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Dossier : Enfants musiciens

Des enfants musiciens comme projet de société ? Le projet Démos de la Philharmonie de Paris

Marta Amico, Claire Clouet, Maxime Le Calvé, Julie Lewandowski, Lucille Lisack et Julie Oleksiak
p. 119-136

Résumé

Cet article est le résultat d’une enquête collective sur le projet Démos de la Philharmonie de Paris. Démos est présenté par ses initiateurs comme un dispositif proposant un apprentissage collectif de la « musique classique » à des enfants de quartiers « défavorisés ». Une observation multisituée dans différents ateliers nous permet d’examiner la manière dont les enfants deviennent porteurs d’un idéal de société concocté par des adultes (organisateurs de la Philharmonie, musiciens-intervenants, travailleurs sociaux, parents…) à travers ce programme de « démocratisation culturelle ». L’analyse de la mise en place du dispositif et de certains de ses outils pédagogiques permet de mettre en perspective l’emploi des catégories de « social » et « culturel » par les acteurs du projet et son impact sur sa la perception par les familles des enfants concernés. L’espoir d’une efficacité sociale du projet est ainsi abordé à travers diverses perspectives. Donc, si certains discours sur l’action sociale par l’enseignement de la musique classique semblent en décalage par rapport à la réalité vécue par les enfants et les familles, l’ethnographie permet de mettre en valeur des interstices où se produisent des situations de musique inédites et marquantes pour ceux qui les vivent.

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Texte intégral

  • 1 Rappeur et chanteur français d’origine congolaise dont le premier album connaît un grand succès com (...)
  • 2 Chanteuse française R&B dont le premier album connaît un grand succès commercial en 2007 et qui con (...)
  • 3 Suite pour orchestre de Georg Philipp Telemann jouée par l’orchestre Démos en 2014.

L’atelier DÉMOS de La Courneuve se tient le lundi au Centre de Loisirs Saint Exupéry, situé au milieu d’une Cité. Lors de ma première visite, j’approche les enfants en leur demandant quelle est leur musique préférée. Un enfant tient une flûte en main : « Moi, ce que j’aime, c’est Maître Gims1 et Vitaa2. On aime tous Maître Gims. Et j’aime aussi les Étudiants Gaillards3 ! Ma maman ne connaissait pas ces choses-là, mais elle est en train de découvrir. Elle est venue à la Salle Pleyel l’année dernière avec mes frères, elle n’avait jamais vu une salle pareille. Elle a compris tout de suite que je suis un vrai musicien ».
Carnet de terrain de Marta Amico, janvier 2014

1Apprendre la musique dite « classique occidentale » à des enfants de quartiers que l’on classerait couramment comme « défavorisés », en pariant sur les bienfaits de cette pratique musicale tant à l’échelle individuelle que collective : voilà, de manière schématique, l’objectif du projet Démos (dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale) lancé en 2010. A ses débuts, le dispositif concerne 450 enfants en Ile-de-France et est coordonné par l’Association de prévention du site de la Villette avec le soutien pédagogique de la Cité de la Musique. Dans sa deuxième phase (2012-2015), il s’adresse à 1000 enfants en Ile-de-France et dans deux autres régions (Aisne et Isère), sous la coordination de la Cité de la Musique. Avec l’ouverture de la nouvelle Philharmonie de Paris (janvier 2015), le projet devient national et touche désormais 3000 enfants pour 30 orchestres en métropole et dans les territoires d’outremer (2015-2019). La quatrième phase s’annonce comme une installation durable dans le paysage, avec plus de 50 orchestres.

  • 4 En 2013, la Cité de la Musique (future Philharmonie de Paris) a commandé une étude à l’Institut de (...)

2Le thème « enfants musiciens » proposé par ce volume nous offre l’occasion de réfléchir aux nombreuses attentes qui se cristallisent autour de ces enfants4. L’ambition du projet Démos est en effet d’allier l’apprentissage collectif de la musique à un suivi social des enfants, dans le but de provoquer des changements allant de la réussite scolaire à une meilleure cohésion sociale. Pourquoi ces enfants musiciens sont-ils investis de tant d’espoirs ? Qui forme les enfants musiciens, sinon des adultes qui y voient la possibilité de combiner deux catégories volontiers associées à un certain type d’utopie sociale : enfance et musique ?

  • 5 Ne pouvant pas développer cet aspect dans notre article, nous renvoyons au dossier du volume 29 des (...)

3Les ethnomusicologues se sont intéressés aux pratiques musicales des enfants de diverses manières : en étudiant minutieusement des répertoires enfantins (Blacking 1967), en analysant des figures de la transmission musicale (Cahiers d’ethnomusicologie 1988). Campbell (2003) note une convergence entre ethnomusicologues et spécialistes d’éducation musicale. Ces derniers se sont en effet intéressés aux ressources pédagogiques qu’offre l’ethnomusicologie par ses études des modes de transmission des musiques non européennes (Ibid. 25-26). Gilles Delebarre, responsable du projet Démos et directeur adjoint du département Education de la Philharmonie de Paris, travaille dans cette logique, instaurant une multitude de collaborations avec des ethnomusicologues mais aussi des neuro-scientifiques, sociologues, anthropologues ou pédagogues. Ces chercheurs sont appelés à suivre différents aspects de la réalisation de Démos et à créer un discours scientifique interdisciplinaire qui en accompagne le développement, ce qui n’est pas sans poser des questions sur le statut de ces observateurs et leur indépendance par rapport à l’institution5. Delebarre est d’ailleurs lui-même ethnomusicologue et pédagogue, ayant pendant longtemps animé des ateliers de gamelan javanais à la Philharmonie et ailleurs. Cependant, contrairement aux cas qu’avait décrits Campbell, le projet Démos se fonde sur l’enseignement de la musique classique occidentale. Delebarre justifie ce choix de répertoire en ces termes : « on veut permettre aux enfants de s’approprier un patrimoine qui leur appartient, mais auquel ils n’auraient pas forcément eu accès et qui est encore souvent considéré comme l’apanage d’une élite » (Le Monde, 30 juin 2015). C’est ainsi que Démos se rapproche des programmes de démocratisation culturelle mis en œuvre depuis plusieurs décennies sur le territoire français dans la lignée des ministres André Malraux et Jack Lang (Dubois 1999).

4Une telle logique n’est pas une spécificité française. En effet, de nombreux orchestres symphoniques de jeunes, basés sur le modèle des orchestres occidentaux, ont fleuri à travers le monde6, souvent inspirés du projet le plus connu et le plus médiatisé de ce mouvement : « El Sistema ». Fondé au Venezuela en 1976 par José Antonio Abreu, « El Sistema » se définit comme un système d’éducation par la musique destiné à des enfants « provenant de classes sociales à faibles revenus »7. Ce modèle se répand dans le monde à partir des années 1980, porté par une rhétorique qui fait de l’éducation musicale un remède aux problèmes sociaux.

5Peu étudié par les chercheurs en sciences sociales jusque dans les années 2010, « El Sistema » a fait l’objet d’un ouvrage de Baker en 2014 puis d’un numéro de Action, Criticism and Theory for Music Education en 2016. Les auteurs l’ont soumis à de vives critiques fondées sur une mise en perspective avec l’histoire coloniale du pays, sur une remise en question de son efficacité en termes de justice sociale et sur une analyse de ses présupposés politiques et idéologiques. Dans le prolongement de ces études, qui ouvrent la porte à une observation de projets éducatifs « à vocation sociale » avec les outils des sciences humaines, nous proposons un élargissement de la réflexion ethnomusicologique à l’appréhension d’une forme d’éducation qui fait se rencontrer populations « défavorisées » et musique classique occidentale, englobant les enjeux identitaires, politiques et pédagogiques.

  • 8 Gilles Delebarre, journées d’études sur Démos à la Philharmonie de Paris 29 et 30 janvier 2015, org (...)
  • 9 Depuis 2016, le projet s’ouvre aussi aux « musiques de tradition orale », avec la mise en place d’o (...)
  • 10 Communication de Gilles Delebarre à Villeurbanne le 21 novembre 2014 au RIZE lors du colloque : « L (...)

6Démos fait débat depuis sa création auprès de ceux qui s’intéressent à son champ d’action, qu’ils soient politiciens, musiciens, travailleurs sociaux, journalistes, responsables d’institutions culturelles ou chercheurs. En effet, deux thèmes soulevés par le discours de Démos sont particulièrement sensibles dans le débat public : celui des inégalités sociales et celui de l’accès à la musique classique, symbole de la culture élitiste. De nombreux observateurs critiquent ainsi Démos comme outil d’une forme de « néocolonialisme » culturel ou d’une politique d’assimilation de populations rangées dans la catégorie des « autres », et donc des « exclus », par la musique classique occidentale. Cette dévalorisation critique cohabite néanmoins avec de nombreuses valorisations mythiques (Laborde 2001). Certains en ont une vision enchantée, percevant Démos comme un outil permettant de promouvoir l’égalité des chances via un renouvellement des institutions culturelles. Loin de cette vision enchantée, Gilles Delebarre a conscience de ces critiques et y répond implicitement : « Démos privilégie la musique classique, mais le projet pédagogique la situe dans une histoire où la musique en général sert de manière positive la construction des civilisations humaines »8. Il est d’ailleurs ouvert à d’autres traditions musicales qu’il considère comme « grande œuvre de l’humanité »9. Sur la question des inégalités, il admet qu’« une des ambiguïtés du projet reste qu’il est pensé comme un projet de pédagogie alternative et nouvelle, mais qu’il est appliqué pour l’instant uniquement à des populations spécifiques, contrainte liée en grande partie aux financeurs »10.

  • 11 Le dispositif « politique de la ville » repose sur des contrats passés entre l’Etat et les collecti (...)

7Le pari de notre enquête a été celui de prendre de la distance par rapport à ces visions contrastées, pour observer comment se déroulent concrètement les relations instituées par le projet. Nous avons donc soumis Démos à une enquête ethnographique qui prend comme terrain principal l’atelier, pour mieux comprendre les liens qui se tissent autour des enfants et dénouer la complexité des rapports de pouvoir qui se jouent dans cette organisation de l’apprentissage musical. Pour ce faire, les membres de notre équipe d’ethnomusicologues se sont réparti différents ateliers de pratique d’instrument de sorte que chacun puisse concentrer ses observations sur un seul lieu. Au moment de notre enquête, entre janvier et décembre 2014, le projet Démos est présent en divers points de la région parisienne, ainsi qu’en Isère et dans l’Aisne, dans des territoires concernés par la « politique de la ville »11. Les ateliers s’y tiennent généralement au sein de structures sociales, parfois dans des locaux dédiés, parfois dans des établissements scolaires. Au moins une fois par an, les enfants jouent en concert dans un lieu prestigieux : la salle Pleyel, la Philharmonie de Paris ou le festival Berlioz à La Côte-Saint-André. Notre équipe de recherche est donc allée observer les ateliers et les concerts – en y participant comme « apprenant » ou comme enseignant dans certains cas. Nous avons pu ainsi mieux saisir les réseaux de relations tissés par le monde des adultes qui tentent de faire de l’enfant musicien un modèle de décloisonnement social.

8Notre premier objectif consistait en la rédaction d’un rapport général d’évaluation fondé sur des enquêtes ethnographiques et livré à la Philharmonie de Paris en 201512. Ici, nous nous concentrerons sur la notion « d’enfants musiciens » dans le contexte d’un projet conduit par des adultes, ainsi que sur la manière dont ces mêmes adultes font des enfants les porteurs d’un modèle social. Nous commencerons par observer la mise en place de ce dispositif pour ensuite interroger la concrétisation de la pédagogie de Démos sur le terrain en centrant notre attention sur l’un de ses outils : la partition. Puis nous aborderons plus particulièrement les catégories du « social » et du « culturel », sous l’angle desquelles les institutions envisagent l’éducation des enfants musiciens. Enfin, nous verrons comment le projet Démos est perçu par les familles concernées.

Un dispositif parmi d’autres : des enfants très demandés

9Démos s’insère dans un réseau dense d’institutions dédiées aux enfants. Ce projet vient parfois s’ajouter, sur un même territoire, à d’autres dispositifs visant à former des enfants musiciens. Démos entre ainsi en concurrence avec d’autres acteurs locaux : cela se manifeste à la fois dans le partage des ressources financières et dans l’enjeu que représente la répartition du temps destiné aux activités extra-scolaires. Prenons le cas de l’Isère, où les ateliers Démos ont été implantés dans des lieux où existent d’autres formes de pratiques musicales collectives destinées aux enfants. Ainsi, une directrice d’école de musique de cette région, qui accueillait Démos dans son établissement, s’est inquiétée de l’allocation des subventions par le Conseil Général : puisque Démos semble réussir à convaincre les élus, le projet est vu comme un sérieux rival aux initiatives locales dans le domaine des actions socio-musicales. Ce n’est pas tout : Démos doit aussi se faire une place dans l’emploi du temps des enfants. En effet, l’un des présupposés du projet Démos est la disponibilité des enfants, qui se traduit par l’ambition d’ajouter dans leur semaine quatre heures d’ateliers musicaux. Le désœuvrement étant communément considéré par les tenants de l’action sociale comme l’une des causes des inégalités, le temps des enfants est envisagé comme un espace vide qu’il s’agirait d’occuper. Une conception bien éloignée de la réalité du terrain : de nombreux enfants inscrits à Démos s’avèrent être déjà très pris par ailleurs. Dans le cas de l’atelier d’Antony, comme dans la plupart des autres groupes observés, les enfants consacrent de larges portions de leur temps extrascolaire à d’autres occupations : le handball, le football, le basket-ball, le ping-pong, le golf, la gymnastique rythmique et sportive, le hip-hop, la natation, les cours d’arabe, les ateliers d’aide aux devoirs. A Antony, six enfants sur huit déclarent avoir une ou deux activités périscolaires en plus des ateliers Démos. L’idée de l’« enfant-musicien » de Démos risque alors d’entrer en concurrence avec celle de l’« enfant-sportif », de l’« enfant-danseur » ou de l’« enfant-écolier » construite dans le cadre d’autres activités.

10Un dispositif éducatif est avant tout une médiation affective et corporelle entre soi et le monde, comme le remarque le philosophe André Berten : « Penser les dispositifs, c’est […] penser la manière la plus naturelle dont l’individu est parfaitement à même de se situer dans son environnement, de l’apprivoiser, de le modifier » (1999 : 43). Former des enfants musiciens dans un but d’amélioration sociale suppose donc la mise en place de tout un « système » élaboré pour les enfants, avec les enfants, et principalement par les adultes, pour agir sur leur rapport au monde. Or, l’environnement de Démos présente une telle densité d’activités musicales, sportives, éducatives que l’on peut se demander si cette accumulation n’est pas contradictoire avec l’objectif visé : un mieux-être de l’enfant dans son milieu institutionnel, pour une meilleure cohésion sociale.

Démos, la scène et les conservatoires : quels enfants musiciens veut-on former, et à quels risques ?

11Outre les collisions entre les dispositifs mentionnées ci-dessus, certaines tensions apparaissent à l’intérieur même du projet Démos et se cristallisent autour de la pédagogie déployée. Dans sa volonté de former des enfants musiciens, Démos doit se situer par rapport aux institutions classiques d’enseignement de la musique. Tandis que certains ateliers ont lieu dans les locaux des centres sociaux qui portent le projet localement ou dans les salles de classe de l’école, d’autres, comme à Bobigny ou à Lans-en-Vercors, sont hébergés par les conservatoires. Cette proximité spatiale, et le fait que certains intervenants soient eux-mêmes professeurs de conservatoire, vient nuancer la rhétorique d’opposition initialement revendiquée par le projet entre la pédagogie Démos et celle du conservatoire.

12L’accent mis sur l’oralité et la pratique collective, plutôt que sur un apprentissage individuel et fondé sur l’écrit serait en effet, selon ses fondateurs, une spécificité du projet. Or celui-ci s’annonce également comme une possible passerelle vers les conservatoires, sans se prononcer clairement sur le développement des enfants musiciens après Démos. Cela n’est pas sans déclencher un certain nombre de problèmes, relevés par les enseignants : s’ils continuent au conservatoire, comment les enfants pourront-ils être acceptés dans les cours de solfège (ou de « formation musicale ») sans ressentir de décalage avec les enfants y ayant débuté leur apprentissage ?

  • 13 A partir de 2015, ces présentations de fin d’année scolaire ont lieu à la Philharmonie de Paris.

13La relation au conservatoire, à la fois modèle et contre-modèle, reflète une certaine ambiguïté du volet social du projet, que l’on retrouve dans la place accordée au concert final pendant les ateliers hebdomadaires. L’éducation musicale des enfants et l’acquisition d’un certain niveau technique doivent permettre la « présentation musicale » qui a lieu à la salle Pleyel chaque année – en l’occurrence pour notre enquête en juin 201413 – ainsi qu’au Festival Berlioz, dirigé par Bruno Messina, pour les enfants isérois. Tous les ateliers sont alors réunis en grands orchestres symphoniques, auxquels viennent s’ajouter dans chaque pupitre quelques musiciens professionnels. Véritable vitrine du projet, le moment du concert à Pleyel met en scène le discours métaphorique de Démos d’une société cohérente où chacun trouve sa place. Cette métaphore ne remet pas ici en question la construction fortement hiérarchisée de l’orchestre symphonique, mais se place plutôt dans ce que Ramnarine (2011 : 329) a nommé le « mode métaphorique de l’orchestre comme société », qu’il distingue de l’orchestre comme acteur social (« orchestral agency »). Le projet Démos joue à la fois sur ces deux facettes de l’« orchestration de la société » (Ibid.) : d’une part, l’orchestre formé par les enfants sur la scène de la salle Pleyel est présenté comme un microcosme représentant une certaine image de la société ou d’une société idéale aux relations certes hiérarchiques, mais harmonieuses ; d’autre part, l’éducation des enfants par la musique et par l’orchestre a pour vocation de les aider à trouver leur place dans la société, l’orchestre étant pensé ici non plus comme une métaphore de la société, mais comme un moyen d’action sociale. Pour parvenir au résultat entendu salle Pleyel, ces enfants musiciens mis en scène ont dû répéter, semaine après semaine, les œuvres au programme, apprivoiser les partitions, c’est-à-dire apprendre, sinon à les lire, du moins à s’y repérer. Durant les ateliers, le travail sur les œuvres au programme est complété par des « jeux musicaux » destinés à favoriser l’écoute de l’autre et la création collective.

14Pourtant considérés comme essentiels au développement musical de l’enfant, ces jeux sont parfois évincés pendant plusieurs mois au profit de la préparation au concert. Comme à Bonneuil-sur-Marne, où ils sont réintroduits au printemps, lorsque les intervenantes estiment qu’elles ne sont pas en retard sur le programme. Assis en cercle, les enfants « font tourner un son » : l’un fait sonner son instrument, fait signe à un autre qui émettra un son à son tour, pour le passer à un autre encore ; ou un enfant, au centre du cercle, fait le « chef d’orchestre » et désigne celui ou celle qui produira le ou les sons de son choix. Pendant ces jeux, il n’est plus nécessaire de faire des rappels à l’ordre, les bavards se taisent (ou discutent moins) et les distraits sont plus attentifs. Les intervenantes regrettent, au printemps 2014, de ne pas avoir eu le temps d’exercer les enfants à l’improvisation collective comme les années précédentes, du fait du programme plus chargé.

15En effet, former des enfants musiciens implique des tâches aussi diverses que multiples : apprendre les œuvres au programme, faire un peu de solfège, travailler sur la partition pour que les enfants arrivent à suivre les répétitions tutti. Le risque est qu’ils s’y sentent perdus, un peu exclus, à l’inverse de l’inclusion sociale revendiquée par le projet. En 2014, certains intervenants s’inquiètent du rythme intensif des « stages » pendant lesquels les enfants ont des répétitions rapprochées sur quelques jours. Ils y voient une organisation faite par des adultes qui oublient d’être « à l’écoute » des enfants.

  • 14 Dans cet article les enquêtés, soient-ils enfants, enseignants ou parents, ont été anonymisés. Seul (...)

16Lors de ces répétitions, plutôt qu’une cohésion de grande ampleur faisant de tous ces enfants un collectif unifié, ce sont plutôt des solidarités à petite échelle qui voient le jour. Ainsi, à Bonneuil, le 8 mars, l’une des intervenantes évoque avec les violoncellistes la dernière répétition tutti. Ousmane14, qui ne lit pas encore les notes, regrette que son voisin de pupitre Ahmed, qui connaît bien mieux ses partitions et son instrument, ait été absent ce jour-là. Tous deux ne se connaissent que par les ateliers Démos, et n’ont pas tellement d’affinités ; mais en orchestre, la présence d’Ahmed est rassurante pour Ousmane, il y trouve un point d’appui pour ne pas être perdu. Au-delà de la métaphore d’un orchestre comme modèle de cohésion sociale, les collaborations qui se jouent entre enfants ont lieu à petite échelle, au niveau individuel, pour faire face aux exigences des adultes en termes de connaissance des partitions et de concentration, et au travail dans le cadre d’un grand orchestre. L’idéal d’un monde réconcilié par la musique classique entre en contradiction avec la structure hiérarchique et autoritaire qu’impliquent les grandes formations symphoniques (Fink 2016 : 34). La métaphore de l’orchestre-société sur la scène de la salle Pleyel masque une complexité de situations : des difficultés individuelles que peuvent rencontrer les enfants, tout comme des dynamiques de collaboration qu’ils élaborent entre eux.

Quand les enfants musiciens jouent avec les partitions : de l’œuvre à l’objet

  • 15 Sur les usages des partitions par les enfants, cf. Lisack, à paraître.

17La question de la formation des enfants musiciens dans Démos, dans son rapport aux modèles d’enseignement de la musique classique, implique une réflexion sur les outils de transmission propres à cette musique. En effet, si le programme met en avant l’oralité, il s’appuie en fait largement sur la musique écrite. Les partitions cristallisent les négociations que suscite le double objectif de former des enfants porteurs d’un « capital culturel » et celui de former des enfants citoyens, membres d’un collectif. Symbole du capital culturel à acquérir, la partition est reléguée au second plan dans les discours de présentation du projet, comme si elle allait à l’encontre de la pédagogie du collectif et de l’oralité qui s’incarne dans les jeux d’improvisation collective. Une observation des usages de la partition et des approches de l’écriture musicale permet de saisir ces négociations15.

18Les partitions mobilisent un travail considérable dans la construction du projet. En amont des répétitions, les œuvres choisies sont réécrites pour adapter chaque partie : pour chaque pupitre, il existe ainsi différentes versions de différents niveaux, qui sont attribuées aux enfants en fonction de leur ancienneté dans le projet. A Bonneuil, les partitions sont ensuite soigneusement agrafées par les intervenants sur des chemises colorées au nom de chaque enfant. C’est le début de tout un processus de personnalisation de ces objets qui sont à la fois un emblème de la musique classique, de sa présumée difficulté d’accès – il faut d’abord apprendre à lire les notes – et de la pédagogie des conservatoires, très centrée sur l’écrit. Avec les partitions, les adultes fournissent aux enfants un objet qui leur appartiendra, et qu’ils devront continuer à élaborer. Ainsi, Amandine explique au groupe des altistes comment noter sur les partitions les couleurs et les doigtés qui leur permettront de les jouer même s’ils ne maîtrisent pas encore la lecture de notes et les positions de la main gauche. Le but, leur dit-elle, est qu’ils sachent par la suite faire ce travail sans elle. Elle a affiché au mur de la salle une gamme sur une portée, avec des indications de doigté et des couleurs : les lieux de répétition sont le support de l’aide-mémoire qui permettra aux enfants de se familiariser avec cet outil du musicien.

19Quelques semaines plus tard, Antoine, chargé de la « formation musicale » à Bonneuil, fait une séance sur l’écriture du rythme. Après quelques explications, il invite les enfants à écrire au tableau des rythmes que les autres exécuteront. Les enfants se prennent au jeu et continuent pendant la pause à écrire des rythmes et des notes au tableau.

  • 16 Sur les partitions comme objets, cf. Lisack 2017.

20La partition peut donc devenir le lieu d’une collaboration, l’écriture peut être un jeu collectif pour les enfants, qui testent alors leurs capacités à se servir de cet outil pour se transmettre des instructions les uns aux autres. Ici, les objectifs de « démocratisation culturelle » par l’accès au répertoire et d’éducation citoyenne par la pratique collective se réconcilient dans l’usage que font les enfants des partitions, prises non comme œuvres mais comme objets16 qu’ils fabriquent, s’approprient, utilisent, et avec lesquels ils « jouent » – avec toute la polysémie que le mot revêt. Ces objets, décrits par Hennion comme des « nœuds de relations » (2013 : § 8), sont essentiels pour que les enfants s’attachent peu à peu à la musique classique. Les partitions sont ces choses qui « se rendent intéressantes à ceux qui s’intéressent à elles » (Hennion 2009 : 60), ces « prises » par lesquelles les enfants s’attachent à la musique qui leur est proposée. Ainsi, face à une perspective de « démocratisation culturelle » définie par les adultes, qui s’appuie sur une sociologie critique faisant de la musique classique un marqueur social inaccessible aux classes populaires, les outils de la sociologie pragmatique permettent d’observer comment les enfants s’approprient le dispositif en s’appuyant sur les objets comme « tissus d’associations, de liens » (ibid.) qui viennent les transformer dès lors qu’ils s’en emparent.

Le projet politique officiel de Démos : des enfants pris dans les catégories du « social » et du « culturel »

  • 17 Voir note 10.

21Démos, ce « Dispositif d’Education Musicale et Orchestrale à vocation Sociale », place l’enfant dans une double dynamique : d’un côté le dispositif vise à lui apporter une « éducation musicale » en lui transmettant des connaissances sur la musique classique – ce qui est pour le moins partial, quoique des tentatives aient été faites pour élargir le spectre des musiques enseignées17 ; de l’autre, à travers sa « vocation sociale », il identifie l’enfant comme appartenant à une population défavorisée et cherche à faciliter son adaptation à la société – ce qui est également problématique, au vu des moyens employés.

  • 18 Interview de Gilles Delebarre par la revue Télérama, dans le cadre de leur dossier « Nos enfants et (...)

22Pour remplir sa mission, Démos réunit dans un même projet la Philharmonie de Paris et des « partenaires sociaux » (centres sociaux associatifs, centres sociaux de la CAF (Caisse d’allocations familiales), maisons de quartiers…). Ce découpage institutionnel se retrouve dans l’encadrement des enfants dans l’atelier. Une des idées fortes du projet Démos tel qu’il est présenté par la Philharmonie réside notamment dans cette rencontre entre « le monde de la culture et celui du champ social »18. Les enfants de Démos se retrouvent alors pris entre des dispositifs « culturels » (mis en évidence par les instruments, répertoires, concerts, musiciens…) et des dispositifs « sociaux » (gérés par les travailleurs sociaux, les centres sociaux, etc.).

23Les enfants reprennent à leur manière cette distinction en réagissant différemment aux injonctions selon qu’elles émanent de l’un ou l’autre champ. Ainsi, ils refusent généralement de faire silence face à la travailleuse sociale si les professeurs de musique ne sont pas dans la pièce : « mais pourquoi on doit se calmer alors que le cours n’a pas commencé ? », ont-ils pu demander à l’atelier de Saint-Denis. Face à la travailleuse sociale qui leur répond que le cours commence lorsqu’ils arrivent à la maison de quartier, ils répondent : « L’atelier ne commence pas si Marie et Éloïse [les musiciennes] ne sont pas là ». Ils considèrent qu’ils vont à un « cours de musique » et font passer au second plan l’aspect social du projet et ses représentants. Cette distinction est cependant à nuancer : l’intervenant musicien n’est pas seulement un adulte représentant « la culture », c’est aussi un adulte inconnu, qui provient d’une autre institution. Les enfants perçoivent qu’il n’est pas soumis aux mêmes obligations et hiérarchies que les travailleurs sociaux.

  • 19 Voir notamment les OPNI, Objets Politiques Non Identifiés dont parle Denis-Constant Martin (1989) e (...)

24Le dialogue ci-dessus révèle ainsi que les catégories portées par les institutions et définies dans le monde des adultes traversent également l’expérience musicale des enfants. Or, ce qui nous intéresse ici, c’est la manière dont ces catégories sont construites au sein même de l’atelier. Le cas de l’atelier Démos à Saint-Denis nous permet d’examiner la façon dont les adultes recadrent l’expérience musicale des enfants. Les catégories ainsi définies et fabriquées sont alors politiques, au sens où elles construisent une représentation de la société19.

25Lorsque la séance de travail avec les enfants fonctionne, lorsqu’ils sont à l’écoute et font les exercices proposés, la question des catégories « social » et « culturel » n’est pas soulevée. Ainsi les enfants bénéficient des compétences spécifiques de chaque intervenant dans le cadre de l’atelier : l’expérience musicale des musiciennes intervenantes, leurs expériences sociales dans la gestion de groupes d’enfants acquises dans le cadre privé ou dans d’autres cadres scolaires, les compétences culturelles de la travailleuse sociale qui fait travailler leur instrument aux enfants en dehors de l’atelier ou leur propose des sorties culturelles. Au quotidien, les références à ces catégories ne ressortent ni dans les bouches des enfants, ni dans celles des adultes.

  • 20 Entretien réalisé le 10/10/2014 par Léa Roger.

26Pourtant, dans les situations de conflits, nous avons pu entendre ce type de phrase : « On n’est pas des travailleurs sociaux, on est des musiciens ». Ici, une des musiciennes intervenantes de Saint-Denis interroge son propre rôle dans l’atelier lorsqu’il s’agit d’encadrer une fratrie de trois frères et sœurs particulièrement difficiles. En plus de nombreuses absences et de retards, ces enfants sont considérés comme difficiles à cause de comportements déstabilisants pour le groupe, comme l’explique la travailleuse sociale : bavardages, interventions sans autorisation, provocations, inattention, insolence. Néanmoins, selon la famille, les enfants répètent chez eux et semblent prendre plaisir à la pratique instrumentale. Les acteurs de Démos oscillent alors entre deux options pour assurer leur mission : faut-il exclure les enfants agités pour enseigner la musique, ou continuer à les accompagner dans leur développement social ? Faut-il privilégier l’apprentissage musical ou le collectif ? La fratrie en question continue finalement à venir à l’atelier, mais les rôles des intervenants sont remis en question. Cette difficulté particulière entraîne une réflexion entre les intervenants de l’atelier. La travailleuse sociale nous confie : « c’était difficile pour les musiciennes, je le comprends, ce n’est pas leur métier. En même temps, je comprends qu’elles soient musiciennes, et qu’elles soient là pour transmettre un savoir, mais justement vu qu’elles ont la position de l’enseignant, obligatoirement, y a un côté discipline qui va avec »20.

27Cette situation amène les acteurs à redéfinir leur rôle : certains auraient un rôle « culturel », celui du musicien dans la société, et d’autres un rôle « social ». Cette analyse fait écho à la théorie interactionniste des situations que propose Erving Goffman (1973). En effet, chaque situation est construite et interprétée par des acteurs en interaction. Or parfois, des décalages situationnels émergent et amènent les acteurs à revoir leur définition commune des interactions. Ces décalages peuvent alors être liés à des personnes qui ne jouent pas le rôle prévu pour elles. C’est ici l’enfant qui ne joue pas ce rôle d’enfant musicien imaginé par les musiciennes intervenantes. En « déstabilisant le groupe », l’enfant modifie alors la situation d’interaction et entraîne une confrontation des représentations des acteurs sur leurs rôles respectifs.

  • 21 En 2014/2015, un « Ministère des affaires sociales et de la Santé », chargé entre autres de la soli (...)
  • 22 Il s’agit de l’idée selon laquelle « l’homme s’humanise par la culture (de quelque manière que l’on (...)
  • 23 Définition du dictionnaire : Le Trésor de la Langue Française informatisé, http://www.cnrtl.fr/defi (...)

28Sans que ces questions soient alors évoquées clairement devant les enfants, ceux-ci participent à la construction de la distinction entre un champ « culturel » et un champ « social » qui traverse notre société. L’expérience musicale des enfants de Démos entre dans un cadre institutionnel qui illustre une division que l’on retrouve au plus haut niveau politique : un Ministère de la Culture et d’autres Ministères chargés des affaires sociales, de l’éducation ou de la jeunesse21. Cette division est admise encore dans le sens commun de l’utilisation des deux termes. D’un côté, ce qui est « culturel », héritage des Lumières22, est lié à une production de l’esprit humain bénéfique à l’humanité et qu’il faudrait rendre accessible à tous. Cette production est ici incarnée par la musique classique ; elle n’englobe pas, à première vue, le « travail social ». D’un autre côté, la catégorie « social » reprend l’idéal humaniste propre à « la protection solidaire, et plus particulièrement à la protection des plus défavorisés, organisée au sein d’une communauté »23. Les enfants sont pris dans des raisonnements qui tantôt admettent le caractère mouvant des catégories et tantôt tendent à répartir les acteurs entre ceux qui transmettent uniquement le savoir de grandes œuvres universelles et ceux qui s’occupent seulement de la cohésion du groupe.

Démos et son public. Une exclusion à dépasser ?

  • 24 Voir aussi Amico, à paraître.

29Ces catégories « social » et « culturel » de Démos sont également investies par les parents qui impliquent leurs enfants dans le dispositif, encouragés à jouer un rôle important en termes d’assiduité, de motivation, de travail à la maison, et pour la poursuite d’études musicales après le projet. L’« enfant musicien » devient ainsi une catégorie adoptée par les familles, qui sont appelées à adhérer à la formation musicale proposée par la Philharmonie et, par là, à un modèle d’éducation pour les nouvelles générations. Les entretiens que Marta Amico a menés à La Courneuve mettent en lumière la manière dont les parents perçoivent le monde musical « classique », et en font un appui pour l’intégration et la mobilité sociale24.

30A La Courneuve (département de la Seine-Saint-Denis), le projet Démos suscite des imaginaires divers : une maman affirme que c’est un honneur pour elle de participer à Démos car à travers la clarinette, son fils « connaîtra l’histoire de France » et deviendra « plus français » s’éloignant d’une musique « africaine » qu’elle juge plus simpliste puisque renfermée sur les instruments à percussion. L’auto-dévalorisation est ici frappante. Démos répond à un projet d’intégration dans un nouveau pays, mais le désir de s’approprier « la musique française » s’accomplit au prix d’un déclassement de « la musique africaine », considérée comme inadéquate pour la réalisation d’un projet d’insertion. Un père affirme que la musique permettra à son fils d’échapper à la Courneuve pour fréquenter un conservatoire à Paris, une forme de mobilité spatiale qui équivaut à une reconnaissance sociale certaine à ses yeux. Une autre maman se dit contente que son enfant puisse « apprendre la musique » et avec elle tout un ensemble de règles de comportement, alors que dans son village au Maroc, il aurait « juste joué pendant les mariages ». La « musique classique » des familles apparaît manifestement comme la musique « des autres », une « musique bourgeoise », « des élites », ou « française », qui reproduit une distance tout en alimentant des aspirations à la mobilité. Ainsi les parents considèrent Démos comme un dispositif permettant à leurs enfants d’acquérir un nouveau capital culturel et d’intérioriser un modèle éducatif qui correspond à un modèle de réussite sociale.

31Les commentaires ne sont cependant pas tous positifs. Après le concert à la Salle Pleyel en juin 2014, une maman affirme : « on ne parle pas de moi ici ». Elle veut retirer sa fille de Démos. Elle est choquée par les propos du footballeur Lilian Thuram, dont la fondation parraine le projet Démos. Ce dernier promet un avenir meilleur aux enfants des banlieues. La maman qualifie ce discours de démagogique et stigmatisant. Cependant, elle continue d’imaginer des frontières dans sa ville entre les « intégrés » et « ceux qui ne le sont pas ». Etant elle-même travailleuse sociale, elle ne supporte pas d’être placée dans le rang des « exclus » alors qu’elle se perçoit plutôt comme une assistante des exclus. Dans l’auto-évaluation qui est distribuée aux enfants en fin d’année, sa fille montre qu’elle a absorbé son opposition mais qu’elle a des difficultés à cerner son propre vécu sur le projet. Elle écrit qu’elle aime Démos, mais qu’il est difficile de choisir entre le projet et la famille.

32D’autres parents opposent une résistance aux valeurs que le projet attribue à la musique, souvent définie par les organisateurs comme un art « universel » qui stimule l’empathie, aide à la socialisation et encourage le vivre ensemble. On retrouve là une remarque faite par Baker à propos de El Sistema : prendre comme hypothèse de départ l’universalité supposée de la musique classique occidentale reste problématique (Baker 2016 : 10). Même si elle est devenue aux yeux de certains musicologues une « musique du monde » (Cook 2013), ou comme le dit le directeur de Démos Gilles Delebarre « une musique du monde parmi d’autres », des parents concernés par le projet Démos nous rappellent que les valeurs sociales et culturelles associées à la pratique musicale ne sont, elles, pas universelles. C’est le cas d’une maman qui affirme que « chez elle », au Mali, les musiciens et conteurs s’appellent griots, et détiennent un rôle unique qui les sépare du reste de la société et notamment de la classe « noble », dont elle fait partie. Par conséquent, elle ne juge pas convenable que ses enfants, qui ne font pas partie des classes subalternes, fassent de la musique un outil d’expression, si ce n’est « pour s’amuser ». Certains parents mettent en garde leurs enfants sur les risques d’une identité de « musiciens » qui les priverait d’une position sociale privilégiée au sein de la famille.

33Comme le note Baker à propos de El Sistema (2016 : 20), les bienfaits de la pratique musicale font l’objet non pas d’une déduction scientifiquement fondée, mais plutôt d’une croyance qui entre en concurrence avec d’autres croyances, discréditant cette activité. De ce fait, la participation des enfants devient un moyen de négociation entre différents systèmes de valeurs et différentes manières d’envisager l’intégration dans le système culturel véhiculé par le projet.

34On voit ici que, loin d’être des récepteurs passifs, les parents contestent les signifiants culturels qui leur sont proposés (la musique classique, la Salle Pleyel…) ou les transforment en outils pour s’essayer à des formes de contestation ou de mobilité sociale inédites. Mais si ces appropriations culturelles font de Démos un formidable outil de mobilisation et de mobilité sociale, il convient aussi de souligner que ce mouvement se fait souvent à l’intérieur de frontières toutes faites, qui sont parfois ces mêmes frontières que les idéaux politiques de l’« art pour la société » ou de la « démocratisation culturelle » disent combattre : la France comme élite savante blanche en position de domination culturelle versus une « culture africaine » rejetée puisque trop simple (comme cette maman qui associe la « musique classique » à la « culture française » qu’elle estime plus porteuse pour son fils) ; ou encore Paris comme centre et la banlieue comme périphérie (c’est le cas de l’enfant qui peut enfin échapper à La Courneuve grâce à sa pratique musicale). Ainsi, sous leur apparente bienveillance, ces récits d’émancipation risquent de légitimer implicitement les frontières culturelles établies.

35Apparaît ici la complexité des rapports de pouvoir qui accompagnent l’enseignement de la musique classique aux populations dites défavorisées. Ici la volonté d’acculturation n’est pas exprimée par l’institution, mais elle est interprétée et formulée par certains parents qui souhaitent ainsi mettre en œuvre un projet de mobilité sociale pour leurs enfants. On peut alors se demander si le modèle des « enfants musiciens », qui s’approprient la musique classique et se familiarisent avec des lieux de prestige comme la Philharmonie, peut constituer un levier d’ascension sociale pour des familles choisies justement pour leurs « manques », dans les quartiers les plus démunis et dans le cadre d’un agenda politique qui en fait volontiers des « exclus de la culture ». La pluralité des modes d’appropriation de la musique classique suggère que, même si Démos reproduit dans une certaine mesure les clivages sociaux, il provoque aussi un dialogue entre les bénéficiaires des classes dites « populaires » et les élites des porteurs du projet. La musique entre ainsi au cœur de la définition d’un modèle de société qui se transmet entre les organisateurs, les enseignants et les parents, exposant les jeunes générations aux tentatives d’harmonisation qui habitent la société ; elle permet de faire apparaître la complexité du processus «d’acculturation» (elle ne vient pas seulement d’en haut, elle n’est pas simplement imposée).

Conclusion

36L’enquête ethnographique menée sur les ateliers Démos a révélé les multiples visages de ce projet et les diverses manières dont il est perçu : le Démos des enfants, celui des intervenants, celui de la Cité de la Musique et celui des parents ; le Démos des ateliers hebdomadaires et celui des concerts. Au long de l’exploration de ces différentes facettes, un fil conducteur a guidé nos réflexions : l’espoir d’une efficacité sociale dont les adultes investissent ces enfants musiciens. Dans la pluralité des dispositifs éducatifs qui structurent la vie et l’emploi du temps de ces enfants, Démos apparaît comme un projet parmi d’autres devant composer avec son environnement. Certes, Démos bénéficie de l’effet dramaturgique que sont les concerts, qui apparaissent comme une vitrine du projet : de grands orchestres d’enfants musiciens montent en effet sur des scènes prestigieuses. L’orchestre fonctionne bien comme métaphore d’un modèle social où les enfants musiciens jouent le rôle de citoyens, mais cette apparente cohésion masque parfois les difficultés individuelles des enfants – en particulier les efforts qu’ils déploient pour s’y sentir à leur place. Cependant, parallèlement à la préparation de ces événements, d’autres facettes de Démos se développent au fil des ateliers hebdomadaires. Les musiciens intervenants utilisent les marges de liberté qui leur sont laissées pour créer à petite échelle des expériences musicales collectives, tandis que les enfants s’approprient un objet emblématique de la musique classique, la partition, pour le faire descendre de son piédestal d’œuvre du répertoire et le transformer en objet porteur de leurs jeux et de leurs interactions. Cette dichotomie entre l’enseignement d’un répertoire et l’apprentissage de la vie en société par le biais de la pratique musicale collective apparaît dans l’emploi que font les différents acteurs des catégories de « social » et « culturel » : dans une situation conflictuelle où l’enfant musicien ne joue pas le rôle qui lui est attribué par les adultes, ces derniers mobilisent l’opposition entre ces deux catégories pour justifier le partage des tâches et des compétences qui structure la société. Enfin, la perception de ces catégories par les parents suscite des attitudes d’adhésion ou de rejet face à Démos. Certains se sentent stigmatisés par la participation de leur enfant tandis que d’autres y voient le symbole d’une ascension sociale individuelle. Les cloisonnements que Démos entendait remettre en cause sont finalement consolidés.

37L’approche ethnographique permet ainsi de saisir comment se tissent, se construisent et parfois se contredisent les aspirations des adultes incarnées par la figure de l’enfant musicien. Placés au centre de ces espoirs, les enfants et leurs familles ne « jouent » pas toujours « le jeu », du moins celui prévu par les concepteurs de Démos. Faisant usage des interstices que leur laisse ce dispositif où il y a parfois « du jeu », ils vivent les moments de musique à travers des émotions diverses. Ainsi, avec son ambition, son enthousiasme, mais aussi parfois ses maladresses, ses contradictions ou ses impasses, et surtout en mettant tous les participants au travail pour former des enfants musiciens et réfléchir aux effets d’un tel programme, Démos suscite des situations qui font exister, en musique, un espace inédit de rencontres entre des acteurs, adultes et enfants, et des mondes institutionnels.

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Bibliographie

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Notes

1 Rappeur et chanteur français d’origine congolaise dont le premier album connaît un grand succès commercial en 2013.

2 Chanteuse française R&B dont le premier album connaît un grand succès commercial en 2007 et qui continue à sortir régulièrement des disques.

3 Suite pour orchestre de Georg Philipp Telemann jouée par l’orchestre Démos en 2014.

4 En 2013, la Cité de la Musique (future Philharmonie de Paris) a commandé une étude à l’Institut de Recherche sur les Musiques du Monde (IRMM), une structure associative dirigée par l’ethnomusicologue Denis Laborde qui regroupe des chercheurs en ethnologie spécialistes des politiques culturelles et des musiques du monde. C’est ainsi que nous avons constitué une équipe de treize jeunes chercheurs, avec pour objectif de conduire un travail d’observation de l’action menée par Démos. Cette enquête collective explique le nombre de contributeurs pour cet article. Les réflexions présentées ici ont aussi été alimentées par les enquêtes de Sofia Solomon, Paulo Marcelino, Abderraouf Ouertani, Ariane Zevaco, Léa Roger, Otavio Menezes, Ebano Resende et José David Roldan.

5 Ne pouvant pas développer cet aspect dans notre article, nous renvoyons au dossier du volume 29 des Cahiers d’ethnomusicologie sur l’ethnomusicologie appliquée (2016).

6 Une brève cartographie nous permet d’évoquer les suivants : Guri (Etat de Sao Paulo, Brésil, 1995) ; Big Noise (Ecosse, 2008) ; New Brunswick Youth Orchestra (Canada, 2008) ; Orchkids (Baltimore) ; Batuta (Colombie) ; Programa Nacional de Orquestas y Coros para el Bicentenario (Argentine, 2010).

7 http://fundamusical.org.ve/category/el-sistema/impacto-social/#.WXIBFlKQ1PM consulté le 25/07/2017.

8 Gilles Delebarre, journées d’études sur Démos à la Philharmonie de Paris 29 et 30 janvier 2015, organisée par l’Institut de Recherche sur les Musiques du Monde.

9 Depuis 2016, le projet s’ouvre aussi aux « musiques de tradition orale », avec la mise en place d’outils pédagogiques spéciaux (dont des formations pour les enseignants sur des instruments non occidentaux) et l’apprentissage d’un morceau arrangé pour orchestre symphonique à la deuxième année du cycle (de la tarantelle italienne au tari saman d’Indonésie, de la fanfare d’Europe de l’Est aux airs de Turquie). Ce pan du programme est conçu et coordonné par l’ethnomusicologue Estelle Amy de la Bretèque (CREM).

10 Communication de Gilles Delebarre à Villeurbanne le 21 novembre 2014 au RIZE lors du colloque : « La fabrique des patrimoines musicaux ».

11 Le dispositif « politique de la ville » repose sur des contrats passés entre l’Etat et les collectivités locales. Il cherche à améliorer le « cadre de vie » et la « cohésion sociale » de territoires jugés fragiles. Il est actuellement sous la responsabilité du Ministère de la cohésion des territoires.

12 Disponible en ligne sous l’adresse suivante : https://demos.philharmoniedeparis.fr/media/documents/synthese-L%E2%80%99orchestre-pour-exister-ensemble.pdf. Morel (2006) note que les chercheurs en sciences sociales occupent souvent le rôle d’évaluateurs pour les projets de « démocratisation culturelle ».

13 A partir de 2015, ces présentations de fin d’année scolaire ont lieu à la Philharmonie de Paris.

14 Dans cet article les enquêtés, soient-ils enfants, enseignants ou parents, ont été anonymisés. Seuls les responsables de la Philharmonie sont cités avec leur nom propre.

15 Sur les usages des partitions par les enfants, cf. Lisack, à paraître.

16 Sur les partitions comme objets, cf. Lisack 2017.

17 Voir note 10.

18 Interview de Gilles Delebarre par la revue Télérama, dans le cadre de leur dossier « Nos enfants et la culture », 30/03/2012. http://www.dailymotion.com/video/xpsldy_gilles-delebarre-responsable-pedagogique-a-la-cite-de-la-musique-paris_creation. Consultée le 29/07/2017.

19 Voir notamment les OPNI, Objets Politiques Non Identifiés dont parle Denis-Constant Martin (1989) et sa définition du politique : « entendu comme un ensemble de relations nouées autour du pouvoir, et de son exercice, se déployant sur des hommes, le plus souvent inscrit dans un espace, généralement institutionnalisé et défini par des règles explicites ou implicites, ce politique se conçoit dans la mesure où il se ressent, se perçoit, se réfléchit et s’apprend » (Martin 1989 : 796). Les représentations sont éminemment politiques, puisqu’elles sont traversées et construites par des enjeux de pouvoirs, comme le dit Michel de Certeau dans son ouvrage intitulé La prise de parole et autres écrits politiques (1994).

20 Entretien réalisé le 10/10/2014 par Léa Roger.

21 En 2014/2015, un « Ministère des affaires sociales et de la Santé », chargé entre autres de la solidarité et de la cohésion sociale, tout comme nous avons également un « Ministère de l’éducation nationale » chargé de l’éducation dans les écoles, collèges, lycées, parfois également des études supérieures et de la recherche comme actuellement ou encore le « Ministère de la jeunesse et des sports » auquel on a ajouté récemment la vie associative (gouvernement Jean-Marc Ayrault) ou encore le droit des femmes (gouvernement Manuel Valls).

22 Il s’agit de l’idée selon laquelle « l’homme s’humanise par la culture (de quelque manière que l’on conçoive cette culture) » développée dans Qu’est-ce que l’humanisme ? par Christophe Bouriau (2007).

23 Définition du dictionnaire : Le Trésor de la Langue Française informatisé, http://www.cnrtl.fr/definition/social consulté le 25/07/2017.

24 Voir aussi Amico, à paraître.

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Pour citer cet article

Référence papier

Marta Amico, Claire Clouet, Maxime Le Calvé, Julie Lewandowski, Lucille Lisack et Julie Oleksiak, « Des enfants musiciens comme projet de société ? Le projet Démos de la Philharmonie de Paris »Cahiers d’ethnomusicologie, 31 | 2018, 119-136.

Référence électronique

Marta Amico, Claire Clouet, Maxime Le Calvé, Julie Lewandowski, Lucille Lisack et Julie Oleksiak, « Des enfants musiciens comme projet de société ? Le projet Démos de la Philharmonie de Paris »Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 31 | 2018, mis en ligne le 10 décembre 2020, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/2880

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Auteurs

Marta Amico

Marta AMICO, maîtresse de conférences en ethnomusicologie, Université de Rennes 2. Elle s’intéresse aux relations entre musique, identité, globalisation, politiques culturelles et maintien de la paix au Sahara et au Mali. Elle a aussi collaboré avec la Philharmonie de Paris en menant des recherches sur les projets du Département Education.

Articles du même auteur

Claire Clouet

Claire CLOUET, doctorante à l’EHESS (Centre Georg Simmel). Son travail de thèse porte sur le parcours de musiciens et de danseurs ouest-africains (Soninkés) en région parisienne, et plus largement sur les migrations et les frontières culturelles et spatiales dans l’espace urbain.

Articles du même auteur

Maxime Le Calvé

Maxime LE CALVÉ, doctorant à l’EHESS et à la Freie Universität de Berlin. Son travail porte sur l’ethnographie des processus de créations musicales et plus généralement de créations artistiques, ainsi que sur les phénomènes d’ambiances qui émergent dans ces pratiques collaboratives.

Julie Lewandowski

Julie LEWANDOWSKI est doctorante à l’EHESS (Paris) et à l’Université Jean Monnet (Saint Etienne). Son travail de thèse porte sur l’Orchestre juvénile Juan XXIII de la ville de San Miguel de Tucuman (Argentine). Elle s’intéresse plus particulièrement au statut de l’Orchestre et à la réinvention du paradigme menée par les différents acteurs socioculturels.

Lucille Lisack

Lucille LISACK, chercheure associée au Centre Georg Simmel. Dans le cadre de sa thèse à l’EHESS et à la Humboldt Universität de Berlin, elle a travaillé sur la création musicale en Asie centrale et sur l’ethnomusicologie des musiques savantes occidentales.

Articles du même auteur

Julie Oleksiak

Julie OLEKSIAK, doctorante à l’EHESS (Centre Georg Simmel), en contrat CIFRE avec la Fondation Royaumont et la Fondation de France. Dans le cadre de sa thèse, elle interroge l’idée de rencontre entre les cultures à travers la musique, notamment à partir du positionnement d’institutions culturelles françaises comme le programme des musiques transculturelles à la Fondation Royaumont.

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