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Livres

Anthony Seeger & Shubha Chaudhuri, eds. : Archives for the Future. Global Perspectives on Audiovisual Archives in the 21st Century

Calcutta (Inde) : Seagull Books, 2004
Patrik Vincent Dasen
p. 289-292
Référence(s) :

Anthony Seeger & Shubha Chaudhuri, eds. : Archives for the Future. Global Perspectives on Audiovisual Archives in the 21st Century.Calcutta (Inde) : Seagull Books, 2004. 299 p. en anglais. Bibliographie thématique.

Texte intégral

  • 1  « Digital Audio Tape » ou cassette audio numérique, et « Compact Disc » ou disque optique numériqu (...)

1Il est des livres qui arrivent à point nommé, et Archives for the future est de ceux-là. En effet, depuis les premiers rouleaux de cire Edison de 1890 jusqu’aux DAT ou CD1 actuels, la conservation et l’archivage des millions d’heures de sons, puis d’images sonores, qui ont été fixées sur des supports multiples, sont devenus ces toutes dernières années une des grandes préoccupations de nombreuses collectivités, institutions, ou disciplines académiques, elles-mêmes de nature très diverse. Bien évidemment, il est une science particulièrement concernée, de par la nature même de son champ d’investigation, par le « problème » de la conservation du son enregistré, c’est l’ethnomusicologie. Par la détérioration inexorable, et parfois rapide, des supports d’enregistrements, l’obsolescence des machines de reproduction dont les pièces de rechange n’existent plus, ce sont les décennies de travail de toute une discipline, mais bien plus encore parfois les derniers témoignages de pratiques musicales aujourd’hui éteintes, qui sont en train de s’effacer, de s’effriter, de disparaître. Pour répondre aux questions qui concernent tous ceux qui s’occupent de près ou de loin d’enregistrements et d’archivage audio et audiovisuels, cet ouvrage deviendra certainement un outil de référence et d’orientation pour avancer dans le domaine des bases de données d’archives ethnomusicologiques.

2Le livre est édité par Shubha Chauduri, directrice du Centre d’Archives et de Recherches en Ethnomusicologie (ARCE) de l’Institut Américain d’Études Indiennes (AIIS) et vice-présidente de l’Association Internationale des Archives Sonores et Audiovisuelles (IASA), et Anthony Seeger, professeur d’ethnomusicologie à l’Université de Los Angeles, anciennement directeur des Smithsonian Folkways Recordings et actuellement secrétaire général du Conseil International pour les Musiques Traditionnelles (ICTM). Ce ne sont pas moins de quinze auteurs, spécialistes des archives sonores en ethnomusicologie, qui partagent et complètent leurs connaissances et expériences, sous la forme d’actes du colloque qui les a réuni à Manesar, près de New Delhi, en décembre 1999 pour faire un état des lieux des connaissances, des technologies et des problématiques actuelles et futures dans le domaine. L’objectif de cet atelier était également de réunir un grand nombre d’archivistes non occidentaux.

3Avant de nous présenter les « papiers » de chaque intervenant (Section II), une première section entre déjà dans le vif du sujet en abordant trois aspects fondamentaux et récurrents pour toutes les archives existantes ou en devenir. Un premier chapitre, « Archives and the future », aborde les questions de définition de ce que sont les archives sonores en ethnomusicologie et souligne les nécessités et les problèmes, tant financiers que structurels ou techniques, que partagent presque toutes les institutions qui s’occupent d’archivage à travers le monde. Il tente ensuite d’attirer l’attention des tenants de ces institutions sur un certain nombre d’arguments à avancer afin de justifier la nécessité de leurs structures et de leurs efforts. Car c’est une constante pour chacune d’entre elles : il faut à tout instant s’efforcer de convaincre de l’importance de préserver ces archives sonores, tant pour essayer de les transmettre dans le meilleur état possible aux générations futures – la conservation – que pour les rendre immédiatement utilisables par le plus grand nombre sans risquer de les abîmer irréversiblement – l’accès et la diffusion.

4Suit un chapitre particulièrement éclairant de Dietrich Schüller, directeur de la Vienna Phonogrammarchiv de l’Académie autrichienne des Sciences, sur les aspects techniques et technologiques des archives sonores. Sous le titre « Technology for the future », l’auteur propose d’examiner, sur la base de son observation de près de deux cent cinquante collections audiovisuelles dans le monde, « les facteurs physiques, techniques et organisationnels qui menacent l’héritage ethnomusicologique enregistré ». Il dresse pour cela un panorama historique de tous les types de supports existants, des rouleaux de cire précédemment cités aux supports optiques et numériques, en soulignant leurs particularités techniques, leurs principales faiblesses ou encore des conseils pour leur conservation, voire leur restauration. Il faut remarquer ici la qualité didactique de cette présentation très pointue, qui reste pourtant très claire même pour les non-spécialistes. Schüller se livre ensuite à un jeu de questions-réponses où il présente, à nouveau de manière très originale, les solutions informatiques pour le futur. Celles-ci prennent la forme de ce qui s’appelle le DMSS, « Digital Mass Storage System » ou système de stockage numérique de masse, plus simplement dit un « grand » disque dur. En résumé, la fulgurante amélioration des disques durs et l’augmentation de leur capacité de stockage nous permettent d’imaginer la création de clones de l’information ainsi stockée sans perte ni dégradation d’une copie à l’autre, résolvant apparemment le problème fondamental de la conservation dans le temps des données archivées, ainsi que l’obsolescence des machines de reproduction. Une fois numérisée l’information sonore ou audiovisuelle, ce n’est plus un objet physique que l’on conserve pour permettre la consultation et l’étude ultérieure mais une copie informatisée. Tout ce que permet et promet, l’informatique dans l’utilisation, mais aussi dans la restauration, le « nettoyage » ou la réédition de ces archives laisse rêveurs ceux qui s’occupent de supports anciens. Comme le dit Schüler, « Although the general survey [of world audiovisual archives] raises issues for serious concern, the recent technological development allows for some optimism » (p. 15).

5La troisième partie de la Section I aborde un sujet particulièrement délicat pour toutes les archives constituées et en constante évolution, celui des droits d’auteurs. Les groupes de travail du colloque, plutôt que d’édicter un discours moralisateur ou de fustiger des comportements abusifs, ont proposé de relever quelques-uns des aspects les plus pertinents dans les relations qu’entretiennent les trois acteurs en jeu lors de la création d’une archive : le musicien (plus largement « the performer » en anglais), le chercheur et l’archiviste. Au-delà du copyright commercial, leur questionnement aborde aussi les aspects de rétrocession, donc d’accessibilité, de responsabilité et de respect, de « vol » et de « possession », mais aussi de la meilleure communication entre chercheurs et archivistes pour comprendre les nécessités techniques d’une archive d’un côté, et les réalités du terrain de l’autre. Un compte rendu d’une session de questions-réponses entre les archivistes présents et un panel de trois spécialistes vient ajouter de manière très complète des observations de terrain et des cas réels qui finissent de donner de très bonnes clefs pour faciliter les relations entre les trois acteurs mentionnés plus haut. Cette très importante partie se termine par des propositions de directives pour les droits d’auteurs liés à l’archivage, pour une éthique d’une archive audiovisuelle et pour la préparation de contrats d’archivage entre les acteurs impliqués. Avec ces trois parties essentielles, cette section est à elle seule un vrai guide pour l’archiviste, d’un abord facile, mais complet et approfondi.

6Comme indiqué plus haut, la Section II est la réunion sous le titre général « Archives dans les pays en voie d’industrialisation à l’aube du millénaire : articles et propositions » des textes de chaque intervenant à la rencontre. Des représentants des archives sonores ou audiovisuelles du Ghana, de Cuba, d’Inde, du Soudan, du Pérou, d’Australie, d’Afrique du Sud, de Papouasie Nouvelle-Guinée, d’Indonésie, des Philippines, du Vietnam, du Népal et de Chine, expriment en quelques pages leurs expériences propres, leurs difficultés particulières et les solutions qu’ils appliquent ou envisagent pour les surmonter. Il serait fastidieux autant qu’inutile d’en dresser ici une liste nécessairement lapidaire et soporifique. La lecture de chacune de ces expériences apporte un éclairage nouveau, un conseil pertinent, et le sentiment que bien que de nature très diverse, les archives sonores de par le monde partagent les mêmes rêves, et font face aux mêmes difficultés et aux mêmes désillusions.

7Signalons en particulier l’article d’Olavo Alén Rodríguez, « Les archives musicales au CIDMUC et leur influence sur la culture musicale de Cuba » (p. 130), qui présente une vision très aiguisée du rôle culturel et sociopolitique que peut jouer une institution d’archives ; ou encore l’« Appel pour un Réseau International d’Archive » d’Ali Ibrahim al-Daw (p. 152), qui souligne l’importance de penser les archives sous la forme d’un réseau, et de développer les outils, informatiques surtout, permettant de le réaliser. Car une institution d’archives ne peut prétendre à l’exhaustivité dans sa collecte des sources sonores et audiovisuelles. Mais on peut se prendre de rêver à un réseau qui permettrait la réunion d’une très grande majorité des archives existantes. Pour finir, le très intéressant texte de Don Niles, « Réclamer le passé : la valeur des enregistrements pour l’héritage culturel national » (p. 196), où l’auteur expose son expérience de recherche, puis de rapatriement en Papouasie Nouvelle-Guinée d’enregistrements anciens existant en Europe depuis la colonie et la décolonisation. L’ouvrage se termine sur une large bibliographie thématique, qui complète la très bonne qualité générale de l’ensemble, faisant de ce livre un outil efficace et nécessaire pour les archives sonores et audiovisuelles d’aujourd’hui et de demain. Pour être personnellement plongé dans ces mêmes préoccupations au travers du programme d’archivage et de numérisation des Archives Internationales de Musique Populaires (AIMP), du Musée d’ethnographie de Genève qui n’en est qu’à ses débuts alors que s’écrivent ces lignes, je ne peux que saluer avec enthousiasme la publication de cet ouvrage pour la densité des informations qu’il contient, pour sa grande qualité de synthèse, et peut-être plus encore pour le sentiment rassurant qu’il donne de ne pas être seul au pied de cette montagne vertigineuse.

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Notes

1  « Digital Audio Tape » ou cassette audio numérique, et « Compact Disc » ou disque optique numérique.

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Pour citer cet article

Référence papier

Patrik Vincent Dasen, « Anthony Seeger & Shubha Chaudhuri, eds. : Archives for the Future. Global Perspectives on Audiovisual Archives in the 21st Century »Cahiers d’ethnomusicologie, 18 | 2005, 289-292.

Référence électronique

Patrik Vincent Dasen, « Anthony Seeger & Shubha Chaudhuri, eds. : Archives for the Future. Global Perspectives on Audiovisual Archives in the 21st Century »Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 18 | 2005, mis en ligne le 14 janvier 2012, consulté le 19 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/365

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Auteur

Patrik Vincent Dasen

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