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THE LITURGY OF BETA ISRAEL. Music of the Ethiopian Jewish Prayer

Sélection musicale et textes : Simha Arom, Frank Alvarez-Pereyre, Shoshana Ben-Dor et Olivier Tourny. Livret bilingue anglais/hébreu, 184 p., 3 CDs Anthology of Music Traditions in Israel 26. Jewish Music Research Centre, The Hebrew University of Jerusalem, 2019
Hervé Roten
p. 311-313
Référence(s) :

THE LITURGY OF BETA ISRAEL. Music of the Ethiopian Jewish Prayer, Sélection musicale et textes : Simha Arom, Frank Alvarez-Pereyre, Shoshana Ben-Dor et Olivier Tourny. Livret bilingue anglais/hébreu, 184 p., 3 CDs Anthology of Music Traditions in Israel 26. Jewish Music Research Centre, The Hebrew University of Jerusalem, 2019.

Texte intégral

1Voici une anthologie qui fera date dans l’histoire des musiques juives. Il aura fallu en effet près de 32 ans (1986-2018) pour que ce travail titanesque sur la musique juive éthiopienne voie enfin le jour. 3 CDs, d’environ 1 heure chacun, nous permettent de goûter à la saveur inimitable de la musique des Beta Israel (Maison d’Israël)1. Comme pour chaque publication du JMRC (Jewish Music Research Center), un épais livret, rédigé par les plus grands spécialistes (Simha Arom, Frank Alvarez-Pereyre, Shoshana Ben-Dor et Olivier Tourny), fournit une analyse historique, liturgique et musicologique de la musique des Beta Israel.

2C’est au début des années 1980 que commence l’immigration clandestine des Juifs d’Ethiopie vers Israël. Ces derniers, improprement appelés Falasha (terme à connotation péjorative qui signifie « sans racines » ou « exilé ») fuient, comme nombre de leurs compatriotes, la guerre civile et la famine en se réfugiant au Soudan. En 1984, l’opération Moïse organisée par l’Etat israélien permet d’accueillir 7000 Juifs éthiopiens en provenance des camps de transit soudanais ; peu de temps après, l’opération Saba (1985) en rapatrie 648 ; enfin en 1991, l’opération Salomon réussit la gageure d’acheminer par un pont aérien 14 300 personnes en l’espace de vingt-quatre heures.

3Les derniers Beta Israel restés en Ethiopie émigrent en Israël entre 1991 et 1994. Mais à partir de 1992 commence une émigration irrégulière, soumise à l’évolution politique en Israël, celle des Falash Mura. Entre cette année-là et 2013, plus de 35 000 Falash Mura arrivent en Israël. Officiellement non juifs, une fois en Israël, ils doivent entreprendre une conversion complète au judaïsme orthodoxe avant de recevoir une pleine citoyenneté.

4L’intégration des Juifs éthiopiens dans l’Etat hébreu ne s’est pas faite sans mal. Pauvres, souvent analphabètes et vivant d’artisanat, ces derniers ont dû affronter une société moderne et de haute technologie. De plus, sous la pression des autorités religieuses israéliennes, ils ont été contraints d’abandonner leurs pratiques rituelles ancestrales pour entrer dans les rangs d’un judaïsme normalisé. Le Grand Rabbinat tenta même de leur imposer une conversion symbolique (immersion rituelle, et pour les hommes, une « recirconcision » par le versement d’une goutte de sang) qui fut boycottée par la plupart d’entre eux. Bien que reconnus aujourd’hui comme Juifs à part entière, la situation religieuse des Beta Israel demeure complexe. Leurs prêtres, appelés qessotch, se sont vus dénués de toute autorité religieuse et spirituelle… avec pour conséquence la disparition progressive, mais inéluctable, de leur rite.

5La communauté éthiopienne vivant en Israël comprenait en 2014 environ 138 200 personnes. Près de 30 000 enfants sont nés dans l’Etat hébreu et suivent le cursus éducatif israélien. Ils parlent hébreu et pratiquent de moins en moins la langue de leurs ancêtres. Le processus d’intégration israélien s’est mis en marche et les jours du rite éthiopien – et de sa musique – sont comptés.

6La liturgie éthiopienne est composée de prières parlées et chantées, principalement en langue ge’ez – un idiome sacré, connu uniquement des initiés2. Les chants liturgiques sont conduits par un prêtre, véritable soliste, auquel répond le chœur des autres prêtres. Le soliste – traditionnellement la plus haute autorité religieuse de l’assemblée – entonne la prière ; les autres lui répondent en unissant leurs voix. L’intervention du chœur engendre une polyphonie « archaïque » qui naît de la rencontre de plusieurs voix visant à réaliser une seule et même ligne mélodique.

7Les chants peuvent affecter différentes formes. Les formes antiphonales et responsoriales sont fréquemment usitées. Dans un chant de type antiphonal, le chœur reprend systématiquement l’exposé musical du soliste. Dans un chant responsorial, le chœur emprunte une partie du matériel mélodique du soliste pour énoncer de brefs répons comme « Amen » ou « Alleluia ». On trouve également une troisième forme de chants que Simha Arom et Olivier Tourny qualifient de « type hémiolique ». Les prières de cette catégorie sont caractérisées par une distribution ternaire du texte et de la musique alors que l’alternance binaire « soliste-chœur » demeure.

8Une autre particularité de la liturgie des Beta Israel réside dans le fait que la modalité d’exécution des prières n’est pas fixée à l’avance. Selon les circonstances, un même chant pourra être de type hémiolique, antiphonal ou responsorial. C’est le soliste qui, en entonnant le chant en premier, décide d’utiliser la configuration de son choix. Dans le cas d’événements solennels, les prêtres usent plus volontiers du chant hémiolique. Lorsque le temps presse, ils ont généralement recours à une forme de type responsorial qui permet d’accélérer le débit du texte en alternant des versets différents à chaque fois. A contrario, lorsqu’ils accueillent une personnalité religieuse importante, les prêtres honorent leur hôte en reprenant strictement ses énoncés textuels et musicaux selon la forme antiphonale.

9Parfois, le chant est accompagné par un tambour à membrane simple (nagarit) ou un petit gong métallique (metke). Le rôle de ces instruments demeure toutefois secondaire du fait de leur prohibition lors de certaines grandes fêtes du calendrier.

10La plupart des chants ne présentent pas de structure métrique régulière. Ils sont régis par la prosodie de la langue. Seules certaines prières, associées à de la danse, sont véritablement mesurées. En Ethiopie, la danse était réalisée par l’ensemble des prêtres. Elle consiste en un mouvement collectif circulaire (de type « ronde ») ou semi-circulaire ; dans ce dernier cas les qessotch exécutent des mouvements rythmés sur place. Elles s’accompagnent de frappes de pieds sur le sol et éventuellement d’halètements rythmés.

11Les chants recourent principalement à une échelle pentatonique anhémitonique (gamme composée de cinq sons, chacun étant distant d’au moins un ton de son voisin). Quelques rares prières se réalisent sur une échelle tétratonique (quatre sons). La hauteur des sons est plus ou moins stable ; elle peut varier d’un demi-ton, voire plus. En fait, le contour général de la mélodie prime sur la hauteur absolue des degrés et la grandeur des intervalles.

12La musique liturgique des Juifs éthiopiens est composée d’un nombre restreint de formules mélodiques qui circulent à travers l’ensemble des chants. Ces formules, généralement constituées de degrés conjoints, peuvent présenter des visages variés ; cependant leur contour mélodique global reste aisément reconnaissable à l’audition. En définitive, la musique juive éthiopienne est essentiellement formulaire et régie par le principe de la centonisation. Ce procédé – qui consiste à créer des morceaux à partir de l’agencement, à chaque fois différent, d’un même stock de formules mélodiques – est une des caractéristiques de la musique liturgique juive.

13Dès 1986, l’ethnomusicologue Simha Arom, conscient de la nécessité de sauvegarder la liturgie originelle des Beta Israel, entreprend de réunir autour de lui une équipe pluridisciplinaire de chercheurs franco-israéliens. Entre 1986 et 1989, des centaines d’heures sont enregistrées auprès des principaux tenants de la tradition. Dans les années 1990, ce corpus d’enregistrements devient la base d’un projet scientifique visant à faire connaître la musique et les textes de ce répertoire liturgique. Dans le cadre de son doctorat sous la direction de Simha Arom, Olivier Tourny en étudie la partie musicologique tandis que Frank Alvarez-Pereyre et Shoshana Ben-Dor en abordent l’aspect ethnographique et linguistique. Il incombait à Edwin Seroussi, directeur du Jewish Music Research Centre (JMRC), de mettre en forme le résultat de cette étude à travers ce coffret de CDs et son livret richement documenté. En complément de ce dernier, le site du JMRC devrait abriter d’ici quelques temps une section spéciale permettant de consulter des informations complémentaires et les centaines de partitions qui ont permis de réaliser ce travail scientifique et cette anthologie unique en son genre.

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Notes

1 Il est possible de commander le coffret The Liturgy of Beta Israel à l’adresse https://www.jewish-music.huji.ac.il/content/liturgy-beta-israel-music-ethiopian-jewish-prayer

2 Ecouter la playlist « Les traditions musicales des Juifs d’Ethiopie » https://iemj.org/fr/cours-conferences-et-musiques-en-ligne/les-traditions-musicales-des-juifs-d-ethiopie-1.html

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Pour citer cet article

Référence papier

Hervé Roten, « THE LITURGY OF BETA ISRAEL. Music of the Ethiopian Jewish Prayer »Cahiers d’ethnomusicologie, 32 | 2019, 311-313.

Référence électronique

Hervé Roten, « THE LITURGY OF BETA ISRAEL. Music of the Ethiopian Jewish Prayer »Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 32 | 2019, mis en ligne le 01 octobre 2019, consulté le 21 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/3816

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Auteur

Hervé Roten

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CC-BY-SA-4.0

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