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Dossier: Formes musicales

Formes vocales et instrumentales de la tradition musicale savante issue de la Renaissance de l’Orient arabe

Nidaa Abou Mrad
p. 183-215

Abstract

L’étude des formes musicales de la tradition musicale savante de l’Orient arabe passe avant tout par l’analyse des processus d’élaboration du phrasé. Cet article propose à cet égard une typologie axée sur l’opposition entre la cantillation improvisative plurimodulaire, au rythme non mesuré, qui prend racine dans le verbe (prose sacrée) et effectue une sorte de projection temporelle progressive de l’architecture modale, d’une part, et, d’autre part, la ritournelle précomposée répétitive monomodulaire, au rythme cyclique, qui prend racine dans le geste (profane). Du métissage entre ces deux prototypes surgissent des formes mixtes qui vont de la cantillation mesurée de la poésie et de la cantillation instrumentale (taqsīm) à l’hymne strophique, en passant par différentes sortes de responsorial. Des formes constituées selon ce schéma sont apparues en Egypte et au Levant au cours de la Nahda (Renaissance arabe) du XIXe siècle, et se sont intégrées à la performance de la waṣla qui est analysée ici en tant que parcours obligé en trois paliers assujettis tant à l’unicité modale du maqām, qu’à une dialectique ternaire opposant précomposé à caractère strophique à improvisé cantillatoire.

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Full text

  • 1  Terme emprunté à Laurent Aubert (2001: 38-39) et Pierre Bois (Pearson 1996: 55, n. 1) pour désigne (...)

1L’application de la notion de forme musicale au contexte de la tradition musicale savante de l’Orient arabe pose problème. Certains types de séquences vocales et instrumentales répondent, certes, à des schémas structurels clairs et nets, faisant se succéder les segments mélodiques constitutifs selon un ordre préétabli qui est minutieusement décrit dans les traités autochtones. Il s’agit, en fait, de séquences mesurées, à cycles rythmiques, totalement précomposées, ce qui revient à dire que leur phrasé, dans sa fixité, est issu intégralement du répertoire traditionnel, ou bien qu’il est établi par un compositeur avant la performance1. La marge de transformation allouée au performeur est alors restreinte à une ornementation improvisée du phrasé, laquelle ne rallonge pas le débit de reproduction de ladite composition: aucune mesure n’est rajoutée ou retranchée au parcours rythmique et mélodique originel. Le degré de lisibilité – au premier degré – des formes de ces séquences est, de ce fait, proportionnel à celui du statisme de la performance, c’est-à-dire à celui de l’inféodation de cette dernière (réalisation) à la littéralité de l’œuvre (modèle).

2En revanche, un grand nombre de séquences échappe à ce genre d’analyse fixiste. Leur phrasé est, en effet, partiellement ou totalement élaboré au moment de la performance musicale par un musicien (ou un ensemble de solistes) qui cumule en conséquence les fonctions de compositeur et de performeur. Aussi la prééminence des dynamiques improvisatives dans la constitution du phrasé de ces séquences impose-t-elle une fluctuation continue à leurs « formes». A partir de ce point, les analyses peuvent suivre deux voies distinctes:

  • Se concentrer sur les formes musicales fixes ou fermées et négliger celles qui sont sujettes à des fluctuations structurelles en rapport avec l’improvisation, comme le suggère avec philosophie Hasan al-Kātib (théoricien arabe du Xe siècle): « En ce qui concerne les improvisations du musicien, c’est un domaine qui nous échappe» (Shiloah 1972: 138). C’est, du reste, l’attitude qui prédomine chez les pionniers de la musicologie orientaliste et les théoriciens et pédagogues arabes du XXe siècle, en quête de formes et de répertoires à contours fixes (Lagrange 1996: 89).

  • Analyser les séquences fluctuantes pour en saisir les rouages et établir des modèles descriptifs dynamiques qui tentent d’introduire de la lisibilité là où une certaine confusion semble régner sous couvert d’improvisation fourre-tout.

La seconde voie sera empruntée dans le propos qui suit, lequel constitue une tentative de repérage des structures formelles et des processus créatifs les animant au sein de la tradition musicale savante du Proche-Orient arabe, dans sa mouture réactualisée au XIXe siècle.

La Renaissance musicale de l’Orient arabe

  • 2  La tradition musicale artistique alépine diffère radicalement de son homologue ottomane sur le pla (...)

3Née au cours de « l’Âge d’Or» de la dynastie Abbasside, la grande tradition musicale arabo-persane, devenue arabo-persano-turque à partir du XIVe siècle, faisait jusqu’au XVIIe siècle office de référence normative dans l’ensemble de l’Orient musulman (During 1994: 107). Ce tronc s’est lézardé sous les assauts conjugués des particularismes régionaux qui ont poussé les trois composantes de cette tradition artistique à suivre des voies différentes, tant du point de vue des échelles modales, que des formes et de l’instrumentation, sans pour autant diverger dans leur essence. Aussi cette sphère culturelle ne connaissait-elle plus au début du XIXe siècle que deux traditions artistiques et savantes dignes de ce nom, à Istanbul et à Alep, celle-ci se trouvant assujettie, par divers aspects, à celle-là2. Partout ailleurs, des traditions musicales citadines déliquescentes, pâles réminiscences d’une musique d’art délaissée, faute de mécénat et de climats propices.

  • 3  Ce terme désigne la période qui s’étend de la campagne d’Egypte (1798) et du règne de Muhammad ‘Al (...)
  • 4  Attitude se référant à un « Islam primordial» (salaf al-ummat) idéalisé.

4La seconde moitié du XIXe siècle a connu une conjoncture sociopolitique favorable qui a donné un second souffle à l’Orient arabe et plus particulièrement à l’Égypte, du moins pour un bref moment à l’échelle de l’Histoire. La Renaissance arabe ou Nahḍa3 est marquée par un climat d’effervescence culturelle au centre de laquelle on trouve des relents « d’Âge d’Or», aux côtés de questionnements identitaires et religieux, ainsi que d’irrésistibles aspirations à la modernité. Elle s’est traduite par des dynamiques de réforme et de renouvellement tous azimuts, notamment en religion, pensée politique, lettres et musique, qui ont emprunté des voies pour la plupart endogènes au XIXe siècle (Hourani 1962-1977). Les attitudes prônant des syncrétismes exogènes (occidentalismes) attendront l’achèvement de la Première Guerre mondiale pour prendre leur essor, en même temps que la réaction « salafiste4» dans ses différentes déclinaisons intégristes et fondamentalistes (Sayed 2003: 33-48).

5Le prologue de la renaissance musicale arabe se déroule dans les cercles musicaux levantins. Le théoricien libanais Mīh̠ā’īl Maššāqah (1800-1888), disciple du musicien damascène Cheikh Mụammad al-‘Aṭṭār, en représente à la fois le fer de lance et le témoin qui réalise sa première mise en théorie (Maššāqah 1899).

  • 5  « Ecole [de la Nahda] doit être compris ici dans le sens de communauté esthétique et stylistique d (...)
  • 6  D’où l’expression « école khédiviale» proposée par Bernard Moussalli (1991).

6La contagion gagne rapidement la vallée du Nil, qui connaît, au cours du dernier tiers du XIXe siècle et à l’instigation du khédive Ismā‘īl Pacha (1863-1879), vice-roi d’Egypte, un courant de renouveau musical dominé par la figure du chanteur et compositeur ‘Abduh al-Ḥāmūlī (1843-1901). Cette école5 a élaboré une nouvelle musique de cour6 à partir de la tradition musicale populaire citadine égyptienne, en l’enrichissant d’éléments provenant des musiques savantes ottomane et alépine, introduites depuis plus d’un siècle en Egypte, et des traditions musicales religieuses et parareligieuses soufies locales et régionales (Abou Mrad 1991  : 141-150 et 2003: 49-70 et Lagrange 1996, ch. III).

7Aussi cette réforme a-t-elle permis l’éclosion d’une nouvelle tradition musicale artistique égyptienne et, plus généralement, arabe proche-orientale, sorte d’avatar moderne de la tradition médiévale de l’Orient arabo-musulman, aux côtés de la tradition musicale savante iranienne du radīf, axée sur les modes dastgāh, apparue à la fin du XIXe siècle (During 1994: 108 et 220-229), tout comme la renaissance des traditions du maqām iraqien (Hassan 1987: 143-149 et 2003: 99-116) et du mugām azéri.

Fig. 1  : ‘Abduh al-Ḥāmūlī (1843-1901)

Fig. 1  : ‘Abduh al-Ḥāmūlī (1843-1901)
  • 7  Commencée par Mikhā’īl Maššāqah, la mise en théorie de cette tradition s’est poursuivie par Mụamm (...)

8De fait, il s’agit d’une musique savante, car elle repose sur un langage riche et complexe, doté d’une théorie écrite7, et fait intervenir à chaque moment des schémas de renouvellement créatif. La richesse de cette tradition réside dans les échelles et les structures modales héritées du système médiéval, dans lesquelles s’insèrent des nuances d’intervalles et des idiosyncrasies mélodiques porteuses de spécificités culturelles, d’une part, et, d’autre part, dans les équations complexes de l’articulation mélodique et rythmique. La créativité instantanée s’exprime à chaque moment de la performance musicale qui se trouve organisée sous forme de waṣla, ou succession de séquences instrumentales et vocales se déroulant au sein d’un même mode maqām, et assumée par le tah̠t ou ensemble de solistes chanteurs et instrumentistes.

Dialectique de la cantillation et de la ritournelle

9L’analyse du processus de constitution (ou de reconstitution) d’une tradition artistique, comme celle du Proche-Orient arabe, à partir de traditions populaires locales, en interaction avec des traditions musicales savantes régionales préexistantes, fortement imprégnées de religion, ou du moins de spiritualité, invite à cerner les affiliations culturelles des éléments musicaux engagés dans ce remue-ménage.

  • 8  Gilles Deleuze et Félix Guattari (1980, chapitre « La ritournelle»), posent la notion de territoir (...)

10Sans adopter la démarche de Gilles Deleuze et Félix Guattari (1980), la ritournelle apparaît comme une séquence musicale compacte, à fort enracinement territorial8. Par exemple: un motif mélodique mesuré, fixe et récurrent, un « modèle dense», « monomodulaire figé» (Lortat-Jacob 1987: 49-59) ou à variations restreintes, facile à retenir, repérable quant à son origine culturelle (souvent populaire et profane) et se prêtant volontiers à une performance collective.

  • 9  « [Les modes toponymes et ethnonymes] se sont reterritorialisés dans l’espace idéel de la musique (...)

11Dans un autre registre, la cantillation, lecture mélodieuse soumise à la métrique prosodique d’un texte et à une structure mélodique modale, permettant l’improvisation, tout en restant assujettie à l’exemplarité d’un corpus mélodique traditionnel, réfère à un modèle musical moins densifié9 que celui de la ritournelle.

12L’opposition cantillation/ritournelle recouvre, de fait, la polarisation entre parole et geste, de même que la dialectique non mesuré/mesuré qui régente toute rythmique. Cette dichotomie s’exprime dans les traités arabes médiévaux sur la musique par l’emploi de métaphores littéraires qui permettent de marquer la différence entre mélodie mesurée et mélodie non mesurée. Ainsi Al-Kātib (Shiloah 1972: 143) oppose-t-il, à la fin du Xe siècle, laḥn mursal wa-mutawāṣil, non mesuré (dépourvu de pulsations isochrones) et continu, à laḥn muḥarrar wa-muqaṭṭa‘, mesuré avec netteté (grâce à des pulsations isochrones lentes), le mursal étant de la prose, du point de vue littéraire (selon Al-Baqillānī, cité par Shiloah, ibid.). De même et au XVe siècle, le Traité anonyme dédié au Sultan Osmānlī Mụammad II (Erlanger 1939: 233) opère une nette distinction entre naẓm a-n-naġamāt (élaboration mesurée de la mélodie), lorsqu’il s’agit de « chanter des vers sur des notes mesurées (nağamāt muwaqqa‘a)», et natr a-n-naġamāt (élaboration non mesurée de la mélodie), quand il faut « chanter des vers sur des notes libres (naġamāt ̣ḥurra)», et ce, en étendant au plan musical la dialectique littéraire entre naẓm – versification poétique (paroles mesurées) et nat̠r – prose (paroles libres).

Musicalisation du verbe: la cantillation

13Selon la typologie rythmique de Jacques Chailley (1996: 17), le rythme verbal, non forcément isochrone, se voit privilégié dans la musique vocale, où il s’associe volontiers à la déclamation des paroles. « Le rythme verbal est moins fréquent dans la musique instrumentale, encore qu’il y ait souvent décalque de l’un sur l’autre».

  • 10  « Dans les deux liturgies [judaïque et chrétienne initiale], la parole chantée a valeur mystique. (...)

14La cantillation désigne une musicalisation traditionnelle de la récitation d’un texte. Il s’agit à la base de la mélodisation d’une prose sacrée, dans le cadre des religions monothéistes (judaïsme, christianisme, islam), mettant en avant la parole révélée, ancrage de la prière, de la prédication et de l’enseignement, ainsi que de la dévotion tant personnelle que collective (Shiloah 2003: 316-317). Rejetant le caractère mondain du ton de l’orateur – qu’il fût politicien ou philosophe – le lecteur enseignant a toujours eu tendance à « mélodiser» sa lecture, permettant ainsi de protéger l’énoncé du Logos divin par une stylisation traditionnelle des intervalles de la voix (Corbin 1960-2000: 61-62)10.

15L’amplification du texte scripturaire se traduit, sur le plan métrique, par la mise en valeur du débit microrythmique des syllabes successives du texte et, sur le plan mélodique, par une articulation du phrasé, laquelle est centrée sur les cordes de récitation et entrecoupée de formules mélodiques qui marquent l’intonation et la ponctuation (disjonctive, conclusive, etc.) et soulignent ainsi la structure modale (Chailley, ibid.: 110 et Corbin, ibid.: 62).

16En appliquant les critères d’analyse de Bernard Lortat-Jacob (1987: 45-59), la cantillation procède d’une musique improvisée non mesurée, plurimodulaire (mettant en jeu des unités inféodées au débit microrythmique de la prose, d’ordre et de dimension fort variés, se regroupant dans des espaces irréductibles les uns aux autres), dans laquelle les modes (partie intégrante du modèle) sont figurés progressivement, par paliers.

  • 11  Les premières mentions écrites de cette forme remontent aux sources ottomanes du début du XVIIe (F (...)

17La forme arabe du taqsīm (littéralement: morcellement) peut être assimilée à une sorte de « cantillation instrumentale» d’une prose virtuelle, implicite, imprononcée. La musique ottomane emploie le même terme taksīm11 pour désigner l’improvisation vocale et l’improvisation instrumentale. Cette forme est envisagée par Jean During (1987: 34) comme un ensemble morcelé et impromptu de séquences, voire de modules modaux enchaînés les uns aux autres. L’ordre de succession de ces mêmes modules, représentant une sorte de projection ou d’effectuation temporelle de l’architecture du mode exploré, réalise ce que Bernard Lortat-Jacob (ibid.: 54-56) – dans la foulée de Riccardo Canzio décrivant l’ālāp indien (1982, cité par Lortat-Jacob ibid.) – désigne par « parcours obligé»: la durée des éléments échappe au modèle, mais non leur importance respective. Aussi le modèle intervient-il dans leur ordre d’apparition, qui est régulé par des seuils de gradation et de rupture.

  • 12  Concept développé par les philosophes de l’antiquité grecque et du Moyen Age arabo-persan (les ter (...)
  • 13  Du recueil de muwaššạāt intitulé Safīnat al-mulk et édité 1840, par Muhammad Šihāb a-d-Dīn, au re (...)

18Si la dimension rythmique de la cantillation est directement soumise à la métrique prosodique, sa dimension mélodique est assujettie à des normes plus complexes. Il ne suffit pas, en effet, de faire référence à la structure d’un mode mélodique donné, pour que surgisse, comme par magie, le phrasé idoine. Dans certaines formes primaires de cantillation, la modalité peut, certes, se résumer – outre la définition de l’échelle, des degrés pivots et autres registres de récitation, et outre l’expression d’un éthos (’aṭar ou ̣āl)12déterminé – à un certain nombre de formules d’intonation, de ponctuation et de conclusion. Il s’agit de la notion de « mode formulaire» chère à Tran Van Khé(1971). Dans les formes élaborées de cantillation, en revanche, l’élaboration instantanée du phrasé se fait en référence à un modèle constitué d’un grand nombre d’exemples mélodiques, propres à leurs modes respectifs. Il s’agit d’un « répertoire modèle», expression par laquelle Jean During (1991) désigne en particulier le radīf iranien, corpus traditionnel de référence qui repose sur des phrases exemplaires, non mesurées et cantillatoires: les gushe. De même, la tradition musicale savante du Proche-Orient arabe englobe des répertoires modèles propres aux formes existantes. Les recueils édités au XIXe siècle13 en ont perpétué les textes, regroupés par modes et formes. Les enregistrements gravés sur 78 tours, avant la Grande Guerre, en ont immortalisé la musique. Au-delà du rôle de référence normative (« modèle inerte»), ce répertoire modèle « joue le rôle d’une matrice et prend dans ces circonstances une fonction génératrice» (Lortat-Jacob 1987: 51).

19Quant à l’expression en langue arabe de la notion de cantillation, dans un contexte islamique aussi bien que chrétien arabophone, elle se trouve être plurale, parfois ambivalente. Ainsi, le terme tajwīd, qui signifie perfectionnement, prend dans un contexte religieux le sens de « parure de la récitation (qirā’a ou tilāwa)» des versets du Coran. Partant, sa réalisation prend deux sens différents et complémentaires: perfectionnement de l’élocution et perfectionnement de la musicalisation de la récitation. Il y a lieu de distinguer trois niveaux de récitation:

  • 1. Le tajwīd-tạqīq: stricte observance des règles canoniques de la langue arabe quant à la grammaire, la phonétique et la prosodie, celle-ci imposant une juste répartition des durées relatives sur les syllabes successives, ainsi que le respect de la ponctuation, pauses ou arrêts (Shiloah 1991: 92).

    • 14  Tartīl, dérivé du verbe rattala, supporte également les deux sens de tajwīd.

    2. Le tartīl14 simple: style de cantillation syllabique qui attribue à chaque syllabe un seul son mélodique, sur une tessiture modale exiguë, et qui n’admet que très rarement une ornementation, du reste, fort compacte.

    • 15 Tout en respectant sur le plan rythmique et phonétique les contraintes prosodiques susmentionnées, (...)

    3. Le tajwīd-qirā‘a bi-l-‘aḷān: style de cantillation ornée et mélismatique qui s’inscrit dans les schémas mélodiques de la musique savante de l’Orient arabe15.

  • 16  Pour « récitation», qirā’a est inféodée à Qur’ān ou Coran et admet le sens de lecture introvertie. (...)

20Au total, pour arabiser « cantillation» dans un sens générique ou général, il convient d’employer une expression de type « récitation chantée», comme « tilāwa murannama»16.

21Les procédés de lecture chantée sont appliqués également à la poésie arabe classique, qu’elle fût mystique ou profane, de même qu’à la poésie dialectale. Plus encore, inšād signifie, depuis l’époque préislamique et jusqu’au Xe siècle, à la fois déclamation d’un poème classique (qaṣīda) et récitation chantée ou cantillation (restreinte d’un point de vue musical) du poème. Or, la poésie suppose l’instauration d’une métrique prosodique, donc d’une forme de périodicité du débit rythmique inhérente aux paradigmes de la versification arabe. Cependant, l’intrusion d’une périodicité microrythmique verbale n’entraîne pas forcément l’établissement d’une périodicité rythmique globale ou macrorythmique: mesure ou cycle rythmique. La cantillation poétique reste alors non mesurée ou à rythme anisochrone. C’est du reste, semble-t-il, la tendance dominante dans les pratiques musicales préislamiques, en dehors du ̣idā’ (et de son dérivé, an-naṣb) ou chant des caravaniers qui correspond à une convergence entre le rythme gestuel des chameaux et le rythme verbal du paradigme métrique du ̣idā’, c’est-à-dire le rajaz (« mustaf’ilun») premier mètre prosodique dont les poètes arabes se seraient servis (Erlanger 1959: 158).

  • 17  Substantif dérivé du verbe anšada dont provient également inšād.

22Avec l’avènement de la musique artistique à Damas, pour les Omeyyades, puis à Bagdad, pour les Abbassides, une nouvelle forme musicale s’est constituée à partir du mariage entre la qaṣīda et les cycles rythmiques arabes néoformés (probablement sous influence Sassanide). Il s’agit du ṣawt, qui dominera jusqu’au XIIIe siècle toute la production musicale de l’Orient arabe. Cette forme est constituée de deux parties, selon le chroniqueur du Xe siècle Abū Al-Faraj Al-Iṣfahānī (1927-1974, V: 427), successivement: le našīd17, cantillation probablement non mesurée et le basīṭ qui emploie une mélodie mesurée et rigoureusement calquée sur le texte, sans addition de mots ni de musique (Erlanger, 1939: 244) qui est reprise à l’identique à l’énoncé de chaque vers du ṣawt (Poché, 1995: 41-42). Quelques décades plus tard, Al-Kātib (Shiloah 1972: 129) en se référant à Al-Kindi (IXe siècle) affirme que « le našīd consiste à chanter au début d’un poème, ou au début d’un discours qui n’est pas en vers, quelques mots dont la mesure ne sera pas marquée et que le istihlāl consiste à exécuter, au début d’un chant, un seul mot dans un rythme libre.» Il précise ensuite que le našīd peut se dérouler sur plusieurs vers. Ainsi, ces formes introductives du ṣawt, toutes deux cantillatoires non mesurées, se distinguent par le fait que le našīd consiste en un récitatif rigoureux d’un ou de deux vers, tandis que l’istihlāl, se saisissant d’un seul mot, est sujet à une inventivité débridée, préfigurant le taqsīm-Yā leyl de la Nahḍa.

23Tel est également le cas du taġazzul, ou de la première partie (šaṭr) de našīd al-‘Arab, formes décrites au XVe siècle dans le Traité anonyme dédié au Sultan Osmānlī Mụammad II (Erlanger 1939: 233), en tant que séquences répondant aux attributs de nat̠r a-n-naġamāt, élaboration non mesurée de la mélodie (naġamāturra).

24Il en est de même pour la qasīda‘alā lạnin mursal, forme de poésie arabe classique cantillée pratiquée aux XVIIIe et XIXe siècles notamment par les milieux soufis des grandes villes du Proche-Orient. Cette cantillation impromptue peut être accompagnée par des instruments qui préludent par l’improvisation de taqāsīm et reproduisent en écho l’énoncé vocal sous forme de murāsala et tarjama.

25Ces procédés sont également à l’œuvre dans le traitement du mawwāl, forme de poésie dialectale cantillée répandue dans l’ensemble du Proche-Orient, ayant donné naissance, au cours du dernier tiers du XIXe siècle, à une forme de chant artistique égyptien improvisé (Lagrange 1994: ch. V).

Musicalisation du geste: la ritournelle instrumentale

26Selon la vision rythmique développée par Jacques Chailley, le rythme gestuel, stylisation des gestes réguliers de la marche, de la danse, etc., se démarque du rythme verbal, stylisation du rythme de la parole dans l’idiome employé. « Le rythme gestuel isochrone, privilégié au départ dans la musique instrumentale, a souvent contaminé la musique vocale. […] Son exaspération souvent répétitive [est] fréquente dans les musiques à vocation magique» (Chailley 1996: 17-18).

27La ritournelle instrumentale, tarğī’, lāzima ou tašyi‘a, apparaît comme un (sinon le) prototype de mélodisation du geste et de précomposition musicale. Par la périodicité de la pulsation isochrone, ou des battues cycliques macrorythmiques, la ritournelle colle aux pas du geste (danse, marche). Par la périodicité de ses occurrences mélodiques dans le cycle rythmique, la ritournelle s’homologue aux figures de ce même geste. Elle constitue le degré zéro du « modèle monomodulaire figé».

Musicalisation de la parole et du geste: types intermédiaires

28En dehors de la cantillation non mesurée stricte, la musicalisation de la poésie peut s’appuyer sur un macrorythme périodique, représenté, au minimum, par la mesure binaire simple de la waḥda et, au maximum, par un cycle rythmique complexe. Lorsque la mesure au sein de laquelle se déploie le rythme verbal demeure discrète et ne perturbe que très modérément le débit microrythmique, tout en n’imposant pas de récurrence mélodique modulaire, la musicalisation des vers prend l’aspect d’une cantillation mesurée. La périodicité est concrétisée dans ce cas par l’usage minimaliste de la mesure binaire de la waḥda.

29Quant à la cantillation instrumentale, elle ne représente pas un type intermédiaire entre cantillation et ritournelle, mais entre cantillation et musique instrumentale. Il s’agit de la forme improvisative du taqsīm précédemment décrite. Le phrasé instrumental de cette forme, en l’absence de toute parole explicite chantée, reflète par son débit microrythmique les idiosyncrasies métriques de la langue arabe, méritant totalement la dénomination de cantillation instrumentale.

30En revanche, lorsque le rythme gestuel prend le pas sur le rythme verbal, et qu’une « modularité figée» se met en place par le biais de la cristallisation de plages musicales strophiques respectant à peine la métrique poétique, il ne s’agit plus d’une cantillation mesurée de la poésie, mais d’une musicalisation fixiste et répétitive de cette dernière selon les normes hymniques: al-inšād (du verbe anšada), selon son acception moderne.

31Rappelons que l’hymne de l’antiquité grecque est une composition poétique à caractère strophique, chantée sur une seule mélodie et accompagnée souvent de gestes et de déplacements (Encyclopédie de la musique, 1983-1993-1995: 366). Le psaume joue un rôle équivalent dans le contexte hébraïque en sorte qu’une tradition ecclésiale ancienne, selon Solange Corbin (ibid: 127), aurait mis dans le même sac « hymnes, psaumes et cantiques» pour signifier « louange chantée et adressée à Dieu». Dès le IVe siècle l’Eglise syrienne a développé avec Saint Ephrem un riche répertoire hymnique en réaction aux corpus semblables mis en vogue par les cercles hérétiques.

32Dans le contexte arabe, une mutation s’opère au XVe siècle quant au concept de l’inšād, avec l’apparition de našīd al-‘arab (hymne des Arabes), forme bipartite dans laquelle les deux ou quatre premiers vers (bayt, pl. abyāt) sont cantillés selon un rythme anisochrone (naṭr a-n-naġamāt), tandis que les deux suivants sont chantés sur une seule et même mélodie mesurée (naṭm a-n-naġamāt) assise sur un cycle rythmique (Erlanger 1939: 233-235).

  • 18  Le Traité anonyme dédié au Sultan Osmānlī Mụammad II (Erlanger 1939: 235-236) fait référence à ‘A (...)

33De fait, našīd al-‘arab prend la place de l’ancien ṣawt. La seconde partie du našīd nouvelle manière s’apparente au basīṭ (qui continue à être chanté en langue arabe), ainsi qu’au qawl (forme médiévale arabe tardive, dérivée du ṣawt) et à la forme persane homothétique, le gazel. Ces quatre formes admettent souvent (depuis le XIVe siècle18) une séquence intercalaire médiane mélismatique: ṣawt al-wasaṭ ou miyat h̠āna (mélodie médiane, qui deviendra la h̠āna du muwaššạ et la miyān du beste au XVIIe siècle), transformant la section mesurée à deux vers et mélodie unique AA en une forme récurrente AABA. La partie B est souvent prolongée par une séquence d’onomatopées, désignée par tarannum, sorte de trope d’interpolation dépourvu de sens verbal et remplaçant un long mélisme.

34A partir du XVIIe siècle, l’inšād prend la forme du muwaššạ à Alep et du beste à Istanbul. Le muwaššạ d’un point de vue littéraire est une forme de poésie arabe plurimètre et pluririme, apparue au Xe siècle en Andalousie. Cette forme poétique s’est ensuite répandue dans les contrées du Mašreq. Aussi les cercles musicaux d’Alep s’en sont-ils emparés et lui ont-ils appliqué le schéma AABA de musicalisation du qawl et du basīṭ. En règle générale seuls quatre vers étaient retenus d’un muwaššạ littéraire – ou, souvent, d’une qaṣ̣īda traitée ici en muwaššạ musical – pour devenir les sections suivantes: dawr 1, dawr 2, h̠āna, qafla (AABA).

35Les musiciens d’Istanbul ont fait de même en appliquant le schéma musical du gazel persan et du basīṭ arabe à la poésie en quatrains turcs de type gazel (poésie amoureuse) désignée par murabba‘ et ce, selon le schéma suivant: zemīn, zemīn, miyān, zemīn, la séquence pouvant être prolongée par un terennum (Feldman s.d.: 18-19). Ainsi sont nés le muwaššạ chanté alépin et le beste ottoman, dont la forme musicale obéit au schéma AABA, A étant la mélodie principale des vers (bayt, dawr, zemīn) et B étant celle de la mélodie médiane (miyān, h̠āna).

36Quant aux milieux confrériques soufis du Proche-Orient, ils ont adapté à la forme du muwaššạ chanté des textes religieux de louange du Prophète (madị̄ nabawī), plus rarement des textes mystiques et ce, probablement, depuis le XVIIe siècle. Cela a donné naissance à la catégorie musicale hymnique islamique de l’inšād (muwaqqa’) dīnī ou du tawšị̄ dīnī.

37Si la cantillation est œuvre de soliste et la ritournelle l’affaire d’un ensemble instrumental ou vocal, les musiques strophiques à caractère hymnique, comme l’inšād muwaqqa’, admettent les deux types de performance, voire privilégient l’alternance solo-tutti. Le responsorial est précisément un moyen de régenter cette alternance.

38La forme basique ou primitive du responsorial consiste en la reprise en chœur et en homophonie, en respectant sa longueur ou en le raccourcissant, l’énoncé du soliste (Poché 1995: 150). S’agissant d’un énoncé en solo de type cantillatoire non mesuré, la réponse du chœur, tout en respectant l’aspect cantillatoire originaire, se simplifie et se densifie pour devenir un fragment mixte cantillatoire et monomodulaire. Al-Kātib (Shiloah 1972: 124) décrit à cet égard le tarğī’ (recyclage) qui consiste en un module formé de notes longues empruntées à la mélodie sur laquelle est chanté le vers et qui sont reprises sous forme de ritournelle.

39Cette influence « densifiante» du responsorial s’exerce également sur l’énoncé du soliste qui est généralement de type poétique versifié, comme dans les Psaumes et l’inšād. Il s’agit alors d’une forme de psalmodie responsoriale faisant alterner les énoncés cantillatoires mesurés du soliste (célébrant ou autre) avec les réponses simplifiées du chœur.

40Dans la forme élaborée du responsorial, représentée par le responsorium ou répons liturgique chrétien, c’est une ritournelle chorale autonome, l’antienne (latine) ou l’antiphona (byzantine), qui répond aux versets entonnés par le célébrant.

41On retrouve ce genre de traitement notamment dans les pratiques musicales islamiques hymniques de l’inšād et du tawšị̄ (voir supra), lorsqu’une ritournelle vocale, tarğī‘ ou lāzima, s’insère dans le cours du chant strophique. En conséquence de cette inférence, une sorte de féconde irrégularité s’installe dans le déroulement du phrasé du soliste qui se met à improviser et à interpoler des modules musicaux inédits, habillés des strophes préexistantes et ce, en porte-à-faux quant à la régularité de l’énoncé des ritournelles. Les effets de tuilage vocal hétérophonique entre les « tirades» cantillatoires mélismatiques (modérément) mesurées, improvisées par le chantre (munšid) et les réponses du petit chœur de la biṭ̣āna (qui rassemble un petit effectif de chantres chargés d’énoncer les versions conventionnelles des modules vocaux) sont caractéristiques de l’inšād de haute volée.

  • 19  Christian Poché (ibid.: 58) rapporte que le zajal libanais est pratiqué surtout par les communauté (...)

42Moins animé est le type de psalmodie responsoriale pratiqué dans les traditions musicales populaires de la région, notamment la ‘Atāba-Mījanā, et le zajal libanais19, formes cantillatoires poétiques populaires à ritournelles, ou dans le šallāl yéménite (Poché 1995: 150). Dans d’autres cas, la ritournelle vocale et chorale est totalement homogène aux énoncés du soliste, auquel cas il s’agit d’une forme vocale à refrain-couplet, dans laquelle alternent deux modules musicaux (parfois identiques), revêtus d’un texte constant pour le module-refrain et d’un texte variable pour le module-couplet.

43Les traditions musicales populaires du Proche-Orient arabe font grand cas de cette forme de chanson bimodulaire, communément désignée par uhzūja, le refrain étant nommé radda ou maḍhab. Ce dernier vocable désigne notamment la première partie de la ṭaqṭūqah populaire citadine, connue dès le XIXe siècle en Egypte, et de son équivalent alépin le qadd. Il s’agit d’une chanson en poésie dialectale, s’appuyant sur un cycle rythmique binaire et répondant à une structure formelle bimodulaire répétitive, faisant alterner – du point de vue verbal – refrain maḍhab et couplets aġṣān (sing. ġuṣn).

44Par ailleurs, des modules instrumentaux peuvent s’insérer dans le déroulement d’une composition vocale strophique. Deux types se distinguent à cet égard: le court prélude intégré à la composition vocale et les modules intercalaires. En matière de préludes, il s’agit d’abord de la ṭarīqa (pl. tarā’iq, signifiant « voie», « manière») médiévale, court prélude instrumental apparu en musique savante arabe entre le IXe et le Xe siècles, probablement en imitation des rawāsīn ou préludes persans (Shiloah 1972: 197). Cette séquence avait pour rôle d’esquisser rapidement l’architecture modale laquelle était elle aussi désignée par ṭarīqa jusqu’au XIIIe siècle. Cette forme est intégrée à la fin du Moyen Age à chacune des formes vocales majeures arabes et persanes, c’est-à-dire le basīṭ isolé et les quatre formes de la nawbah: qawl, ġazal, tarānah, frudāšt, tandis que les praticiens commencent à la désigner par pišru (Erlanger 1939: 230). Elle donne probablement naissance au pešrev ottoman au XVIe siècle.

45Le dūlāb, court prélude instrumental, ébauchant et amorçant le mode, employé dans la musique savante de la Nahḍa du Proche-Orient arabe, représente, en quelque sorte, un succédané tardif de la ṭarīqa médiévale. Cette forme est à la base bipartite, avec une section introductive répétable et une autre conclusive (SISC ou SISISC). Une section médiane répétable peut s’intégrer à l’édifice qui devient tripartite (SISMSC ou SISISMSMSC).

46Quant à la première mention nominative d’une ritournelle instrumentale intégrée à un chant, elle est le fait d’Al-Kātib au Xe siècle (Shiloah ibid.:125). Il s’agit de la tašyi’a (accompagnement) qui est un module généralement instrumental (mais qui peut être chanté), énoncé après la fin de la mélodie d’un vers, à l’instar de la harğa, ritournelle et postlude de la forme poétique du muwaššạ arabo-andalou. La tašyi’a (également appelée bāzkišt), tout comme le prélude ṭarīqa, encadre les différentes sections des formes vocales majeures arabes et persanes des XIVe-XVe siècles.

47Plus généralement, l’accompagnement du chant et les répliques instrumentales sont regroupés depuis le Moyen Age sous le terme générique de mụāsaba. Cette dernière comprend réplique instrumentale en écho ou imitation, nommée tarğama, et ritournelle, comme elle intègre l’interpolation instrumentale d’incises mélodiques et rythmiques, ou mīzān, que l’on rencontre dans les formes vocales majeures de la Nahḍa. Tarğama, ritournelle et mīzān sont souvent pareillement appelés lāzima mūsīqiyya (Helou 1972: 180).

48Dans un autre registre, on parlera d’inšād instrumental. Ainsi, les formes précomposées et mesurées de musique instrumentale ottomane, pišrū ou pešrev (bašraf en arabe) et semā’ī (samā’ī), dérivent de formes à caractère strophique.

49Le pišrū, aux XIV e-XV e siècles, est soit chanté (généralement) sans texte (onomatopées), soit joué par des instrumentistes. Il comporte des strophes instrumentales en nombre impair qui alternent avec une ritournelle appelée tarğī’ band, ou sar-band pišrū (Erlanger 1939: 245).

50Quant au semā’ī instrumental, il dérive des semā’ī vocaux, hymnes mystiques employées dans le cadre de la cérémonie musicale āyīn ou ā’īn, appartenant au genre du samā’ ou concert mystique, propre à la confrérie des Mevlevi (Feldman s.d.: 9). Une transe communielle ritualisée (danse giratoire) à induction et conduite musicales est l’aboutissement habituel de ce type de séances (Rouget 1980: 391-393, During 1988: 174-185).

51Plus récemment, la forme musicale de ces compositions fait alterner quatre modules mélodiques – les h̠ānāt (sing. h̠āna) – avec la ritournelle taslīm: K1TK2TK3TK4T. Ces formes sont introduites en Syrie et en Egypte au cours du XIXe siècle, et adoptées par les tah̠t-s ou consorts instrumentaux arabes de la Nahḍa, moyennant leur adaptation aux genres mélodiques arabes. Leur exécution au cours d’une waṣla peut être assimilée à une forme d’inšād instrumental, sorte de muwaššạ ou de beste à ritournelle et sans paroles.

52Par ailleurs et en musique instrumentale traditionnelle populaire, la ritournelle lāzima mūsīqiyya constitue la base autour de laquelle s’élabore le phrasé. La référence à la danse est claire. L’aspect répétitif de ces ritournelles instrumentales n’est pas sans rappeler les rituels populaires de transe cathartique à induction musicale pratiqués en Egypte, notamment dans le cadre du Zār et des lamentations funèbres, réminiscence de pratiques païennes anciennes (Lagrange 1994: 29-34).

53La stylisation de ces séquences, dans un contexte artistique non ritualisé, conduit à des formes instrumentales équivalentes à la psalmodie responsoriale, dans laquelle des formulations de type cantillatoire mesuré improvisées alternent avec des réponses collectives, éventuellement avec des ritournelles à part entière. La forme du hawā’ī (aérien), avec ses arabesques énoncées avec fantaisie et à tour de rôle par les musiciens, semble répondre à ce profil aux XIVe-XVe siècles (Erlanger 1939: 245). On retrouve une démarche analogue dans la forme ottomane du pešrev karabatak, apparue au XVIIIe siècle et qui repose sur l’alternance entre les énoncés instrumentaux solo et tutti (Feldman s.d.: 30). De même, pour la tah̠mīla, forme instrumentale improvisative originale de la tradition musicale artistique issue de la Nahḍa en Egypte, qui présente un système d’improvisation interpolée en responsorial.

Types d’improvisation

54Partant des analyses précédentes, l’improvisation emprunte, dans le cadre de la tradition musicale savante de l’Orient arabe, trois itinéraires ou types distincts:

551.L’improvisation monomodulaire consiste en la formulation de variations autour d’un phrasé précomposé et mesuré. Ces variations sont le plus souvent ornementales, comme dans les chants à caractère strophique ou hymnique (muwaššạ), et leurs équivalents instrumentaux (bašraf et samā’ī). Elles peuvent devenir structurales par diminution, augmentation et autres procédés similaires entraînant ainsi un jeu hétérophonique fort apprécié.

Prototype

cantillation

hybride

Prototype

cantillation

hybride

ritournelle

Rythme

verbal anisochrone (non mesuré)

verbal, parfois isochrone (mesuré)

verbal isochrone (mesuré)

gestuel intégrant le verbal

gestuel intégrant le verbal

gestuel, strictement mesuré

Caractère dominant verbal ou gestuel

verbal

verbal

verbal

Equilibre verbal/gestuel

gestuel

gestuel

Caractère dominant verbal ou musical

verbal

verbal

verbal

musical

musical

musical

Caractère dominant vocal ou instrumental

vocal

instrumental

vocal

vocal ou instrumental

vocal ou instrumental

instrumental

Rapport au sacré

sacré, spirituel

spirituel

spirituel

rituel

rituel

profane

Tendance sacrale
originaire

monothéisme

monothéisme

monothéisme

monothéisme (aspects rituels)

monothéisme (aspects rituels) de même que paganisme

paganisme,

profane

Effectif engagé

solo

solo

solo plus ou moins responsorial solo/tutti

Responsorial solo/tutti

tutti

tutti

Type

d’improvisation

cantillatoire plurimodulaire en parcours obligé modal

cantillatoire plurimodulaire en parcours obligé modal

cantillatoire plurimodulaire en parcours obligé modal

plurimodulaire par interpolation via responsorial

variation monomodulaire, parfois plurimodulaire par interpolation

variation

monomodulaire

Approche du mode

figuration progressive par paliers

figuration progressive par paliers

figuration progressive par paliers

déroulement rapide de l’échelle modale

déroulement rapide de l’échelle modale

déroulement rapide de l’échelle modale

Langue

arabe classique

instrumental

arabe classique

arabe classique ou arabe dialectal

arabe classique ou arabe dialectal

instrumental

Effet psychologique ou spirituel s’il y a lieu

extase

extase

extase

transe

transe

transe

562.L’improvisation plurimodulaire à caractère cantillatoire repose avant tout sur l’habillage mélodique du grand nombre de modules métriques figurant dans les phrases d’un texte ainsi traité, que le microrythme verbal soit couplé ou non à un macrorythme cyclique. Il s’agit de la mise en correspondance entre les éléments mélodiques de la matrice modale choisie et ceux des modules rythmiques. Cette surjection s’appuie sur le grand degré d’assimilation du répertoire modèle de référence par le performeur qui s’en inspire pour élaborer sur le champ de nouveaux énoncés.

57En l’absence de paroles chantées, l’instrumentiste qui improvise un taqsīm débite son phrasé selon un module métrique verbal implicite, comme s’il conservait de ces syllabes idéelles (imaginales) seulement leurs durées ou leurs poids respectifs: une sorte d’articulation mélodique et métrique verbale sans parole. Souvent, l’improvisation de type cantillatoire est brève: une phrase musicale correspondant à un verset ou à un vers, insérée entre des séquences modulaires.

58Ce type d’énoncé peut s’élaborer dans d’autres cas sur un temps prolongé pour constituer une séquence musicale à part entière. Les phases successives ainsi constituées s’organisent alors selon un schéma de parcours obligé axé sur une figuration progressive, par seuils ou paliers, de l’architecture modale choisie. Telle phase est axée sur tel degré pivot, se déroule dans tel registre tétracordal, ou esquisse une modulation (talwīn) particulière. Le parcours peut être exhaustif, tout comme il peut rester sélectif, mais l’ordre chronologique des phases est généralement respecté.

593.L’improvisation plurimodulaire d’interpolation consiste en la formulation de nouvelles phrases qui s’intercalent entre des phrases précomposées. Il s’agit du procédé de l’istirsāl décrit par Salwa El-Shawan (1987: 152) en ces termes: « nouvelles sections dérivant du lạn [mélodie initiale], introduisant de nouvelles idées mélodiques sur le même texte ou bien une nouvelle version du lạn, consistant en un nouvel agencement de ses éléments lexicaux.». Dans le cas d’un responsorial à ritournelle(s), le soliste énonce de nouvelles phrases sur le texte (versets ou strophes) préétabli, auxquelles répond la ritournelle du chœur. La forme responsoriale instrumentale de la tah̠mīla, apparue en Egypte à la fin du XIXe siècle, donne lieu à l’improvisation en solo de nouvelles phrases encadrées par la lāzima mūsīqiyya.

60Que les phrases soient vocales ou instrumentales, le procédé de leur formulation improvisée s’appuie sur trois modèles:

  • celui des modules précomposés de cantillation strophique mesurée, avec lequel il entretient des rapports de variation et de différenciation (ce qui ramène partiellement ou provisoirement à une improvisation monomodulaire);

  • celui de la ritournelle, notamment sa conclusion cadentielle qafla dont il s’inspire pour fabriquer les cadences des phrases intercalaires;

  • celui de l’improvisation plurimodulaire à caractère cantillatoire.

61Les phrases interpolées sont ainsi fabriquées selon un schéma composite dans lequel peut prédominer l’influence de l’un des trois modèles précités. Le tableau ci-contre vise à établir une synthèse de la typologie présentée ci-dessus, en prélude à l’examen des formes musicales de la tradition émergée en Egypte au cours de la Nahḍa.

Formes musicales traditionnelles sectorielles originelles

62L’invention de la nouvelle tradition musicale artistique de l’Egypte à l’époque de la Nahḍa s’est effectuée à partir d’une réalité complexe et contrastée, étant donné que les quatre secteurs traditionnels auxquels les pionniers ont fait appel étaient en situation de cloisonnement relatif (al-Muwayliḥī 1902: 406-407 et al-H̠ula‘ī 1904-1906: 142).

Secteur autochtone des traditions populaires profanes

63Milieu dont est issu ‘Abduh al-Hāmūlī, la corporation citadine des ālātiyya regroupe les musiciens professionnels citadins profanes (chanteurs et instrumentistes), qui interprètent (lors de festivités privées) un répertoire musical populaire pouvant verser dans la musique d’art (Lagrange 1994: 29-34).

64Le système mélodique de cette tradition est semblable à celui des autres traditions citadines populaires du Levant et de la Péninsule arabique, qui privilégient totalement le genre mélodique zalzalien, caractérisé par la présence dans un tétracorde de deux secondes neutres (Abou Mrad 2003: 715-716). Le genre diatonique, plus rare, présente un très fort resserrement du semi-ton, alors que le genre chromatique présente, à l’inverse, un élargissement des semi-tons. On retrouve totalement ces schémas structuraux mélodiques dans le répertoire modèle issu de la Nahḍa. Quant aux structures modales (naġamāt) de la tradition populaire citadine initiale, elles sont au nombre de sept: rāst, bayyātī, sīkāh, ṣabā, ̣ijāz, ‘uşşāq (maṣrī), jhārkāh (baladī).

65Le répertoire traditionnel égyptien populaire citadin repose sur deux formes autochtones, dawr et mawwāl (voir supra) primitifs et intègre le muwaşşạ chanté alépin, dans une mouture simplifiée.

66A l’instar de la ṭaqṭūqa, le dawr primitif se présente comme une précomposition vocale à partir d’un poème en langue vernaculaire et sur cycle binaire, à forme bipartite comprenant un mad̠hab et un ġuṣn ou dawr proprement dit, mais, à la différence de laṭaqṭūqa (qui du reste est réservée aux chanteuses almées au XIXe siècle), le mad̠hab est monomodulaire fixe et ne se répète pas comme un refrain, tandis que le ġuṣn ou dawr tolére des variations ornementales et structurales.

67Quant au mawwāl primitif, il s’agit de la cantillation semi improvisative et non mesurée d’un poème dialectal, souvent précédé d’un istihlāl mélismatique improvisé sur les deux expressions « Yā leylī» (Ma nuit !) et « Yā ‘eynī» (Mes yeux !).

Secteur autochtone des traditions musicales religieuses à caractère savant

68Les chanteurs engagés dans l’école de la Nahḍa ont, dans leur immense majorité, reçu la formation de cantillateur (qāri’) et de mu’ad̠d̠in, préposé à l’appel à la prière (ad̠ān, cantillation mélismatique non mesurée et stéréotypée). Par ailleurs, les chantres religieux et parareligieux citadins égyptiens, non spécialisés dans la cantillation coranique, ont gravité depuis le milieu du XIXe siècle dans un milieu intermédiaire entre islam officiel et confréries soufies. Certains étaient attachés à une seule confrérie, d’autres, parvenus à une très grande maîtrise artistique, demeuraient indépendants et s’adonnaient parfois au répertoire musical citadin profane, comme les deux célèbres cheikhs Yūsuf al-Manyalāwī (1847-1911) et Salāmah Ḥigāzī (1852-1917), devenus partie intégrante de la mouvance d’al-Ḥāmūlī et contributeurs essentiels de sa réforme (Lagrange 1996: ch. II).

69En dehors des séquences rituelles des confréries, les hymnodes (munšidūn) pratiquent deux types de chant:

  • la cantillation de l’ibtihāl, suppliques et oraisons en prose, et de la qaṣīda‘alā lạnin mursal, poème religieux apologétique (madị̄ nabawī – louange au Prophète) ou poème mystique;

  • le genre hymnique, dont la forme est le muwaššạ à thématique religieuse (souvent madị̄ nabawī) ou mystique, qui se calque d’un point de vue musical sur le répertoire des muwaşşahāṭalépins égyptianisés, précomposés sur cycles rythmiques, toutefois sans l’accompagnement de la percussion, mais avec introduction d’un responsorial avec le petit chœur de la biṭ̣āna.

Secteur de la tradition musicale savante alépine

  • 20  1840-1892 Safīnat al-mulk wa-nafīsat al-fulk (Vaisseau royal et joyau du firmament), Le Caire. Voi (...)

70La forme du muwaššạ chanté alépin s’est incrustée dans le paysage musical égyptien depuis le XVIIIe siècle, via les vagues successives de migration des musiciens d’Alep, comme le légendaire Šākir al-Ḥalabī (XVIIIe siècle), de Damas, comme Abū Khalīl al-Qabbānī (XIXe siècle), et de Mossoul, essentiellement Mollah ‘Ut̠mān al-Mawṣilī (1845-1923), chantre, poète et homme politique iraqien, qui a influencé plusieurs artistes syriens et égyptiens (Hassan 2003: 104-113). Certains milieux d’érudits musicaux et poétiques égyptiens sont devenus des dépositaires jaloux de cette forme, comme Mụammad Šihāb a-d-Dīn, auteur d’une fameuse anthologie20 du muwaššạ.

Fig. 2: Un tah̠t du début du XXe siècle rassemblant, autour du cheikh Yūsuf al-Manyalāwī, le joueur de qānūn Mohamad al-‘Aqqād, le violoniste Ibrahim Sahlūn, le joueur de nāy Ali Saleh, le chanteur, Ali Abd el-Bārī et le joueur de riqq Mohamad Abū Kāmil

Fig. 2: Un tah̠t du début du XXe siècle rassemblant, autour du cheikh Yūsuf al-Manyalāwī, le joueur de qānūn Mohamad al-‘Aqqād, le violoniste Ibrahim Sahlūn, le joueur de nāy Ali Saleh, le chanteur, Ali Abd el-Bārī et le joueur de riqq Mohamad Abū Kāmil

Secteur de la tradition musicale savante ottomane

71La tradition musicale savante ottomane est présente à la cour des khédives et dans les palais de la noblesse locale. Elle est cultivée par des instrumentistes et des chanteurs turcs, grecs et arméniens. Les musiciens de l’école de la Nahḍa la découvrent par la fréquentation des concerts cairotes des artistes ottomans, ainsi que grâce aux séjours effectués à Istanbul par Hāmūlī et ses collègues.

72Issu, tout comme les traditions musicales arabes, du tronc commun médiéval, l’art musical ottoman présente au XIXe siècle quatre grandes divergences avec son homologue arabe:
1. Sur le plan des échelles mélodiques: depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle les Ottomans ont substitué aux intervalles neutres du genre mélodique zalzalien leurs homologues de l’échelle dite naturelle (Feldman s.d.: 13, During 1994: 149 et Yakta 1921: 2945-3064).
2. Sur le plan modal: les milieux musicaux d’Istanbul et, dans une moindre mesure, ceux d’Alep, ont développé au cours des XVIIe-XVIIIe siècles la typologie modale des maqāmāt (sing. maqām) dans le sens de la combinaison des genres entre eux, créant des structures modales composites ou tarākīb, et dans le sens de la transposition (Feldman s.d.: 13 et Moussali s.d.), loin du caractère cellulaire de pratique modale des sphères culturelles arabes (à part Alep) et iranienne.
3. Sur le plan rythmique: en dehors du taksīm et de quelques formes de chant de derviches, les formes musicales ottomanes reposent, pour l’essentiel, sur le système des cycles rythmiques uṣūl, poussé bien au-delà de ses limites (Feldman s.d.: 13).
4. Sur le plan des formes instrumentales: la tradition ottomane, notamment dans sa composante confrérique, a traité la musique instrumentale d’une manière autonome par rapport à la voix, tandis que les Arabes l’ont longtemps cantonnée dans un rôle subalterne face à la musicalisation du verbe.

73La musique ottomane a exercé auprès des musiciens arabes du XIXe siècle, et notamment les Egyptiens de la cour du khédive Ismaël, le rôle de modèle prestigieux à suivre pour développer leur propre musique dans le sens d’une musique savante après des siècles de torpeur. Conscients des démarcations qui se sont installées entre les deux traditions au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, les musiciens arabes ont limité l’adaptation d’éléments ottomans au strict minimum (quelques structures modales, quelques cycles rythmiques et quelques ouvertures instrumentales). En d’autres mots: la musique d’Istanbul n’a pas servi de « donneur d’organes» à l’égard de sa cousine du Caire.

Configuration de la nouvelle tradition

74L’émergence au XIXe siècle de la nouvelle tradition arabe égyptienne n’a pas consisté en un syncrétisme de compilation, mais en un développement de structures mélodiques, rythmiques et formelles, souvent hybrides, mais enracinées dans la culture autochtone.

Système mélodique

75L’intégration progressive de quelques structures modales ottomanes au système mélodique propre à la tradition citadine égyptienne s’est opérée moyennant la conformation des nuances d’intonation de leurs échelles aux idiosyncrasies locales, c’est-à-dire: affirmation du genre zalzalien dans sa nuance médiévale, resserrement du semi-ton dans le genre diatonique et son élargissement dans le genre chromatique. Le nouveau système modal comporte un plus grand nombre de maqāmāt (une trentaine) que les sept naġamāt originaires égyptiennes; mais tous les modes (autochtones et importés) se déclinent selon la typologie locale qui reflète le système Abbasside des doigtés et des courses, bien plus que les spéculations combinatoires d’Istanbul.

Système rythmique

  • 21 L’usage de ces cycles est restreint, cantonné à de rares muwaššạāt. De même, leur exécution est hé (...)

76La nouvelle musique savante arabe a certes incorporé à son système macrorythmique quelques usūl ottomans, mais le goût des musiciens égyptiens et levantins (hormis les Alépins) est resté réservé (pour ne pas dire réfractaire) à cet égard21. La seule complexité rythmique qui paraît avoir intéressé ces artistes est celle, microrythmique, du débit des valeurs temporelles relatives des sons mélodiques successifs, autrement dit le rythme métrique ou verbal.

Instrumentaire et hétérophonie

  • 22  Le violon européen a remplacé au cours de la seconde moitié du XIXe siècle les rabāb et kamanja, v (...)

77La performance est assurée par le tah̠t, terme qui désigne un ensemble de solistes, à géométrie variable. En règle générale, si l’on se réfère aux enregistrements du début du XXe siècle, le tah̠t instrumental typique est constitué par l’association d’un joueur de qānūn (cithare tabulaire trapézoïdale) et d’un violoniste22, souvent rejoints par un ūd (luth à manche court) et parfois par un nāy (flûte oblique en roseau). La percussion consiste en un riqq (tambour sur cadre circulaire doté de cymbalettes) fort discret (Lagrange 1996, 83-86).

78Aucun instrument n’est doublé, car chaque musicien doit pouvoir improviser en toute autonomie ses propres variantes du phrasé musical, et ce parallèlement aux versions proposées par des partenaires jouant d’instruments différents. La concomitance de l’énoncé de plusieurs variantes permet de constituer un tissu de phrasés hétérophoniques fort apprécié dans cette tradition, ce qui constitue l’un des traits essentiels de l’esthétique de la performance du tah̠t de la Nahḍa.

79La partie vocale est assumée par un chanteur soliste qui peut être secondé, pour les séquences à caractère hymnique et responsorial, par deux ou trois chanteurs de soutien (sannīda, maḍhabjiyya ou muraddidūn). Ceux-ci sont chargés d’entonner tantôt des sujets précomposés (sections monomodulaires introductives de dawr ou de muwaššạ), autour desquels le soliste brode en hétérophonie, tantôt des ritournelles servant d’assise modulaire au responsorial improvisatif « en tuilage», désigné par hank, qui est de mise dans les formes réactualisées du dawr et du muwaššạ.

La waṣla

80La relance endogène de la créativité s’est traduite par une forte propension à l’improvisation dans la performance tant des séquences issues des secteurs originels que de celles dont la forme a été mise au point dans le cadre de la Nahḍa musicale. Ces séquences, associées à leurs répertoires modèles respectifs, sont données successivement à entendre en performance, au sein de macrostructures formelles axées chacune sur un mode mélodique et désignées chacune par waṣla (pl. waṣlāt). Une à trois waṣlāt, de durées variables (de vingt à soixante minutes chacune) et séparées par des temps de repos, constituent une performance type assurée par un chanteur et son tah̠t. Trois phases jalonnent le parcours d’une waṣla: la phase des séquences monomodulaires mesurées et précomposées, celle des séquences plurimodulaires cantillatoires non mesurées et improvisées, et celle des séquences mixtes responsoriales mesurées à interpolation improvisée.

81La première phase d’une waṣla est celle des séquences monomodulaires entièrement précomposées, de genre hymnique ou strophique, admettant souvent des ritournelles. Il s’agit d’une ouverture instrumentale suivie d’une ouverture vocale.

  • L’ouverture instrumentale, destinée principalement à l’échauffement et au repérage modal, consiste tantôt en une pièce ottomane arabisée (plus rarement, composition arabe suivant une forme ottomane), bašraf, alias pešrev, ou samā‘ī, et tantôt en une séquence de forme originaire arabe, dūlāb, court prélude permettant de résumer toute la phase d’ouverture ou bien et à titre exceptionnel, tạmīla, séquence responsoriale faisant alterner ritournelles en tutti et improvisations en solo.

  • L’ouverture vocale, destinée principalement à la mise en voix et au repérage modal, consiste en un muwaššạ chanté alépin égyptiannisé, ou en une succession restreinte de muwaššạāt.

82La deuxième phase d’une waṣla est celle des séquences plurimodulaires cantillatoires non mesurées et improvisées en solo instrumental (taqsīm) ou en solo vocal (tafrīd) à répliques instrumentales.

  • Taqsīm (pl. taqāsīm): énoncé instrumental en solo qui précède et encadre la cantillation vocale par un prélude et des reproductions instrumentales des énoncés vocaux en écho.

  • Yā leyl (layālī): improvisation mélismatique qui précède en général la récitation mélodieuse d’un poème.

  • Mawwāl « nouvelle manière»: cantillation poétique en langue vernaculaire, plus élaborée que son prototype populaire et s’inscrivant dans une optique de musique savante.

  • Qaṣīda ‘alā lạnin mursal: cantillation poétique en arabe classique.

  • 23  La littérature de l’époque ne décrit pas, pour ne pas dire ne mentionne pas, cette forme, vu le pe (...)

83La troisième phase d’une waṣla est celle des séquences mixtes responsoriales mesurées à interpolation improvisée. Un dawr (ou dōr) « nouvelle manière», ou bien une qaṣīda muwaqqa‘a (cantillation mesurée d’un poème classique sur le cycle binaire de la waḥda avec interférence d’une ritournelle hétérogène) conclut la waṣla. Ces deux formes sont analysées plus loin. Notons que la forme de la tạmīla appartient de plein droit à cette catégorie et qu’elle peut conclure une waṣla strictement instrumentale, exceptionnelle au XIXe siècle, mais reflétée dans les enregistrements du début du XXe siècle23, et ce au même titre que le dawr, son équivalent vocal.

84Tandis que Salwa El-Shawan (1987: 153) se contente de l’expression « succession d’improvisations et de compositions vocales et instrumentales sur le même maqām» pour décrire la waṣla, Frédéric Lagrange (1996) rattache celle-ci au « schème universel de la suite musicale».

Phase

1

2

3

Argument

thèse

antithèse

synthèse

Prototype formel

ritournelle, hymne

cantillation

mixte, responsorial

Type d’élaboration

précomposition

improvisation

mixte

Modèle d’improvisation s’il y a lieu

monomodulaire à variation

plurimodulaire à cantillation

Plurimodulaire à interpolation

Caractère rythmique

mesuré à cycle rythmique souvent complexe

Non mesuré

Mesuré à cycle rythmique simple

Origine géographique

alépine

ottomane

autochtone

autochtone

autochtone

Tradition originaire

savante profane

savante spirituelle

populaire citadine profane

populaire citadine profane

savante spirituelle

populaire artistique citadine profane

savante profane

savante spirituelle

Genre instrumental

bašraf, samā‘ī

dūlāb

taqsīm

tạmīla, taqsīm dansant

taqsīm mesuré

Genre vocal

en dialecte

mawwāl,

« Yā leyl !»

dawr nouvelle manière

Genre vocal

en arabe classique

muwaššạ chanté

qaṣ̣īda ‘alā lạnin mursal

muwaššạ responsorial

qaṣīdamesurée

sur waḥda

85De fait et à l’instar de la nawba abbasside, de la nawba arabo-andalouse, du fasıl ottoman, de la qawma yéménite, et des nombreuses formes de suites en musique savante d’Europe occidentale, la waṣla égyptienne applique la loi de l’unité modale, c’est-à-dire que toutes les séquences regroupées doivent s’appuyer sur une même structure modale de base, tolérant des modulations de proximité. Ces regroupements correspondent au concept de « forme construite» (Lambert 1997: 109), à celui de « compound-form-principle» (Racy 1980-1981-2003: 77-79, Al-Faruqi 1985: 3) et à la notion similaire de « modèle composite» (Lortat-Jacob 1987: 48): succession de modules différenciés unis par un paramètre temporel ou mélodique, en l’occurrence ici, le mode qui est fixe.

86Mais, à la différence de ses homologues, la waṣla est une forme extrêmement variable dans sa composition à partir des séquences élémentaires. Elle répond encore mieux au modèle du « parcours obligé» au sens donné à cette expression par Bernard Lortat-Jacob (ibid.: 54-57): suite non cyclique de variations modulaires à seuils permettant le passage, sans transition, d’une élaboration thématique à une autre fondamentalement différente.

87Les séquences traditionnelles dont se constitue la waṣla sont homogènes du point de vue de leur appartenance mélodique modale, laquelle constitue le modèle matriciel minimum, exprimable par l’énoncé d’un module restreint, tel que l’un des préludes dūlāb élaborés dans ledit mode, et qui correspond à une opération « plus petit dénominateur commun» (ppdc) du parcours (Lortat-Jacob ibid.: 48). Ces séquences sont en revanche hétérogènes en ce qui concerne le genre musical des séquences qui cohabitent au sein de chaque phase. De prime abord, le genre musical est fonction de l’émetteur sonore et obéit à la dialectique du vocal et de l’instrumental. Il est également fonction de la langue chantée, ce qui l’assujettit, au sein du vocal, à la dialectique linguistique opposant arabe classique et arabe vernaculaire. Cette première discrimination des genres traverse toutes les phases, puisque au moins deux de ces trois genres sont représentés au niveau de chaque phase du parcours de la waṣla.

88Face à l’unité modale qui traverse toutes les phases et face à la diversité des genres qui caractérise et la waṣla dans son ensemble et ses différentes phases, ces dernières semblent tenir leur légitimité de trois critères essentiels qui tendent à regrouper les séquences et à les ancrer dans leurs phases respectives: processus créatif mis en œuvre, caractère rythmique et origine culturelle. La forme musicale de chaque séquence paraît résulter de la convergence de ces contraintes. Aussi l’aspect global du parcours obligé désigné par le terme waṣla peut-il être identifié à une tentative de figurer un mode donné par une diversité de séquences compartimentées au sein des trois phases successives du parcours en fonction des critères de modèle d’élaboration, de rythmique et d’origine culturelle, au sein de la tradition musicale savante issue de la Nahḍa en Egypte. De fait, les critères permettant la discrimination des séquences musicales au sein de la waṣla se déclinent chacun sous la forme d’une dialectique ternaire classique en thèse, antithèse et synthèse. Le tableau ci-contre met en relation ces différents paramètres.

89Il convient de souligner qu’une waṣla de concert (H̠ulaī 1904-1906: 89-91) comprend en général un ou deux éléments de chaque phase.

  • Type de waṣla axé sur le dawr: bašraf, muwaššạ, taqsīm, mawwāl, dawr.

  • Type de waṣla axé sur la qaṣ̣īda: dūlāb, taqsīm, qaṣ̣īda ‘ alā lạnin mursal, qaṣ̣īda mesurée sur waḥda.

90Quant aux waṣla-s des enregistrements sur 78 tours, les contraintes de durées les ont réduites au strict minimum afin de mettre en valeur l’une des phases, mawwāl, dawr ou qaṣīda.

Formes résultantes

91Les séquences constitutives d’une waṣla peuvent être réparties en deux catégories selon leur degré d’ancienneté (et de remaniement) par rapport au processus de remise à jour de la tradition arabe orientale, intervenu au cours du XIXe siècle.

Les formes anciennes peu remaniées

92La catégorie des formes anciennes peu remaniées regroupe les formes suivantes: ouvertures instrumentales ottomanes, bašraf, samā‘ī, adaptées aux idiosyncrasies égyptiennes, muwaššạ chanté alépin et poésie classique cantillée non mesurée, qaṣīda alā lạnin mursal.

Les « néoformations»

93La catégorie des nouvelles formes et des formes anciennes fortement remaniées regroupe les formes suivantes: dūlāb, tạmīla, mawwāl nouvelle manière, dawr nouvelle manière et qaṣīda ‘alā ‘l-waḥda. Les deux dernières de ces formes sont décrites ci-après.

Le dawr « nouvelle manière»

  • 24  De rares spécimens ont été composés sur le cycle ternaire du samā‘ī dārij ou sur le cycle asymétri (...)

94Forme vocale à caractère partiellement hymnique, semi improvisée, en langue vernaculaire stylisée, mesurée, évoluant (en général24) sur un cycle rythmique binaire, le dawr comprend deux grandes sections:

95a) Le madhab: entrée en matière ou exposition thématique fixe d’un point de vue mélodique, à caractère hymnique, le madhab suit un « modèle dense» à système monomodulaire. Hormis quelques variations ornementales, par diminution ou par déplacement des valeurs rythmiques et de l’accentuation (syncopes, contretemps), par lesquels l’énoncé du chanteur soliste engendre de l’hétérophonie en se démarquant de celui des chanteurs sannīda, plus littéral, et de ceux des instrumentistes, plus enjoués, la performance de la section introductive demeure fidèle à l’énoncé du modèle précomposé.

96b) Le dawr proprement dit, ou ġuṣn: passé le seuil de l’édifice, on entre en situation de « modèle lâche», puisque la seconde section est bâtie sur une succession d’éléments construits à partir du modèle initial, non pas en tant que variation sur un thème, mais au titre d’une improvisation plurimodulaire qui est, en appliquant le lexique de Bernard Lortat-Jacob (1987: 58), de type « meccano», à cycle, à seuils, à parcours obligé. Le ġuṣn est construit en procédant par étapes successives et à partir d’éléments dissemblables créés en référence à certains segments choisis, souvent avec fantaisie, dans le canevas mélodique (lạn) du mad̠hab, et appliqués à des fragments du texte du dawr proprement dit:

Istirsāl: La première étape consiste en une série de développements mélodiques partiellement improvisés et interpolés selon le procédé de l’istirsāl, s’appuyant sur des mots prélevés dans le premier vers du dawr, qui se transforment en micromodules métriques au sein desquels sont développés « en éventail» certains motifs mélodiques du lạn du mad̠hab. Il s’agit d’une improvisation « de type « lego», sans cycle, à seuils diffus, à parcours obligé», selon le système de Lortat-Jacob (1987: 58), et ce au sein même du déroulement de type « meccano» de l’ensemble de la section du ġuṣn.
Le début de cette première étape est marqué par l’énoncé du premier fragment mélodique du mad̠hab adapté au texte du premier hémistiche du ġuṣn. Le chanteur fragmente ensuite le texte et le traite d’une manière proche de la cantillation mélismatique mesurée qui met en valeur la prosodie métrique (rythme verbal) du texte sans toutefois se préoccuper de l’intelligibilité du sens. Les musiciens du tah̠t répondent immédiatement à ces énoncés par une reproduction instrumentale (tarjama traduction) du phrasé vocal, laquelle permet de souligner le caractère cantillatoire du chant. D’autres fois, le tah̠t intercale de courtes incises (mīzān) qui soulignent le caractère mélodique modal des développements chantés tout en en marquant sur un plan rythmique les degrés pivots du phrasé.

97Lorsque le dawr, parti d’une forme populaire répétitive, est parvenu à son stade de maturité, il a intégré, dans son parcours obligé de type « meccano», des phases remarquables par leur théâtralité:

98Āhāt: Les āhāt sont de longues plaintes sur l’onomatopée « āh !» à caractère mélismatique. Ces énoncés sont généralement appuyés, en tuilage, par des « sons filés» par paliers successifs, émis par les sannīda en contrepoint des envolées (parfois pathétiques) du soliste.

99Hank: Phase de chant responsorial, le hank, fait alterner ritournelles chantées par les sannīda et « salves» de phrasé improvisé par le soliste. Chaque ritournelle constitue un modèle micromodulaire métrico-mélodique dense à partir duquel se construit un responsorial dans lequel les sannīda se chargent de répéter le modèle d’une manière immuable et le soliste de l’énoncer en en respectant l’énoncé métrique, tout en en transformant totalement ou partiellement (généralement dans sa partie caudale) le phrasé mélodique. En ce sens la ritournelle joue le rôle crucial de matrice modulaire métrique des improvisations responsoriales.

100H̠ātima: Phase conclusive, la H̠ātimaconsiste généralement en une reprise de la dernière partie de la mélodie du maḍhab sur le texte de la dernière partie du ġuṣn.

La cantillation de la qạīda ‘alā ‘l-waḥda

101La qaṣīda ‘alā ‘l-waḥda est un poème arabe classique cantillé sur une mélodie improvisée, selon un schéma d’exploration modale, et mesurée selon le cycle binaire simple de la waḥda. Pour chaque hémistiche, ou pour chaque vers du poème, est formulée une phrase mélodique entière qui expose une facette topologique du mode, ou exprime une phase d’un parcours obligé, selon des modèles exemplaires de déploiement du phrasé. Par moments, le chanteur s’empare d’un mot ou d’une syllabe pour leur faire porter des mélismes tarannumāt.

102Cependant, la texture même du phrasé, notamment dans la formulation de ses cadences, et la tessiture de ses phrases, reflète l’inférence d’une mélodie récurrente autour de laquelle s’est construite cette forme. Il s’agit, en fait, d’une ritournelle vocale, devenue instrumentale, qui s’origine dans un mad̠habde dawr, devenu lāzimat al-‘awāzil ou « ritournelle des censeurs» (Hula‘ī 1904-1906: 90, Lagrange 1994: 304 et Abou Mrad 2002: ch. V). Celle-ci était chantée au début et à la fin de la qaṣīda, avec récurrences instrumentales aux moments-clés du développement du phrasé vocal, en ponctuation et soulignement, en fait, en écho (ou plutôt en confirmation) des cadences importantes. Le phrasé vocal de la qaṣīda a reçu, dès la naissance de cette forme, l’empreinte de cette ritournelle. Le rôle joué par cette dernière a fait de cette séquence une forme mixte à prédominance improvisative exploratoire articulée à une récurrence précomposée. À la fin des phrases vocales et lorsque la ritournelle n’est pas entonnée, les instrumentistes du tah̠t formulent des incises ainsi que des reprises en écho de type tarjama.

Conclusion

103Le processus de développement exogène, engagé dès la fin de la Grande Guerre par les musiciens modernistes égyptiens, libanais et syriens, a vite fait de substituer à cette musique d’art des expressions musicales légères, diversement teintées d’occidentalisme, ferment de cette musique de variété qui règne sans partage sur le paysage culturel arabe de la seconde moitié du XXe siècle.

104Souvent accueillie en tant que « patrimoine» muséifié, la tradition musicale savante du Proche-Orient arabe survit depuis plusieurs décénies en retrait de la production artistique, dans le cadre de la musique sacrée, surtout la cantillation mélismatique du Coran, et dans de rares cercles musicaux « conservateurs».

  • 25  Le modèle en est le maestro égyptien ‘Abd el-Ḥalīm Nwīrā, fondateur en 1967 des chœurs et orchest (...)

105Certains de ces milieux à caractère académique et divulgateur axent leurs efforts sur une restitution littéraliste d’un supposé « répertoire» définitif, fixé par la notation, qu’on livre en le simplifiant et l’amplifiant à un public de non-initiés (Lagrange 1996: 144). Faisant fi des normes traditionnelles de la performance musicale, qu’il s’agisse de l’intonation des intervalles, de la complexité du phrasé (notamment de l’ornementation), de la stylistique de l’art du soliste improvisateur ou de l’esthétique de la sonorité vocale et instrumentale traditionnelle, d’aucuns25 ont opté pour une interprétation de type orchestral et choral, à l’intonation inféodée au tempérament à vingt-quatre quarts de ton égaux, au phrasé figé et simplifié, tolérant arpèges et accords à la volée, et évacuant toute velléité improvisative.

106Si quelques musiciens et ensembles éparpillés autour de la Méditerranée persistent de nos jours à cultiver une démarche de retour à une certaine authenticité dans l’interprétation des séquences traditionnelles, les institutions officielles (les « conservatoires») ont presque toutes adopté la voie fixiste et orchestrale susdécrite.

107On serait tenté de considérer la présente étude comme un exercice d’analyse qui aurait pour objet une tradition passée, documentée mais moribonde, comme une sorte de dissection post-mortem. Bien au contraire, le propos d’une pareille démarche est d’alimenter la réflexion nécessaire au travail actuellement effectif de relance de la pratique de cette tradition. L’apprentissage, notamment, est appelé à s’appuyer sur une réelle prise de conscience de l’origination des formes, alimentée par une connaissance approfondie des mécanismes d’élaboration du phrasé des séquences, ainsi que des liens mystérieux qui se nouent entre les modèles et leurs réalisations. Cette quête cognitive serait futile si elle n’était pas entreprise pour soutenir le cheminement initiatique de l’apprenti musiquant selon un (autre) parcours obligé en trois temps: imprégnation (à partir des modèles), herméneutique et accomplissement.

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Notes

1  Terme emprunté à Laurent Aubert (2001: 38-39) et Pierre Bois (Pearson 1996: 55, n. 1) pour désigner ce qui est communément indiqué par les vocables exécution, interprétation et prestation.

2  La tradition musicale artistique alépine diffère radicalement de son homologue ottomane sur le plan verbal (arabe ou turc) et des formes vocales, avec la prédominance de la forme musicale du muwaşşạ (séquence vocale dont le texte poétique arabe est multimètre et multirime). Elle s’en distingue également par son attachement à l’intonation arabe du genre mélodique zalzalien (Abou Mrad 2002: ch. III).

3  Ce terme désigne la période qui s’étend de la campagne d’Egypte (1798) et du règne de Muhammad ‘Alī Pacha (1805-1848) à l’entre-deux guerres (Hourani 1962). La Nahḍa atteint néanmoins son apogée au cours de la seconde moitié du XIXe siècle.

4  Attitude se référant à un « Islam primordial» (salaf al-ummat) idéalisé.

5  « Ecole [de la Nahda] doit être compris ici dans le sens de communauté esthétique et stylistique dans la composition et l’interprétation.» (Lagrange 1996: 76-77). La mouvance d’al-Ḥāmūlī comprend notamment les chanteurs et compositeurs Mụammad ‘Uṭmān, Yūsuf al-Manyalāwī, Salāmah Ḥigāzī, le joueur de qānūn Mụammad al-‘Aqqād, le violoniste Ibrahim Sahlūn et le joueur de nāy Amīn al-Buzarī. Hormis Ḥāmūlīet ‘Uṭmān, des anthologies d’enregistrements 78 tours de ces artistes ont été republiées en CD au cours des quinze dernières années (Ocora Radio France et Club du Disque Arabe).

6  D’où l’expression « école khédiviale» proposée par Bernard Moussalli (1991).

7  Commencée par Mikhā’īl Maššāqah, la mise en théorie de cette tradition s’est poursuivie par Mụammad Kāmil al-Khula‘ī (1904-1906) et Alexandre Chalfoun (1922-1926). Le baron Rodolphe d’Erlanger (1949 et 1959) est le premier à proposer pour le système mélodique de la tradition vivante un outillage théorique et musicologique puisé dans la littérature médiévale. La question du caractère savant de la musique khédiviale est approfondie par Frédéric Lagrange (1994: 455-467).

8  Gilles Deleuze et Félix Guattari (1980, chapitre « La ritournelle»), posent la notion de territoire, « au sens non exclusivement spatial d’agencement de rapports de voisinage, de rapports différentiels définissant eux-mêmes des singularités au sein de multiplicités de type conceptuel aussi bien que physique» (During 1994: 130). Ils définissent la ritournelle de la manière suivante: « En un sens général, on appelle ritournelle tout ensemble de matières d’expression qui trace un territoire, et qui se développe en motifs territoriaux, en paysages territoriaux.» (Deleuze et Guattari 1980: 397).

9  « [Les modes toponymes et ethnonymes] se sont reterritorialisés dans l’espace idéel de la musique moyen-orientale, dans le plan des formes, des systèmes musicaux» (During 1994: 131).

10  « Dans les deux liturgies [judaïque et chrétienne initiale], la parole chantée a valeur mystique. Elle n’est pas un art en soi, elle n’est pas un ornement du culte, mais une sorte de pont entre l’homme et Dieu. En sorte que, dans le rituel juif, toute parole est plus ou moins cantillée pour recevoir, du son musical, cette ampleur sonore, cette solennité qui la porte jusqu’aux régions instinctives de l’être.»

11  Les premières mentions écrites de cette forme remontent aux sources ottomanes du début du XVIIe (Feldman s.d.: 9).

12  Concept développé par les philosophes de l’antiquité grecque et du Moyen Age arabo-persan (les termes sont ‘at̠ar et ̣āl dans ce cas) et repris par les théoriciens de la musique ecclésiale byzantine, signifiant notamment: caractère éthique et esthétique véhiculé par un texte ou une phrase musicale, pouvant induire un état psychologique déterminé chez l’auditeur, voire un état spirituel (voir: Farmer 1926-1986, Reinach 1926, Abou Mrad 1989). La question du plaisir musical associé à la cantillation coranique est étudiée par Frédéric Lagrange (1996: 55).

13  Du recueil de muwaššạāt intitulé Safīnat al-mulk et édité 1840, par Muhammad Šihāb a-d-Dīn, au recueil de muwaššạāt et de adwār édité par Mụammad Kāmel al-Khula’ī dans son ouvrage théorique Kitāb al-Mūsīqī a-š-šarqī (1904).

14  Tartīl, dérivé du verbe rattala, supporte également les deux sens de tajwīd.

15 Tout en respectant sur le plan rythmique et phonétique les contraintes prosodiques susmentionnées, le récitant s’autorise à des répétitions de fragments de versets, sans répétition mélodique, selon les aléas de la respiration, et élabore un phrasé mélodique complexe et varié, à caractère formulaire improvisatif, dont l’ambitus dépasse parfois les deux octaves et qui module aisément, parfois d’une manière brusque et se conclut par des cadences ou qaflāt (sing. qafla) à l’emporte-pièce (Lagrange 1996: 52-57).

16  Pour « récitation», qirā’a est inféodée à Qur’ān ou Coran et admet le sens de lecture introvertie. On lui préférera tilāwa qui affirme l’extraversion de la lecture. Pour « chantée», il faut éviter tout usage de ġinā’ (chant artistique), totalement entaché de profanité et associé à l’idée de composition à rythme cyclique, et d’inšād qui se rapporte au chant (y inclus la cantillation, voir paragraphe suivant) de la poésie. En revanche, tarnīm, qui provient du verbe rannama, souligne l’aspect mélodique du chant, notamment par son dérivé emphatique tarannum (pl. tarannumāt) qui provient du verbe tarannama (amplification de rannama) et signifie « modulation de la voix», c’est-à-dire « mélisme» (à caractère improvisatif) ou « vocalise» (Sībawayhī, cité par Shiloah 1972: 198), y compris, dans sa forme extrême, « mélismes sans paroles», autrement dit, sur onomatopées. Aussi l’auteur de ces lignes préconise-t-il de traduire cantillation par « tilāwa murannama».

17  Substantif dérivé du verbe anšada dont provient également inšād.

18  Le Traité anonyme dédié au Sultan Osmānlī Mụammad II (Erlanger 1939: 235-236) fait référence à ‘Abd al-Qādir Al-Gaybī Al-Marāğī (d. 1435) lorsqu’il décrit les différentes formes musicales. Un qawl, attribué à Ṣafiy A-d-Dīn Al-Urmawī (XIIIe siècle) et noté alphabétiquement au début du XIVe siècle par les soins de Quṭb A-d-Dīn A-š-Šīrāzī, et transcrit en notation moderne par Owen Wright (1978: 282-291), comprend une séquence intercalaire médiane mélismatique à tropes onomatopéiques (Tīlī larā dīr nā…), qui répond au descriptif de ṣawt al-wasaṭ.

19  Christian Poché (ibid.: 58) rapporte que le zajal libanais est pratiqué surtout par les communautés chrétiennes qui ne craignent pas d’affirmer qu’il a été inventé par Saint Ephrem à Edesse au IVe siècle.

20  1840-1892 Safīnat al-mulk wa-nafīsat al-fulk (Vaisseau royal et joyau du firmament), Le Caire. Voir également Moussali, s.d.

21 L’usage de ces cycles est restreint, cantonné à de rares muwaššạāt. De même, leur exécution est hétérodoxe, dans la mesure où le détail de certains cycles binaires longs n’est pas toujours respecté dans la battue et étant donné que la ligne musicale est torturée à force de contretemps et de syncopes (Lagrange 1996: 89). Il semble, en effet, que les artistes égyptiens aient trouvé aussi rébarbatif qu’inutile cet exercice de mémorisation scolaire d’une longue série de battues, lorsqu’il est possible de la monnayer par une série de cellules rythmiques binaires simples et identiques, telle la waḥda à deux temps.

22  Le violon européen a remplacé au cours de la seconde moitié du XIXe siècle les rabāb et kamanja, vièles à pique traditionnelles locales et régionales.

23  La littérature de l’époque ne décrit pas, pour ne pas dire ne mentionne pas, cette forme, vu le peu de cas donné à la musique instrumentale dans un contexte arabe traditionnel. Les enregistrements témoignent pourtant du très haut niveau artistique atteint dans cette forme qui appelle à une improvisation socialisée car elle fait dialoguer les solistes.

24  De rares spécimens ont été composés sur le cycle ternaire du samā‘ī dārij ou sur le cycle asymétrique à neuf temps de l’aqṣāq.

25  Le modèle en est le maestro égyptien ‘Abd el-Ḥalīm Nwīrā, fondateur en 1967 des chœurs et orchestre « Firqat al-mūsīqā al-‘arabiyya» à l’Opéra du Caire (El-Shawan 1987: 155-156).

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Title Fig. 1  : ‘Abduh al-Ḥāmūlī (1843-1901)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/464/img-1.png
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Title Fig. 2: Un tah̠t du début du XXe siècle rassemblant, autour du cheikh Yūsuf al-Manyalāwī, le joueur de qānūn Mohamad al-‘Aqqād, le violoniste Ibrahim Sahlūn, le joueur de nāy Ali Saleh, le chanteur, Ali Abd el-Bārī et le joueur de riqq Mohamad Abū Kāmil
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References

Bibliographical reference

Nidaa Abou Mrad, “Formes vocales et instrumentales de la tradition musicale savante issue de la Renaissance de l’Orient arabe”Cahiers d’ethnomusicologie, 17 | 2004, 183-215.

Electronic reference

Nidaa Abou Mrad, “Formes vocales et instrumentales de la tradition musicale savante issue de la Renaissance de l’Orient arabe”Cahiers d’ethnomusicologie [Online], 17 | 2004, Online since 13 January 2012, connection on 03 December 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/464

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About the author

Nidaa Abou Mrad

Nidaa ABOU MRAD, violoniste, compositeur et docteur en musicologie, spécialiste de la tradition musicale savante du Proche-Orient arabe, est le directeur académique de l’Institut Supérieur de Musique de l’Université Antonine au Liban et le directeur du Centre des Traditions Musicales de l’Orient Arabe et de la Méditerranée, rattaché à cet Institut. A son actif musical : treize CD et sa participation à des festivals internationaux. A son actif musicologique: plusieurs articles scientifiques parus dans des encyclopédies et des revues spécialisées, et édition de deux ouvrages musicologiques collectifs.

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