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Livres

Antonello RICCI : Il secondo senso. Per un’antropologia dell’ascolto

Milan : Franco Angeli, 2016
Giovanni Giuriati
Traduction de Cristina Ghirardini
p. 313-315
Référence(s) :

Antonello RICCI : Il secondo senso. Per un’antropologia dell’ascolto, Milan: Franco Angeli, 2016. 231 p.

Texte intégral

1Avec Il secondo senso (Le deuxième sens), Antonello Ricci poursuit et approfondit son enquête sur l’anthropologie du son, développée depuis 1996, en remettant en question l’approche « visualiste » de la recherche, prédominante dans les tendances actuelles de l’anthropologie, au profit de la dimension auditive et de la pratique de l’écoute. Pour ce faire, il met en évidence la dimension dialogique de l’enquête : « La recherche de terrain et la production d’un texte, quel qu’il soit, ne peuvent aujourd’hui faire abstraction d’une dynamique de négociation culturelle complexe, épuisante (et souvent stérile) entre le savoir de l’anthropologue et celui du sujet étudié. L’ethnographie doit donc abandonner les métaphores visuelles de l’observation et de la description pour assumer celles de l’écoute, du discours, du dialogue et de la narration » (p. 48). Et plus loin : « Observation participante et écoute participante devraient être les deux pôles dialectiques d’un processus de “documentation simultanée” » (p. 50), selon une heureuse expression de Diego Carpitella sur la simultanéité dans les méthodologies de travail de terrain.

2A partir de ces présupposés méthodologiques, le livre, constitué de versions remaniées d’essais déjà publiés et de chapitres originaux, présente les multiples implications de l’écoute culturelle et de la conscience auditive du monde dans la vie contemporaine. Cela semble évident dès le vaste chapitre introductif intitulé « Points d’écoute : perspectives sur le deuxième sens », très riche en références théoriques et méthodologiques, qui aborde le sujet à partir des dispositifs sonores, chargés d’une valeur culturelle, utilisés par les supporters lors des championnats du monde de football organisés dans différents continents. L’auteur s’intéresse ensuite à la théorie de la communication et à la publicité, au marketing, aux stratégies politiques, aux espaces architecturaux et à l’acoustique du paysage, à la littérature, au cinéma, aux bandes dessinées, pour enfin aboutir à des réflexions sur l’ethnographie et les limites d’une anthropologie de l’écoute.

3Dans son étude, Antonello Ricci soutient que « l’ouïe, sens second à la vue », selon l’expression utilisée par Leonard de Vinci dans son Traité de la peinture, est souvent négligée dans les écrits contemporains, mais qu’elle joue pourtant un rôle fondamental dans la formation de notre vie sociale et culturelle. Il affirme aussi que l’écoute est indissociable de la dimension anthropologique de la rencontre avec l’autre, par une approche méthodologique et épistémologique fondée sur l’ouïe, applicable à une immense variété de textes et de perspectives de recherche. L’auteur écrit que « La lecture d’un livre, le visionnage d’un film, l’écoute d’un disque, la participation à un blog ou à n’importe quel autre type de communication nécessite une pratique d’“auscultation” participante et une proposition d’acquisition auditive du “texte” sur lequel coulent les syllabes résonnantes d’une réflexivité anthropologique : comme écho au dialogue entre la voix de l’anthropologue et celles des acteurs sociaux » (p. 55).

4L’introduction est suivie d’une première partie intitulée « Poétiques de l’écoute », où l’auteur présente des exemples tirés du folklore, de la littérature et du cinéma, dans lesquels la pratique de l’écoute joue un rôle central dans les stratégies narratives et la créativité de différents auteurs en différents contextes : du conte de « l’os qui chante », diffusé dans de nombreuses régions d’Italie et, plus largement, d’Europe, aux écrits d’auteurs comme Mann, Wells, Calvino ou Proust, dont les descriptions acoustiques de La Recherche font l’objet d’un premier « catalogue raisonné ». Quant au cinéma, avec Wenders, Antonioni, Hitchcock et d’autres, il fait l’objet d’une section consacrée au silence dans quelques films, comme Le Grand Silence de Gröning et d’autres, qui évoquent la perception du monde par l’ouïe de la part de personnages qui n’ont pas (ou qui ont perdu) l’usage de la vue.

5La deuxième partie, « Ethnographies de l’oreille », est divisée en quatre chapitres qui présentent des recherches ayant l’ouïe comme sujet principal de l’enquête ethnographique. Antonello Ricci démontre comment le sens de l’ouïe peut être pour l’anthropologue un formidable instrument de compréhension des dynamiques sociales et culturelles, et il soutient que ce n’est qu’à travers la pratique de l’écoute qu’on parvient à certaines données et interprétations importantes. Il le démontre par le choix d’un design acoustique effectué dans un musée du folklore pour représenter les sonorités du monde pastoral et les signaux acoustiques des bergers, ainsi que par l’étude de la dimension sonore des rites de la Semaine Sainte en Calabre et par l’examen attentif du rôle du son dans la mythologie selon les Mythologiques de Lévi-Strauss (que Ricci qualifie de « dénicheur de sons »).

6C’est dans le dernier chapitre, intitulé « L’énigme des relations possibles : une narration auto-ethnographique », que le volume acquiert une profondeur et un sens particuliers : en racontant avec lucidité et passion un problème médical auditif qui l’a concerné lui-même, et avec l’idée qu’« un déficit du Deuxième Sens peut révéler le Deuxième Sens » (p. 207), Antonello Ricci souligne l’importance de la pratique de l’écoute réciproque dans la composante narrative du rapport entre médecin et patient. Ce chapitre conclusif se distingue aussi par sa valeur méthodologique générale, puisqu’il propose « un cadre de sens qui rend compte et unifie dans une seule représentation l’expérience humaine personnelle et celle de l’étude et de la recherche » (p. 203).

7Un volume sur l’écoute ne peut que se fonder sur une série de matériaux multimédia. A cette fin a été adoptée une solution innovante faisant usage du QR code, qu’on peut rapidement et aisément lire à l’aide d’un smartphone. Tout au long du texte, des QR codes accompagnent la lecture et illustrent les arguments développés dans l’écrit de façon sonore et visuelle. Une liste des 63 exemples et un index des noms cités concluent ce volume riche en contenus et d’une écriture intense.

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Pour citer cet article

Référence papier

Giovanni Giuriati, « Antonello RICCI : Il secondo senso. Per un’antropologia dell’ascolto »Cahiers d’ethnomusicologie, 31 | 2018, 313-315.

Référence électronique

Giovanni Giuriati, « Antonello RICCI : Il secondo senso. Per un’antropologia dell’ascolto »Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 31 | 2018, mis en ligne le 10 décembre 2018, consulté le 14 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/3157

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Auteur

Giovanni Giuriati

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CC-BY-SA-4.0

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