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CHINE. Tsar Teh-yun, maître du qin

Enregistrements réalisés en 1956 et entre 1966 et 1989 ; texte de Georges Goormaghtigh. 2 CD AIMP CVIII-CIX/VDE CD-1432/1433, 2014
Henri Lecomte
p. 283-284
Référence(s) :

Tsar Teh-yun, maître du qin, Enregistrements réalisés en 1956 et entre 1966 et 1989 ; texte de Georges Goormaghtigh. 2 CD AIMP CVIII-CIX/VDE CD-1432/1433, 2014.

Texte intégral

1Ces deux CD ont été édités à partir d’un double album paru à Hong-Kong en 2000. Ils bénéficient de deux plages supplémentaires et d’un texte beaucoup plus conséquent, rédigé par Georges Goormaghtigh, qui a été lui-même le disciple de Madame Tsar Teh-yun. Cette dernière a joué un rôle majeur dans la perpétuation de l’art du qin, la cithare des lettrés. Alors qu’en Chine continentale, la pratique de cette cithare à sept cordes avait été interdite pendant toute l’époque de la Révolution culturelle, qui dura de 1966 à 1976, la situation était différente à Hong-Kong, qui resta une colonie britannique jusqu’en 1997. Madame Tsar Teh-yun s’y était installée au début des années 1950 et avait fondé une dizaine d’années plus tard une école de qin, dans un esprit très proche de l’ancienne tradition, comme celle des Sept Sages de la forêt de bambou, dont les disciples pratiquaient généralement aussi la poésie, la peinture et la calligraphie. La pratique du qin est, en effet, considérée comme « un moyen de connaissance de soi », ainsi que nous le dit l’auteur dans le texte d’introduction.

2Madame Tsar Teh-yun a su conserver et transmettre un art bien différent de celui pratiqué dans les conservatoires officiels de Chine continentale où, après l’interdiction pure et simple de l’instrument, ses cordes de soie furent remplacées par des cordes métalliques ou en plastique et où une virtuosité très extérieure et superficielle fut mise en valeur. Rigueur et fidélité à la tradition ne sont d’ailleurs pas synonymes de stagnation et l’on peut s’en rendre compte en écoutant les deux versions successives de « Le pêcheur ivre chante dans le soir », puis celles du « Dialogue du pêcheur et du bûcheron » (la deuxième version étant interprétée par Shen Caonong, le maître de Madame Tsar Teh-yun (trois pièces interprétées par lui sont incluses dans le deuxième CD). Dans un film de Maryam Goormaghtigh (2010), on peut ainsi entendre Sou Si-tai, l’un des plus éminents disciples de Madame Tsar Teh-yun, expliquer que chaque joueur a sa propre personnalité, ce qui transparaît dans l’exécution des grandes pièces « classiques » du qin.

3Un autre intérêt de cette réédition est la qualité du commentaire de Georges Goormaghtigh. Ainsi, une des plages inédites par rapport au premier double CD était présente sur un CD Legacy International (s.d.), mais sans aucun commentaire, alors que cette plage, où Madame Tsar Teh-yun explique les différents doigtés, bénéficie ici d’un très intéressant commentaire (en anglais), largement inspiré par un livre renommé de Robert H. van Gulik (1969).

4La manière dont Madame Tsar Teh-yun et ses disciples ont perpétué la tradition à Hong Kong est décrite de façon très vivante, en expliquant notamment que ces enregistrements ont été effectués avec un matériel non professionnel, ce qui explique une qualité moyenne du son. Ceci n’enlève rien à l’intérêt de ces témoignages sur l’art exceptionnel de celle que l’ethnomusicologue américain Bell Yung (2008) définissait comme « la dernière des lettrées ». On peut notamment apprécier l’aspect spontané de l’interprétation, à mille lieues des enregistrements d’autres musiciens qui font usage du montage de certaines parties de la pièce interprétée, ce qui paraît en contradiction avec l’esprit de la pratique de l’instrument. Le fait que ces enregistrements aient été effectués au cours de séances d’enseignement ajoute à l’authenticité de ces documents.

5De même, chaque plage bénéficie de très riches informations, telles que la source datée de chaque pièce (de 1614 à la première moitié du XXe siècle). L’instrument lui-même est décrit en détail et des schémas précis permettent de mieux comprendre sa facture. Même si la musique du qin est écrite, on comprend que le rôle de la notation est bien différent de celui de la notation occidentale, et que son déchiffrage ne saurait se passer de l’apport d’un maître avec qui l’élève se trouve face à face pour apprendre les rythmes ainsi que tous les ornements qui font la richesse de cette musique. Le qin est également partie intégrante de tout un univers et le texte nous aide à comprendre la relation intime qui doit s’établir avec la calligraphie et la poésie.

6Cette remarquable réalisation constitue une excellente approche de l’un des aspects majeurs de la culture chinoise, par le biais d’une artiste d’un niveau exceptionnel. Son écoute peut être utilement accompagnée de la lecture du dernier livre de Georges Goormaghtigh consacré à l’instrument (2010).

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Bibliographie

GOORMAGHTIGH Georges, 2010, Le chant du pêcheur ivre. Écrits sur la musique des lettrés chinois. , Paris-Gollion : Infolio éditions.

GOORMAGHTIGH Maryam , 2010, The Heart of Qin in Hong Kong. DVD. Hong Kong : Deyin Qin Society.

Van GULIK Robert H. , 1969, The lore of the Chinese Lute. Tôkyô : Sophia University, in cooperation with the Charles E. Tuttle Company.

s. d., Eleven Centuries of Traditional Music of China. 1 CD Legacy International CD 311.

YUNG Bell, 2008, The Last of Chinese Literati. The Music, Poetry and Life of Tsar Teh-yun. Hong Kong : HKU Press.

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Pour citer cet article

Référence papier

Henri Lecomte, « CHINE. Tsar Teh-yun, maître du qin »Cahiers d’ethnomusicologie, 28 | 2015, 283-284.

Référence électronique

Henri Lecomte, « CHINE. Tsar Teh-yun, maître du qin »Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 28 | 2015, mis en ligne le 20 septembre 2016, consulté le 05 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/2550

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Auteur

Henri Lecomte

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CC-BY-SA-4.0

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