïsme, mais sans nous en apprendre plus. Un africaniste serait tenté de penser qu’à l’origine, la grue, oiseau sacré, fut l’objet de transes mimétiques. De fait, la danse des grues reste au centre du rituel alevi. Mais s’agissait-il de possession animale, même si de nos jours on en est loin ?

39Au cœur des premières révélations coraniques, la figure chamanique des grues sacrées apparut subrepticement ; mais l’ange Gabriel a promptement donné l’ordre au Prophète d’annuler ces versets qui ont été retirés du texte sacré. Cela n’empêche aucunement les Alevi de proférer un double blasphème : ‘Ali, reflet divin, se manifestant en un oiseau. Leur danse des grues (durnalar sema’i) soutenue par le chant et le luth, fait tourner douze jeunes filles représentant les douze Imâms. Dans une danse plus mimétique, deux hommes et deux femmes traduisent les mouvements, l’envol et le vol de ces oiseaux en une brève et énergique danse circulaire. Ce n’est pas du folklore, mais une chorégraphie sacrée d’une grande beauté.

40Mais qu’est-ce que les participants saisissent de tout cela de nos jours ? Qu’a vu le poète dans la grue ? L’oiseau est-il une allégorie ou le poète a-t-il eu une vision théophanique ? Un chant le proclame nettement : Aliden bashqa tanri bilmazim, « à part ‘Ali, je ne connais pas de divinité ». Mais si c’est le cas, pourquoi les Alevi placent-ils le portrait d’Ataturk à côté de celui de Hajji Bektash ? Qui est ‘Ali, ou Hajji Bektash, le second ‘Ali pour les Alevis ? Il est difficile de le savoir.

« Désenchantement du monde » et retour au sujet

41L’un des grands arguments avancés par les détracteurs du samâ’ et du soufisme était celui du commerce avec les démons. Les pratiques « chamanico-animisto-dervichiques » qui ont cours de nos jours devaient être au moins aussi nombreuses et en tout cas plus animistes encore par le passé. Les censeurs ne faisaient pas dans les nuances, et pour eux, toute pratique impliquant la musique et induisant des états spectaculaires était assimilée aux rites païens, comportant « sifflements et battements de main » selon une formule courante. (Les battements de main étant fréquents dans le samâ’ et le dhikr). « Leurs samâ’, dit le censeur Ibn Taymiyya, constituent des actes d’adoration innovés et relevant de l’associationnisme, démoniaques et philosophiques, qui attirent les démons ». Il dit ailleurs :

Il leur advient […] des états démoniaques durant lesquels les démons descendent sur eux et parlent avec leurs langues, de même qu’un djinn parle avec celle d’un épileptique. […] Soit aussi ces gens profèrent des paroles inintelligibles, à la signification incompréhensible (in Michot 1991).

42Ce ne sont pas seulement les comportements qui sont en cause, mais la philosophie même du samâ’ :

« Quiconque soutient que les anges ou les Prophètes assistent au samâ‘ des sifflements et des battements de main par amour et désir de telles pratiques est un menteur et un calomniateur. Seuls en effet y assistent les démons, et ce sont eux qui descendent sur ceux qui s’y adonnent et les inspirent » (ibid.).

43Face à ces attaques, quelle était l’attitude des soufis ? Il faut remarquer que les plus sévères d’entre eux n’ont jamais lancé de telles accusations contre le samâ’, même lorsqu’il ne s’agissait que de formes vulgaires ou peu orthodoxes. Les mollâs parlent surtout de démons extérieurs, mais l’interprétation des soufis ne vise que les démons intérieurs exprimés dans une forme imagée. Ces démons peuvent se manifester de manière plus sournoise. Une notion qui revient souvent dans les mises en garde contre certaines formes d’audition est celle de simulation, d’hypocrisie(nifâq), aussi bien vis-à-vis d’autrui que de soi-même. Faute de distinguer les fines nuances qui séparent le conditionnement mental (tawâjud) de la mise en scène, beaucoup sont tombés dans le piège, fournissant aux ennemis du soufisme un de leurs arguments frappants.

44Ainsi, les démons extérieurs cèdent peu à peu la place aux démons intérieurs. Le terme même de derviche, est censé venir du persan dar khwish (khwish se disant wish dans les langues anciennes), « [être] en soi-même ». Ainsi pour les soufis, le démon, Satan (Sheytân), n’est que l’âme charnelle de chacun, le « ça », comme dirait le psychanalyste, shey-e tân : « ta chose » glosent les gnostiques. À ce retour sur soi correspondent le retrait, le désenchantement du « monde » désormais dépeuplé de ses créatures ambiguës, entre l’ange et la bête, qui sont comme une allégorie de la condition d’humain.

45Dès lors se pose une question que j’adresse aux anthropologues et aux spécialistes de la nature humaine : qu’en est-il, dans la culture mondialisée ou globalisée, de l’extase sublime, de la transe libératrice ou furieuse, de la possession douloureuse ou jouissive ? Avons-nous perdu cette faculté, sommes-nous totalement inhibés ? Le bruit de fond de la civilisation nous a-t-il rendus durs d’oreille ?

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Bibliographie

AUBERT Laurent, 2004, Les Feux de la Déesse. Rituels villageois du Kerala (Inde du Sud). Lausanne : Payot. Collection Anthropologie – Terrains.

JAMBLICUS, 1996 [1966], Les Mystères d’Egypte. Traduction Edouard des Places, avec une introduction de François Vieri. Paris : Belles Lettres, coll. Budé, série grecque.

LIÈVRE Viviane et Jean-Yves LOUDE, 1990, Le Chamanisme des Kalash du Pakistan. Paris : Editions du C.N.R.S.

MICHOT Jean (trad.), 1991, Musique et danse selon Ibn Taymiyya. Le livre du samâ‘ et de la danse (Kitab al-samâ‘ wa al-raqs ). Paris : Vrin, Etudes musulmanes XXXIII.

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Notes

1 Resâlat al-qods, Téhéran, 1972 ( :50-54), traduction de l’auteur.

2 Branche Tâlebâni, à Sanandaj, lors du tournage d’un film sur les derviches kurdes.

3 Ainsi ce poème composé par un chantre de la confrérie Cheshti du Baloutchistan : « Je dis : je te désire. Elle (Il) dit : prends un baiser. Je dis : cette parole est bienvenue, est bienvenue. Je demandai : pourquoi es-tu venu(e) ? Elle (Il) répondit : pour l’Union. Je lui dis : je te veux, sois bienvenu(e), sois bienvenu(e). »

4 Les Qâderi du Kurdistan cumulent deux chaînes de transmission : par élection (les pôles de l’Ordre et par hérédité, depuis le Prophète jusqu’à son dernier descendant, qui est aussi le pôle actuel.

5 Dans leur système, le fait de ne pas l’être n’a pas d’importance, car tout participant animé d’une bonne intention reçoit sa part de grâce octroyée par les âmes des saints.

6 Branche Kaznazâni à Sanandaj.

7 Fée, comme l’anglais fairy, vient de l’antique terme persan pari.

8 Damali : dhikr ; guât : vent, esprit.

9 Ce qui suggère qu’elles pouvaient se retenir jusqu’alors, pour respecter la priorité revenant au patient traité.

10 On rencontre une vision comparable dans certains rituels dansés hindous comme le Teyyam ou le Tirayâttam du Kerala, où des officiants, dans un état de possession plus ou moins lucide, incarnent des dieux, des héros mythologique ou des ancêtres afin de transmettre leur bénédiction à l’assistance (cf. Aubert 2004 : 199-201, 215-221, 256-287).

11 Curieusement, sous le nom d’Ablâ au lieu d’Allâh, mais aussi khodâ.

12 Ou fut (1795-1863).

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean During, « Du samâ’ soufi aux pratiques chamaniques. Nature et valeur d’une expérience »Cahiers d’ethnomusicologie, 19 | 2006, 79-92.

Référence électronique

Jean During, « Du samâ’ soufi aux pratiques chamaniques. Nature et valeur d’une expérience »Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 19 | 2006, mis en ligne le 15 janvier 2012, consulté le 07 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/89

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Auteur

Jean During

Jean During, directeur de recherche au CNRS, est ethnomusicologue, orientaliste et musicien. Il a séjourné onze ans en Iran et cinq ans en Ouzbékistan. Son champ de recherche couvre les cultures turciques et iraniennes, de l’Azerbaïdjan au Xinjiang. Il a publié une douzaine d’ouvrages dont trois ont été traduits en persan et un en anglais, ainsi que de nombreux articles et disques.

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