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Dossier : Enfants musiciens

Hors normes ? Quand la diversité linguistique et culturelle inspire le répertoire chanté des enfants (Nouméa, Nouvelle-Calédonie)

Stéphanie Geneix-Rabault
p. 87-103

Résumé

Cette contribution propose d’interroger les usages et pratiques observés dans le cadre d’une enquête de terrain effectuée dans des écoles primaires publiques de la ville de Nouméa entre 2014 et 2017. Il s’agit de voir comment les enfants cré-acteurs, dans leurs performances orales, établissent leur propre (re)définition de leurs musiques. L’analyse ethnomusicolinguistique de quelques chansons enfantines me permet de voir comment les enfants se détachent (parfois) des normes musicales, sémantiques et linguistiques établies par les adultes et comment ils font émerger d’autres codes fédérant la communauté plurielle à laquelle ils s’identifient.

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Texte intégral

En guise de mise en voix…
« On me demande d’inventer une chanson mais quand j’invente après la maîtresse elle me dit que c’est pas comme ça qu’on chante ! »
(N., élève de CM1 d’une école de Nouméa, 2016).


« Les adultes ont répondu que c’était compliqué. Les enfants que c’était amusant ».
(conseiller pédagogique, direction de l’enseignement de la Nouvelle-Calédonie, Nouméa, 2014).

Introduction

  • 1 Ce travail a donné lieu à l’édition en 2016 d’un outil pédagogique par la DENC, en partenariat avec (...)
  • 2 L’agglomération nouméenne se compose de quatre communes (Nouméa, Dumbéa, Païta et Mont-Dore), où es (...)
  • 3 Dans ce chapitre, le terme « kanak » est invariable en genre et en nombre. Cette orthographe est ce (...)

1Les réflexions suivantes s’appuient principalement sur un programme de recherche-action en cours intitulé Langues en-chantées, initié en 2017. Il s’inscrit dans la continuité d’un plus ancien, Chants d’ici et d’ailleurs. Un nouveau répertoire pour les écoles de la Nouvelle-Calédonie1, conduit entre 2014 et 2016. Tous deux ont été et sont menés au sein d’écoles primaires et en différents quartiers de Nouméa, en partenariat avec la direction de l’enseignement de la Nouvelle-Calédonie (DENC). Si ce programme en cours concerne des élèves océaniens plurilingues installés dans l’agglomération nouméenne2, ces derniers peuvent provenir de différents espaces du pays ou de la région. Ainsi, aux côtés du français, plusieurs langues kanak3/océaniennes ou des communautés ayant migré en Nouvelle-Calédonie (NC) plus ou moins récemment sont quotidiennement parlées et chantées (Fillol et al. à paraître). Pour autant, cette diversité (des répertoires langagiers, culturels et musicaux) n’est pas forcément reconnue ou sollicitée notamment dans les espaces scolaires. Partant de là, l’un des principaux objectifs du projet Langues en-chantées dans lequel je m’inscris est de rendre audible et de (re)valoriser les ressources plurilingues et pluriculturelles des élèves en milieu scolaire. Mon propos dans cet article est de discuter de la pluralité des références dans les pratiques chantées des enfants. L’analyse ethnomusicolinguistique de quelques chansons enfantines me permettra de voir comment les enfants se détachent (parfois) des normes musicales, sémantiques et linguistiques établies par les adultes et comment ils font émerger d’autres codes fédérant la communauté plurielle à laquelle ils s’identifient. La première partie de cette contribution visera à présenter le contexte de recherche, les actions scientifiques que j’ai menées depuis près d’une vingtaine d’années en Océanie et ma posture d’enseignante-chercheure vivant sur son terrain ; la seconde discutera du statut des acteurs sociaux examinés ; la troisième me permettra de présenter quelques éléments factuels de la méthodologie de recherche ; enfin, je discuterai de la question des normes à partir de la description des productions enfantines et des discours des élèves et/ou des adultes sur ce qu’ils interprètent.

De l’enquête ethnomusicolinguistique à la recherche-action

  • 4 Langue parlée par les habitants originaires de Canala et Thio, deux communes situées sur la côte es (...)
  • 5 Langue parlée par les Loyaltiens originaires de Lifou et Tiga (http://lacito.vjf.cnrs.fr/pangloss/l (...)
  • 6 Littéralement « chant pour endormir les enfants ».
  • 7 Brève formule chantée, scandée, rythmée ou récitée pour accompagner principalement les jeux.

2Notre objet de recherche privilégié, le répertoire enfantin en langues kanak/océaniennes, se compose principalement de berceuses, de formulettes, de chansons et de jeux qui peuvent être scandés, rythmés, slamés, chantés ou récités. Si dans certaines langues kanak, il existe une terminologie différente pour distinguer les genres (ererea ‘berceuse’, xuu söö ‘chansonnette’, söö ‘chant’, xuu kêrêtèpe ‘formulette’, yaaru ‘devinette’ en langue xârâcùù4 par exemple), dans d’autres aires et langues, c’est un terme générique qui désigne le chant. En drehu5, nyima désigne indifféremment l’action de ‘chanter’ et le ‘chant’. Les genres sont ensuite distingués au moyen d’une caractérisation qui accompagne le terme générique. On précisera notamment les destinataires des chants et leur fonction : nyima nyine amekölen la nekönatr6 ‘berceuse’, nyima koi ha nekönatr ‘chant pour enfants’, nyima i ha nekönatr ‘chant des enfants’, trengewekë ‘formulette7’, etc. Généralement anonyme, ce répertoire est souvent rattaché à un contexte éducatif (familial, social, scolaire), ludique et collectif. Fortement « marqué par la variation dans le temps et dans l’espace » (Arleo 2008 : 219), il peut être interprété par les adultes à l’intention des enfants, par les enfants entre eux, ou indifféremment par les grands et les petits.

3Mon approche ethnomusicolinguistique analyse les actions musicales – vocales, instrumentales, dansées, etc. – à la croisée de plusieurs disciplines : l’ethnomusicologie, les sciences de l’art, l’anthropologie et la linguistique. Celles-ci participent à la description de pratiques musicales articulées aux contextes de production et de réception. Cette perspective, formalisée par le groupe Musilingue autour des travaux d’Arléo et Despringre (1998) au LACITO-CNRS, confronte les résultats de la description musicologique et ethnographique en se fondant sur « l’analyse distributionnelle et combinatoire » telle qu’on la pratique en linguistique sur les différents paramètres composant le langage (littéraire, kinésique, musical et contextuel). Cette démarche vise ainsi à conduire vers la définition des répertoires chantés, en confrontant le dire et le faire, l’observation et l’analyse des performances produites : il s’agit de mettre en relation les pratiques vocales, la structuration des chants avec leurs contextes et usages (Despringre 1997).

  • 8 Le kaneka est un répertoire musical d’adultes fusionnant des mélodies, rythmes, cadences et instrum (...)
  • 9 Cf. les corpus en ligne des chercheurs océanistes du LACITO-CNRS, la collection Pangloss (http://la (...)
  • 10 Les langues kanak, mais aussi de Wallis et Futuna et de Polynésie française, dites langues d’outre- (...)
  • 11 Les réflexions de cet article proviennent d’une recherche engagée depuis 2000 dans le cadre de ma f (...)
  • 12 Dans ce programme, j’ai souhaité élargir « l’angle de vue » en travaillant en interdisciplinarité, (...)
  • 13 Cf. les textes de présentation du projet éducatif et les différentes phases de mises en œuvre sur 2 (...)

4Si les arts musicaux d’Océanie constituent globalement un répertoire encore fort peu (re)connu et documenté (en dehors du kaneka8), celui des enfants est, quant à lui, quasiment absent des premiers travaux ethnomusicologiques (Beaudet et Wieri 1990 ; Ammann 1994, 1997a et b). Les premières pratiques vocales à être largement étudiées portent sur le répertoire des adultes transmis aux enfants (Geneix-Rabault 2008). Si certaines archives orales en ligne sur les langues kanak/océaniennes ont complété la connaissance et la diffusion de corpus de chansons enfantines (collection pangloss LACITO-CNRS9 ; corpus de la parole de la Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France10), soulignons cependant que la documentation sur ce répertoire est assez récente : Toutoute. Comptines, berceuses et jeux de doigts d’ici et d’ailleurs (2007) ; Yoo ke ne pumwidruu. Chants du sud de la Nouvelle-Calédonie (2014) ; Kawali kawala (2015) ; Chants d’ici et d’ailleurs et Chante-moi (2016). Elle s’est – en partie – constituée grâce aux différentes enquêtes quantitatives et qualitatives que je mène en contextes familiaux, scolaires et urbains depuis 200011 en Nouvelle-Calédonie, puis en terrains océaniens à partir de 2008 (îles Salomon, Polynésie française, Wallis et Futuna, entre autres). Ces recherches pluri- et interdisciplinaires12 visent à documenter et à accompagner toute forme de valorisation des pluralités linguistiques et culturelles de l’Océanie : d’une part à constituer une documentation multimodale (écrite, audio, audiovisuelle et numérique) sur ce répertoire ; d’autre part, à approfondir la connaissance en langues kanak/océaniennes ; enfin, à comprendre les processus d’apprentissage des langues en contexte multilingue, avec une focale particulière en milieu scolaire depuis une dizaine d’années. In fine, ces travaux visent à accompagner l’enseignement des langues-cultures locales en Nouvelle-Calédonie et à soutenir la mise en œuvre de récentes réformes éducatives13, telles que définies dans la délibération 106 votée par le congrès en 2016. Les objectifs principaux de ce texte délibératif sont de :

« (1) Développer l’identité de l’école calédonienne ; (2) Considérer la diversité des publics pour une Ecole de la réussite pour tous ; (3) Ancrer l’école dans son environnement, un climat scolaire au service de l’épanouissement de l’élève » dans le respect de la culture de chacun » ; (4) Ouvrir L’école sur la région Océanie et le monde » (délibération 106).

  • 14 Dans le cadre du dispositif classes à horaires aménagés musique (CHAM). Le partenariat consiste à a (...)

5Motivées par la prise en compte de ces réformes, mes recherches sur les pratiques chantées des enfants en contexte urbain et scolaire s’articulent (notamment) en partenariat avec les acteurs éducatifs. Elles ont pour finalités de participer ou concourir à un changement de perspective dans les pratiques éducatives en contexte plurilingue. La recherche-action Langues en-chantées est menée avec la DENC14 en langues, cultures, musiques et éducation. Le programme consiste à recueillir (1) des corpus oraux chantés en langues océaniennes à Nouméa ; (2) les récits multilingues autour de ces interprétations en langues du pays. Cette collecte se déroule en différents lieux de la ville (maisons de quartier, place des cocotiers, établissements culturels, etc.) et dans cinq écoles primaires « pilotes » de l’agglomération de Nouméa ; enfin (3) à établir un portrait sonore de la ville nouméenne. Les réflexions qui guident la collecte musicale s’articulent autour de ces questions : que chante-t-on à Nouméa ? En quelles langues ? Comment les langues-cultures (musicales et linguistiques) se rencontrent-elles ? Comment les locuteurs les utilisent-ils ? Que disent-ils de ce répertoire oral chanté ? Il s’agit, à partir de ces observables sollicités, de tenter de faire évoluer les représentations (musicales, cartographiées et sociales) sur les langues, la diversité linguistique nouméenne et le répertoire enfantin en langues kanak/océaniennes. La collecte de corpus oraux chantés et des récits de vie multilingues qui en parlent, favorise le partage et la diffusion des savoirs océaniens. Il est donc tout aussi important de contribuer à accompagner la mise en œuvre du projet éducatif de la Nouvelle-Calédonie, que de favoriser l’interculturalité, l’intercompréhension entre les communautés et les générations. Ces enjeux sont particulièrement forts puisque les langues-cultures (et savoirs/pratiques associés) autres que le français, se trouvent en situation de minorisation en milieu urbain (Nouméa/Grand Nouméa).

Une jeunesse kanak/océanienne doublement « minorisée » ?

  • 15 Près des deux tiers des langues du monde sont recensées dans le bassin océanien (Moyse-Faurie 2003)

6La Nouvelle-Calédonie, « ancien territoire d’outre-mer devenu une « collectivité d’outre-mer sui generis », avec un statut unique – et transitoire » (Bensa et Wittersheim 2014), se caractérise par une riche diversité linguistique qui est une caractéristique commune de l’Océanie15 (fig. 1).

Fig. 1. Les langues de Nouvelle-Calédonie (extrait de Fillol, Geneix-Rabault, Vandeputte, à paraître).

Nouvelle-Calédonie

Nombre de langues parlées

~70

Langues des peuples premiers
et langues (dites) « régionales »

Entre 28 et 40 langues kanak, tayo

Langues issues de migrations proches

wallisien, futunien, tahitien, langues mélanésiennes du Vanuatu et bislama

Langues issues de migrations plus lointaines

vietnamien, javanais, mandarin, cantonais, japonais, anglais…

Langue(s) officielle(s) et langue(s) de scolarisation

français

  • 16 Les chiffres sont issus de l’Institut Statistique des Études Économiques de Nouvelle-Calédonie (ISE (...)

7La NC se caractérise par ailleurs par une population jeune16 : plus d’un tiers d’entre elle a moins de vingt ans ; le nombre d’enfants scolarisés représente un quart de la population totale, dont près des trois quarts déclarent parler au moins une langue kanak (ISEE 2014).

  • 17 Cf. la recherche menée entre 2014 et 2016 à Nouméa, Les langues dans la ville : pratiques pluriling (...)

8Le répertoire collecté au cours du programme de recherche (toujours en cours) est représentatif de la diversité linguistique et culturelle caractérisant la NC. Pour autant, ce plurilinguisme sociétal peine à s’institutionnaliser, et ce malgré l’Accord de Nouméa (1998) reconnaissant aux langues kanak le statut de « langues d’enseignement et de culture ». La mise en œuvre « d’une autre école » tarde à se faire (Colombel-Teuira et Fillol 2017). Il existe un réel décalage entre, d’une part, les statuts et cadres politiques du pays et, d’autre part, les représentations sociales, les pratiques langagières plurilingues des acteurs sociaux, et de fait, l’application éducative et médiatique. Les langues-cultures kanak/océaniennes, sont encore très marginalisées à l’école, dans les lieux publics et les médias17 (Colombel-Teuira et al., 2016). Ce « déni linguistique » engendre des phénomènes de minorisation linguistique et culturelle, fragilisant en premier lieu les locuteurs de ces langues.

  • 18 Le p’ene nengone, ou simplement nengone, est parlé par les habitants de l’île de Maré et Tiga aux î (...)

9De manière générale en Océanie, la parole des enfants comme des jeunes est peu audible dans les différents événements coutumiers et espaces sociaux (y compris à l’école). Le cycle de vie nengone18 par exemple, se découpe en sept phases successives (Geneix-Rabault et Bearune 2018). L’enfant, mais aussi les jeunes, indépendamment de leur âge, sont considérés comme immatures (pas mûrs) et pas (encore) initiés, leur parole ne circule pas dans les espaces sociaux. En d’autres termes, ils sont vus comme encore en marge des règles et des conventions sociales. Cela revient à dire que l’enfant ne maîtrise ni une pratique (une langue, un instrument, une technique, un savoir-faire, etc.), ni certaines conventions socioculturelles.

10Dans le contexte urbain de la ville de Nouméa, les jeunes (locuteurs) océaniens sont généralement peu audibles, d’où la volonté de donner à entendre leurs voix, leurs pratiques chantées, leurs connaissances et leurs perceptions de leur environnement. J’ai ainsi pris en compte leurs points de vue tels qu’ils se traduisent musicalement et dans leurs discours. Le déni dominant des langues-cultures à l’école, la conception de l’enfant et les discours sociaux stigmatisants sur les communautés océaniennes, font des enfants et des jeunes océaniens, une communauté peu écoutée et peu entendue :

« Porteurs-acteurs de la vie en société, la plupart des jeunes rencontrés n’en sont pas moins auteurs de représentations “individuelles”. Il s’agit pour nous de leur reconnaître une légitimité en tant que sujets de conscience et d’expériences. Pour nous, l’enfant, indifféremment de son ancrage socioculturel, est considéré “non pas comme un être de pure imitation, mais comme un organisme qui assimile les choses à lui, les trie, les digère selon sa structure propre” (Piaget 2003 : 30). Leurs narrations donnent donc à voir une expérience de la vie en société somme toute particulière et située » (Razafi et Favard, à paraître).

Faire parler et chanter les enfants

11En formulant l’hypothèse que le discours est un moyen de donner voix aux représentations sociales, j’ai donc encouragé la prise de paroles auprès d’élèves à partir d’une consigne simple : « chantez-moi une chanson » et « racontez-moi l’histoire de la rencontre avec cette chanson ». Sur le plan méthodologique, des enquêtes croisées ont donc été mises en œuvre dans cinq écoles de Nouméa autour des thèmes suivants :

  1. les pratiques langagières des élèves (déclarées, entendues et/ou observées dans leur environnement scolaire, familial, social, artistique, etc.) ;

  2. les interprétations de chansons qu’ils affectionnent particulièrement dans la langue de leur choix ;

  3. les narrations autour de ces corpus pour retracer l’histoire de la rencontre avec ces chansons et récits biographiques des interprètes en scène ;

  4. les discours réflexifs et explicatifs à partir des observables produits.

12En partant des chansons interprétées par les enfants, il leur était ensuite demandé d’en parler et d’évoquer les différentes langues de leur répertoire. La version chantée a ainsi servi à matérialiser, en quelque sorte, les expériences de chacun (souvenirs, émotions, relations, imaginaires, etc.), tout autant que les discours des enfants eux-mêmes sur ces répertoires (langagiers et chantés) sans crainte de « bonne » réponse ou de « LA » réponse attendue (Razafi et Favard à paraître). En d’autres termes, cette méthodologie a permis de recueillir ce que les élèves ont à nous dire tout autant qu’à nous apprendre sur les dynamiques linguistiques, culturelles et musicales qui les entourent : « […] la prise en compte de leurs représentations nous a placé en position d’explorateur et eux en lieu et place de celui qui guide, de celui qui exprime une vision, un avis, celui qui fait comprendre une représentation autre du monde » (Razafi et Favard à paraître). Les enquêtes qualitatives menées ont permis d’entendre une grande disparité de discours et de pratiques à travers ces paroles d’enfants. Je tenterai, dans la suite de cette contribution, d’en dégager quelques aspects structurants.

13Dans ce contexte d’hétérogénéité linguistique urbaine et d’empilement de strates historiques successives, comment les jeunes (plurilingues) chantent-ils ? Les langues les plus fréquemment utilisées dans le corpus sont les langues océaniennes. Les chansons collectées se répartissent en deux catégories :

  1. Usage monolingue : si les langues océaniennes dominent largement le corpus analysé, d’autres langues sont utilisées (français, anglais, bislama, javanais, japonais, etc.) ;

  2. Usage plurilingue où prolifèrent les jeux avec les codes (alternance codique, enchâssement de langues, hybridation, etc.).

14Globalement, ce qui domine, ce sont les usages monolingues principalement en langues océaniennes. Mais plusieurs autres langues parlées en NC peuvent aussi être utilisées. Dans les observables analysés, le recours à plusieurs langues peut aller jusqu’à neuf pour un seul et même enfant. L’alternance codique entre plusieurs d’entre elles (endolingues et/ou exolingues) est fréquente : un enfant peut chanter en différentes langues et/ou mélanger des langues dans une même chanson.

15Les corpus chantés témoignent d’influences et de répertoires très nombreux et variés :

  • 19 Une version plus courte de cette chanson a été publiée dans un recueil collectif (2014 : 21).
  • 20 Créole à base lexicale français parlé dans la région de Saint-Louis, près de Nouméa/Grand Nouméa (c (...)
  • 21 Les noms des élèves enquêtés restent anonymes. Seules les initiales de leur prénom sont indiquées. (...)

161) des chants introduits par ou de « l’école républicaine » (Frère Jacques ; Une souris verte ; Une poule sur un mur…), comme cet exemple de traduction d’une chanson enfantine19 en langue tayo20 (fig. 2)21.

Fig. 2. T., école de Noumea, septembre 2016.

Aa pule debu su mur

Une poule sur un mur

Aa pule debu su mur
La pikore dipa dur
La pikor la pikor
Lev ke plya
E pi pati !
La pikor la pikor
Lev ke plya
E pi pati !

Une poule sur un mur
Qui picore du pain dur
Qui picore qui picore
Lève la queue
Et puis s’en va !
Qui picore qui picore
Lève la queue
Et puis s’en va !

17Certains chants peuvent être adaptés comme l’exemple de cette interprétation de la chanson Une souris…, comprenant des termes en nengone (en gras) et emprunts aux langues polynésiennes (gras et souligné) (fig. 3).

Fig. 3. D., école de Nouméa, avril 2017, corpus Geneix-Rabault.

Une souris gada
Qui mangeait
puaka
Je l’attrape par
direia
Je la montre à
Pa Nata
Pa Nata ci era

Trempez-les dans du whisky
Ça fera un bon
Yeuc à frire !

Une souris blanche
Qui mangeait du cochon
Je l’attrape par les poils
Je la montre à Grand-Père Pasteur
Grand-Père Pasteur
chante
Trempez-la dans du whisky
Ça fera un bon poulpe à frire !

  • 22 Ce répertoire se compose principalement de do et de taperas, des chants religieux polyphoniques int (...)
  • 23 Une version longue de cette chanson a été publiée dans un recueil collectif (2015 : 25), recueil di (...)

182) des musiques océaniennes populaires provenant de différents répertoires (contes, danses et chants considérés comme traditionnels ; chants polyphoniques religieux22, musique tahitienne, etc.), comme cette reprise de danse de l’extrême sud de la Grande Terre en langue nââ numèè intitulée Awè to ta márô ‘Il y avait un oiseau…’23 :

Fig. 4. L., école du Grand Nouméa, juin 2017.

Aé aé aé aé….
Awè ro ta márô
Vané ri a nudu.
Aé aé ômwâ
Aé aé kowa.
Nyi mwa witii
Nyi ngè vèrô é mire.

Aé aé aé aé…
Il y avait un oiseau
Qui s’appelait notou.
Aé aé il va vers là-bas
Aé aé il va sur le côté.
Le soleil va se coucher

Il va aller se reposer.

  • 24 Signifiant littéralement « La cadence née des Kanak ». Cette terminologie est officiellement validé (...)
  • 25 Une version de cette chanson a été publiée dans un recueil collectif (2014 : 10). Adaptation du tit (...)

193) des titres de musiques populaires médiatisées par les radios, la télévision et sur internet (Kaneka24, reggae, raga, zouk, hip-hop, rap, etc.), comme cette reprise du célèbre tube de kaneka d’Edou Papillon, vole, vole, vole pour aller à l’école… adaptée en langue drubea25 :

Fig. 5. L., école du Grand Nouméa, juin 2017.

Cu Curi
Nyarê nyarê nyarê
Mé ki vê ne cikuru
Mé ki kwâ
Maa tro a pwéé yoo !

Lunette
Vole, vole, vole
Pour aller, aller à l’école
Pour chanter
Des jolies chansons !

  • 26 Sur le même principe que Am stram gram… Une version de cette chanson a été publiée dans un recueil (...)

204) Enfin, des chants qui n’ont aucune signification précise si ce n’est de jouer avec les musicalités des langues chantées, comme cet exemple consistant à s’amuser avec les sonorités du yuanga et du jawe en mélangeant des phonèmes de ces deux langues kanak26 :

Fig. 6. L., école du Grand Nouméa, juin 2017.

Kawali Kawala
Kawali Cani mia go
Cani mia go i ve ti
Ve ti ve ta
Ve ti ve ta
Ca pwa mwa le
Aé Le ca vaa la di mwa
Ca va la di mwa daagiiny
Daagiiny wa mo
Wa mo wa tho mo
Wa tho mo wa pwaele
Kuku le pwa dii yawe !

Varier pour jouer avec les normes

Variations des interprétations

  • 27 Le drehu (ou qene drehu) est parlé par les habitants de l’île de Lifou et Tiga aux îles Loyauté. Dr (...)

21Les interprétations varient d’une pièce à une autre, y compris auprès d’un même interprète : outre le nombre de syllabes, la métrique et la mélodie ou le rythme scandé se modifient également. Ces différentes exécutions de la formulette de jeu chantée en langue drehu27 Ca hnaca i aji (Un pas de souris) ou Ca neköi aji (Une petite souris) en sont l’illustration (L. et C., école de Nouméa, 2016, corpus Geneix-Rabault) :

22La variante 1 (V 1) comprend quatre vers :

V 1

Ca hnaca i aji
Lue hnaca i aji
Köni hnaca i aji
Ziziakötre ju i ecelë.
(X3)

6 syllabes
6 syllabes
6 syllabes
9 syllabes

23La variante 2 (V 2) contient dix vers :

V 2

Ca neköi aji
Lue neköi aji
Köni neköi aji
Eke neköi aji
Tripi neköi aji
Luengemen aji
Köningemen aji
Ekengemen aji
Luepi
Zizianue ju i ece !

5 syllabes
6 syllabes
6 syllabes
6 syllabes
6 syllabes
6 syllabes
6 syllabes
6 syllabes
3 syllabes
9 syllabes

24La variante 3 (V 3) a cinq vers :

V 3

Ca hnaca i aji
Lue hnaca i aji
Köni hnaca i aji
Eke hnaca i aji
Ziziakötre ju i e celë.

6 syllabes
7 syllabes
7 syllabes
7 syllabes
10 syllabes

25Et enfin la variante (V 4) comprend cinq vers :

V 4

Ca neköi aji
Lue nani föe
Köni nani trahmany
Eke kaukau
Ziziakötre e celë.

5 syllabes
6 syllabes
6 syllabes
6 syllabes
8 syllabes

26La longueur textuelle des différentes versions de cette formulette de jeu chantée dont la fonction est de faire rire n’a pas de structure prédéfinie. L’interprétation est motivée par la volonté de s’amuser. En raison de son caractère fonctionnel, elle peut donc être extrêmement changeante et varie presque à chaque interprétation.

Variantes et variations linguistiques

27Les pratiques orales chantées des enfants se caractérisent également par des variations linguistiques, comme en témoignent les exemples précédents et les trois suivants enregistrés auprès de plusieurs enfants dans deux écoles nouméennes :

Fig. 7. T., D., F., écoles de Nouméa, Corpus Geneix-Rabault, 2016.

Jeu chanté / Ca hnaca i aji

Ca hnaca i aji
Lue hnaca i aji
Köni hnaca i aji

Eke hnaca i aji (3 
e fois)
Ziziakötre ju i eke/ekelë.

Ca hnaca i aji
Lue
neköi aji
Köni
neköi aji
Eke neköi aji
Zizia nue ju i ecelë.

Ca neköi aji
Lue neköi aji
Köni neköi aji
Eke neköi aji

Ziziakötre ju ece/ekelë.

Un pas de souris,
Deux pas de souris,
Trois pas de souris,
Quatre pas de souris (3
e)
Qui montent ici.

Un pas de souris,
Deux petites souris,
Trois petites souris,
Quatre petites souris,
Qui montent ici.

Une petite souris,
Deux petites souris,
Trois petites souris,
Quatre petites souris,
Qui montent ici.

Glissements sémantiques

28Parallèlement, nous pouvons lire une véritable conscience des écarts par rapport aux normes, d’être (volontairement) en marge des bons usages. Des formes de transgression sont tolérées dans ce registre, alors qu’elles ne le sont pas dans d’autres répertoires, comme les chants ayant trait à l’histoire généalogique des familles ou les chants que les adultes transmettent aux enfants, qui ont pour fonction de poser les bases des premières acquisitions langagières et musicales des petits. En l’absence de pression normative, hors du regard des adultes, les élèves font preuve d’usages créatifs décomplexés :

Fig. 6. T., école de Nouméa, avril 2017, corpus Geneix-Rabault.

  • 28 Ici, plusieurs langues sont mélangées : Mosso est un prénom futunien ; kava vient du bislama (créol (...)

Au clair de la lune,
Vire le vieux Mosso.
Il boit trop d’kava,
Oso… kucikucian la vieille28.

Fig. 7. Sur l’air de Au clair de la lune… N., école de Nouméa, juin 2017, corpus Geneix-Rabault.

Place de cocotiers
M’en allant picoler
J’ai voulu défoncer
La tête de pine à la voisine.

Le plurilinguisme : « infraction » ou « prouesse » ?

29Le répertoire des enfants est parfois un genre associé à l’idée de transgression, à celle des écarts possibles. Un témoignage d’enfant est particulièrement significatif à ce propos : Inu ci pene nengone waueng ! (Je parle un nengone plus léger !). De manière générale, la cour de l’école reste le lieu privilégié où ces transgressions sont autorisées et consciemment instrumentalisées (comparativement aux usages dominants au sein de la classe, à la maison, avec la famille, les parents, les anciens, lors des coutumes, etc.) : « bah ! ici (dans la cour d’école) on peut tout mélanger toutes les langues le français, le drehu, le paicî, le wallisien, le futunien, toutes les langues (…) toutes les chansons qu’on veut on est là pour s’amuser en chantant » (extrait d’entretien, septembre 2017, corpus Geneix-Rabault) ; « celui qui mélange le plus de langues est le plus fort » (extrait d’entretien avec des élèves, école de Nouméa, octobre 2017, corpus Geneix-Rabault). A la différence des temps de classe dans lesquels est proscrit l’usage d’autres langues que le français par certains enseignants – « ah non ! E., on ne parle pas drehu ici c’est pas l’heure du drehu c’est la classe normale E. » (propos d’enseignante, école de Nouméa, novembre 2016, corpus Geneix-Rabault) –, le mélange des langues est perçu et vécu par les élèves comme une prouesse esthétique cultivée, recherchée, contribuant à (re)connaître la puissance du statut de celui qui détiendra le record : « lôngin ! bah ! t’as vu lui il a enchaîné sept (langues) d’une fois (…) nous après on va essayer de faire plus encore va falloir demander à Nene » (N., école de Nouméa, septembre 2017, corpus Geneix-Rabault).

  • 29  Le 15 octobre 1863, la France, via l’arrêté no 125 de Guillain, interdit « l’étude des idiomes cal (...)
  • 30 Pasteur tout autant qu’ethnologue et linguiste, Maurice Leenhardt débute sa mission d’évangélisatio (...)

30Si l’école « républicaine française » a imposé un enseignement monolingue29 et une vision mono-normative des langues en Nouvelle-Calédonie (Fillol 2017), pour autant, cette prouesse linguistique était auparavant largement recherchée et pratiquée par les locuteurs plurilingues, comme en témoigne cette description du missionnaire Maurice Leenhardt30 :

  • 31 Nous soulignons.

« Leur femme parlera sa langue en même temps qu’elle apprendra celle de son mari. Ainsi tout indigène était pour le moins bilingue. (…) La possession de plusieurs langues est l’un des éléments essentiels de la culture personnelle de l’ancien Canaque. (…) Dans les discours et les chants, le tour littéraire, consiste à savoir évoquer l’image par la répétition du même mot en deux ou trois langues différentes. Tel chant de pilou commence : go kuru, go sala ro. On pourrait traduire, pour rendre compte de l’allure de la phrase : je dors, ich schlafe31 » (Leenhardt 1948 : XVI).

31Les élèves interrogés témoignent donc de l’idée de cloisonnement, de frontières entre ces espaces d’autorisation ou d’interdits d’usages et de pratiques par rapport aux principaux lieux de vie des élèves sans que cela soit problématique, « anormal » ou « mal perçu » : « dans la cour tu peux chanter comme tu veux mais faut pas le faire trop près des maîtresses sinon… ça fait que c’est amusant de pouvoir chanter le lead du copain dans sa langue à lui, même si tu la connais pas (…) y’a que nous qui pouvons nous comprendre après » (K., école de Nouméa, juin 2017, corpus Geneix-Rabault). Ce mélange des genres est finalement assez courant dans les pratiques et en cohérence avec le profil pluriel des élèves qui évoluent eux-mêmes dans des « contextes multi/plurilingues imbriqués » (Razafi et Favard idem). Recherché, il permet de s’identifier à un groupe auquel on appartient et/ou on s’identifie : « ben c’est notre code à nous Kawali kawala… quand on entend le copain fredonner Kawali c’est pour se retrouver dans un coin de la cour et parler des choses à nous (rires) ! (…) » (H., école de Nouméa, juin 2017, corpus Geneix-Rabault).

32Pour autant, ces pratiques s’inscrivent dans des contextes dominés par des représentations, des attitudes et/ou des discours prescriptifs, mononormatifs et cloisonnants : « ce n’est pas la vraie chanson celle qu’on a appris la semaine dernière… faut pas répéter bêtement ce que les grands vous disent dans la cour ! » (discours d’enseignante, école de Nouméa, mars 2018, corpus Geneix-Rabault) ; « le mélange des langues c’est pas bien vu chez nous (…) c’est pour ça qu’on reprend systématiquement les élèves, pour qu’après ils parlent un drehu correct, le vrai drehu de chez nous » (idem).

Conclusion

33L’analyse des pratiques chantées des enfants et des discours met en voix leurs ressources plurilingues et pluriculturelles en dépit des difficultés identifiées par le système scolaire calédonien à les repenser comme potentiellement enseignables. Elle révèle d’autre part en filigrane, les représentations que les élèves se font des usages, formes, limites et évaluations d’un modèle imaginé, fantasmé et considéré comme la norme dans les pratiques : ne pas mélanger les langues pour mieux parler le français (Fillol et al. à paraître). Parallèlement, nous pouvons lire une véritable conscience des écarts par rapport aux « normes », aux conceptions monolingues dominantes, d’être (volontairement) en marge des « bons usages » (re)connus par l’école et les adultes qui les entourent. Bien plus que tolérée, cette forme de transgression est recherchée : elle correspond à la façon dont les enfants lisent, vivent leur environnement et interagissent au sein de celui-ci de manière à marquer leur appartenance à la communauté éducative. Elle permet une démarcation d’autant plus nette entre l’univers des enfants et celui des adultes, des enseignants, tout en offrant la possibilité de se créer des espaces de visibilité, de légitimité et d’appropriation de l’école. En l’absence de pression normative, les enfants font preuve d’usages dynamiques, créatifs et décomplexés, entendus ici au sens de dégagés de toute bienséance sémantique. Ils réalisent finalement ce que l’école peine tant à mettre en œuvre : valoriser la diversité des langues-cultures de/en Océanie « pour que l’élève occupe une place sociale pleine et entière dans le monde social » (Bautier 1999 : 56).

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Bibliographie

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Notes

1 Ce travail a donné lieu à l’édition en 2016 d’un outil pédagogique par la DENC, en partenariat avec le Conservatoire et l’ALK (https://denc.gouv.nc/ressources-pedagogiques-ecole-elementaire-disciplines-denseignement-culture-humaniste-5). Une mise en ligne régulière de ressources écrites, audio/audiovisuelles complémentaires vient augmenter le document publié et distribué gratuitement dans les écoles primaires publiques du pays en version imprimée.

2 L’agglomération nouméenne se compose de quatre communes (Nouméa, Dumbéa, Païta et Mont-Dore), où est installée près de la moitié de la population calédonienne (http://www.sign.nc/presentation/presentation-du-territoire).

3 Dans ce chapitre, le terme « kanak » est invariable en genre et en nombre. Cette orthographe est celle que l’on retrouve dans de nombreux textes, notamment celui de la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie (no 99-209 du 19 mars 1999). Le pays comprend une quarantaine de langues kanak, expression désignant les langues « autochtones » qui appartiennent toutes au groupe océanien de la famille des langues austronésiennes englobant entre 1000 à 1200 langues.

4 Langue parlée par les habitants originaires de Canala et Thio, deux communes situées sur la côte est de la Grande Terre (http://lacito.vjf.cnrs.fr/pangloss/languages/Xaracuu.php).

5 Langue parlée par les Loyaltiens originaires de Lifou et Tiga (http://lacito.vjf.cnrs.fr/pangloss/languages/Drehu.php/languages/Drehu.php).

6 Littéralement « chant pour endormir les enfants ».

7 Brève formule chantée, scandée, rythmée ou récitée pour accompagner principalement les jeux.

8 Le kaneka est un répertoire musical d’adultes fusionnant des mélodies, rythmes, cadences et instruments des musiques kanak qualifiées de « traditionnelles » à d’autres influences musicales telles que le rock, le folk, le reggae, le zouk, etc. (Bensignor 2013 ; Geneix-Rabault, à paraître).

9 Cf. les corpus en ligne des chercheurs océanistes du LACITO-CNRS, la collection Pangloss (http://lacito.vjf.cnrs.fr/pangloss/corpus/index.html).

10 Les langues kanak, mais aussi de Wallis et Futuna et de Polynésie française, dites langues d’outre-mer, sont considérées comme des « langues régionales (qui) appartiennent au patrimoine de la France » (Constitution, article 75-1). « On entend par langues de France les langues régionales ou minoritaires parlées traditionnellement par des citoyens français sur le territoire de la République, et qui ne sont langue officielle d’aucun État » – DGLFLF (http://www.dglflf.culture.gouv.fr/). Cf. Corpus de la parole (http://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Langue-francaise-et-langues-de-France/Observation-des-pratiques-linguistiques/Corpus-de-la-parole).

11 Les réflexions de cet article proviennent d’une recherche engagée depuis 2000 dans le cadre de ma formation universitaire (Geneix-Rabault 2000 ; 2001-2002 ; 2002-2008), puis d’enquêtes ethnographiques conduites lors de festivals et journées culturelles en Nouvelle-Calédonie (2008-2018), en Mélanésie et dans le Pacifique ; enfin dans le cadre de projets pédagogiques (CHAM, 2014-2018). Ces investigations ont donc été conduites sur un terrain de recherche « multi-situé » (Fillol et Le Meur 2014 ; Geneix-Rabault 2014).

12 Dans ce programme, j’ai souhaité élargir « l’angle de vue » en travaillant en interdisciplinarité, en associant plus particulièrement la (socio)didactique et l’ethnomusicolinguistique. Si la notion de pluridisciplinarité rend compte de la démarche qui consiste à faire se rencontrer plusieurs disciplines autour d’un même objet d’étude, elles « ne font que s’additionner, sans s’enrichir mutuellement » (Dangas 2013 : [s.p. ]). Là où la pluridisciplinarité est une réunion, voire une simple juxtaposition d’éclairages, l’interdisciplinarité construit une intersection. Elle suppose la mise en commun de valeurs, de concepts, de connaissances, d’analyses, d’outils ou de méthodes : « C’est cette zone de culture commune qui permet un dialogue entre les disciplines (de cette intégration peut d’ailleurs émerger une discipline à part entière) » (ibid.).

13 Cf. les textes de présentation du projet éducatif et les différentes phases de mises en œuvre sur 2017-2019 (https://www.ac-noumea.nc/spip.php?rubrique269).

14 Dans le cadre du dispositif classes à horaires aménagés musique (CHAM). Le partenariat consiste à accompagner et soutenir sa mise en place dans les établissements scolaires, à mutualiser des ressources musicales et à soutenir leur transposition didactique. Un concert de fin d’année réunissant des élèves et des musiciens a par exemple été présenté au conservatoire de musique et de danse (2014) ; en complément, un document d’accompagnement des programmes en éducation musicale (coordination Gomes 2016) a été édité.

15 Près des deux tiers des langues du monde sont recensées dans le bassin océanien (Moyse-Faurie 2003).

16 Les chiffres sont issus de l’Institut Statistique des Études Économiques de Nouvelle-Calédonie (ISEE-NC 2014 et 2017).

17 Cf. la recherche menée entre 2014 et 2016 à Nouméa, Les langues dans la ville : pratiques plurilingues et artistiques à Nouméa, soutenue financièrement par la DGLFLF, le centre des nouvelles études sur le Pacifique à l’Université de la Nouvelle-Calédonie (CNEP-UNC), la Province Sud et l’association CORAIL. Outre le rapport de ce programme de recherche, et les diverses communications scientifiques faites au cours du projet, un documentaire de 26 minutes a été réalisé et une conférence de valorisation a été présentée au Centre Culturel Tjibaou (à regarder à partir du lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=bAx_FmrCp-o : dernière consultation le 30/06/2017).

18 Le p’ene nengone, ou simplement nengone, est parlé par les habitants de l’île de Maré et Tiga aux îles Loyauté. Nengone désigne à la fois l’idiome, l’île de Maré et ses habitants. Pour en savoir plus sur le nengone, cf. un didacticiel en ligne réalisé par l’Université de la Nouvelle-Calédonie : http://nengone.univ-nc.nc/ (Beraune, Hmae, Vernaudon, 2013).

19 Une version plus courte de cette chanson a été publiée dans un recueil collectif (2014 : 21).

20 Créole à base lexicale français parlé dans la région de Saint-Louis, près de Nouméa/Grand Nouméa (cf. Erhart 2016 et Speedy 2014).

21 Les noms des élèves enquêtés restent anonymes. Seules les initiales de leur prénom sont indiquées. Tous les corpus cités dans cet article ont été collectés par l’auteure.

22 Ce répertoire se compose principalement de do et de taperas, des chants religieux polyphoniques introduits par les missionnaires protestants anglais de la London Missionary Society (LMS) en 1840 : voués à diffuser le message chrétien en langues locales lors des cérémonies religieuses, leur contexte d’interprétation dépasse aujourd’hui le seul cadre du culte. Chantés aussi au cours de cérémonies coutumières et culturelles, ils font désormais partie intégrante des traditions musicales kanak.

23 Une version longue de cette chanson a été publiée dans un recueil collectif (2015 : 25), recueil distribué gratuitement dans les écoles primaires publiques de la NC par le centre de documentation pédagogique de NC (l’ALK et le CDP-NC) et le service de l’enseignement des langues et cultures kanak du vice-rectorat (SELCK-VR).

24 Signifiant littéralement « La cadence née des Kanak ». Cette terminologie est officiellement validée par l’Office Culturel Scientifique et Technique Canaque en 1986 à l’issue d’un séminaire sur la musique à Canala (cf. Bensignor 2013). Un documentaire a récemment été réalisé (Têtemba production 2016) sur ce répertoire (https://www.youtube.com/watch?v=lVTp5lG_bOM) et voir Geneix-Rabault à paraître dans Une pluralité audible ?).

25 Une version de cette chanson a été publiée dans un recueil collectif (2014 : 10). Adaptation du titre d’Edou, elle est souvent interprétée dans les écoles de/en Nouvelle-Calédonie.

26 Sur le même principe que Am stram gram… Une version de cette chanson a été publiée dans un recueil collectif intitulé Kawali Kawala (2015 : 12).

27 Le drehu (ou qene drehu) est parlé par les habitants de l’île de Lifou et Tiga aux îles Loyauté. Drehu désigne à la fois l’idiome, l’île de Lifou et ses habitants. Pour en savoir plus sur le drehu, cf. http://lacito.vjf.cnrs.fr/pangloss/languages/Drehu.php/languages/Drehu.php.

28 Ici, plusieurs langues sont mélangées : Mosso est un prénom futunien ; kava vient du bislama (créole parlé au Vanuatu et par les ni-Vanuatais installés notamment en Nouvelle-Calédonie) et désigne une plante (la racine, la boisson faite à partir de racines écrasées et macérées dans de l’eau) aux propriétés anesthésiantes et anxiolitiques ; enfin, oso est un gros mot en langue drehu mais souvent utilisé dans un langage familier, et kucikucian vient du drehu et signifie ‘chatouiller’ (connotation sexuelle).

29  Le 15 octobre 1863, la France, via l’arrêté no 125 de Guillain, interdit « l’étude des idiomes calédoniens […] dans toutes les écoles », imposant le français comme seule langue officielle et de scolarisation. Cet arrêté sera maintenu et appliqué jusqu’à l’installation du Premier Gouvernement Tjibaou en 1984 (Cf. Bulletin Officiel de la Nouvelle-Calédonie de 1863, arrêté no 125 du 15 octobre 1863 : 234-238, bibliothèque Nationale de Paris. Cité dans Lavigne Gérard, 2012, tome 3, Annexe no 8).

30 Pasteur tout autant qu’ethnologue et linguiste, Maurice Leenhardt débute sa mission d’évangélisation en Nouvelle-Calédonie au début du XXe siècle. Il contribuera à poser les bases de la première documentation sur les langues du pays, principalement le ajië parlé à Houaïlou.

31 Nous soulignons.

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Pour citer cet article

Référence papier

Stéphanie Geneix-Rabault, « Hors normes ? Quand la diversité linguistique et culturelle inspire le répertoire chanté des enfants (Nouméa, Nouvelle-Calédonie) »Cahiers d’ethnomusicologie, 31 | 2018, 87-103.

Référence électronique

Stéphanie Geneix-Rabault, « Hors normes ? Quand la diversité linguistique et culturelle inspire le répertoire chanté des enfants (Nouméa, Nouvelle-Calédonie) »Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 31 | 2018, mis en ligne le 10 décembre 2020, consulté le 13 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/2858

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Auteur

Stéphanie Geneix-Rabault

Stéphanie GENEIX-RABAULT est Maîtresse de conférences en Langues et cultures océaniennes, directrice de l’équipe de recherche émergente Eralo à l’Université de la Nouvelle-Calédonie. En tant que plurilingue, les questions ethnomusico-linguistiques lui paraissent particulièrement signifiantes sur les plans scientifiques. Ses recherches participent à la création de ressources multilingues, avec une focalisation particulière sur les arts et les répertoires musicaux des/pour enfants en langues océaniennes. Elles visent à une contextualisation didactique des enseignements et pratiques en milieu scolaire.

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