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Dossier : Couleurs sonores

Nouvelles demandes, nouvelles sonorités. Les transformations des timbres instrumentaux dans la pratique musicale des batucadas en France

Emilia Chamone
p. 207-222

Abstract

Dans cet article, l’auteure propose une étude sur l’importance du timbre musical dans les processus de circulation et d’appropriation culturelles. Son objectif est d’aborder la fabrication d’une musique brésilienne en France à partir de la matérialité d’un instrument, tout en suivant les adaptations et les transformations de son timbre caractéristique. Pour cela, elle décrit les récentes transformations dans l’instrumentarium des batucadas françaises en focalisant son attention sur un instrument de percussion emblématique de cet univers sonore : le surdo. En partant de ses caractéristiques, de ses fonctions musicales et de sa sonorité, elle analyse la récente émergence d’une nouvelle forme de surdo, la ligne « nesting ». Suivre les transformations du timbre dans les ensembles de batucada lui permet de décrire le profond processus d’appropriation des musiques brésiliennes en France, qui élabore de nouvelles sonorités selon les caractéristiques et les demandes locales.

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Full text

Introduction

  • 1 Cette peau associe une membrane plastique à une couverture en tissu, un faux cuir appelé « napa » a (...)

1Dans cet article, je propose une étude sur l’importance du timbre musical dans les processus de circulation et d’appropriation culturelles. Mon objectif est d’aborder la fabrication d’une musique brésilienne en France à partir de la matérialité d’un instrument, tout en suivant les adaptations et les transformations de son timbre caractéristique. Pour cela, je décrirai les récentes transformations dans l’instrumentarium des batucadas françaises en focalisant mon attention sur un instrument de percussion emblématique de cet univers sonore : le surdo. En partant de ses caractéristiques, de ses fonctions musicales et de sa sonorité, j’analyserai la récente émergence d’une nouvelle forme de surdo, la gamme « nesting ». Conçu pour un public amateur, notamment jeune, le surdo nesting présente des transformations importantes dans sa construction (absence de « peau de réponse », peau du bas, présence d’une peau « nappée1 », cerclage étroit, valorisation des fréquences graves et diminution de l’attaque).

  • 2 Cette observation a été effectuée durant une recherche de terrain réalisée entre 2008 et 2018, dans (...)
  • 3 Le tamtam du pagode et le surdo « bolachão » sont les instruments qui se rapprochent le plus des su (...)

2En observant la progressive insertion des surdos nestings en France2, j’ai été particulièrement sensible à deux questions, qui ont frappé mon attention. Premièrement, il s’agit d’un instrument identifié comme brésilien en France, et pourtant très peu connu au Brésil. Deuxièmement, les surdos nestings possèdent une facture et une sonorité nouvelles, qui ne peuvent être directement associées à aucun tambour grave ni à aucune pratique musicale traditionnelle brésilienne particulière3, malgré son appellation de « surdo ». Ces observations m’amènent à poser les questions suivantes : comment l’usage de ces nouveaux surdos transforme-t-il la sonorité des ensembles de batucada, ses techniques de jeu et ses répertoires ? Dans quelle mesure ces changements peuvent-ils nous informer sur les modes d’appropriation de la musique brésilienne en France ? Ces instruments constituent ainsi un objet de recherche privilégié pour aborder le mouvement de diffusion des percussions brésiliennes en Europe.

  • 4 J’ai pu observer plusieurs ateliers et présentations musicales de batucadas avec les surdos nesting(...)
  • 5 Du fait des contraintes imposées par la pandémie de la Covid-19, tous les entretiens ont été réalis (...)

3Pour répondre à ces questions, j’utiliserai une approche ethnomusicologique, qui prend appui sur un travail d’observation ethnographique, au cours duquel j’ai été maintes fois impliquée directement sur le terrain en tant que musicienne et professeure de musique4. Mon champ d’observation du timbre reposera principalement sur des expériences concrètes et sur la sensibilité musicale des acteurs sociaux. J’ai réalisé une série d’entretiens5 avec des musiciens brésiliens et français, des vendeurs et des facteurs d’instruments, c’est-à-dire tout un réseau de personnes qui participent à la construction, à la circulation et à la mise en musique de ces objets.

4Cette réflexion nous amènera à mieux comprendre le rôle du timbre dans les batucadas, tout en dessinant un double mouvement : alors que l’assignation de l’identité brésilienne est fortement liée à ses instruments et ses timbres, de leur côté, les batucadas s’affranchissent progressivement des références brésiliennes pour répondre aux besoins et particularités des musiciens européens. Suivre les transformations du timbre dans les ensembles de batucada me permettra ainsi de décrire le profond processus d’appropriation des musiques brésiliennes en France, qui élabore de nouvelles sonorités selon les caractéristiques et les demandes locales.

5Dans un premier temps, cet article proposera une courte présentation de la pratique de la batucada en France, avec ses principaux enjeux et caractéristiques. Deuxièmement, nous allons entrer dans la description du surdo conventionnel, en concentrant notre attention sur ses fonctions musicales et sa facture instrumentale. Puis viendra le moment d’évoquer l’apparition du surdo nesting, à partir du récit de ses créateurs. En partant des expériences et des discours des musiciens, je mettrai ensuite en exergue les usages, les ouvertures proposées par cet instrument, ainsi que les limites qu’il présente.

Les batucadas, une « plateforme créative »

6Les batucadas sont des ensembles de percussions qui s’approprient un répertoire de rythmes brésiliens avec beaucoup de liberté, donnant naissance à des pratiques qui peuvent être très éloignées de celles d’origine et qui, en ce processus de transformation, génèrent d’autres horizons et de nouvelles sonorités. Depuis quelques années, les batucadas ont acquis une grande visibilité et le nombre croissant de groupes consacrés à ces répertoires témoigne de leur importance en tant qu’expression culturelle mondialisée. Aujourd’hui, les batucadas font partie du paysage sonore de plusieurs villes, partout dans le monde. Ces groupes « d’inspiration brésilienne » proposent à leurs participants une pratique musicale collective, festive et accessible, basée sur la transmission orale et sur la création de liens de sociabilité (Chamone 2018). De nouveaux espaces de convivialité sont établis autour de ces groupes qui rassemblent des musiciens amateurs et professionnels, des francophones d’origines diverses.

7Dans ma perspective d’analyse, la batucada est comprise comme une pratique culturelle française, voire européenne, qui s’inspire de l’instrumentarium et des structures sonores brésiliennes, notamment celles associées à la fête carnavalesque. J’aborde ce phénomène en identifiant trois principales périodes de diffusion en France, correspondant à l’implantation des différentes pratiques musicales brésiliennes : l’école de samba (à la fin des années 1970), la samba-reggae (dans les années 1980) et le maracatu de baque virado (depuis 2000).

8L’une des principales caractéristiques du mouvement de la batucada en France est la participation d’un public majoritairement local, les Brésiliens restant largement minoritaires. La pratique de la batucada ne concerne pas uniquement un public adulte de musiciens professionnels et amateurs, impliqués dans un circuit de loisirs, de convivialité et de culture à Paris. Les percussions brésiliennes éveillent aussi l’intérêt des professeurs de musique qui s’inspirent de leurs rythmes et de leurs instruments pour concevoir des activités pédagogiques dans les conservatoires, les écoles primaires et secondaires et les centres de loisirs.

9L’étiquette batucada rassemble différentes pratiques musicales carnavalesques, auxquelles s’ajoute une multitude de répertoires hybrides, tout en signifiant l’attachement à l’imaginaire brésilien. L’hétérogénéité des pratiques musicales concernées par l’expression « batucada » révèle moins un style musical précis qu’un mode de production musicale. La batucada serait alors une manière de faire de la musique associée, par un lien de référence minimal, à l’imaginaire brésilien présent dans les costumes, les rythmes, les instruments, les danses ou les gestes du groupe.

10En termes sonores, les batucadas se répandent et se diversifient, ce qui rend particulièrement complexe la tentative de compréhension de leurs trajectoires de diffusion et de création artistique. Cette flexibilité stylistique permet à la fois d’exprimer des identités locales et d’évoquer un imaginaire brésilien festif et carnavalesque. Ainsi, la batucada constitue actuellement une « plateforme créative », une forme privilégiée d’expression artistique et de pratique musicale amateur dans les grandes agglomérations urbaines contemporaines.

Le « cœur » de la samba

  • 6 Comme certaines des caractéristiques matérielles et musicales sont spécifiques à chaque contexte, m (...)

11Instrument de percussion emblématique de la musique brésilienne, le surdo est souvent décrit comme le « cœur » de la samba, par sa sonorité grave. Il compose l’instrumentarium de plusieurs pratiques musicales brésiliennes6 (le frevo, la marcha, la samba-reggae, le caboclinhos, entre autres). Membranophone constitué d’un fût en métal ou en bois de forme cylindrique, le surdo est le plus volumineux des instruments de percussions de la samba. Aux extrémités de son corps sont tendues deux peaux, animales, synthétiques ou nappées. Les membranes sont reliées par un système composé de 6 à 12 tirants métalliques qui s’accrochent à deux cerclages placés aux extrémités du fût. Le cerclage du haut, côté peau frappée, est pourvu d’écrous, utilisés pour l’accordage. Ces derniers impriment une pression modulable sur la membrane, afin d’obtenir une palette de tonalités graves, toujours ouvertes et puissantes. Plus grande est la pression exercée sur les écrous, plus aiguë sera le son produit par l’instrument.

12Les surdos sont souvent lourds, leur poids variant notamment en fonction de leur taille ou de leur matériau de construction. Leurs dimensions peuvent varier entre 45 et 80 cm de longueur et environ 40 à 60 cm de diamètre, selon les sonorités souhaitées par les groupes. La majorité des instruments est actuellement fabriquée en métal, avec notamment des alliages d’aluminium, mais d’autres matériaux sont également utilisés. Jouer du surdo implique une forme d’endurance physique ainsi qu’un engagement corporel et logistique important de la part du musicien.

13Dans la littérature ethnomusicologique, peu d’études ont été consacrées uniquement au surdo. Il a été abordé principalement dans le cadre des recherches sur l’école de samba (Cabral 1996, Farias 2010), sur la samba carioca (Lopes et Simas 2015) et dans plusieurs méthodes de percussions afro-brésiliennes (Gonçalves et Costa 2000, Bolão 2003). Selon plusieurs auteurs, le surdo émerge dans la pratique de la samba dans les années 1930. Il s’agit d’une époque charnière dans l’histoire de ce genre, marquée par le basculement d’un paradigme rythmique essentiellement inspiré du tresillo vers une nouvelle forme de structuration sonore, appelée le « paradigme de l’Estácio » par l’ethnomusicologue Carlos Sandroni (2001). L’invention du surdo est attribuée au musicien Alcebíades Barcelos (surnommé « Bide »). Bide, qui a également introduit le tamborim dans l’école de samba Deixa Falar, propose une transformation dans l’instrumentarium du groupe. Il adapte une peau animale sur les bidons à beurre utilisés par l’école, produisant ainsi une sonorité plus sourde, capable d’assembler la polyrythmie dense des percussions aux pulsations graves marquées par le surdo (Cabral 1996).

Fig. 1. Surdo conventionnel (45 cm), peau en nylon.

Fig. 1. Surdo conventionnel (45 cm), peau en nylon.
  • 7 Dans une étude précédente sur les méthodes de percussions afro-brésiliennes, j’ai abordé les rythme (...)
  • 8 On rencontre ces trois fonctions musicales dans la majorité des écoles de samba. Cependant, certain (...)

14Parlons à présent de l’usage musical du surdo. Ses différentes dimensions impliquent des fonctions distinctes au sein du groupe de percussion. Dans le contexte de la samba enredo et de la samba-reggae, au moins trois notes distinctes sont nécessaires pour construire la mélodicité des graves7 qui caractérise ces rythmes. Dans la samba enredo, ces fonctions sont généralement appelées « surdo de primeira », « surdo de segunda » et « surdo de terceira8 ». Dans la samba-reggae, plus spécifiquement la samba-afro développée par le groupe Ilê Aiyê, les surdos sont nommés « fundos » et « dobras » (« dobra de 1 » ou de « dobra de 2 »). Les surdos plus graves (les surdos de primeira et de segunda, ainsi que les fundos), exécutent principalement la pulsation du rythme dans un jeu d’alternance et créent une première ligne mélodique. Les surdos de troisième ou les dobras, plus aigus, vont « couper » les espaces à l’intérieur des pulsations, réalisant des dessins rythmiques variés selon les contextes et les styles, et complétant ainsi la mélodicité des graves.

15Le surdo est ainsi caractérisé par cette palette de tailles, d’accordages, de types de peau, de jeu de baguettes qui ont un rôle décisif dans la création des identités sonores des écoles de samba et blocos de samba-reggae au Brésil. Ces tambours, avec leurs spécificités propres à chaque répertoire interprété, participent activement à la création des identités culturelles et à la fabrication des sonorités des groupes par leur dimension matérielle, leurs spécificités acoustiques, leurs techniques instrumentales et leurs fonctions musicales. En outre, les tambours incarnent bien souvent des forces identitaires, soit par des liens religieux, soit en mettant en évidence des relations d’ancestralité (Barros 2016).

16Les rythmes afro-brésiliens se constituent dans cet étroit dialogue entre les organisations temporelles, les timbres, les jeux d’accentuations et les mouvements corporels. Selon Tiago de Oliveira Pinto (2001 : 100), la musicalité de la samba « n’est pas uniquement orientée par l’organisation temporelle des rythmes », mais également par les « configurations des timbres », généralement appelés « mélodies » par les musiciens traditionnels. Dans son étude sur les écoles de samba carioca, Felipe Barros (2016 : 217) nous montre que les groupes développent des « sonorités caractéristiques » à partir d’un « complexe ensemble de propriétés sonores/acoustiques » qui regroupent les types de tambours, les matrices rythmiques, les accordages et la disposition spatiale des instruments durant la performance.

17Néanmoins, le rythme est bien souvent compris comme un agencement temporel d’événements sonores, sans que soit prise en compte la diversité des timbres qui le constituent. Comme le soulignent Estival et Cler, les oppositions de dynamiques et de timbres participent activement à l’organisation rythmique, notamment dans les pratiques musicales polyrythmiques. Dans certains contextes, ces deux paramètres « relèvent d’un aspect proprement mélodique, repéré comme tel par la culture » (Estival et Cler 1997 : 39).

  • 9 Comme j’ai pu le montrer lors d’une recherche sur le maracatu de baque virado, l’insertion des nouv (...)

18Cette imbrication de durées, de sonorités et de dynamiques est une partie importante de la construction des pratiques musicales afro-brésiliennes comme la samba-reggae, la samba et le maracatu. De cette manière, les timbres des instruments sont un important marqueur identitaire de ces pratiques au Brésil car les manifestations populaires sont la plupart du temps identifiées par leur instrumentarium et par leurs sonorités. De la même manière, certaines pratiques musicales ou certains groupes placent les instruments au centre d’intenses discussions sur l’assignation d’une plus grande authenticité ou traditionnalité9.

Construire un instrument brésilien pour le public européen

  • 10 Contemporânea est actuellement l’une des plus importantes marques d’instruments brésiliens. Fondée (...)
  • 11 D’autres fabricants brésiliens d’instruments de percussions, comme Gope et Izzo, se sont lancés ens (...)

19En 2003, la fabrique de percussions brésiliennes Contemporânea10 lance une nouvelle gamme d’instruments, les surdos nesting11. Le projet de construction d’un nouveau surdo fait suite aux discussions entre le patron de l’entreprise, Roberto Guariglia, et deux de ses distributeurs européens, David Ledsam et Philippe Woehling. À cette époque, la pratique de la batucada commence à s’inscrire plus durablement dans les milieux éducatifs en France et en Angleterre. Toutefois, les spécificités du contexte européen soulèvent deux questions importantes : l’encombrement relatif au volume des instruments et la quête d’instruments légers, mieux adaptés aux enfants et adolescents européens.

20Roberto Guariglia a alors compris la nécessité d’adapter ses produits au marché étranger, en créant une alternative d’accès facile, de faible coût et simple d’entretien, destinée à un public essentiellement amateur ou débutant. L’idée retenue a été de créer un système dans lequel les surdos s’emboîtent les uns dans les autres, sous la forme d’un « nest » (nid en anglais). Pour permettre cette forme de stockage, l’instrument est passé par une série de transformations, qui ont eu un impact sur son poids, sa facture et par conséquent sur sa sonorité.

21Deux changements majeurs caractérisent le surdo nesting : la suppression de la peau de réponse et la mise en place d’un fût conique. Ainsi ouvert, le tambour permet d’accueillir d’autres surdos nesting plus petits. Pour un emboîtement parfait des instruments, le corps devient oblique, légèrement plus large en bas qu’en haut. Afin d’éviter la friction entre les cerclages et la peau lors de l’insertion des tambours, trois pattes métalliques sont posées à l’intérieur du fût.

Fig. 2. Surdo nesting 18 pouces.

Fig. 2. Surdo nesting 18 pouces.

22L’utilisation de la peau nappée est une autre caractéristique importante de la facture des surdos nestings. La napa été la solution trouvée pour se rapprocher de la sonorité grave des surdos sans avoir recours au cuir animal, difficile d’accès, d’entretien exigeant et d’un coût élevé en Europe. Comme le souligne João Leão, ingénieur de production responsable du dessin industriel des surdos nestings :

Lorsque vous avez une peau de cuir sur le dessus et une peau de plastique en dessous, une peau vibre sur l’autre, le son devient plus constant. Dans le nesting, le mieux est de mettre la peau nappée, parce que le cuir, s’il n’a pas été bien serré, a beaucoup de résonance, il a besoin d’attention. Et comme le nesting a également été créé pour répondre à ce contexte d’éducation musicale des enfants, il a été pensé dans une situation de faible maintenance et de facilité d’utilisation. La napa rend le produit plus facile et plus accessible à ceux qui ne sont pas de cet univers et qui ne sont pas des musiciens professionnels. (Leão, entretien du 7 novembre 2020)

23Si la napa implique une diminution du volume sonore et de l’attaque de l’instrument, elle s’inscrit en revanche parfaitement dans le contexte européen, où les cours et les répétitions se déroulent dans des espaces fermés. Comme l’explique Philippe Woehling :

C’est bien d’avoir des surdos dont le volume sonore est un peu plus adapté au fait qu’on joue à l’intérieur, qu’on est souvent très nombreux dans une pièce. Enfin, le fait que le volume sonore diminue un peu n’a dérangé personne, au contraire, ça permet d’équilibrer le son [des surdos nestings] avec les autres instruments (Woehling, entretien du 2 mai 2020)

24Le système d’accordage du surdo nesting diffère considérablement de celui d’un surdo conventionnel. Il est constitué d’un cerclage rond et moins épais, dans lequel sont posés 6 à 8 tirants sous la forme de prises qui tendent la peau à l’aide d’écrous. Comme les tirants sont plus courts, ils ne peuvent pas exercer une forte tension sur la peau, ce qui rend plus difficile l’obtention de notes plus aiguës sur l’instrument. Les instruments présentent ainsi une meilleure sonorité dans le registre grave en fonction du matériel de construction et des contraintes imposées par leurs nouvelles fonctionnalités (emboîtement, diminution de la taille et du poids). Comme nous le verrons plus loin, cette spécificité pose problème dans la mise en place des polyrythmies ayant une forte dimension mélodique.

25Pour permettre aux enfants de jouer assis, la taille du corps est réduite entre 40 et 32 cm et des pieds en mousse sont proposés pour légèrement surélever les instruments par rapport au sol. La réduction du nombre de pièces qui composent ces instruments ainsi qu’une diminution de leur longueur produisent un allégement de leur poids. Si un surdo professionnel de 18 pouces Contemporânea pèse environ 6,3 kg dans la version « alu/pro », ou 4,7 kg dans la version « light », le surdo nesting ne pèsera que 4,2 kg.

Figs. 3 et 4. Ensemble complet de surdos nestings et système d’emboîtement.

Figs. 3 et 4. Ensemble complet de surdos nestings et système d’emboîtement.
  • 12 Les surdos nestings de 10 pouces ont été développés plus tardivement, avec comme objectif de jouer (...)

26Comme la proposition de David Ledsam concernait la création d’une batucada complète inspirée du modèle de l’école de samba carioca, Contemporânea a alors élaboré une ligne de cinq différentes tailles de surdos nesting (18, 16, 14, 12 et 1012 pouces) capables de reproduire les fonctions musicales distinctes et complémentaires des sons graves de la samba (surdos de première, deuxième et troisième). À cela peuvent s’ajouter d’autres instruments comme les repiniques, les caixas et les petites percussions (tamborins, chocalhos et agogôs). Ce « pack batucada » permettrait de rassembler, dans un seul volume, des instruments capables d’accueillir un groupe de 10 à 15 élèves, en facilitant sensiblement les déplacements des musiciens et le stockage du matériel. L’ensemble des surdos nestings, marqué par ses couleurs vives, évoque un univers esthétique couramment associé à l’enfance. Cependant, l’idée initiale était de permettre aux professeurs d’élaborer une méthodologie basée sur la transmission orale, sans l’usage de la partition conventionnelle. De cette façon, chaque taille de surdo possède une couleur différente, permettant d’associer les couleurs aux fonctions sonores des instruments.

  • 13 Actuellement, les surdos nestings de 14, 16 et 18 pouces sont parmi les produits les plus vendus de (...)

27Selon Roberto Guariglia, le surdo nesting n’a pas la vocation de remplacer le surdo conventionnels mais plutôt d’offrir aux enfants une alternative accessible, facilitant le contact avec les percussions brésiliennes. Le surdo nesting se configure ainsi en tant que surdo pédagogique, qui s’adresse prioritairement à un public jeune et qui est destiné à l’exportation. En France, il se place parmi les best-sellers de la marque13. En revanche, ces instruments n’ont pas acquis une grande visibilité ou pénétration dans le marché brésilien, à l’exception de quelques projets soutenus par Contemporânea. Roberto Guariglia souligne que, malgré les efforts pour intégrer ces instruments dans des projets sociaux ou des écoles de musique, le public brésilien demeure attaché aux instruments et aux sonorités traditionnels.

Un surdo pédagogique

  • 14 J’ai également rencontré des projets éducatifs, comme des orchestres à l’école et des fanfares, qui (...)

28Les expériences et les discours des musiciens rencontrés lors de ma recherche de terrain montrent quatre formes différentes d’utilisation des surdos nestings14 : la batucada conçue en tant « qu’outil d’insertion sociale », sans une préoccupation particulière sur la question de la sonorité des instruments ; l’usage du surdo nesting en tant que « tambour grave brésilien », utilisé dans l’interprétation de divers rythmes brésiliens ; l’instrumentarium de la batucada considéré comme une « plateforme créative », ouverte à l’interprétation d’un répertoire diversifié, sans attachement aux structures sonores brésiliennes ; et enfin les « ateliers de découverte » autour des percussions brésiliennes, adressés à un public jeune ou adulte.

  • 15 Les hard cases sont des boîtes plastiques destinées au transport et au stockage des instruments. Vo (...)

29Commençons par le groupe BatukaVI. Implanté à La Villeneuve (agglomération de Grenoble), BatukaVI rassemble environ soixante-dix enfants et adolescents autour des percussions brésiliennes. Son directeur, Willy Lavastre, considère la batucada comme un outil social qui permet un travail d’intégration et de valorisation des jeunes issus de quartiers populaires. Leur parc instrumental compte plus de quatre cent cinquante pièces sous forme de « hard cases15 », qui facilitent le transport, l’organisation et le prêt du matériel. Ces instruments sont utilisés lors des répétitions, des ateliers participatifs et des teams buildings réalisés par l’association Afric’Impact mais aussi pour équiper les groupes partenaires.

30Pour Willy Lavastre, même si la sonorité de l’instrument « n’est pas idéale », il présente un grand intérêt de par « sa facilité de transport, sa manutention, sa réparation et sa solidité ». Comme les surdos ont « beaucoup d’harmoniques », les peaux napa sont remplacées par le nylon. Il souligne aussi que :

Comme on est plus sur l’énergie, sur les chorégraphies, le son ne nous pose pas de problème, on n’est pas des techniciens de Rio. On fait du son, c’est de l’animation. Nous sommes des ambassadeurs du nesting parce qu’on croit énormément à ce matériel. C’est la première chose qu’on conseille lorsqu’on lance une batucada en France avec nos partenaires. (Lavastre, entretien du 31 octobre 2020)

31Tout au long de l’année, le groupe développe plusieurs échanges, des activités et des voyages locaux et internationaux. Son projet s’inscrit dans une démarche sociale et citoyenne à long terme, qui vise à transmettre et reproduire des « outils autour de l’outil » dans le but de multiplier l’expérience vécue à La Villeneuve. De cette manière, BatukaVI a déjà soutenu la formation d’une quinzaine d’autres ensembles en France et à l’étranger, en se plaçant au centre d’un réseau de batucadas ancrées dans des quartiers populaires.

32Dans le cas du groupe BatukaVI, ces instruments sont un aspect primordial de la mise en place de la batucada en tant qu’outil d’insertion sociale, sans qu’une attention particulière soit portée à la question de la sonorité. La fonctionnalité spécifique des instruments offre le support matériel essentiel pour le développement du projet porté par ce groupe, en termes logistiques (voyages, déplacements, partenariats) et au niveau de l’accessibilité au jeune public.

33Une deuxième forme d’expérience que j’ai pu observer, consiste en la pratique de divers rythmes brésiliens, dans des contextes scolaires ou associatifs, sans désir de spécialisation ou d’approfondissement dans un style musical particulier. C’est le cas de Cyril Marsy, musicien qui travaille dans la région de Grenoble. Dans ses ateliers d’initiation aux percussions brésiliennes et de batucada, il utilise un instrumentarium varié, mélangeant des surdos conventionnels aux nestings. Le répertoire mis en place s’inspire de divers rythmes brésiliens comme le maracatu, l’ijexá, la samba et la samba-reggae mais aussi d’autres univers sonores comme le hip hop, le funk et les musiques africaines. Á l’instar de Cyril Marsy, un grand nombre de groupes et de projets pédagogiques autour de la batucada ne sont pas spécialisés dans un seul style musical, mais proposent une pratique musicale orale, collective et conviviale basée sur différents répertoires. Cette forme d’appropriation des musiques brésiliennes, plus générale, s’appuie sur la matérialité des instruments, sur un imaginaire brésilien festif et ludique. Les influences sonores dépendent alors des spécificités de chaque groupe et des trajectoires de leurs leaders. Par conséquent, les surdos nestings ne représentent pas une pratique musicale brésilienne en particulier, mais jouent plutôt le rôle d’un tambour grave brésilien, interprétant des phrases graves de différents rythmes, y compris d’autres univers sonores.

  • 16 Il est intéressant d’observer qu’Éric Pierre construit ses rythmes à partir de deux voix graves (le (...)

34La batucada comme plateforme créative est la troisième modalité d’utilisation des surdos nestings que j’ai pu observer, mise en pratique par le groupe Drumteam. Dans ce contexte, la batucada est une forme instrumentale qui se nourrit de divers styles musicaux, s’adressant à un public adulte. Les sonorités graves des nestings ne cherchent pas à reproduire des sons brésiliens spécifiques, mais à apporter le soutien nécessaire à la création d’un répertoire percussif accessible et festif. Formé en 2008 par Eric Pierre, le groupe utilise uniquement les surdos nesting dans son instrumentarium, soit dans les répétitions, les ateliers de découverte ou les séances de team building adressées aux entreprises. Initialement séduit par le côté pratique de l’instrument, par sa facilité de stockage et sa légèreté, Eric Pierre découvre dans le nesting et ses sonorités graves un support à ses créations musicales, qui s’inspirent davantage des musiques afro-américaines que des rythmes brésiliens16 :

Comme j’avais peu d’expérience dans les surdos classiques, j’ai aimé le son des peaux napa, bien moelleux, bien rond. Quand j’écoute des instruments industriels ou je tape sur les tambours des gens qui font de la samba-reggae, j’hallucine à quel point ils sont très tendus et j’aime bien les basses. (Eric Pierre, entretien du 19 novembre 2020)

35Enfin, parlons de la quatrième forme d’usage des surdos nestings rencontrée dans ma recherche de terrain. Ces instruments sont régulièrement utilisés dans les ateliers de découverte et d’initiation aux rythmes brésiliens, car ils offrent la possibilité de vivre leurs rythmes, leurs chants et leurs polyrythmies caractéristiques. Leur poids léger facilite les mouvements et les déplacements pendant la performance et leur design protège les mains et les jambes des musiciens contre les éventuelles égratignures. Cependant, ils montrent leurs limites lorsque les groupes souhaitent se spécialiser dans un style spécifique ou s’inscrire dans la continuité des pratiques musicales brésiliennes.

  • 17 Les ateliers de découverte sont des séances courtes et ponctuelles d’introduction et de prise de co (...)

36Pour Roberta Paim, percussionniste et directrice du groupe parisien Zalindê, le nesting « est parfait pour faire des ateliers de découverte17 pour adultes et enfants », permettant aux participants de « découvrir la sensation de bouger en jouant ». Elle souligne les belles sonorités graves, « parfaites pour la pulsation de base (fundo) », ce qui fait que « les surdos n’ont pas besoin d’être grands pour avoir un son très rond et grave ». Si l’instrument se montre parfaitement adapté aux contextes d’initiation, il présente des limites lorsqu’il s’agit d’interpréter la mélodicité des surdos d’un rythme spécifique, comme dans le cas de la samba-reggae :

Moi et Marivaldo [Paim], on « parle » beaucoup avec la dobra, on fait beaucoup de solos avec ce son aigu « pi pi pi », qui est très important. Cela est plus compliqué, par exemple, avec le nesting de 14 [pouces]. Nous faisons donc la dobra avec un son « tu tu tu » [médium/grave]. Du coup, tout devient une même chose. Dans le cas de la samba-reggae, la seule chose que je reconnais vraiment, ce sont les deux fundos, parce que tout le reste est changé. La mélodie de la samba-reggae, celle que je cherche, disparaît. Mais comme il s’agit de transmettre la sensation et le rythme dans l’atelier de découverte, ça marche très bien. (Roberta Paim, entretien du 16 octobre 2020)

  • 18 Dans la quête de cette sonorité aiguë, une alternative trouvée par les musiciens est l’utilisation (...)

37Marivaldo Paim, percussionniste bahianais et ancien membre du groupe Ilê Aiyê, souligne que des adaptations sont nécessaires lors du passage du contexte brésilien au contexte français. Il attire l’attention sur la question de l’accordage comme un élément important pour obtenir la sonorité de la samba afro, style musical de sa spécialité. Cependant, comme il le précise, « ce n’est pas un instrument qui fait le rythme, mais le musicien ». Il affirme aussi que « tout dépend de la façon dont vous faites l’accordage, si vous mettez le bon réglage18 » :

Il est plus difficile d’arriver à la hauteur d’une dobra avec le nesting car il n’a que 6 ou 8 tirants. Plus vous serrez, plus le son est étouffé, plus le son reste bloqué. Et le nesting a été conçu pour sonner d’une façon particulière. Comme il n’y a pas de peau en dessous, la vibration qui frappe le sol est différente, elle change complètement. Elle doit être plus grave pour mieux sonner. (Marivaldo Paim, entretien du 15 octobre 2020)

38Finalement, les nestings représentent une transformation significative dans le monde des batucadas, de par leur ouverture à un public jeune et débutant, leur facilité d’accès, de prise en main, de rangement et de transport. Si la pratique de la batucada était auparavant ancrée dans les réseaux associatifs et destinée à un public adulte, ces instruments fournissent les conditions concrètes pour son implantation dans l’enseignement spécialisé de la musique et dans l’enseignement général. Cela témoigne des relations étroites entre les demandes locales et la matérialité des instruments, transformant également les sonorités qui en découlent.

Un tambour grave brésilien

39Instrument hybride, le surdo nesting a été élaboré en fonction des demandes européennes qui cherchent à résoudre des problèmes logistiques de stockage, de poids et de transport. Il propose un point d’équilibre entre le côté pratique et la recherche d’un son capable de reproduire les basses qui caractérisent les esthétiques musicales inspiratrices des batucadas, notamment la samba et la samba-reggae.

40Les caractéristiques imposées par sa fonctionnalité et les matériaux de construction utilisés impliquent une modification importante de son timbre, sensiblement différent de celui des surdos de samba conventionnels. Les différences sonores entre le surdo conventionnel et le nesting sont principalement liées aux matériaux de fabrication, au système d’accordage et à l’utilisation de la peau nappée. Chaleureux et riche dans les graves et limité dans les notes aiguës, il répond parfaitement aux caractéristiques et aux spécificités du contexte éducatif français, proposant un son plus voilé et plus doux, adapté aux espaces fermés.

41La difficulté d’accordage dans des fréquences plus hautes favorise une conception du rythme comme une succession de subdivisions rythmiques au détriment de la dimension mélodique produite par la polyphonie des tambours. Dans la dynamique du groupe de percussions, le surdo nesting est susceptible de reconfigurer la mélodicité propre à certains rythmes brésiliens comme la samba et la samba reggae. Comme nous l’avons vu, ces rythmes se caractérisent par une forme de mélodicité dans leurs voix graves, interprétées par les surdos. De la sorte, les limitations d’accordage des surdos nesting réduisent le contraste entre les notes, transformant ainsi la sonorité de ces polyrythmies. De cette manière, des aspects fondamentaux et constitutifs des percussions brésiliennes – comme le timbre des surdos et la mélodicité des polyrythmies – revêtent une importance moindre en France, où d’autres caractéristiques sont promues en tant que marqueurs d’identité sonore.

42Ces tambours, ludiques et accessibles, attirent de nouveaux publics et connaissent un grand succès en France et en Angleterre, fournissant les conditions matérielles pour le développement de la batucada dans le cadre de l’enseignement général et spécialisé de la musique au sein des conservatoires, des écoles de musique, des collèges, des lycées et des centres de loisirs. Si le nesting offre une importante porte d’entrée vers les rythmes brésiliens, il ne représente aucune identité sonore ou pratique musicale brésilienne en particulier. Plutôt qu’un surdo de samba, le surdo nesting se configure comme un tambour grave, que l’on associe, en Europe, à l’imaginaire brésilien, quand bien même cet instrument n’est que peu présent dans ce pays. Par l’ouverture culturelle qu’il propose et sa versatilité, il incarne un mode d’appropriation qui privilégie une conception de la musique brésilienne plus générale, moins ancrée dans des identités locales, des communautés, des artistes ou des territoires brésiliens singuliers. Ainsi, la création des nestings nous informe moins sur les pratiques musicales au Brésil que sur les fonctions, les caractéristiques et les spécificités des batucadas en France.

43Profondément ancrée dans le tissu associatif, mais aussi présente dans les institutions musicales, les établissements scolaires et les universités françaises, la batucada s’affranchit progressivement des références et des réseaux musicaux brésiliens. Dans leurs créations, les batucadas s’inspirent d’un instrumentarium, de structures sonores, de gestualités et d’imaginaires considérés comme brésiliens. Dans ce processus de transmission et d’appropriation, les pratiques musicales inspiratrices brésiliennes subissent d’importantes transformations en France. De cette manière, la batucada possède une grande flexibilité, laissant un champ ouvert à une création artistique qui reflète les configurations locales de chaque ensemble.

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Bibliography

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Notes

1 Cette peau associe une membrane plastique à une couverture en tissu, un faux cuir appelé « napa » au Brésil.

2 Cette observation a été effectuée durant une recherche de terrain réalisée entre 2008 et 2018, dans le cadre d’un master 2 et d’un doctorat en sciences sociales.

3 Le tamtam du pagode et le surdo « bolachão » sont les instruments qui se rapprochent le plus des surdos nestings par l’utilisation de la peau nappée et par l’absence de peau de réponse.

4 J’ai pu observer plusieurs ateliers et présentations musicales de batucadas avec les surdos nesting, en France. En tant que professeure de musique, je les utilise dans le cadre de cours de FMD (formation musicale du danseur) au conservatoire parisien Paul Dukas, et dans les cours d’initiation aux percussions brésiliennes à la Philharmonie de Paris et au sein du projet Orchestre à l’école à Limours.

5 Du fait des contraintes imposées par la pandémie de la Covid-19, tous les entretiens ont été réalisés par téléphone ou par vidéoconférence.

6 Comme certaines des caractéristiques matérielles et musicales sont spécifiques à chaque contexte, ma description de l’instrument portera uniquement sur l’univers de la samba et de la samba reggae, ainsi que des rythmes constitutifs de la pratique de la batucada.

7 Dans une étude précédente sur les méthodes de percussions afro-brésiliennes, j’ai abordé les rythmes brésiliens selon quatre principales fonctions musicales : les claves, le suíngue/la subdivision, les mélodies des graves et les « couleurs » (Chamone 2008). Cette catégorisation révèle des aspects importants des rythmes, mais elle suggère aussi une mise en forme des événements musicaux dans une perspective de systématisation pédagogique des contenus, développée dans le cadre de l’enseignement formel ou informel.

8 On rencontre ces trois fonctions musicales dans la majorité des écoles de samba. Cependant, certains groupes proposent d’autres types de surdos et formes de structuration musicale, comme c’est le cas de Mangueira et Vila Isabel.

9 Comme j’ai pu le montrer lors d’une recherche sur le maracatu de baque virado, l’insertion des nouveaux instruments de percussions ainsi que la création d’identités sonores spécifiques (sotaques) participent activement aux critères d’assignation du caractère « traditionnel » des groupes (Chamone 2018).

10 Contemporânea est actuellement l’une des plus importantes marques d’instruments brésiliens. Fondée dans les années 1950, elle joue un rôle important dans le processus de standardisation et de développement des instruments de percussions, notamment dans le domaine de la samba. Sa gamme de produits englobe plusieurs styles musicaux (samba, samba reggae, maracatu, forró, capoeira), mais sa renommée a été principalement construite autour des percussions de samba.

11 D’autres fabricants brésiliens d’instruments de percussions, comme Gope et Izzo, se sont lancés ensuite dans la production des surdos nesting. La marque française Tabalá a également développé une ligne nesting, qui a rencontré un succès considérable parmi les batucadas, de par son poids léger et son visuel très proche des surdos classiques.

12 Les surdos nestings de 10 pouces ont été développés plus tardivement, avec comme objectif de jouer le rôle d’un instrument aigu au sein de l’ensemble, comme par exemple un repinique ou une bacurinha.

13 Actuellement, les surdos nestings de 14, 16 et 18 pouces sont parmi les produits les plus vendus de Contemporânea en France.

14 J’ai également rencontré des projets éducatifs, comme des orchestres à l’école et des fanfares, qui utilisent les surdos nestings, mais il n’a pas été possible de les intégrer dans le champ de ma recherche de terrain.

15 Les hard cases sont des boîtes plastiques destinées au transport et au stockage des instruments. Voici un document sur le matériel mis à disposition par BatukaVI : https://cooperons.batukavi.fr/ressourcesrythmencite/, consulté le 14 novembre 2020.

16 Il est intéressant d’observer qu’Éric Pierre construit ses rythmes à partir de deux voix graves (les surdos 1 et les surdos 2), transformant ainsi les fonctions traditionnelles des rythmes brésiliens comme la samba ou la samba-reggae, généralement articulés en trois voix.

17 Les ateliers de découverte sont des séances courtes et ponctuelles d’introduction et de prise de contact avec les instruments brésiliens.

18 Dans la quête de cette sonorité aiguë, une alternative trouvée par les musiciens est l’utilisation de peaux de nylon sur les tambours, ce qui permet d’obtenir une palette de timbres plus différenciée. Cette solution a été mise en pratique par plusieurs groupes, tels que Batucavidi, un groupe dirigé par Isis Maria dans la favela Vidigal, à Rio de Janeiro.

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List of illustrations

Title Fig. 1. Surdo conventionnel (45 cm), peau en nylon.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/4418/img-1.jpg
File image/jpeg, 1.2M
Title Fig. 2. Surdo nesting 18 pouces.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/4418/img-2.jpg
File image/jpeg, 435k
Title Figs. 3 et 4. Ensemble complet de surdos nestings et système d’emboîtement.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/4418/img-3.jpg
File image/jpeg, 1.3M
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/4418/img-4.jpg
File image/jpeg, 1.4M
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References

Bibliographical reference

Emilia Chamone, “Nouvelles demandes, nouvelles sonorités. Les transformations des timbres instrumentaux dans la pratique musicale des batucadas en France”Cahiers d’ethnomusicologie, 34 | 2021, 207-222.

Electronic reference

Emilia Chamone, “Nouvelles demandes, nouvelles sonorités. Les transformations des timbres instrumentaux dans la pratique musicale des batucadas en France”Cahiers d’ethnomusicologie [Online], 34 | 2021, Online since 01 December 2022, connection on 05 December 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/4418

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About the author

Emilia Chamone

Emilia CHAMONE, Percussionniste, ethnomusicologue et professeure de musique, est née à Belo Horizonte, Minas Gerais (Brésil). Après une licence en percussions classiques au Brésil, elle s’installe en France et entame des études dans le domaine de l’ethnomusicologie. En 2018, elle soutient une thèse en sciences sociales à l’EHESS (Paris) qui porte sur la circulation mondiale de personnes, d’objets et de savoirs autour du maracatu de baque virado, pratique musicale et chorégraphique brésilienne. Actuellement, Emilia Chamone intègre l’équipe pédagogique des conservatoires parisiens (Paul Dukas et Mozart) et travaille en tant que formatrice de formateurs à la Philharmonie de Paris.

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