Meriem ALAOUI BTARNY : Les métamorphoses gnawa et l’idéal d’une société plurielle. Ethnographie des modes de légitimation des transformations sociales
Meriem ALAOUI BTARNY : Les métamorphoses gnawa et l’idéal d’une société plurielle. Ethnographie des modes de légitimation des transformations sociales
Thèse de doctorat en anthropologie soutenue le 17 novembre 2017 à l’Université Nice Côte d’Azur
547 p., annexes : paroles de chants, affiches de festivals, illustrations
Directeur de thèse : Jean-Yves Boursier
Texte intégral
1La musique et la danse constituent le noyau de la vie rituelle d’une confrérie au statut particulier, par rapport aux autres confréries du soufisme marocain, il s’agit des adeptes gnawa. Présenter comme les descendants d’anciens esclaves, les gnawa réconcilient dans leurs rituels des éléments mythiques qui les situent dans un entre-deux entre le licite et l’illicite, l’ici et l’ailleurs. Loin de s’achever dans des dichotomies de principes, la figure du gnawa est au centre de dialectiques entre histoire et présent, local et global. Elle polarise les questions d’identité et d’altérité, de rituel et de spectacle, d’économie et de patrimoine ; et finalement, réactive la tension qui place tout écrit ethnographique entre la volonté de voir et la volonté de dire. Les rapports qu’entretiennent les acteurs gnawa avec la pensée rituelle impliquent des rapports particuliers, symboliques et matériels, qui sont autant d’occasions de ritualisation des pratiques du corps social et des relations de pouvoir qui le structurent. Les métamorphoses gnawa sont donc une production sociale et historique qui projette dans le même mouvement une image de la société dans laquelle ils évoluent.
2Cependant, les cosmogonies particulières ont laissé place à l’utopie de l’universel dans laquelle les gnawa se projettent. Les transformations accélérées et les changements d’échelles qui affectent les mondes contemporains réorientent les modes d’existence des acteurs au travers de pratiques complexes et délibérées de performance, de représentation et d’action. Longtemps marginalisées, les musiques et danses gnawa sont aujourd’hui célébrées et mises en circulation dans des espaces transnationaux. Cette visibilité accrue des gnawa a ouvert des possibles à investir autant pour les acteurs de la confrérie, que pour les programmateurs de festivals et de spectacles qui voient dans ces pratiques musicales et scéniques une identité différentielle à exploiter. Ainsi, s’il y a dissolution ou déplacement des points de références, il y a une production parallèle de discours sur les origines qui permet de retraduire les pratiques gnawa en tant que patrimoine à sauvegarder. Cette retraduction de la figure des gnawa présentée comme authentique est fondée sur le changement et la transformation et devient un argument de lutte et de visibilité. L’expérience empirique donne à voir la pluralité des plans d’intelligibilité et la variabilité des modes de production de sens dans lesquelles les gnawa sont engagés. Les conséquences de ces ré-articulations entrainent ceux qui sont assignés à ré-enchanter le monde dans des processus où ils se retrouvent désenchantés par lui. Comment alors les initiatives individuelles et les symboliques collectives participent-elles à construire une figure gnawa qui oscille entre le proche et le lointain ?
Pour citer cet article
Référence papier
« Meriem ALAOUI BTARNY : Les métamorphoses gnawa et l’idéal d’une société plurielle. Ethnographie des modes de légitimation des transformations sociales », Cahiers d’ethnomusicologie, 31 | 2018, 372.
Référence électronique
« Meriem ALAOUI BTARNY : Les métamorphoses gnawa et l’idéal d’une société plurielle. Ethnographie des modes de légitimation des transformations sociales », Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 31 | 2018, mis en ligne le 10 décembre 2018, consulté le 13 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/3389
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