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Entretiens

Un éclectisme assumé. Entretien avec Denis-Constant Martin

Entretien réalisé à Paris le 13 juin 2016
Emmanuelle Olivier et Denis-Constant Martin
p. 191-215

Texte intégral

1Directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques, Denis-Constant Martin a travaillé pendant près de quarante ans au Centre de recherches internationales (CERI, Sciences-Po Paris – CNRS), avant d’être rattaché au Laboratoire « Les Afrique dans le monde » de Sciences-Po Bordeaux.

2Au regard de cette courte vignette biographique, on peut se demander pourquoi proposer l’entretien d’un politologue, si talentueux soit-il, dans une revue d’ethnomusicologie. D’abord parce que Denis-Constant Martin n’est pas un politologue, ou pas seulement ! Ses travaux, qui défient toute tentative d’assignation à une discipline unique, questionnent plutôt les représentations sociales du politique, dans toute leur complexité. La musique y a constitué très tôt, et tout au long de son parcours scientifique, un objet privilégié d’investigations et de réflexions, ou plus exactement l’un de ces « objets politiques non identifiés » qu’il avait rassemblés dans un ouvrage collectif éponyme paru en 2002. Ensuite, parce que Denis-Constant Martin a été l’instigateur, au début des années 1990, d’un tournant épistémologique majeur dans l’ethnomusicologie française, qui s’est alors ouverte aux mondes contemporains, à travers l’étude des musiques populaires, de la world music, voire tout simplement des musiques « à la mode ».

3Sans penser qu’« une vie vécue peut se confondre avec une vie racontée » (Fabre et al. 2010 :  18), cet entretien nous invite à entrer dans un parcours intellectuel fait de rencontres, de questionnements et de choix, mais aussi d’une part de hasard et d’imprévisibilité inhérents à toute démarche scientifique. Du reggae au jazz en passant par les musiques des coloureds du Cap, des ouvrages scientifiques aux chroniques dans des magazines spécialisés, des terrains ethnographiques aux cours-séminaires, se dessine l’image d’un chercheur toujours curieux et passionné. Bref, « in-discipliné » !

E. O.

Fig. 1. Avec Marie-Christine Martin et les Cape Traditional Singers, Bordeaux, 2004.

Fig. 1. Avec Marie-Christine Martin et les Cape Traditional Singers, Bordeaux, 2004.

De Jean-Sébastien Bach au reggae en passant par le jazz : effets du hasard et déformation professionnelle

Toi qui as une formation de politologue, qui as été chercheur et enseignant à Sciences Po, qu’est-ce qui t’a conduit à t’intéresser à la musique ?

J’ai commencé par faire du journalisme musical, que j’ai poursuivi jusqu’à très récemment. De 1968 à 2016, j’ai écrit très régulièrement des chroniques musicales dans des magazines spécialisés ou bien d’information générale. En 1971, quand je rencontre Simha Arom, mon expérience de la musique se résume ainsi à une collaboration à Jazz Magazine, pour lequel travaillaient des gens qui avaient un grand talent d’écriture sur la musique. La rencontre avec Simha Arom me fait réaliser que je peux avoir un dialogue fructueux avec les musicologues et les ethnomusicologues.

Comment te vient ce goût pour le jazz ?

DCM : Je ne me souviens plus bien. Mon père fabriquait des orgues électroniques à sonorité classique2 et j’ai grandi avec Jean-Sébastien Bach dans les oreilles. Quand j’ai eu 12-13 ans, j’ai entendu d’autres genres de musique à la radio. Dans mes souvenirs les plus anciens, il y a le Ray Charles de « What’d I say » et « I got a woman », il y a aussi le Sidney Bechet de « Petite fleur », évidemment. Ensuite, j’ai découvert Duke Ellington. Un de mes beaux-frères était musicien amateur, ancien batteur, pianiste, organiste, passionné de jazz et il a conforté mon intérêt pour cette musique. J’ai commencé à lire des revues spécialisées et des ouvrages pour m’instruire sur l’ensemble des musiques afro-américaines : le jazz, le blues, les musiques religieuses, etc. Et, à partir de la fin 1968, j’ai commencé à collaborer à diverses publications en tant que chroniqueur de jazz.

Tu as cette seconde vie, en quelque sorte, de chroniqueur de jazz. Mais comment as-tu construit la musique comme objet scientifique ? Si je ne me trompe pas, ton premier ouvrage porte sur le reggae et tu le publies sous un pseudonyme en 1982.

Oui, mais le manuscrit initial date de 1978-1979. Il a été publié en feuilleton dans Jazz Magazine ; un peu plus tard, en 1981-1982, un collaborateur de la revue qui lançait une collection de musique chez Parenthèses, éditeur basé près de Marseille, m’a proposé de publier ce feuilleton en livre, et j’ai rédigé une préface originale, un peu décalée par rapport au corps de l’ouvrage, puisque je théorisais, en quelque sorte a posteriori, l’approche que j’ai employée pour analyser le reggae (Constant 1982). Pourquoi avoir choisi d’écrire sur le reggae ? Par suite de la combinaison du hasard et d’une sorte de déformation professionnelle. L’effet du hasard, c’est que le rédacteur en chef de Jazz Magazine, Philippe Carles, connaissait mon intérêt pour les musiques des Antilles en général. A cette époque, dans la presse ou les bacs des disquaires, la catégorie reggae n’existait quasiment pas et l’on n’avait pas encore inventé la catégorie « musiques du monde ». Les services de presse des compagnies phonographiques qui commençaient à publier des disques de reggae en France les envoyaient aux magazines de jazz, notamment à Jazz magazine. Au fur et à mesure, une pile de 33 tours s’est accumulée dans les bureaux de la revue et un jour Philippe Carles m’a demandé : « Tu ne pourrais pas faire quelque chose de ça ? » J’ai pris la pile, et c’est là que la déformation professionnelle intervient. Que faire d’une telle pile de disques ? Je ne peux me contenter d’écrire de simples comptes rendus d’audition, comme pour les disques de jazz habituellement chroniqués. J’adopte une approche plus analytique pour essayer de comprendre ce que signifie le reggae par rapport à la société jamaïcaine, comment cette production musicale originale s’insère dans une évolution historique, politique et sociale. Je fais ce que je sais faire professionnellement : je plonge dans les catalogues de la bibliothèque, je sors tous les articles et les ouvrages qui peuvent m’éclairer sur la Jamaïque. J’ai la chance de travailler à Sciences Po, qui abrite une des meilleures bibliothèques de sciences humaines de France et peut-être d’Europe : on y trouve des revues et des ouvrages publiés aux Antilles, notamment en Jamaïque, toutes sortes de textes portant sur les Caraïbes. Je vais passer six mois, peut-être un an, à dévorer cette littérature et à essayer de saisir comment ce que j’entends sur les disques peut être rapporté à ce que je lis dans les textes, avec quand même le parti pris – et c’est là l’influence des musicologues, notamment de Simha Arom – de partir de la musique, et non des paroles des chansons. Car l’essentiel de ce qui avait été écrit sur le reggae jusqu’alors relevait d’une glose sur les textes, accompagnée de notations socio-historiques véhiculant souvent des mythes qui idéalisaient le reggae comme musique de révolte et de libération. Le corpus que j’ai n’est certes pas rigoureusement constitué puisqu’il rassemble les seuls exemplaires de presse distribués en France. Mais, ce corpus – qui s’avérera ensuite relativement représentatif – indique que ce qui domine dans le reggae, comme dans toutes les chansons populaires à travers le monde, c’est la chanson d’amour. Il comprend quelques pièces à tonalité politique ou sociale, quelques chansons à tonalité religieuse rastafarienne qui, d’ailleurs, se confondent souvent avec les premières. Il n’est donc pas possible de construire une étude du reggae sur le mythe d’une musique dominée par la contestation politique et sociale. Il est indispensable de repartir de la musique pour envisager ensuite ce que disent les paroles et découvrir comment cette musique se raccroche à une situation historique particulière.

La musique comme non-objet des sciences politiques

Ce travail sur le reggae s’inscrit-il dans les projets de recherche que tu développes alors à Sciences Po ?

Pas immédiatement, parce que je me censure. J’avais le sentiment, peut-être un peu exagéré mais pas totalement infondé, que si je présentais cette enquête dans le cadre de mon activité officielle à Sciences Po, elle ne serait pas bien acceptée. Je l’ai réalisée en dehors de mes heures de travail, si tant est que ça ait du sens dans nos métiers, tout en poursuivant mes recherches plus « normalement » politologiques. L’essentiel du premier manuscrit a été écrit le soir entre 19h et 22h et pendant les week-ends. Et je l’ai signé d’un pseudonyme, complètement transparent évidemment puisque c’est mon prénom. Quand le texte a été publié en feuilletons dans Jazz Magazine, il n’a suscité aucun intérêt parmi mes collègues. En revanche, quand le livre est sorti, il a davantage attiré l’attention. Le directeur du laboratoire où je travaillais, le CERI, l’a considéré de façon positive. A partir de ce moment-là, je me suis libéré de mon autocensure et, par la suite, j’ai présenté mes travaux sur la musique comme partie intégrante de mon activité de chercheur rémunéré par la Fondation nationale des sciences politiques.

Fig. 2. Avec Simha et Sonia Arom, Paris, CERI, 2010.

Fig. 2. Avec Simha et Sonia Arom, Paris, CERI, 2010.

Est-ce à dire qu’au début des années 1980 dans les sciences politiques, la musique était un objet illégitime ?

C’était plutôt un non-objet. Il n’y avait pratiquement aucune recherche sur la musique en sciences politiques, en tout cas en France. On pouvait trouver quelques textes sur la chanson ou l’opéra, écrits soit par des musicologues au sens conventionnel, soit par des journalistes, mais ils traitaient surtout de leur histoire ou de leurs paroles. Il faudrait revérifier dans les bibliographies, mais honnêtement, je pense qu’il n’y avait pas grand-chose.

Ce que je trouve intéressant dans ton parcours intellectuel, c’est que d’un côté tu es politologue…

En fait, je me suis toujours considéré comme sociologue : après mon diplôme de Sciences Po, j’ai été formé par Georges Balandier qui a dirigé mes thèses de 3e cycle et d’Etat. Pour moi, la « science politique » est une discipline qui se définit par son objet, le pouvoir, mais n’a qu’une faible autonomie du point de vue des méthodes. Elle recourt à l’histoire, à la sociologie, à l’anthropologie, à la psycho-sociologie, à l’économie… C’est à la fois la faiblesse et l’intérêt de cette discipline : elle se situe au croisement de toutes les disciplines des sciences humaines. Cela est d’autant plus flagrant lorsqu’on étudie, comme je l’ai fait, les sociétés africaines : la recherche doit impérativement être multidisciplinaire.

Formes simples et analyse complexe

Dans le champ de l’ethnomusicologie française, tes travaux ont été pionniers. Dans les années 1980-1990, travailler sur les musiques populaires, les musiques de masse, les musiques commerciales, la world music était quelque chose de terriblement exotique en ethnomusicologie. Aujourd’hui, la plupart des étudiants travaillent sur ces objets.

Je m’y suis intéressé justement parce que je n’avais pas les a priori des ethnomusicologues d’alors, et que j’abordai ces musiques d’un point de vue plus sociologique. Le blues, qu’est-ce que c’est ? Douze mesures et une succession d’accords I-IV-V-I. Avec ces 12 mesures, I-IV-V-I, quelle palette d’expressions, de nuances ! Les formes supposées simples peuvent se révéler beaucoup plus complexes si on emploie les outils adéquats pour atteindre leur complexité. Quand on accepte que des musiques aussi simples en apparence que le blues (qui peuvent être interprétées dans une très grande palette de styles) recèlent cette complexité, cette richesse de nuances, cette puissance émotionnelle, cela entraîne que la même complexité doit se retrouver dans le reggae, les musiques afro-cubaines sénégalaises, et plus tard dans le mbalax, dans ce qu’on appelle la rumba congolaise, etc. Je sais aussi d’oreille que les musiques de Martinique et de Guadeloupe – de Guadeloupe en particulier parce que je les ai davantage écoutées – sont extrêmement riches ; je ne suis pas capable de l’analyser, mais je suis capable de le percevoir. Je sais qu’elles méritent d’être étudiées sérieusement. Ce genre d’intuition peut être l’aiguillon d’entreprises de recherche.

Je me suis posé la question du fil conducteur entre les différentes musiques sur lesquelles tu as travaillé. Sans chercher à reconstruire ton parcours en lui donnant une cohérence a posteriori, je crois qu’au-delà d’une part de hasard dans la rencontre que tu as eue avec certaines musiques ou certaines personnes, quelque chose les lie entre elles.

  • 3 La thèse de Panagiota Anagnostou (2012) est un des exemples les plus poussés de l’utilisation de l’ (...)

S’il y a un fil conducteur, c’est la question suivante : comment peut-on analyser les rapports qu’entretiennent les musiques dites « populaires » – mais pour éviter les ambiguïtés de la catégorie « musique populaire », j’ai préféré parler de « musique de diffusion commerciale » ou de « musique de masse », en empruntant cette dernière notion à l’historien Jean-François Sirinelli (Sirinelli & Roux 2002) – avec les sociétés dans lesquelles elles s’épanouissent ? Comment construire analytiquement ce rapport et, notamment, comment parvenir à découvrir, à analyser les représentations du pouvoir véhiculées par des phénomènes musicaux ? Cela implique que j’envisage la matière musicale au sens étroit du terme, mais aussi les paroles, les conditions de production et la réception. Ma seconde préoccupation est d’ordre essentiellement méthodologique ; elle s’est imposée à partir du moment où j’ai découvert la tripartition proposée par Jean Molino et Jean-Jaques Nattiez (voir Molino 1975, 2009 ; Nattiez 1975), à l’occasion du travail sur le reggae : la musique jamaïcaine fournit le prétexte d’une première tentative pour appliquer la tripartition à un genre de musique « populaire ». La difficulté est de réaliser le programme complet qu’exigerait une analyse tripartite intégrale. Cela relève pour moi d’un idéal, qui n’a que rarement, voire jamais, été réalisé3. En ce qui me concerne, j’ai essayé de m’en inspirer sans jamais pouvoir la réaliser complètement. Certaines de mes recherches relèvent plus de la mise en rapport des conditions de production et de l’analyse de l’objet musical ; d’autres mettent plus l’accent sur la réception musicale. Dans ce que j’ai fait, c’est peut-être le petit ouvrage sur la rappeuse Diam’s qui s’en approche le plus (Martin et al. 2010). Il y manque toutefois une étude sociologiquement rigoureuse de la réception, qui est compensée par une analyse de forums Internet. Dans les recherches que j’ai entreprises au Cap, en Afrique du Sud, depuis 1992, j’ai dû combiner l’histoire, l’enquête socio-anthropologique par entretien non-directif, l’observation (non participante) et, dans certains cas, l’analyse de forums Internet. Le travail sur Diam’s et sur les polyphonies des Malay Choirs du Cap a confirmé l’importance de la place qu’ont pris aujourd’hui les forums Internet de commentaires et de dialogues (Gaulier, Martin 2017). Leur utilisation pose des problèmes méthodologiques, des problèmes de représentativité, mais ils constituent une source très intéressante et qui peut parfois compenser l’impossibilité de conduire des enquêtes.

L’objet musical comme forme symbolique

Quand, pour reprendre Edouard Glissant, tu travailles la musique comme « poétique de la Relation », quand tu analyses la musique et les musiciens dans leur capacité d’action sur le politique, sur la société, ne vas-tu pas au‑delà de la tripartition ? La tripartition centre son paradigme sur la matière musicale. Quand tu fais une analyse anthropologique, sociologique, politologique de la musique, je trouve que tu vas au-delà.

Pour moi, en tant que sociologue, la tripartition n’est pas une fin mais un moyen pour tenter de répondre aux questions que je pose à la musique à propos du pouvoir. Ce qui me paraît très important dans ce qu’a théorisé Jean-Jacques Nattiez, c’est la définition de la musique comme forme symbolique. Cela implique qu’il y ait à la fois des symboles émis et des symboles décodés, décryptés et ceci de multiples manières. Ce qui m’intéresse plus particulièrement dans la symbolique musicale, c’est qu’elle suggère, dans le domaine où je travaille, une interrogation : l’analyse des symboliques musicales permet-elle de trouver des traces de représentations sociales du politique ?

Il y a certes la musique comme symbolique qui permet de conduire à des représentations du social, du politique, etc. Mais il y a aussi la musique dans sa capacité à transformer la société.

  • 4 Ces questions sont notamment abordées dans la thèse d’Armelle Gaulier (2014) ; voir en particulier  (...)

En fait, je ne pense pas que la musique elle-même, la matière musicale, l’objet musical, ait la capacité ou le pouvoir de transformer quoi que ce soit. C’est la façon dont cette matière musicale est reçue et interprétée par les auditeurs qui peut éventuellement peser sur la transformation des représentations sociales, et à partir de là, combinée à d’autres facteurs, favoriser le passage à l’acte politique. J’essaie de dire les choses de manière nuancée, car il n’y a aucun automatisme, aucun mécanisme dans ce processus. Tout repose sur des relations symboliques qui sont, la plupart du temps, passablement insaisissables, intangibles et fugaces. Cela pose des problèmes importants quand on travaille sur la musique et l’émotion. Quand on parle de la capacité de la musique à émouvoir de sorte qu’elle suscite un passage à l’acte politique, quand on parle d’émotions dans cette perspective-là, comment définit-on l’émotion ? Quelles sont la puissance et la durabilité des émotions4 ? Qu’est-ce qui va faire qu’une émotion suscitée par la musique à un moment donné, dans des conditions particulières, sera suffisamment intense et durable pour provoquer une « prise de conscience », puis un passage à l’acte ? Qu’est-ce qui fait que lorsqu’on sort d’un concert avec les larmes aux yeux, dix minutes après tout peut être oublié autour d’un verre ? Ou bien que le lendemain matin, au réveil, on se dit : « Bon dieu, ce n’est pas possible, il faut faire quelque chose » ? C’est un vrai problème qui, je crois, ne peut être affronté sans passer par une investigation socio-anthropologique comprenant une véritable enquête de réception. A mon avis, seuls les entretiens non directifs permettent d’avancer dans cette direction. Une leçon que j’ai tirée de mon travail au Cap, c’est qu’à partir d’entretiens non directifs, et souvent d’entretiens non directifs de groupe, on parvient à aller beaucoup plus loin dans la compréhension de la relation entre un phénomène musical et des représentations de la société en général. Au cours de mes enquêtes sur le carnaval du nouvel an (Martin 1999a et b), à partir de 1994 (quand furent organisées les premières élections au suffrage universel), je demandais au début des entretiens : « Pour vous, que signifie ce carnaval ? » Au bout d’un quart d’heure environ, la conversation débouchait sur l’Afrique du Sud en général, la place qu’y occupent ceux qui étaient classés coloureds pendant l’apartheid (et qui constituent la très grande majorité des participants aux troupes de carnaval et aux Malay Choirs), et les anxiétés suscitées par les changements en cours. J’ai réutilisé cette méthode ultérieurement lors de mes enquêtes sur les répertoires des Malay Choirs, avec les mêmes résultats. Je pense que cette technique est fertile : elle permet effectivement d’accéder à des traces, des éléments de représentations sociales. Ensuite, si l’on combine une analyse symbolique qui produit une interprétation cultivée, nourrie d’histoire et de tout ce qu’on peut apprendre sur l’environnement social et musical de cette musique, mais une interprétation qui demeure unilatérale – celle de l’observateur-analyste qui a tendance à s’appuyer sur ses connaissances et sa compréhension personnelle du matériel symbolique – si l’on combine cette analyse symbolique aux résultats d’une enquête par entretiens non directifs, on n’aboutit pas immanquablement à une connaissance précise et complète des représentations sociales, mais on se donne la possibilité de recomposer des éléments de représentations sociales, notamment de représentations sociales du politique, ainsi que – et c’est lié au politique évidemment – de représentations sociales des identités, de soi et des autres, dans une situation donnée.

Décrypter les complexités

Ce qui me frappe dans ton travail, c’est le soin que tu as mis à décrypter ces complexités. A ne pas rester dans les relations univoques, à montrer toutes les ambivalences, les ambiguïtés, toutes les tensions entre les différentes formes de discours, pour parvenir à comprendre la complexité des situations historiques, politiques, sociales. En outre, tu t’intéresses très tôt aux phénomènes d’émergence, de création, de circulation des musiques : autant de sujets qui sont très actuels, et que tu travailles depuis une trentaine d’années déjà.

Concernant les phénomènes d’émergence, j’ai commencé par m’intéresser au jazz au moment où l’on découvrait en Europe le free jazz. Je me suis trouvé confronté à un phénomène classique : l’apparition d’un style nouveau qui, pourtant, ne sortait pas de rien. Je me suis donc intéressé tout autant à ce qui apparaissait dans des circonstances historiques particulières, dans des formes musicales originales qu’à ce qui l’avait précédé et nourri. Le free jazz devenait alors un objet d’étude véritablement passionnant. Le premier article que j’ai publié en 1970 et qui proposait une tentative de sociologie de la musique, portait précisément sur le free jazz (Constant 1970). J’étais motivé par la curiosité : comment penser un phénomène musical en termes d’émergence ? Et par le souhait de nuancer la manière dont étaient à l’époque compris les rapports entre ce style et les combats des Afro-Américains aux Etats-Unis, trop simpliste à mon goût et méthodologiquement discutable. Des textes comme ceux de Philippe Carles et Jean-Louis Comolli (2000 [1971]), de LeRoi Jones (1999 [1963]) ou Frank Kofsky (1970) posent que le free jazz est lié au Black Power parce que ce sont deux phénomènes concomitants et que certains musiciens sont aussi militants. Mais une analyse des concomitances ne dit rien des relations de causalité. En outre, on ne peut pas s’appuyer uniquement sur des déclarations d’intention de musiciens ou sur les titres de leurs créations ; ils expriment un point de vue qui doit être pris en compte dans l’analyse, mais qui ne fournit pas la clef de compréhension des réactions des auditeurs. A l’époque, ce type de réflexion n’était pas toujours très bien compris, il semblait un peu trop alambiqué. En ce qui concerne les ambiguïtés et les ambivalences, il y a eu pour moi deux éléments essentiels : l’un fut le travail mené dans le cadre d’une thèse de 3e cycle commune (un héritage peu exploité de mai 1968) avec Tatiana Yannopoulos – la collègue du CERI avec qui j’ai vraiment appris mon métier sur le tas – qui, outre qu’elle est une grande connaisseuse du rébétiko, avait à côté de son travail de chercheuse une pratique de psychothérapeute et de psychanalyste. Elle m’a fait prendre conscience de l’importance des ambivalences, des ambiguïtés, des significations complexes, des contradictions, y compris dans le champ politique où l’on a souvent tendance à tout dichotomiser en oppositions tranchées. Par ailleurs, ces deux notions renvoient aussi à l’anthropologie, et notamment à l’anthropologie de Georges Balandier, du Balandier qui a écrit L’ Afrique ambiguë (1957), puis l’Anthropologie politique (1967), une réflexion sur la nature essentiellement ambiguë du pouvoir. J’avais donc toutes les raisons de considérer qu’il fallait s’intéresser à ces notions, peut-être finalement davantage l’ambivalence venue de la psychanalyse et de la psychologie que l’ambiguïté mise en évidence par les anthropologues. Trente ans plus tard, je lis Nathalie Heinich (1998), qui elle aussi insiste sur l’ambivalence. En fin de compte, à la lecture des ethnomusicologues, je finis par réaliser une sorte d’évidence : la musique est l’un des moyens de communication, l’un des moyens expressifs les plus aptes à véhiculer les hésitations, les balancements et les sentiments contraires. Là où, notamment dans le domaine politique, le discours ordinaire est un discours contraint, dans un langage qui n’admet pas l’émission simultanée de contradictions, la musique peut y parvenir, justement parce que c’est un système symbolique à plusieurs niveaux, qui combine, dans le même temps, plusieurs moyens d’expressions potentiels (mélodie, harmonie, rythme, etc.). Le reggae fournit un extraordinaire terrain pour tester ces hypothèses sur la capacité de la musique à mettre en jeu dans le même temps des équivoques : d’un côté, on entendait dans les paroles de certaines chansons et à propos de cette musique toutes sortes de discours sur l’anti-Babylone, l’anti-américanisme, et on percevait à la base de cette musique une pulsation profondément enracinée dans l’histoire des polyrythmies jamaïcaines. Et d’un autre côté, le contour mélodique, les harmonies et d’autres traits signalaient une attirance profonde pour les Etats-Unis. Ce n’est donc pas un hasard si, sur la plupart de ses enregistrements, Bob Marley est accompagné par un guitariste étatsunien. Voilà : ambiguïtés, ambivalences, contradictions me semblent devoir être au cœur de toutes les analyses socio-politiques que l’on peut faire sur la musique.

« Pour moi la création est toujours un mystère »

Tu as aussi abordé très tôt les phénomènes de circulation, d’appropriation, de transformation, de resémantisation de la musique.

  • 5 Projet « Création musicale, circulation et marché d’identités en contexte global » retenu par l’Age (...)

Les circulations transatlantiques… J’avais en quelque sorte l’avantage de m’intéresser au jazz et de travailler sur des sociétés africaines, même si ce n’était pas des sociétés atlantiques. Pour mes recherches de politologie, j’ai été conduit à lire des travaux sur diverses sociétés d’Afrique et sur l’ensemble du continent. Certains collègues, parmi lesquels des Afro-américains, écrivaient sur le jazz mais connaissaient mal l’Afrique ou se satisfaisaient de mythes forgés sur l’histoire des sociétés africaines et leurs musiques. J’avais acquis les moyens, un petit peu plus que d’autres, d’essayer de construire les relations qui rattachaient les sociétés afro-américaines et leurs musiques à celles d’Afrique, de penser, même sur le mode de l’hypothèse, la dialectique des héritages et de la création créole, ce pour quoi, à partir des années 1990, je tirai d’Edouard Glissant des idées particulièrement stimulantes (Martin 1991b et 2011c). En ce qui concerne la thématique de l’appropriation, on revient à la question de la demande comme motivation : si j’ai travaillé cette question – en partie à cause de toi ! – c’est parce que cette notion est apparue, dans le cours des débats qui se sont développés au sein du projet ANR GLOBAMUS5 et que je me trouvais confronté au Cap à des pratiques musicales où l’appropriation était au cœur de la création. J’ai donc essayé de réfléchir là-dessus (Martin 2014b).

En relisant la plupart de tes travaux depuis la fin des années 1980, la notion de création musicale y est aussi très présente.

Pour moi, la création est toujours un mystère. Les conditions de la création, la définition même de la création demeurent des questions irrésolues. Encore une fois, mon intérêt pour la création est venu de façon logique, dans la mesure où je me suis intéressé à des phénomènes qui relevaient de l’invention de genres ou de styles musicaux originaux. Il y eut le free jazz, puis le reggae ; dans ces deux cas, une interrogation s’impose : comment comprendre quelque chose qui apparaît sinon comme une rupture, à tout le moins comme une évolution très marquée par rapport à ce qui se faisait précédemment ? Comment s’est construit le reggae par rapport à la musique qui se faisait en Jamaïque à la fin des années 1950 et au début des années 1960 ? On peut retracer une évolution, qui s’étale sur presque une décennie. Même chose pour le bebop et le free jazz : ce ne sont pas des innovations qui se produisent du jour au lendemain, mais il y a un moment donné où l’on peut dire rétrospectivement : « Voilà, quelque chose a changé ». Un certain nombre de paramètres fondamentaux ont été transformés et, d’ailleurs, la musique va être nommée différemment ; dans des cas comme ceux-ci, la question de la nomination est très importante. Plus tard, on peut considérer ces changements comme « création », mais cela n’éclaircit pas véritablement, en tout cas en ce qui me concerne, le mystère de ce que c’est.

Fig. 3. Avec Georges Balandier, Paris, CERI, 2010.

Fig. 3. Avec Georges Balandier, Paris, CERI, 2010.

Tu t’es trouvé confronté à des musiques dont tu pouvais observer les processus de genèse et de transformation, mais tu ne penses pas que c’est un processus inhérent à toute musique ?

Oui, évidemment ! En même temps que tu le disais, j’étais en train de penser que finalement, les musicologues qui s’intéressent aux musiques européennes dites « classiques » étaient confrontés exactement aux mêmes problèmes avec l’apparition du dodécaphonisme et du sérialisme dans les années 1920-1930, et ensuite avec les musiques électroacoustiques. Même chose avec Elvis Presley : avec le rock américain, quelque chose de nouveau apparaît ; avec le tango en Argentine, le samba au Brésil, les musiques de danse urbaines africaines dont témoignent les premiers enregistrements faits en Afrique du Sud dans les années 1920‑1930, au Ghana à la fin des années 1930, au Congo et dans bien d’autres pays pendant les années 1950. Et je suppose qu’en Inde, en Chine ou au Japon, on trouverait beaucoup de phénomènes similaires.

De la même manière qu’au Cap au XVIIe siècle, la rencontre entre les populations locales, les blancs et les esclaves venus d’ailleurs produit une musique inédite.

Oui, mais la documentation ne nous permet pas de saisir véritablement l’émergence de cette musique avant la fin du XIXe siècle, même si on sait que le processus a commencé depuis longtemps. C’est la même chose pour les musiques afro-chrétiennes des Etats-Unis, parce que les premiers documents dont nous disposons sur ce sujet datent, à quelques exceptions près, de la guerre de Sécession ; ils signalent avec beaucoup de retard un phénomène qui s’est amorcé bien avant. Aujourd’hui les choses sont différentes, dans la mesure où pratiquement tout est enregistré et circule dans l’immédiat. Nous disposons donc d’autres moyens pour travailler. Mais, pour étudier les processus de création à l’œuvre dans des musiques qui ont cette profondeur historique, nous sommes dépendants d’une documentation datée, partielle et souvent partiale, qui est rarement rigoureuse sur le plan musical. La plupart du temps, il s’agit de comptes rendus écrits. Certains toutefois sont extraordinaires, comme les quelques notations du secrétaire de Vasco De Gama rédigées après avoir entendu pour la première fois des musiciens khoikhoi dans la région du Cap (Peres 1945 : 8-9) ou comme la préface au volume de collecte de musique des anciens esclaves publié après la guerre de Sécession (Allen et al. 1951 [1867]). Des documents comme ceux-là, sont, si l’on peut dire, miraculeux. Mais il n’en existe pas beaucoup…

« Il n’y a d’authentique que la rencontre »

On est loin de la notion d’« authenticité », ou des oppositions tradition/changement.

David Coplan, dans son livre sur la musique sud-africaine In Township Tonight (1992 [1985]), cite Charles Joyner qui définit la tradition en termes de « structures établies de créativité » (Joyner 1975). Mon interlocuteur privilégié, qui est devenu un très bon ami au Cap, le chef de chœur et compositeur Anwar Gambeno proclame : « La tradition c’est ce que je fais ». Tradition, c’est un mot que l’on plaque la plupart du temps sur des pratiques à des fins plus ou moins idéologiques. Toutes les musiques et toutes les pratiques humaines sont en évolution permanente. Antoine Hennion (2007) a démontré de manière convaincante que le « baroque » est un langage contemporain. Prendre ce que l’on qualifie aujourd’hui d’interprétations baroques pour des restitutions, des reconstitutions de ce qui se jouait au XVIIe et XVIIIe siècles, est une erreur : ces interprétations sont certes fondées sur une certaine connaissance de ce qui se faisait autrefois, mais elles sont conçues aujourd’hui pour un public contemporain. L’ authenticité… J’allais dire : il n’y a d’authentique que la rencontre. Cette idée renvoie aux travaux des anthropologues, au Jean-Loup Amselle des Logiques métisses (1990) qui a mis dans une forme très claire et très pédagogique ce que beaucoup d’anthropologues avaient constaté depuis longtemps.

Ceci dit, Jean-Loup Amselle est revenu plus tard sur la notion de « métissage ».

Oui, mais je trouve Logiques métisses plus stimulant que Branchements (2015). Surtout si ce livre est associé aux écrits d’Edouard Glissant. Ceci dit, la notion de branchement n’est pas inintéressante, elle évoque aussi pour moi la « bifurcation » de Michel Serres (1982 ; voir aussi Serres 2015). De toute manière, je considère que ces idées se complètent, se renforcent. L’historien Serge Gruzinski a également travaillé ces notions : il a montré ce qu’a produit l’interaction entre formes esthétiques coloniales et autochtones au Mexique et comment des formes créoles ont en retour influencé des esthétiques européennes (Gruzinski 1999). L’« authenticité » n’est pas un concept scientifique. Ce sont le divers, le multiple, le métissage qui sont à la source de toutes les productions humaines ; il reste à explorer plus avant comment ils engendrent la création…

Je partage complètement ta pensée, mais tu sais bien que l’UNESCO a fait son commerce de la notion d’authenticité et qu’elle est aujourd’hui généralement acceptée.

Oui, mais si tu reviens à la dimension idéologique de cette notion, tu réalises qu’elle est utilisée par des entrepreneurs politiques pour justifier des droits, qui par ailleurs sont peut-être des droits légitimes. C’est notamment au Brésil que ce mouvement a pris une importance énorme, dans les revendications de droit à la terre portées par des communautés autochtones, alors même que le terme de communauté pose déjà énormément de problèmes (Mattos 2003 ; Mattos et Abreu 2005, 2007). En outre, les textes de l’UNESCO portent sur les droits des peuples premiers, alors que la catégorie de « peuple premier » est tout aussi trouble, comme le confirment les recherches de paléoanthropologie les plus récentes. Mais ces mots ont un avantage : parce qu’ils simplifient des phénomènes extraordinairement complexes, ils deviennent opérationnels, utilisables par des entrepreneurs politiques, notamment ceux qui cherchent à fabriquer des « identités » à base de « roman national » (Martin dir. 2010). L’  « identité française » brandie au cours de la campagne pour l’élection présidentielle de 2017 ne veut strictement rien dire ; c’est, comme aurait dit Edouard Glissant (1997), une « identité racine-unique » que démentent tous les travaux historiques, à commencer par ceux de Fernand Braudel dont l’ouvrage sur l’identité française affirmait qu’elle est : « le résultat vivant de ce que l’interminable passé a déposé patiemment par couches successives […] un résidu, un amalgame, des additions, des mélanges » (1986 :  17).

Fig. 4. Avec Didier Levallet, Paris, CERI, 2010.

Fig. 4. Avec Didier Levallet, Paris, CERI, 2010.

Les cours-séminaires : une expérience d’écriture collective

A côté de tes recherches, tu t’es aussi consacré à l’enseignement.

J’ai mené plusieurs types d’enseignement : j’ai enseigné à Sciences Po Paris, à Sciences Po Bordeaux et au département de musique de l’Université Paris 8. Je pense que les étudiants qui ont suivi les cours et les séminaires que j’ai faits, pour les échos que j’en ai eus, en gardent plutôt de bons souvenirs. En revanche, ce qui m’attriste est que les doctorants que j’ai formés à Paris 8 et à Sciences Po Bordeaux, ceux qui sont les plus proches du travail que je souhaitais faire et inciter à faire, ont énormément de difficultés à trouver un emploi stable : je les ai trop encouragés à être non-conformistes et, surtout, à être trans- ou multidisciplinaires quand les commissions de recrutement du CNRS ou de l’Université sont toujours organisées par disciplines cloisonnées. Il y a une dissonance prononcée entre l’impératif de multidisciplinarité prôné par les autorités, du ministère aux directions des instituts de recherche et des universités, et la réalité des recrutements, dissonance rendue plus dramatique encore par la pénurie de postes offerts ; je crains qu’il n’y ait en France aujourd’hui un conservatisme institutionnel perpétuant un conservatisme intellectuel qui n’est plus le fait des chercheurs actifs, ou en tout cas plus le fait des jeunes générations.

J’aimerais que tu me parles de ton expérience d’enseignement autour de l’ouvrage sur Diam’s (Martin et al. 2010). Un tel projet : associer ses étudiants à l’écriture d’un ouvrage, est plutôt rare.

Ce que j’ai systématiquement fait fut de transformer mes cours en cours-séminaires qui incluaient, même à Sciences Po Paris, des travaux de recherche des étudiants. Ils ne pouvaient évidemment consacrer qu’un temps limité à ces recherches, mais, comme ils venaient présenter leur travail devant leurs camarades, cela engendrait une dynamique qui aboutissait souvent à des textes remarquables sur des sujets auxquels je n’aurais pas pensé ; c’était très stimulant, autant pour les étudiants que pour moi. Vers le milieu des années 2000, à Paris 8, je me suis demandé s’il ne serait pas encore plus intéressant, au lieu d’avoir des travaux éparpillés, même s’ils étaient souvent de bonne qualité, d’essayer de construire un projet commun avec tous les participants au cours. Il s’est trouvé qu’en 2006, le CD de Diam’s, Dans ma bulle, a été annoncé dans la presse comme le plus fort chiffre de ventes de tous les enregistrements publiés cette année-là, comme une production ayant rencontré un succès exceptionnel. Je me suis demandé pourquoi ce CD avait si bien marché ; comment il avait résonné avec l’évolution de la société française ; ce qu’il signifiait par rapport à son état en 2006. J’ai alors proposé aux étudiants de construire un petit projet de recherche autour de ces questions. Ils ont accepté et se sont répartis en plusieurs groupes de travail : sur la musique, sur les paroles, sur la biographie de Diam’s, sur Diam’s dans le rap français. Au bout du compte, ils rédigèrent plusieurs mini-mémoires, chacun de la taille d’un article universitaire. Deux m’ont semblé tout à fait excellents, et j’ai pensé qu’ils pourraient être publiés, d’autant plus que les travaux sérieux sur le rap n’étaient pas légion. Le chapitre d’analyse musicale a été rédigé par quatre étudiants absolument remarquables, dont le compositeur musique contemporaine argentin Mariano Fernandez, très féru de nouvelles technologies musicales, et la chanteuse Zulma Ramírez, qui a fait partie de l’ensemble Accentus de Laurence Equilbey. Ces étudiants étaient hyper-qualifiés, hyper-compétents et enthousiasmés à l’idée de travailler sur le rap. L’ analyse musicale qu’ils ont proposée était passionnante. Un autre groupe qui avait une formation plus littéraire a étudié les paroles et produit également un excellent texte. J’ai demandé à ces étudiants s’ils étaient d’accord pour que j’essaie de faire une publication autour de leurs textes. Une fois qu’ils ont accepté, j’ai retravaillé, en les réécrivant juste un tout petit peu, ces deux mémoires, analyse musicale et analyse des textes, puis j’ai mis de la « sauce » historique et théorique autour. J’ai fait une incursion sur des forums Internet pour tenter d’y trouver des éléments d’analyse de réception. Mais le publier n’a pas été si facile. Un premier éditeur qui l’avait quasi-commandé l’a trouvé trop peu « grand public » ; il escomptait sans doute un texte plus « people » sur Diam’s. Celui qui l’a finalement édité s’est heurté à des obstacles juridiques dont l’interdiction d’utiliser « Diam’s » dans le titre, car c’est une marque déposée. Donc, le nom de Diam’s n’est pas apparu dans le titre et le livre ne s’est évidemment pas bien vendu. Je pense que les co-auteurs étudiants ont été un peu déçus. Enfin, ce qui me gêne énormément, c’est qu’il a été écrit par sept auteurs mais que les recensions ou les bibliographies le présentent souvent sous mon seul nom ; ce n’est pas normal, mais je n’ai aucune maîtrise là-dessus.

Le « métissage originel »

Pour terminer, ce qui m’a marqué dans ton parcours intellectuel, ce sont les rencontres que tu as faites, qui t’ont nourri, et dont tu reconnais toujours l’apport à ta propre réflexion.

Ça, c’est le métissage originel ! Nous sommes dans des métiers de formation permanente, d’inter-fécondation. Nous sommes constamment enrichis par les rencontres que nous faisons et les débats qu’elles occasionnent. Au fil de mon parcours, des enseignants de Sciences Po, Tatiana Yannopoulos, Georges Balandier, Simha Arom, Edouard Glissant, des collègues du CERI, du laboratoire LAM de Bordeaux, de Paris 8, de la SFE, d’Afrique du Sud, les étudiants auxquels j’ai eu la chance d’enseigner en diverses institutions, tous ont joué un rôle déterminant en m’aidant à organiser, à clarifier les questions que je me posais et en me fournissant des outils très divers, mais efficaces, pour essayer d’y répondre. Comme tu le sais, je ne suis pas musicologue, je n’ai pas de formation musicale, je suis incapable de faire une transcription. A plusieurs reprises, mon travail sociologique a eu besoin de s’appuyer sur des analyses musicales que je ne pouvais pas faire et j’ai eu la chance de pouvoir compter sur des amis qui soit, comme Simha Arom très fréquemment, m’ont donné des indications importantes, soit ont accepté de travailler avec moi : Didier Levallet, les étudiants de Paris 8 et, plus récemment, Armelle Gaulier.

Ce qui m’a aussi frappé en relisant tes textes, c’est la grande curiosité et la grande liberté que tu as eues et entretenues sans cesse.

La curiosité, oui. Si on fait de la psychanalyse sauvage, tout le travail de mon père a été de comprendre comment était constitué un son, et comment on pouvait reconstituer un son acoustique avec des moyens électroniques. Tout ce qu’a fait mon père, dans le domaine de la musique ou de l’image, lui qui par ailleurs était extrêmement conservateur dans d’autres domaines, témoigne d’une curiosité vraiment extraordinaire. L’ avènement du transistor, le perfectionnement des semi-conducteurs ont révolutionné son travail. Pendant mon enfance et mon adolescence, j’ai entendu mon père parler de ses recherches ; je pense que nous, les enfants, n’y comprenions rien ! Tout petit, j’ai entendu parler de « diviseurs de fréquences » mais il n’y a pas très longtemps que je vois à peu près ce que ça veut dire. Les harmoniques, je ne savais pas ce que c’était. La manière dont j’ai conduit mon travail a été inconsciemment influencée par la personnalité de mon père, par ce qu’il était et par ce qu’il a fait.

Je trouve que ta curiosité t’a permis de repousser les limites disciplinaires, et de gagner une grande liberté intellectuelle.

J’assume un éclectisme, dans le sens classique, au moins à titre de projet, sans être sûr de l’avoir réalisé : emprunts de ce qui est stimulant dans différents systèmes pour les fondre en un tout cohérent. Je suis foncièrement in-discipliné.

Du non-conformisme ?

Oui, c’est un peu du même ordre. Quand tu faisais Sciences Po dans les années 1960, tu avais une extraordinaire liberté pour choisir des enseignements qui partaient un peu dans toutes les directions, à la fois sur le plan des thématiques, sur le plan des approches, voire de l’idéologie. J’ai suivi une formation qui n’était pas cloisonnée sur le plan disciplinaire : des cours de sciences politiques intitulés comme tels, des cours d’histoire avec des historiens remarquables ; de géographie la première année, ce qui s’appelait l’année préparatoire, avec un géographe extraordinaire, Pierre Georges ; de droit constitutionnel avec le doyen Vedel ; d’histoire des idées avec Jean Touchard, qui était absolument fabuleux ; et puis des cours plus « exotiques » sur les sociétés africaines et les sociétés d’Amérique latine, sur le Vietnam, avec Jean Lacouture. En trois ans, on pouvait accéder à des enseignements et à des enseignants fantastiques, sans aucune contrainte disciplinaire. C’était très enrichissant. Ensuite, j’ai travaillé pour mes thèses avec Georges Balandier. J’ai été recruté par le CERI de Sciences Po : il rassemblait des chercheurs travaillant sur toutes les régions du monde et, spontanément, tu te trouvais dans un milieu comparatiste, même si tu ne faisais pas de comparaisons formelles ; ils venaient de disciplines différentes : histoire, économie, politologie, et souvent, quelle qu’ait été leur formation, ils avaient une sensibilité anthropologique et sociologique, et c’est toujours le cas aujourd’hui. Les groupes de travail à l’intérieur du CERI étaient extrêmement féconds. Au bout du compte, je n’ai appris la notion de discipline – au sens d’ensembles de connaissances et de méthodes cloisonnés, pas au sens moral bien entendu – ni au cours de ma formation initiale, ni dans les centres où j’ai travaillé ; cette in-discipline a sans doute prospéré sur un terrain favorable, mais le résultat en a été que je suis parvenu à faire le type de recherches que je souhaitais et que mes tentatives transdisciplinaires ont été acceptées, surtout à partir des années 1980, quand mon travail sur la musique a été reconnu comme légitime. Ceci dit, j’ai toujours pris soin de continuer à m’investir dans des projets qui relevaient purement de la sociologie politique et ne traitaient pas de musique, mais ils ont indéniablement enrichi ce que j’entreprenais par ailleurs en sociologie de la musique. Ainsi, une bonne partie du travail que j’ai réalisé sur musique et identité (Martin 2012a), sur les musiques et le carnaval du Cap (Martin 1999a et b, 2013, 2017), a tiré avantage de recherches sur l’identité en politique qui ne comportaient rien de musical (Martin dir. 1994 et 2010). Tout s’est complété.

Tu as fait énormément de terrains, au Cameroun, au Kenya, en Tanzanie, en Afrique du Sud, dans les Antilles ; la somme de tes écrits, en français et en anglais, des textes académiques comme des articles dans des revues plus grand public, est impressionnante. Tu as participé à la réalisation et réalisé des films documentaires, des disques…

Ma mère était fille de marin pêcheur ; elle racontait le périple autour du monde de son père (que je n’ai pas connu), second sur un cargo à voile ; elle entretenait des rêves de voyages et m’emmenait voir les séances de cinéma « Connaissance du monde ». Mon père avait dans son bureau un planisphère sur lequel il plantait des punaises de couleur pour indiquer où il avait installé des orgues et des cloches électroniques. Tous deux, chacun à sa façon, m’ont ouvert les yeux, et les oreilles, sur le monde. En outre, ma mère n’est allée à l’école que jusqu’au certificat d’étude ; après, elle a dû carder des matelas avec sa mère, parce qu’il n’y avait pas d’argent pour lui permettre de continuer à étudier. Elle s’est intellectuellement formée toute seule, et très solidement, en conservant un sens moral assez rigide. Elle avait un répertoire de maximes qui lui venaient de sa famille à elle, de sa grand-mère, et qui revenaient comme des ritournelles. Elle les proférait moitié sérieusement, moitié en plaisantant : ainsi, à nous les gosses, quand nous étions contents d’avoir fait quelque chose et que nous étions un peu fiers de nous, elle disait : « T’as fait qu’ton d’voir et bien p’titement ». C’est un peu ça la morale de mon histoire…

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Bibliographie

Références6

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1996     Les démocraties antillaises en crise. Paris : Karthala (avec Fred Constant).

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1999a     Coon Carnival, New Year in Cape Town, Past and Present. Cape Town : David Philip.

2002     La France du jazz, musique, modernité et identité dans la première moitié du XXe siècle. Marseille : Parenthèses (avec Olivier Roueff).

2006     Viewing the New South Africa, Representations of South Africa in Television Commercials. Johannesburg : Institut Français d’Afrique du Sud (Les nouveaux Cahiers de l’IFAS 9) (avec Rehana Ebrahim-Vally). disponible en ligne à : http://www.sciencespo.fr/ceri/sites/sciencespo.fr.ceri/files/qdr19.pdf

2010     Quand le rap sort de sa bulle, sociologie politique d’un succès populaire. Paris : Mélanie Seteun/IRMA, 2010 (avec Laura Brunon, Mariano Fernandez, Soizic Forgeon, Frédéric Hervé, Pélagie Mirand et Zulma Ramirez).

2013     Sounding the Cape, Music, Identity and Politics in South Africa. Somerset West : African Minds.

2015     L’enquête en ethnomusicologie, Préparation, terrain, analyse. Paris : Vrin (avec Simha Arom).

2017     Cape Town Harmonies : Memory, Humour & Resilience. Somerset West : African Minds (avec Armelle Gaulier).

Direction d’ouvrages et de revues

1973     L’ Afrique noire. Paris : FNSP, Guides de Recherche, Armand Colin (avec Tatiana Yannopoulos).

1978     Aux urnes l’Afrique ! Elections et Pouvoirs en Afrique noire. Paris : Pedone.

1983     « La politique africaine des Etats-Unis », Politique africaine 12.

1984     « Images de la diaspora noire », Politique africaine 15.

1988     Tanzanie : Vingt ans après Arusha. Pau : Université de Pau, Centre de recherche et d’étude sur les pays d’Afrique orientale (avec François Constantin).

1989     Tanzanie, l’Ujamaa face aux réalités. Paris : Editions recherches sur les civilisations (avec Hermann Batibo).

1991     Les Afriques politiques. Paris : La Découverte (Avec Christian Coulon).

1992     Sortir de l’apartheid ? Bruxelles : Complexe, collection Espace International.

1994     Cartes d’identité, comment dit-on «nous» en politique. Paris : Presses de la Fondation nationale des sciences politiques.

1998     Les nouveaux langages du politique en Afrique orientale. Paris : Karthala.

2002     Sur la piste des OPNI (Objets politiques non identifiés). Paris : Karthala.

2010     L’identité en jeux, pouvoirs, identifications, mobilisations. Paris : CERI/Karthala.

Articles et chapitres d’ouvrage

1970a     [Denis Constant :] « L’ Amérique noire et le rejet de la référence occidentale », Abbia (Yaoundé) 24, janvier-avril.

1970b     « Métal rouge, terreur blanche et unité nationale en Zambie », Revue française de science politique 20/4.

1971     « L’unité africaine face au pouvoir blanc », in Jean Meyriat, dir. : L’univers politique 1970. Paris : Editions Mazarine (avec Tatiana Yannopoulos).

1972a     « Domination et composition en Afrique : le Conseil de l’Entente et la Communauté est-africaine face à eux-mêmes et face aux Grands », Revue algérienne des sciences juridiques, économiques et politiques I (avec Tatiana Yannopoulos).

1972b     « Régimes militaires et classes sociales en Afrique noire : une hypothèse », Revue française de science politique, 22/4 (avec Tatiana Yannopoulos).

1975a     « Analyse comparative des méthodes de développement en Côte d’Ivoire et en Tanzanie », in Jochen Voss, dir. : Development Policy in Africa. Bonn-Bad Godesberg : Verlag Neue Gesellschaft GmbH (avec Tatiana Yannopoulos).

1975b     « La houe, la maison, l’urne et le maître d’école : les élections en Tanzanie, 1965-1970 », Revue française de science politique 25/4.

1975c     « Le stick et le derrick. Problèmes posés par l’analyse des systèmes politiques africains en termes de situation autoritaire », Revue française de science politique 25/6.

1978a     « The 1975 Tanzanian elections : the disturbing six per cent », in G. Hermet, R. Rose, A. Rouquie eds. : Elections without choice. London : McMillan.

1978b     « Dépendances et luttes politiques au Kenya, 1975-1977 : la bourgeoisie nationale à l’assaut du pouvoir d’Etat », Revue canadienne des études africaines 12/2.

1978c     « De la question au dialogue : à propos des enquêtes en Afrique noire », Cahiers d’études africaines 18/3 : 421-442 (avec Tatiana Yannopoulos).

1979     « Soweto entre les lignes, quelques livres récents sur l’Afrique du Sud », Revue française de science politique, 29/6 :  1090-1107.

1986     « Par-delà le boubou et la cravate, pour une sociologie de l’innovation politique en Afrique noire », Revue canadienne des études africaines 20/1 : 4-35.

1987     « Le triolet multicolore : dans la musique sud-africaine, une blanche n’égale pas nécessairement deux noires… », Politique africaine 25, mars 1987 : 74-81.

1989     « A la quête des OPNI, comment traiter l’invention du politique ? », Revue française de science politique 39/6 : 793-815.

1990a     « Métissage des musiques », in M.-F. Toinet, A. Lenkh, dir. : L’état des Etats-Unis. Paris : La Découverte.

1990b     « Fusions musicales et divisions politiques, “No Pan-Dey In The Party” : quelle place pour les Indiens à Trinité et Tobago aujourd’hui ? », Annales des pays d’Amérique centrale et des Caraïbes 9.

1991     « Filiation or Innovation ? Some Hypotheses to Overcome the Dilemma of Afro-American Music’s Origins », Black Music Research Journal 11/1 :  19-38.

1992a     « Music beyond Apartheid ? », in R. Garofalo ed. : Rockin’ the Boat, Mass Music and Mass Movements. Boston : South End Press :  195-207.

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1994a     « Spirituals, Negro-Spirituals et Gospel Songs », in P. Carles, A. Clergeat, J.-L. Comolli, dir. : Dictionnaire du jazz. Paris : Robert Laffont.

1994b     « Blind Willie Johnson », « Little Brother Montgommery », « Jimmie Rodgers », « Roosevelt Sykes », in P. Bas-Rabérin, dir. : Blues, les incontournables. Paris : Filipacchi.

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1995b     « ’Coloureds’, ‘Blacks’, Sud-Africains : y a-t-il une culture métisse ? », Les Temps modernes 585 : 613-629.

1996a     « Que me chantez-vous là ? Une sociologie des musiques populaires est-elle possible ? », in Alain Darré, dir. : Musique et politique, les répertoires de l’identité. Rennes : Presses universitaires de Rennes :  17-30.

1996b     « Who’s afraid of the big bad world music ? (Qui a peur des grandes méchantes musiques du monde ?), désir de l’autre, processus hégémoniques et flux transnationaux mis en musique dans le monde contemporain », Cahiers de musiques traditionnelles 9 : 3-21.

1997     « ”The Famous Invincible Darkies”, Cape Town’s Coon Carnival : aesthetic transformation, collective representations, and social meanings », in D. Fourie ed. : Confluences, Cross-Cultural Fusion in Music and Dance. Cape Town : University of Cape Town : 297-333.

1998     « The influence of African music outside Africa », in J. Middleton ed. : Encyclopedia of Africa South of the Sahara, vol. 1. New York : Scribner’s.

1999     « Les ménestrels du Cap, le combat de Carnaval et d’Apartheid en Afrique du Sud », in O. Goerg, dir. : Fêtes urbaines en Afrique, Espace, identités et pouvoirs. Paris : Karthala : 263-279.

2000a     « Le métissage en musique, un mouvement perpétuel, création et identité, Amérique du Nord et Afrique du Sud », Cahiers de musiques traditionnelles 13 : 3-22.

2000b     « Cape Town’s Coon Carnival, a site for the confrontation of competing coloured identities », in S. Nuttal, C.-A. Michael eds. : Senses of Culture, South African Culture Studies. Oxford : Oxford University Press : 363-379.

2000c     « The burden of the name : Classifications and constructions of identity ; The case of the “coloureds” in Cape Town (South Africa) », African Philosophy 13/2 : 99-124.

2000d     « Cherchez le peuple… culture, populaire et politique », Critique internationale 7 :  169-183.

2001a     « Pratiques culturelles et organisations symboliques du politique », in Daniel Cefaï, dir. : Cultures politiques. Paris : Presses universitaires de France :  117-135.

2001b     « What’s in the name ‘Coloured’ ? », in A. Zegeye ed. : Social Identities in the New South Africa, After Apartheid, vol. 1. Cape Town : Kwela Books : 249-267.

2001c     « De l’excursion à Harlem au débat sur les “Noirs”, les terrains absents de la jazzologie française », L’Homme 158-159 : 261-278.

2001d     « ”Chanter l’amour”, musique, fierté et pouvoir », Terrain 37 : 89-104.

2001e     « Un orage braille sur Los Angeles : racisme et invention musicale dans la Californie des années quarante », Revue française d’études américaines, hors-série : 28-37.

2002a     « Le char de l’espérance, humanisation et conscience de soi dans un spiritual afro-américain », L’Homme 161 :  111-122.

2002b     « Anwar Gambeno : transmettre une tradition omnivore (Le Cap, Afrique du Sud) », Cahiers de musiques traditionnelles 15 :  133-154.

2002c     « Le Cap ou les partages inégaux de la créolité sud-africaine », Cahiers d’études africaines 52/4 : 687-710.

2003a     « Review essay : Technology, and the contradictions of globalisation », The World of Music 45/1 :  149-153.

2003b     « Les «musiche del monde», immaginari contraddittori della globalizzazione », EM Revista Degli Archivi di Etnomusicologia 1 : 21-47.

2004     « Les musiques face aux pouvoirs », Géopolitique africaine 13 :  117-132.

2005a     « Entendre les modernités : l’ethnomusicologie et les musiques populaires », in L. Aubert : dir. : Musiques migrantes. Genève : Musée d’Ethnographie/Infolio :  17-51.

2005b     « Musique dans la rue et contrôle de l’espace urbain, Le Cap (Afrique du Sud) », Cahiers internationaux de sociologie 19 : 247-265.

2006a     « Le myosotis, et puis la rose…, pour une sociologie des “musiques de masse” », L’Homme 177-178 :  131-154.

2006b     « Combiner les sons pour réinventer le monde, la world music, sociologie et analyse musicale », L’Homme 177-178 :  155-178 (avec Simha Arom).

2006c     « A Creolizing South Africa ? Mixing, hybridity, and creolisation : (re)imagining the South African experience », International Social Sciences Journal 187 :  165-176.

2007a     « Au-delà de la post-colonie, le Tout-Monde ? Pour une lecture sociologique d’Edouard Glissant », in M.-C. Smouts, dir. : La situation post-coloniale. Paris : Presses de Sciences-Po :  134-169.

2007b     « Diasporas : music », in J. Middleton, J.C. Miller eds : New Encyclopedia of Africa. Detroit : Thomson Gale, vol. 2 : 81-85.

2008a     « An imaginary ocean : Carnival in Cape Town and the Black Atlantic », in L. Sansone, E. Soumonni, B. Barry eds : Africa, Brazil and the Construction of Transatlantic Black Identities. Trenton (NJ) : Africa World Press, Inc. : 63-79.

2008b     « Our Kind of Jazz, musique et identité en Afrique du Sud », Critique internationale 38 : 90-110.

2008c     « Can jazz be rid of the racial imagination ? Creolization, racial discourses, and semiology of music », Black Music Research Journal 28/2 :  105-123.

2009     « Traces d’avenir, mémoires musicales et réconciliation en Afrique du Sud », Cahiers d’ethnomusicologie 22 :  141-168.

2010a     « Cape Town : The ambiguous heritage of creolization in South Africa », in D. de Lame, C. Rassool eds : Popular Snapshots and Tracks to the Past, Cape Town, Nairobi, Lubumbashi. Tervuren : Royal Museum for Central Africa :  183-202.

2010b     « Rap as a social and political revealer : Diam’s and changes in French value systems », Culture, Theory and Critique 51/3 : 257-273.

2011a     « The musical Heritage of slavery », in B. White ed. : Music and Globalization, Critical Encounters. Bloomington : Indiana University Press :  17-39.

2011b     « La dame blanche, l’incirconcis et les diamants noirs : la résurgence du discours racial en Afrique du Sud », Critique internationale 51 :  17-34.

2011c     « Gregory Walker et le singe roublard, la question de la création devant l’inexistence et la réalité de l’idée de «musique noire» », Volume ! La revue des musiques populaires 8/1 :  17-39.

2012a     « “Auprès de ma blonde…“, musique et identité », Revue française de science politique 62/1 : 21-44.

2012b     « La tradition, masque et révélateur de la modernité », in L. Aubert, dir. : L’ air du temps, musiques populaires dans le monde. Rennes : Editions Apogée : 32-34.

2013     « Survivre n’est pas toujours drôle… Les moppies, chansons comiques du Cap (Afrique du Sud) », Cahiers d’ethnomusicologie 26 :  127-151.

2014a     « L’invention de musiques créoles au Cap (Afrique du Sud), XVIIe‑XIXe siècles », in L. Pourchez, dir. : Créolité, créolisation : regards croisés. Paris : Editions des archives contemporaines : 251-274.

2014b     « Attention, une musique peut en cacher une autre, l’appropriation α et ω de la création », Volume ! La revue des musiques populaires 10/2 : 47-67.

2015     « Le général ne répond pas… Chanson, clip et incertitudes : les jeunes Afrikaners dans la “nouvelle” Afrique du Sud », L’Homme 215-216 :  197-232.

2017     « Les rhapsodies du Cap (Afrique du Sud). Usages locaux de la circulation mondiale des musiques », in S. Andrieu, E. Olivier, dir. : Création artistique et imaginaires de la globalisation. Paris : Hermann : 57-87.

Films et vidéos

1990     Collaboration au tournage des documentaires réalisés par Alain Majani d’Inguimbert sur Trinidad et Tobago :

1990     La Saison du Calypso, 26 minutes [diffusé à plusieurs reprises sur Antenne 2].

1990     Les rois du Calypso, 26 minutes.

1990     Les orchestres d’acier, 12 minutes.

1990     Les jeux du masque, 13 minutes.

1995     Les ménestrels du Cap. Paris : CNRS Audio-visuel, 28 minutes.

2001     Nuit sans lune, rébétiko et chanson populaire en Grèce. Paris : Les films du village, 52 minutes (avec Luc Bongrand et Tatiana Yannopoulos) [diffusé à plusieurs reprises sur Histoire et TV 5 Europe]

2008     Le Mai de Louchats, 2008-2014 : une fête politique en Sud-Gironde 18’, couleurs (avec Pierre Jouvet) : http://www.dailymotion.com/video/x5drol9

Disques

1992     Polyphonies vocales des Pygmées Mbenzele, République centrafricaine, enregistrements de Simha Arom, conception et réalisation du disque, notes de pochette : Simha Arom et Denis-Constant Martin. Paris : Inédit W 260 042.

1995     Afrique du Sud, 60 ans de musiques de liberté, sélection et texte de pochette : Denis-Constant Martin. Paris : Celluloid/Etablissement Public du Parc et de la Grande Halle de la Villette, CEL 1O1-2.

2002     Les ménestrels du Cap, chants des troupes de carnaval et des chœurs «malais», enregistrements, photos, texte de pochette : Denis-Constant Martin. Paris : Buda Music, 1986102.

2008     Ingosi Stars, Langoni, enregistrements, texte de présentation et photos : Denis-Constant Martin. Langon : Daqui 332033 (avec Patrick Lavaud).

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Notes

2 Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Constant_Martin et « Versailles : orgues et cloches », émission En direct de…, 3 janvier 1957 : http://www.ina.fr/video/CPF86609297

3 La thèse de Panagiota Anagnostou (2012) est un des exemples les plus poussés de l’utilisation de l’analyse tripartite pour l’étude d’un genre populaire.

4 Ces questions sont notamment abordées dans la thèse d’Armelle Gaulier (2014) ; voir en particulier : « 3e partie, La réception du groupe Zebda ».

5 Projet « Création musicale, circulation et marché d’identités en contexte global » retenu par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) dans son appel à programme « La Création : Acteurs, Objets, Contextes » (2008) et coordonné par Emmanuelle Olivier (CNRS) de 2009 à 2013.

6 Les publications citées de Denis-Constant Martin figurent dans sa bibliographie sélective ci-dessous.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. Avec Marie-Christine Martin et les Cape Traditional Singers, Bordeaux, 2004.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/2689/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 964k
Titre Fig. 2. Avec Simha et Sonia Arom, Paris, CERI, 2010.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/2689/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 796k
Titre Fig. 3. Avec Georges Balandier, Paris, CERI, 2010.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/2689/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 756k
Titre Fig. 4. Avec Didier Levallet, Paris, CERI, 2010.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/2689/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 731k
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Pour citer cet article

Référence papier

Emmanuelle Olivier et Denis-Constant Martin, « Un éclectisme assumé. Entretien avec Denis-Constant Martin »Cahiers d’ethnomusicologie, 30 | 2017, 191-215.

Référence électronique

Emmanuelle Olivier et Denis-Constant Martin, « Un éclectisme assumé. Entretien avec Denis-Constant Martin »Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 30 | 2017, mis en ligne le 10 décembre 2019, consulté le 08 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/2689

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Auteurs

Emmanuelle Olivier

Articles du même auteur

Denis-Constant Martin

Directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques, Denis-Constant Martin a travaillé pendant près de quarante ans au Centre de recherches internationales (CERI, Sciences-Po Paris – CNRS), avant d’être rattaché au Laboratoire « Les Afrique dans le monde » de Sciences-Po Bordeaux.

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