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Dossier : Enfants musiciens

La transmission familiale de la musique hindoustanie ou l’incorporation d’un savoir musical (Inde du Nord)

Ingrid Le Gargasson
p. 169-185

Résumé

Bien qu’elle soit devenue marginale dans la plupart des villes de l’Inde du Nord, la transmission familiale de la musique hindoustanie au sein des communautés de spécialistes constitue un contexte de production musicale historiquement important. Pour ces musiciens dits « héréditaires », l’éducation musicale s’apparente à une véritable socialisation professionnelle, ancrée dans la structure familiale. Cet article, basé sur des données ethnographiques récoltées auprès de plusieurs lignées d’artistes installés à Delhi, expose les spécificités de cet enseignement musical où hérédité, légitimité et compétence sont intimement associées pour justifier du statut de musicien « traditionnel ». Dépassant la relation interindividuelle caractéristique de la pédagogie de maître à disciple, c’est ici la famille étendue qui est, le plus souvent, engagée dans la maturation de l’enfant. Celui-ci devient un interprète doué d’une technique, d’un style et d’un répertoire qui sont autant de marqueurs de son héritage familial.

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Texte intégral

  • 1 Ces derniers ne constituent pas un groupe social homogène. Je ne rentre pas dans le détail des comm (...)
  • 2 Sur ce mouvement de réforme et de modernisation qui a débuté à la fin du XIXsiècle, cf. notamment (...)

1Dans le contexte actuel de la musique hindoustanie, on distingue généralement les musiciens « héréditaires » (khāndānī en ourdou, du terme arabo-persan « khāndān » signifiant lignage, descendance, famille) des musiciens « non héréditaires ». Le qualificatif s’applique à un ensemble de castes et de sous-castes – dont une grande partie de confession musulmane – qui ont été, jusqu’à récemment, les principaux dépositaires et passeurs du savoir musical hindoustani1. Au XIXe siècle, cette musique de cour était une spécialisation professionnelle et le savoir se transmettait essentiellement au sein de la famille élargie, souvent du père, de l’oncle ou du grand‑père à un fils, à un neveu ou à un petit-fils. Du fait, entre autres, de l’institutionnalisation de cette tradition musicale et de l’affaiblissement du système des castes dans l’Inde urbaine contemporaine, la transmission familiale au sein des communautés de spécialistes s’est progressivement affaiblie pour ne représenter qu’une des facettes du contexte de production de la musique classique de l’Inde du Nord. Un mouvement de nationalisation, de classicisation et de patrimonialisation a, en effet, concerné la musique hindoustanie tout au long du XXe siècle, entraînant un ensemble de transformations des pratiques artistiques autant qu’une hindouisation et un embourgeoisement de ses codes de conduite2. La haute compétence et l’adaptabilité de certaines familles de musiciens « héréditaires » ont permis, néanmoins, leur repositionnement sur la scène musicale et la pérennité de leur savoir familial.

  • 3 La situation des artistes « héréditaires » comme l’identité des communautés engagées dans la pratiq (...)
  • 4 Cet article est basé sur le deuxième chapitre de ma thèse (Le Gargasson 2015) qui s’appuie sur des (...)

2Cet article a pour but d’exposer les principales caractéristiques de cette éducation musicale qui s’apparente à une véritable socialisation professionnelle ancrée dans la structure familiale. Au-delà des différences liées aux spécialités instrumentales considérées, il s’agit de présenter les grands principes gouvernant ce mode de transmission de la musique classique indienne, alors même qu’il se raréfie dans les grandes villes de l’Inde du Nord3. A partir d’informations recueillies auprès de plusieurs familles basées à New Delhi entre 2006 et 2017, et notamment de l’exemple de deux lignées de musiciens – celles du sitariste Ustad Saeed Zafar Khan et du tabliste Ustad Akram Khan – je propose d’exposer les principales étapes de la formation des enfants4. Tout en se basant sur des données ethnographiques illustrant l’expérience unique de chaque musicien et de chaque famille, cet article vise à présenter une analyse anthropologique rendant compte de logiques sociales au niveau, plus général, des communautés de spécialistes. Les termes d’incorporation, d’imprégnation et d’apprentissage implicite sont généralement utilisés pour décrire le processus de transmission familiale : quelles réalités recouvrent ces terminologies dans le contexte ici considéré ?

L’apprentissage comme participation quotidienne à la vie familiale

La formation des garçons : une responsabilité familiale partagée

  • 5 Le terme Ustād se rapporte à une personne reconnue socialement pour la maîtrise d’un certain savoir (...)

3Dans les familles de musiciens rencontrées, l’éducation musicale ne concerne habituellement que les garçons. L’enfant né dans une famille de musiciens spécialistes participe progressivement à une vie ponctuée par les activités musicales (la réparation et l’entretien des instruments, les sessions de pratique, les moments consacrés à la formation des élèves extérieurs, les rencontres musicales et les concerts, les séances d’enregistrements, etc.). Sous le regard attentif des aînés et avec leurs encouragements, le jeune garçon assiste et prend part aux différentes activités qui mêlent indifféremment vie de famille et pratique musicale, comme l’illustre le récit d’Ustad Saeed Zafar Khan. Celui-ci se présente comme un musicien khāndānī (héréditaire) incarnant la huitième génération du gharānā de Delhi, lignage comprenant « traditionnellement des chanteurs », mais qui compte également des instrumentistes. C’est son père, Ustad Zafar Ahmed Khan, qui a introduit le sitār dans la famille, instrument qu’Ustad Saeed Zafar Khan a adopté et a enseigné à son fils Suhel qui débute à présent sa carrière musicale5. Le musicien est généralement accompagné au tablā, par son frère, Rashid Zafar, qui travaille par ailleurs comme tabliste au département de musique de l’Université de Delhi. A côté des portraits de son père et de ses grands-pères exposés dans son salon, figure une photographie le représentant avec son fils : l’artiste s’inscrit dans la continuité de l’histoire familiale qui est également une histoire musicale.

  • 6 Le concept de tālīm signifie bien plus que le simple terme d’« instruction » ou de « formation » en (...)
  • 7 Entretien du 23 mai 2007, New Delhi. Toutes les traductions de l’ourdou et de l’hindi sont miennes.

« Je ne sais pas vraiment quand j’ai débuté [la musique]. Quand j’ai commencé à comprendre, cela faisait des années que j’entendais déjà le sitār. Ma formation musicale (tālīm)6 a dû commencer vers l’âge de six ou sept ans ; mais chez nous [lit. dans mon groupe (gan)], les enfants grandissent en écoutant le chant et la musique (gāna-vāda) depuis leur naissance. Il est donc difficile de dire quand ça commence vraiment. En attendant de comprendre, l’enfant chante et joue ; l’enfant chante et joue avant de parler ! […]
Dans ma maison, toutes les personnes pratiquaient : la musique était donc présente 24h/24. Mon père et mon oncle (tau) aussi m’appelaient « descends, prends ton sitār », pour deux ou trois heures de pratique [riyāẓ] et d’enseignement. Après, mon oncle me disait de m’asseoir près de lui avec le sitār. […]
Nous avions une grande maison du genre havelī, dans le vieux Delhi, où près de sept-huit personnes habitaient. Certains de mes oncles (tau) habitaient là, mon grand-père maternel (nānā) et aussi mon grand‑père paternel (dādā). […] Mon tālīm s’est fait ainsi : il n’y avait pas d’horaires particuliers, mais si quelqu’un était libre et me voyait traîner dans le coin, il me disait « assieds-toi ». Je passais ainsi deux ou trois heures. […] J’ai appris de mon père, de mon dādā, de mon nānā, de mon tā’ū (frère aîné du père). J’avais trois oncles : Ustad Hilal Ahmad Khan qui était chanteur, Ustad Nasir Ahmad Khan, chanteur, et Ustad Zahur Ahmad Khan qui était violoniste ; j’ai appris d’eux également »7.

  • 8 Aucun musicien rencontré ne parle spontanément du rôle des femmes dans sa formation. C’est seulemen (...)
  • 9 Entretien du 31 août 2016, New Delhi. Le gharānā renvoie à une « lignée musicale » à laquelle est a (...)

4S. Z. Khan a d’abord été instruit par son grand‑père et son oncle paternels, le frère cadet de son père, Sahid Zafar Khan, avant d’être formé de manière assidue par son père. Comme il le relate, un grand nombre de proches parents masculins ont directement participé à son instruction8. A présent âgé d’une cinquantaine d’années, il continue à développer ses connaissances auprès de l’actuel représentant (khalīfa ou « successeur ») de son gharānā, son cousin, le chanteur Ustad Iqbal Ahmad Khan9.

Fig. 1. Ustad S. Z. Khan enfant avec un sitār adapté à sa taille, n. d.

Fig. 1. Ustad S. Z. Khan enfant avec un sitār adapté à sa taille, n. d.

© S. Z. Khan.

5Une des particularités de l’apprentissage musical au sein des communautés de musiciens est cet engagement de la famille étendue dans la maturation du futur artiste. Celle-ci est facilitée par le partage d’un même lieu d’habitation. Le modèle de la famille élargie est encore d’actualité pour une grande majorité des musiciens spécialistes : le grand-père, le père et ses fils accompagnés de leur femme et de leurs enfants cohabitent la plupart du temps. Même devenu un interprète reconnu, le musicien continue à partager la demeure familiale, s’il suit le schéma traditionnel. Les modalités d’enseignement dépassent donc la relation interindividuelle qui définit la relation de maître à disciple pour devenir une responsabilité collective.

Fig. 2. Ustad Saeed Zafar Khan et son fils Suhel, 2016.

Fig. 2. Ustad Saeed Zafar Khan et son fils Suhel, 2016.

© S. Z. Khan.

  • 10 Dans cet article, je reproduis les dénominations et affiliations des artistes en terme de « gharānā(...)
  • 11 Entretien avec Zargham Khan et son père, Ustad Akram Khan, 27 février 2017, New Delhi.
  • 12 Pour l’artiste dont le principal maître de musique (guru) est un membre de sa famille, la relation (...)
  • 13 Aujourd’hui, la radio gouvernementale a perdu de son prestige et ne présente plus un emploi enviabl (...)

6Ce point se retrouve dans le parcours d’Ustad Akram Khan, l’un des joueurs de tablā les plus demandés de la capitale indienne et représentant du gharānā dit « d’Ajrada »10. Son apprentissage formel a débuté vers l’âge de dix ans avec son arrière‑grand-père, alors âgé de quatre-vingt-dix-sept ans, avant de se poursuivre avec son père, Ustad Hashmat Ali Khan (décédé en avril 2017)11. Il enseigne à présent l’art de cet instrument à son fils de treize ans, Zargham, qui, quant à lui, a débuté son apprentissage à l’âge de neuf ans avec son grand-père (Ustad Hashmat Ali Khan). Le musicien précise, non sans fierté, que son fils représente la huitième génération de joueurs de tablā de sa famille. Le maître a également formé deux de ses neveux à l’instrument, dont le jeune tabliste professionnel Zuheb Ahmed Khan, ainsi que son beau-frère (le jeune frère de sa femme)12. Le tablā est l’instrument phare de cette famille originaire de Meerut dans l’Etat de l’Uttar Pradesh. Ustad Akram Khan explique que ses ascendants étaient musiciens à la cour de Baroda et que son arrière-grand-père comme son père ont travaillé pour le Shriram Bharatiya Kala Kendra, une école de danse et de musique située au cœur de Delhi. Son père était également musicien salarié de la radio nationale, la All India Radio. Après la chute des cours princières, peu après l’Indépendance (1947), la radio a été le principal employeur des musiciens classiques13. Certains ont également été employés dans des institutions d’enseignement en tant que musiciens accompagnateurs ou instructeurs, qu’il s’agisse d’écoles de musique ou de départements universitaires des arts de la scène. Le système oral d’apprentissage de maître à disciple restant la formation privilégiée par les mélomanes se dédiant à une carrière musicale, les concertistes ont été et continuent à être sollicités, en parallèle, par nombre d’élèves, à l’image d’Ustad Akram Khan.

Fig. 3. Zargham Khan au tablā, 2017.

Fig. 3. Zargham Khan au tablā, 2017.

© I. Le Gargasson.

7A l’unité spatiale correspond, souvent, une circulation des biens : les gains sont généralement mutualisés pour subvenir aux dépenses de l’ensemble des membres de la maisonnée. En toute logique, les musiciens âgés qui ne sont plus en activité sont à la charge des plus jeunes. La transmission familiale est à la fois transgénérationnelle et intragénérationnelle, les frères aînés et les cousins plus âgés pouvant intervenir ponctuellement dans la formation d’un frère ou d’un cousin plus jeune. Cette transmission s’appuie sur une logique de réciprocité élargie. La solidarité familiale se retrouve également dans la sollicitation des membres de la famille pour toute opportunité musicale se présentant à l’un d’entre eux, qu’il s’agisse de réaliser l’accompagnement rythmique ou mélodique, ou d’une proposition d’emploi à laquelle ce dernier ne pourrait répondre favorablement.

Les jeux musicaux : premier stade d’apprentissage

  • 14 Je présente ici des tendances générales issues de l’analyse de données de terrain : des contre-exem (...)
  • 15 Les films dépeignent le contexte d’apprentissage des familles de musiciens, à partir de plusieurs e (...)

8C’est généralement par le biais de jeux musicaux que, à l’âge de deux ou trois ans, l’enfant commence à interagir avec son univers, un monde fait de musique. Ces jeux permettent la sollicitation de l’oreille et le travail de la justesse de la production vocale dès la tendre enfance. Les musiciens encouragent également leurs fils à manipuler les instruments en leur donnant une version réduite de ceux-ci14. La dimension ludique entraîne un engagement actif de la part de l’enfant. Le film Sangeet ka khel (Music as a play), de la série Growing into music in North India, illustre ce point15. Réalisé par l’ethnomusicologue Nicolas Magriel (2012), il présente le saranguiste Sarwar Hussain et ses deux jeunes fils, Amman et Arman, âgés respectivement de quatre et trois ans en 2009. La caméra saisit leurs jeux de rôle qui prennent les instruments pour objets. Les deux petits garçons « jouent aux musiciens », l’un imitant le chanteur et l’autre le joueur de tablā, ou l’un jouant de la sāraṅgī (vièle à archet) quand son frère l’« accompagne » au tablā. Par ces mises en situation, ils reproduisent le modèle interactionnel de toute performance hindoustanie, mais surtout le modèle formé par leur père et leur jeune oncle, Shahnawaz, quotidiennement observés par les jeunes garçons. Les deux enfants imitent également les gestes de leurs aînés quand ils jouent à « accorder » la sāraṅgī et le tablā, en manipulant les chevilles de la vièle avec l’outil prévu à cet effet ou en frappant les peaux du tambour avec le marteau permettant d’ajuster leur hauteur. En leur donnant une petite sāraṅgī en bois à une corde avec un petit archet, également en bois, adapté à leur taille – objets capables de résister à tous les mauvais traitements – Sarwar Hussain encourage ouvertement ses fils à la manipulation des instruments. J’ai eu l’opportunité de rencontrer Sarwar Hussain à Bhopal, dans la résidence familiale, en décembre 2006, avant qu’il ne rejoigne la prestigieuse ITC – Sangeet Research Academy à Kolkata. Alors qu’Amman était âgé d’à peu près un an, Sarwar Hussain le mettait déjà en scène avec la sāraṅgī, un instrument hérité de ses ascendants et daté de près de cent cinquante ans.

  • 16 Propos tenus dans le film par Sarwar Hussain et que je reformule ici.

9L’environnement musical familial est favorable à la constitution implicite de repères sonores. Les deux fils de Sarwar Hussain distinguent déjà la fonction mélodique de la fonction rythmique des instruments et peuvent identifier le premier temps du cycle rythmique, temps généralement plus accentué et qui constitue un point de repère dans la performance. Plusieurs scènes du film montrent en effet l’excitation des enfants qui marquent d’un geste ou d’un son le premier temps du cycle (sam), pendant que leur père et leur oncle pratiquent, soulignant la finesse de leur perception auditive. A presque quatre ans, Amman chante chaque degré de l’échelle sur le nom des notes et reproduit les enchaînements mélodiques proposés par son père. Ce dernier le reprend sur la justesse de la production vocale à chaque note chantée faux, illustrant l’exigence d’une juste intonation dès le stade initial. Sarwar Hussain explique au réalisateur qu’il souhaite faire de son fils aîné un joueur de sāraṅgī et de son fils cadet un chanteur. Pour l’instant, il leur enseigne quelques chants en s’amusant mais projette de leur consacrer d’ici peu un enseignement quotidien. Pour Amman, l’apprentissage de la sāraṅgī ne débutera cependant pas avant ses sept ou huit ans, l’essentiel étant qu’il continue de développer son goût (shauq) pour l’instrument en s’amusant avec la « sāraṅgī-jouet »16. La familiarisation par exposition continue développe des dispositions particulières chez l’enfant telles qu’un affinement de la perception auditive et des capacités d’observation, mais surtout une sensibilité et un goût pour l’art musical.

Fig. 4. Le joueur de sāraSarwar Hussain et son jeune fils, Amman, 2006.

Fig. 4. Le joueur de sāraṅgī Sarwar Hussain et son jeune fils, Amman, 2006.

© I. Le Gargasson.

10Il y a une stimulation et une sollicitation progressives de l’enfant. L’entourage joue un rôle crucial dans l’orientation des activités. Les aînés de la famille savent qu’en procédant à ces jeux musicaux, ils aident leur fils à développer des aptitudes en adéquation avec le dessein professionnel familial. L’identification du garçon au rôle du père participe à l’acquisition de dispositions, par le biais du mimétisme, au même titre que la dimension affective de l’environnement pédagogique. Le savoir est incorporé par l’action et découle d’une participation à la vie familiale. Plus que l’anthropologie, la psychologie s’est intéressée aux dynamiques à l’œuvre dans l’apprentissage infantile de la musique, notamment dans la musique classique occidentale. Parmi les travaux importants, citons Howe et Sloboda (1991) et Howe et al. (1995, 1998). Sloboda (2004 : 541-542) souligne le lien entre les jeux musicaux réalisés au sein des familles d’artistes, au cours de la prime enfance, et la réussite de l’élève au moment d’un apprentissage formalisé de la musique intervenant dans une phase ultérieure. Le jeu apparaît dans ce cadre comme un exemple d’apprentissage implicite, sans contrainte, adapté au développement cognitif de l’enfant.

Un enseignement oral formalisé

  • 17 La position assise est associée à la pratique musicale : le verbe « asseoir » (baiṭnā) est donc rég (...)

11Après la phase de familiarisation qui intègre la découverte ludique des instruments, un apprentissage explicite débute avec les premières leçons régulières, entre l’âge de six et douze ans selon les familles et les instruments concernés. Au cours de cette deuxième phase, l’enfant « s’assoit » chaque jour pour pratiquer17. Il s’agit de lui inculquer, de manière plus méthodique – même si les cours sont rarement planifiés d’avance et ont rarement lieu à heures fixes –, la posture et la tenue correcte de l’instrument, puis la production d’un son « beau » (sundar), « stable » (sadhā) et « juste » (surilā). Il y a une sollicitation progressive de l’enfant, en fonction de ses capacités motrices et cognitives. Au cours des premières leçons, les enfants se familiarisent avec les sargam, le système de « notation orale » nommé d’après la forme abrégée des quatre premières notes de l’échelle (Sa, Re, Ga, Ma). Tel le solfège, le système indien des sargam est utilisé comme support de l’instruction orale. La syllabisation est centrale dans l’apprentissage vocal autant qu‘instrumental. Parallèlement aux sargam, l’élève découvre le système des bol, enchaînements d’onomatopées qui désignent les frappes du tablā et qui matérialisent le ṭhekā, l‘agencement particulier d’un cycle rythmique (tāl). Les bol permettent de verbaliser et de mémoriser les subdivisons rythmiques du cycle comme la vidéo de Zargham Khan l’illustre.

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Document 1. Zargham Khan présente plusieurs compositions au tablā, février 2017
Crédits : © I. Le Gargasson.

13Les premiers temps de l’apprentissage sont tournés vers la maîtrise technique. C’est la précision d’exécution, la rapidité et la souplesse du geste qui sont travaillées pour les instrumentistes, la plasticité et la stabilité de la voix pour les chanteurs. Le geste technique est perfectionné par l’intermédiaire d’exercices nommés palṭā (« rotation ») ou alaṅkār (« ornementation »). Les premiers exercices consistent en la réalisation de gammes, puis en la répétition de combinaisons de notes transposées sur chaque degré de l’échelle, en montée puis en descente, dans un cadre rythmique donné. Les enchaînements se complexifient peu à peu avec diverses permutations et répétitions d’une ou plusieurs notes, dans un tempo de plus en plus rapide. Ceux-ci sont souvent réalisés dans le rāga du soir yaman et le rāga du matin bhairav, qui sont généralement les deux premiers modes enseignés, avant d’être exécutés dans d’autres rāga. Bien que pouvant être mises par écrit dans d’autres contextes pédagogiques, ces pièces didactiques sont généralement apprises et mémorisées oralement dans les familles de musiciens. Leur répétition permet à l’élève d’acquérir le système de doigtés, mais également de maîtriser les enchaînements particuliers à un rāga donné, en fixant ses mouvements caractéristiques sous les doigts de l’interprète. La formation, centrée sur le principe d’imitation et de mémorisation, favorise l’incorporation du geste musical.

  • 18 Un ensemble de caractéristiques est attaché à ce que doit être le riyāẓ, tant au niveau de la durée (...)
  • 19 1er février 2015, Paris.
  • 20 Par exemple : Helmlinger 2001, Mabru 1997, Molino 1988 et Rahaim 2012.

14L’importance des séances d’entraînement, du riyāẓ, est soulignée dès les débuts de l’apprentissage18. La principale qualité d’un disciple est son travail régulier et intensif de l’instrument ou de la voix. Zargham Khan pratique ainsi quotidiennement sur un instrument adapté à la taille de ses mains. Les artistes savent dater de manière précise le début du tālīm (l’instruction) reçu du père ou d’un autre parent. Questionnés sur leur formation et leur parcours, c’est généralement cette étape qui est rappelée et détaillée : les séances de pratique quotidiennes qui prennent place après l’école. La routinisation de la répétition doit favoriser l’inscription corporelle des « bons » gestes. Les artistes en ont pleinement conscience comme un dicton local mentionné par le sitariste Ustad Usman Khan le souligne : « nos gurus expliquaient : en premier lieu, travaille avec ton corps, puis travaille avec ton esprit et enfin, mets-y ton cœur »19. Cette corporéité de l’apprentissage du musicien tout autant que la dimension somatique de la mémoire orale ont déjà été soulignés par nombre de chercheurs20.

  • 21 Entretien du 31 août 2016, Delhi.

15Ustad Saeed Zafar Khan a débuté son éducation musicale formelle vers l’âge de six ou sept ans, et il se rappelle de son premier concert donné à l’âge de dix ans. Son fils Suhel, à présent âgé de vingt-sept ans, a commencé la musique à cinq ans : il a appris à chanter avant de pratiquer le sitār. A l’instar de ce dernier, les élèves débutent généralement par le chant même s’ils deviennent instrumentistes21. Dans certaines familles de musiciens, on enseigne également une connaissance minimale du jeu des tablā. Cette approche globale de l’instruction musicale qui vise la diversité des compétences constitue une des spécificités de ce contexte d’enseignement de la musique hindoustanie. Le jeune garçon doit maîtriser les codes de l’art vocal et de l’art rythmique pour devenir, selon eux, un « bon musicien ».

L’imitation comme dispositif pédagogique

  • 22 Alors que la transmission de type « héréditaire » est une transmission familiale, toutes les transm (...)

16L’imitation apparaît comme le principal dispositif pédagogique, à la fois comme procédé explicite d’apprentissage, mais également à un niveau tacite comme modèle social. Ce dernier point nous renvoie au concept d’« imitation prestigieuse » développé par Marcel Mauss dans son célèbre article « Les techniques du corps » (1936). L’imitation prestigieuse renvoie à la manière dont les enfants imitent les « gestes efficaces » d’une personne à leurs yeux porteuse de prestige. Bourdieu (1972) emploie, pour sa part, les termes de « mimétisme » et de « mimesis » pour décrire ce phénomène inconscient qui s’appuie sur un rapport d’identification et de faire semblant, à l’instar des enfants de Sarwar Hussain présentés précédemment. Cet aspect du processus d’imitation, crucial dans la première phase de l’apprentissage, constitue une particularité du milieu des musiciens « héréditaires » par rapport aux autres contextes de transmission de la musique hindoustanie22. Cet apprentissage oral s’accompagne souvent d’une mise à distance de l’approche livresque et de la logique de l’écriture, même si la plupart des jeunes musiciens sont aujourd’hui familiers de la notation musicale indienne.

17L’autre aspect de l’imitation, l’imitation consciente de l’apprenant, est une dimension centrale dans l’enseignement de la musique hindoustanie, quel que soit le contexte considéré. L’apprenti est formé à « attraper au vol » (pakarna en hindi) des enchaînements mélodico-rythmiques. La capacité à reproduire d’oreille, exactement et dans l’instant, une phrase mélodico-rythmique est une compétence essentielle, travaillée dès les débuts de l’éducation musicale. La reproduction de l’improvisation du maître permet à l’élève d’appréhender un rāga à partir de ses variations. C’est à force de répéter après l’enseignant des séquences présentant sous un jour nouveau un même matériel sonore que l’élève intègre la grammaire d’un rāga et les règles d’exécution musicale. Il s’agit d’un apprentissage par l’exemple qui donne une grande place à l’induction. La copie constitue le premier pas vers la création : elle ouvre aussi la voie vers l’autonomisation de l’apprenant. Celui-ci peut, par exemple, étendre sa connaissance des rāga et son répertoire en écoutant les enregistrements audio, anciens comme récents, aisément accessibles sur Internet. Le savoir enseigné aux enfants ne diffère pas du savoir inculqué aux adultes débutants : autrement dit, il n’y a pas de répertoires enfantins spécifiques.

  • 23 En janvier 2017, soit quelques mois avant le décès d’Ustad Hashmat Ali Khan.

18Lorsqu’il a acquis une bonne maîtrise du système musical, l’adolescent fait progressivement l’apprentissage de la scène. Ustad Saeed Zafar Khan accompagnait régulièrement son père en concert, comme son fils Suhel le fait à son tour. Zargham Khan commence également à accompagner sur scène son père et son grand-père, âgé de plus de quatre-vingt ans au moment de notre rencontre en 2016. Tous trois ont joué ensemble pour le prestigieux festival de musique classique Saptak à Ahmedabad (Goujarat)23. L’enregistrement audio-visuel de ce récital montre l’encouragement verbal et gestuel d’Ustad Hashmat Ali Khan à l’égard de son petit-fils qui présente une composition difficile en tempo rapide dans le cycle rythmique de seize temps tintāl [cf. vidéo 2].

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Document 2. Ustad Hashmat Ali Khan, Shri Akram Khan et Shri Zargham Khan : trio de tablā au festival annuel Saptak, 2017

  • 24 La question de la liberté individuelle de l’enfant ou de l’adolescent dans le choix de son futur mé (...)

20L’apprentissage in situ permet à l’élève de se familiariser avec les règles de comportement du musicien et les attentes de l’auditoire. Cette étape de mise en situation constitue un aspect essentiel de l’instruction traditionnelle, celle-ci participant à la maîtrise de l’étiquette (ādāb), d’un « savoir-être » très important dans le milieu de la musique classique indienne. Le temps du premier concert et des premiers applaudissements confirme le souhait de certains enfants de devenir musiciens. Le regard positif de l’auditoire conforte le novice dans son rôle, tout en facilitant une projection d’un futur professionnel depuis longtemps esquissé par la famille24. L’obtention d’un prix est également source de motivation : félicité par son entourage, l’enfant est encouragé à poursuivre ses efforts journaliers. La famille est la première source d’encouragements et de critiques pour l’apprenti musicien. En tant que futur représentant d’une lignée, le garçon est, déjà, investi d’une responsabilité familiale. Il doit se montrer à la hauteur du prestige associé à son nom. L’appartenance à un lignage musical est source de privilèges, mais également d’obligations. L’interprète doit mener sa carrière en opérant des choix musicaux et sociaux s’accordant avec la renommée et l’éthique familiales. L’importance du nom de ses ascendants, notamment celui du père, impose une certaine conduite, comme le commente Ustad Akram Khan :

  • 25 Entretien du 27 février 2017, New Delhi.

« [pour les artistes issus de familles de musiciens,] la responsabilité est double ! Si Zargham devient un joueur de tablā médiocre, les gens ne l’accepteront pas car il vient d’une famille de joueurs de tablā ! Les gens attendent de lui beaucoup plus que d’un joueur de tablā qui ne vient pas d’une famille de musiciens. […] Et la famille non plus ne l’acceptera pas : elle lui dira : pourquoi as‑tu choisi cet instrument ? Tu peux facilement arrêter et faire un autre travail ! Pour la famille, à partir du moment où tu choisis cet instrument, tu dois devenir numéro un ! »25

La musique, une histoire de famille

Un savoir professionnel et une économie des choix musicaux

  • 26 Les femmes ont, bien souvent, indirectement participé à la transmission du savoir musical entre lig (...)
  • 27 Entretien du 27 février 2017, New Delhi.
  • 28 Entretien du 23 mai 2007, New Delhi.

21Alors que les garçons sont rapidement intégrés aux activités musicales, des restrictions entravent la formation des filles dans ces groupes de spécialistes, notamment au sein des familles musulmanes. Les femmes restent exclues de la transmission musicale, même si elles peuvent acquérir de manière informelle une connaissance non négligeable du répertoire. Au sein de ces communautés, la ligne de transmission du savoir musical suit strictement la lignée patrilinéaire ou concerne une autre lignée à travers le mariage d’une fille26. Le milieu des artistes « héréditaires » oppose clairement le statut de musicienne à celui de femme mariée. Enfants, les filles sont tolérées dans la pièce réservée à la pratique musicale et leur habileté ou disposition à l’apprentissage ne sont pas niées, mais il y a peu d’incitations et de sollicitations d’ordre musical de la part de la famille. Ustad Akram Khan n’a ainsi pas souhaité former sa fille à son instrument, mais il l’encourage, en revanche, à poursuivre ses études27. Ustad Saeed Zafar Khan explique, quant à lui, que dans son milieu, « les filles peuvent apprendre la musique, mais elles ne peuvent pas se produire sur scène. Elles ne peuvent pas donner de performance. Dans notre tradition, nous ne l’autorisons pas »28. Il en va du prestige de la famille : ce point est notamment lié à la question du mariage des femmes.

22Certaines remarques laissent cependant entrevoir une situation plus complexe que le discours officiel. En effet, ce n’est pas parce qu’elles ont l’interdiction de se produire sur scène que les femmes ne participent pas à la transmission du savoir. Ainsi, Ustad Saeed Zafar Khan explique :

« Elles connaissent beaucoup de choses. Elles se souviennent des poèmes lyriques dans chaque rāga. […] On enseigne aux filles car, s’il y a des enfants à la maison, elles doivent être capables de dire si ce qu’ils jouent est correct ou non ».

  • 29 Entretien du 31 août 2016, New Delhi.

Il reconnaît avoir également appris des compositions de l’une de ses tantes : « J’avais l’habitude d’apprendre avec elle. Elle m’a enseigné de nombreux poèmes chantés (bandiś), par exemple en puriyā dhanaśrī, en purvī, en śahānā [noms de rāga] »29.

23Le choix de l’instrument et de la spécialité découlent d’un ensemble de considérations relevant d’une inscription verticale, dans la lignée de ses ascendants, et horizontale, au sein de la fratrie. Le choix individuel tout comme des considérations stratégiques – les instruments en vogue sur la scène musicale, la diversification des talents familiaux, c’est-à-dire la distinction des formations reçues entre frères et cousins d’une même génération pour élargir les chances de patronage – peuvent amener l’enfant à se tourner vers un autre instrument que l’instrument « familial ». L’analyse des spécialités musicales des membres de plusieurs familles met en lumière une véritable économie des choix musicaux pensée au niveau de la famille élargie. Deux principes se dessinent et se combinent tour à tour : le principe de la spécialisation et celui de la diversification. Ces deux dynamiques sont tendues vers un même but, celui de l’insertion professionnelle des membres de la famille sur la scène musicale.

24La logique de spécialisation suivie par certaines familles vise à les imposer comme les représentants privilégiés d’une certaine pratique instrumentale. L’adoption par le jeune garçon de l’instrument prévalant dans sa famille permet une accumulation des connaissances techniques d’une génération à l’autre, à l’image de la lignée d’Ustad Akram Khan. L’étape ultime est de forger un style musical distinctif qui deviendra une signature familiale. Pour certaines familles, la nécessité de diversifier les compétences artistiques découlent, en revanche, de plusieurs facteurs : 1) la maximalisation des opportunités pour chaque membre d’une même fratrie, 2) l’adaptation à la demande musicale du moment (en considérant les instruments à la mode), et éventuellement 3) l’envie de se distinguer d’une autre branche du lignage en développant sa propre identité musicale. Il est ainsi courant de former au moins un des membres d’une fratrie à la pratique professionnelle du tablā afin que ce dernier accompagne ses frères et bénéficie de la rémunération allouée au percussionniste. La famille considère généralement les capacités et prédispositions de l’enfant dans son orientation musicale, parallèlement à ses propres ambitions. Le choix de la spécialité est donc réactualisé à chaque génération.

Une naturalisation du savoir

  • 30 Baily et Doubleday (1988) font les mêmes remarques à propos de musiciens afghans (sāzandeh).

25Comme le soulignait le récit initial d’Ustad Saeed Zafar Khan, les artistes khāndānī ne font généralement pas de distinction entre les moments de l’apprentissage et la vie quotidienne, les deux étant intimement liés. L’image idéale portée par la tradition orale va dans le sens de cette conjonction entre le temps de la formation et le temps du quotidien. Ceci est d’autant plus vrai que l’apprentissage existe en dehors des moments réservés à l’enseignement et à la pratique proprement dits. Cet environnement musical favorise l’internalisation d’un ensemble d’éléments, musicaux et sociaux, sans effort conscient de la part de l’enfant. Plusieurs artistes issus de familles de musiciens professionnels rencontrés mettent en avant le fait d’être nés dans un environnement musical et d’avoir bénéficié, de la sorte, d’un apprentissage passif. Le milieu quotidien agirait sur l’enfant en participant au développement de sa compréhension et de ses facultés auditives. L’exposition passive à la musique est de fait valorisée et reconnue comme une « méthode » en soi par les artistes khāndānī comme par les non-khāndānī. L’idée d’une acquisition naturelle de compétences musicales se traduit par des expressions telles que « je suis né en musique », « c’est venu naturellement », « c’est dans le sang », « c’est notre tradition ». Les discours soulignent bien souvent le caractère inné de la musicalité, le « don » présent dans les familles de musiciens « héréditaires ». Il y a, en d’autres termes, une croyance en un talent hérité, entendu au sens de capacité innée, et une tendance à la naturalisation des savoirs de la part de certains musiciens30. Cette reconstruction intervient, a posteriori, pour expliquer et justifier un choix professionnel. Dans le cas présent, les liens du sang sont revendiqués et associés à une qualification héréditaire. Hérédité, légitimité et compétence sont ici intimement rapprochées pour justifier le statut du musicien et revendiquer une identité d’« artiste traditionnel ».

26Les liens du sang sont fortement valorisés par l’opinion publique comme par le milieu musical : le crédit d’un artiste passe dans les premiers temps autant par la réputation de ses ascendants que par son talent. Dans une conception essentialiste, le « don » d’un artiste est fortement associé à son origine familiale. Comme avait déjà pu le remarquer l’ethnomusicologue Regula Qureshi à propos des familles de joueurs de sāraṅgī qu’elle avait rencontrés, « l’hérédité est la première source d’autorité » (2007 : 292). Ce phénomène se retrouve dans de nombreux contextes professionnels dans lesquels l’enfant n’hérite pas seulement d’un savoir mais d’un métier (Delbos et Jorion 1990, Jacques-Jouvenot et Vieille Marchiset 2012 par exemple). Il est aussi symptomatique du mythe de l’artiste, comme le souligne la littérature sociologique sur le sujet (Heinich 2005, Menger 2009). P.-M. Menger constate ainsi que « la dimension du choix est niée par le schème de l’appel irrésistible de la vocation, l’aléa de la réussite [s’efface] derrière le motif de la prédestination (incarné dans l’image de la précocité du talent), l’épreuve de l’acquisition des compétences est masquée par l’évidence du don » (2009 : 187). Le discours d’absorption des qualités musicales n’élude pas, toutefois, les années de pratique quotidienne nécessaires à la maîtrise du répertoire : ces deux aspects composent les deux faces d’une même éthique pédagogique.

Un héritage à réinvestir à chaque génération

  • 31 En l’absence de données chiffrées, il est difficile d’évaluer la proportion des musiciens dits « hé (...)

27Bien que l’exercice du métier de musicien hindoustani soit à présent le résultat d’un choix professionnel, la transmission du savoir se maintient dans les familles issues de communautés de musiciens qui ont réussi à s’adapter aux nouvelles conditions de patronage artistique. Ces familles se distinguent de celles qui connaissent une situation de précarité, à l’image de certaines familles de saranguistes (Jugand 2012, Magriel 2001 : 36, Qureshi 2007 : xxii, 1, 13), ou du gharānā de Lucknow, un lignage musical célébré par le passé et aujourd’hui en passe de disparaître (Katz 2017)31. La situation professionnelle est globalement difficile pour les musiciens qui n’appartiennent pas au cercle très fermé des célébrités. Dans le contexte actuel de diversification des professions liées au domaine musical, le statut de concertiste reste un dessein souvent inatteignable. Bien que plus accessible, le rôle d’enseignant est, socialement et financièrement, moins valorisé. L’artiste classique doit, bien souvent, endosser ces deux rôles pour vivre de son art.

  • 32 Entretien du 23 mai 2017, New Delhi.

28La pérennité du lignage dépend, avant tout, de la volonté des aînés d’engager leur descendance sur la même voie. La paupérisation d’une lignée familiale fragilise indubitablement la transmission du savoir. Former ou non sa descendance à la musique est un vrai dilemme pour les musiciens professionnels, pris entre l’envie de pérenniser l’héritage de leurs aïeux et leur occupation traditionnelle, d’une part, et la volonté d’offrir une vie décente et socialement valorisée à leurs enfants, d’autre part. Considérant la faible rémunération des musiciens en début de carrière et le caractère aléatoire et irrégulier des gains, parallèlement à un prestige social équivoque, les doutes des artistes « héréditaires » sont légitimes. Conserver l’héritage familial ou se tourner vers une profession plus rémunératrice ? Ce choix difficile a été celui d’Ustad S. Z. Khan qui me confia, non sans amertume, son engagement quotidien dans le maintien d’un niveau d’excellence musicale, alors que, dans le même temps, les opportunités de concert se raréfient, du moins pour les solistes32. Le travail quotidien nécessaire à l’acquisition de compétences musicales est souvent vécu comme un sacrifice s’il n’est pas compensé par une reconnaissance et un soutien de la société, souvent synonyme d’une réussite financière.

29L’ascension sociale de certaines familles de spécialistes est passée par l’éducation scolaire de leurs enfants et l’adoption de professions considérées plus « nobles ». L’éducation est clairement devenue un enjeu pour les musiciens khāndānī : de plus en plus, ils investissent leur capital économique dans ce capital social en inscrivant leurs enfants à l’université. Parallèlement au développement de sa carrière comme soliste, Suhel Saaed Khan poursuit un cursus au département de musique de l’Université de Delhi et prépare un travail académique sur son gharānā. Ustad Akram Khan explique, quant à lui, qu’il souhaite que Zargham devienne, si possible, un haut fonctionnaire d’Etat. Il reconnaît, cependant, que la situation des joueurs de tablā n’est pas à plaindre : en tant qu’accompagnateur, les opportunités sont nombreuses et les rémunérations qu’il perçoit sont beaucoup plus importantes que celles que recevait son père. C’est enfin par l’inscription dans des scènes musicales diversifiées et internationalisées que nombre de jeunes artistes souhaitent aujourd’hui s’imposer. Les scènes de musiques actuelles présentent des possibilités de travail plus lucratives que le milieu classique tout en offrant des retombées plus rapides, en termes de popularité et de rémunération.

Conclusion

30Au sein des familles de musiciens spécialistes, une transmission tacite précède et se superpose à un enseignement par prescriptions et démonstrations. Très tôt sollicité par son environnement, le garçon développe des capacités et dispositions en plus d’un attrait pour les activités d’ordre musical. C’est dans un continuum pédagogique entre enseignement implicite et explicite que les capacités du jeune garçon sont façonnées. Jour après jour, année après année, l’enfant se construit comme musicien. Il devient un interprète doué d’une technique, d’un style et d’un répertoire qui sont autant de marqueurs de son héritage familial.

31Pour les musiciens khāndānī, « se faire un nom » sur la scène musicale est un long parcours qui relève d’une stratégie autant individuelle que collective impliquant à chaque niveau un engagement esthétique vis-à-vis de l’héritage reçu. La double logique de diversification et de spécialisation a orchestré la reproduction familiale en vue d’une intégration à l’espace musical professionnel, permettant de s’assurer d’un patronage constant. Les trajectoires biographiques familiales présentées dans cet article témoignent des évolutions de ces modalités de patronage.

32Tandis que le système de mécénat aristocratique a laissé progressivement la place à un système de patronage national public au tournant des années 1950, la transition des dernières décennies est marquée par l’essor de la sponsorisation et par l’internationalisation des réseaux de production et de diffusion de la musique hindoustanie. Les familles présentées pérennisent une culture musicale particulière qui a influencé toutes les facettes de l’histoire contemporaine de la musique hindoustanie, tout en se transformant puisque les acteurs eux‑mêmes circulent d’un contexte socio-musical à l’autre. Ainsi, il y a fort à parier que, dans les décennies à venir, la transmission du savoir musical s’ouvrira progressivement aux filles dans ces communautés de musiciens, comme des cas de figure récents tendent à le laisser penser.

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Magriel Nicolas, n.d., Ustad Saeed Zafar Khan, Suhail Zafar Khan. Delhi : Doordarshan, 7’11 min, accessible sur www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=ZIlIU68-Vvk

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Notes

1 Ces derniers ne constituent pas un groupe social homogène. Je ne rentre pas dans le détail des communautés concernées, ni de leur dénomination, d’autant que les musiciens hindoustanis « héréditaires » revendiquent rarement ouvertement leur identité de caste, surtout quand celle-ci renvoie à un bas statut social. Précisons aussi que les recensements réalisés en Inde du Nord à la fin du XIXe siècle soulignent l’importance numérique des femmes chanteuses et danseuses issues de communautés de spécialistes, dont certaines d’organisation matrilinéaire : pour plus d’information sur ces différents points, cf. Le Gargasson (2015 : 146-156).

2 Sur ce mouvement de réforme et de modernisation qui a débuté à la fin du XIXsiècle, cf. notamment Bakhle 2006, Capwell 2010, Rosse 2010.

3 La situation des artistes « héréditaires » comme l’identité des communautés engagées dans la pratique musicale varient d’une région à l’autre. Delhi est une ville qui compte un grand nombre de musiciens khāndānī musulmans, contrairement à Pune et Varanasi par exemple. Le Maharashtra est un Etat où, depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, des castes brahmaniques se sont engagées dans la transmission de la musique hindoustanie, tandis que dans l’actuel Uttar Pradesh, entre Allahabad et Varanasi, les kathak, caste d’artistes hindous, sont spécialisés, depuis le XVIIe siècle au moins, dans des activités musicales et dansées.

4 Cet article est basé sur le deuxième chapitre de ma thèse (Le Gargasson 2015) qui s’appuie sur des observations ponctuelles et sur les récits de vie de dix artistes d’expériences et de spécialisations diverses (des joueurs de sāra, de sitār, de flûtes surī, un joueur de śahnāī, un violoniste et un chanteur de khayāl). Ces données ont été complétées par des entretiens réalisés à Delhi en 2016 et en 2017 avec le joueur de tablā Ustad Akram Khan et son fils Zargham Khan, ainsi qu’avec le sitariste Ustad Saeed Zafar Khan et son fils Suhel Saeed Khan. Au-delà de la diversité des spécialités et des parcours, des points communs se notent dans les pratiques de transmission et dans les valeurs portées par les acteurs présentés, permettant une mise en perspective de cette catégorie « musiciens héréditaires ».

5 Le terme Ustād se rapporte à une personne reconnue socialement pour la maîtrise d’un certain savoir. Il est utilisé comme titre honorifique pour les artistes musulmans.

6 Le concept de tālīm signifie bien plus que le simple terme d’« instruction » ou de « formation » en français. Il renvoie à un système pédagogique complexe qui englobe les différentes facettes du savoir enseigné. Il sous-tend aussi bien la forme que le contenu et inclut la connaissance des règles de comportement.

7 Entretien du 23 mai 2007, New Delhi. Toutes les traductions de l’ourdou et de l’hindi sont miennes.

8 Aucun musicien rencontré ne parle spontanément du rôle des femmes dans sa formation. C’est seulement quand la question est posée que des informations sur cette dimension sont données. Ainsi, S. Z. Khan reconnaît avoir appris des poèmes lyriques (bandiś) d’une de ses tantes et explique que sa mère, Begum Buland Akhtar Zafar, surveillait ses sessions de pratique et y participait même en marquant la division du cycle rythmique sur des boîtes de sucre ou de sel pendant qu’il chantait ou jouait. Pour le motiver et le récompenser après cet entraînement, il se rappelle qu’elle lui confectionnait un cerf-volant. Entretien du 31 août 2016, New Delhi.

9 Entretien du 31 août 2016, New Delhi. Le gharānā renvoie à une « lignée musicale » à laquelle est associée un style de jeu ou de chant. Le nom d’un gharānā se réfère généralement au lieu d’origine de son fondateur. La notion qui se serait développée au début du XXe siècle est initialement liée au genre vocal khayāl. A l’origine, le gharānā était constitué de personnes unies par des liens de sang avant d’intégrer les disciples extérieurs au lignage (khāndān). Dans le système des gharānā, l’esthétique devient une marque sociale et l’appartenance à une lignée musicale reconnue s’assimile à un capital symbolique. Cf. Neuman (1990) sur l’importance des discours et des stratégies qui sont liées aux généalogies et qui visent à démontrer l’authenticité et la pureté d’un lignage.

10 Dans cet article, je reproduis les dénominations et affiliations des artistes en terme de « gharānā » tels qu’ils se sont présentés.

11 Entretien avec Zargham Khan et son père, Ustad Akram Khan, 27 février 2017, New Delhi.

12 Pour l’artiste dont le principal maître de musique (guru) est un membre de sa famille, la relation d’enseignement est autant, voire plus, valorisée que le lien filial : la relation de maître à disciple vient, en quelque sorte, sanctifier la relation de parenté.

13 Aujourd’hui, la radio gouvernementale a perdu de son prestige et ne présente plus un emploi enviable pour la jeune génération de musiciens classiques, même si la plupart y restent inscrits comme « artistes occasionnels » (casual artists).

14 Je présente ici des tendances générales issues de l’analyse de données de terrain : des contre-exemples peuvent donc se rencontrer.

15 Les films dépeignent le contexte d’apprentissage des familles de musiciens, à partir de plusieurs exemples d’enfants, suivis sur plusieurs années (entre 2009 et 2011 pour l’essentiel). Ils sont consultables en ligne sur le site http://growingintomusic.co.uk/north-indian-art-music/.

16 Propos tenus dans le film par Sarwar Hussain et que je reformule ici.

17 La position assise est associée à la pratique musicale : le verbe « asseoir » (baiṭnā) est donc régulièrement mentionné en conjonction avec les moments d’apprentissage.

18 Un ensemble de caractéristiques est attaché à ce que doit être le riyāẓ, tant au niveau de la durée que des conditions et du contenu de cette pratique. D. Neuman parle à juste titre de l’« idéologie du riyāẓ » : celui-ci est autant « la mesure et la marque du rôle de l’individu pour devenir musicien » qu’un « moyen de dévotion et une mesure du dévouement », « une explication du succès, et – par extension – le riyāẓ comme un dispositif pédagogique avec une morale » (1990 : 30, 42).

19 1er février 2015, Paris.

20 Par exemple : Helmlinger 2001, Mabru 1997, Molino 1988 et Rahaim 2012.

21 Entretien du 31 août 2016, Delhi.

22 Alors que la transmission de type « héréditaire » est une transmission familiale, toutes les transmissions familiales ne sont pas « héréditaires » (l’appartenance à une caste de musiciens étant ici sous-entendue).

23 En janvier 2017, soit quelques mois avant le décès d’Ustad Hashmat Ali Khan.

24 La question de la liberté individuelle de l’enfant ou de l’adolescent dans le choix de son futur métier ou, quand il devient musicien, de sa spécialisation instrumentale ou vocale n’est pas une question aisée. Ce sujet nécessiterait une étude approfondie auprès des enfants eux-mêmes.

25 Entretien du 27 février 2017, New Delhi.

26 Les femmes ont, bien souvent, indirectement participé à la transmission du savoir musical entre lignages par le biais des stratégies matrimoniales.

27 Entretien du 27 février 2017, New Delhi.

28 Entretien du 23 mai 2007, New Delhi.

29 Entretien du 31 août 2016, New Delhi.

30 Baily et Doubleday (1988) font les mêmes remarques à propos de musiciens afghans (sāzandeh).

31 En l’absence de données chiffrées, il est difficile d’évaluer la proportion des musiciens dits « héréditaires » aujourd’hui, comme dans les décennies précédentes, et donc de dater précisément le déclin des communautés concernées. La disparition des cours princières a sans aucun doute accéléré le processus de transformation de la scène musicale initiée à la fin du XIXe siècle et favorisé la transition du profil des interprètes.

32 Entretien du 23 mai 2017, New Delhi.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. Ustad S. Z. Khan enfant avec un sitār adapté à sa taille, n. d.
Crédits © S. Z. Khan.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/2940/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 128k
Titre Fig. 2. Ustad Saeed Zafar Khan et son fils Suhel, 2016.
Crédits © S. Z. Khan.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/2940/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 260k
Titre Fig. 3. Zargham Khan au tablā, 2017.
Crédits © I. Le Gargasson.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/2940/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 664k
Titre Fig. 4. Le joueur de sāraSarwar Hussain et son jeune fils, Amman, 2006.
Crédits © I. Le Gargasson.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/2940/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 1,3M
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Pour citer cet article

Référence papier

Ingrid Le Gargasson, « La transmission familiale de la musique hindoustanie ou l’incorporation d’un savoir musical (Inde du Nord) »Cahiers d’ethnomusicologie, 31 | 2018, 169-185.

Référence électronique

Ingrid Le Gargasson, « La transmission familiale de la musique hindoustanie ou l’incorporation d’un savoir musical (Inde du Nord) »Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 31 | 2018, mis en ligne le 10 décembre 2020, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/2940

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Auteur

Ingrid Le Gargasson

Ingrid LE GARGASSON est anthropologue, formée à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS). Elle est actuellement post-doctorante à l’université Sorbonne Nouvelle dans le cadre du projet de Dictionnaire Encyclopédique des Littératures de l’Inde (DELI) et chercheuse associée au FRE « Mondes iranien et indien » et au Centre de Recherche en Ethnomusicologie (CREM) du Laboratoire d’Ethnologie et de Sociologie Comparative (UMR 7186). Elle a mené des travaux en Inde du Nord sur la transmission de la musique hindoustanie et la circulation des répertoires chantés, et s’intéresse plus largement à la question de l’institutionnalisation des savoirs musicaux.

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