Navigation – Plan du site

AccueilCahiers d’ethnomusicologie28Dossier : Le goût musicalLes beautés de l’ambivalence en d...

Dossier : Le goût musical

Les beautés de l’ambivalence en dispute, les nederlandsliedjies du Cap (Afrique du Sud)

Denis-Constant Martin
p. 127-144

Résumé

Les compétitions musicales sont une occasion de déceler les critères du beau et de saisir comment ils sont appliqués à des répertoires particuliers et à leur interprétation. Les Malay Choirs du Cap, qui se mesurent chaque année, en fournissent un bon exemple. L’interprétation d’une catégorie de chants, les nederslandsliedjies, considérés comme éminemment représentatifs de la « culture coloured », fait l’objet de débats intenses. La composition des jurys qui doivent juger leur exécution, la détermination des critères de notation et la manière dont ils sont appliqués opposent, semble-t-il, les tenants de la « tradition » à ceux de la « modernité ». En réalité, les nederlandsliedjies étant issues de mélanges, les critères de jugement mêlant les systèmes de valeurs, c’est l’équilibre des mélanges qui est discuté et, derrière des polémiques apparemment musicales, ce sont des conceptions de l’identité coloured qui sont mises en débat.

Haut de page

Notes de la rédaction

Une partie du matériel utilisé dans cette étude a été recueilli lors d’une résidence de recherche (fellowship) au Stellenbosch Institute of Advanced Studies (STIAS) d’avril à juin 2013 ; le centre « Les Afriques dans le monde » de Sciences Po Bordeaux a contribué au financement de cette recherche. Je tiens à remercier les directions de STIAS et de LAM pour le soutien qu’elles m’ont apporté. Ma gratitude va à toutes celles et tous ceux qui, sur le terrain, m’ont aidé, fourni des contacts, permis d’acquérir des enregistrements et accordé des entretiens (voir liste en fin d’article), notamment : Anwar Gambeno, Melvyn Matthews (Executive Director de la Kaapse Klopse Karnival Association), Shamil Domingo, Shafiek April, Felicia Lesch et Paula Fourie.

Texte intégral

1Quelles que soient les sociétés, quelles que soient les époques, il semble que la musique ait toujours suscité la compétition. Les musiciens ont à cœur, pour leur fierté personnelle aussi bien que pour la satisfaction de ceux qui jouent avec eux et de ceux qui les écoutent, non seulement de « bien faire » mais de « faire mieux ». L’effort en vue du « faire mieux », pour être reconnu et apprécié, exige l’évaluation, donc la comparaison. Celle-ci peut être informelle ou bien institutionnalisée en compétitions jugées sur la base de conceptions du bien, du bon et du beau qui sont sans cesse remises en question. De ce point de vue, elles peuvent être approchées comme des révélateurs d’esthétique, des moments où les critères déterminant la « beauté » sont mis en jeu, c’est-à-dire à la fois appliqués et disputés ; comme des circonstances où se dévoilent des systèmes de valeurs : des conventions qui joignent l’esthétique, l’éthique et le social (Molino 2009 : 374).

2La capacité de l’être humain à parler sur la musique, à la commenter et à la théoriser est stimulée par les conditions de la compétition. Les débats suscités par la nécessité de comparer, d’évaluer – et de justifier l’évaluation par les qualités et les défauts d’une pièce ou de son interprétation – posent les questions de la perpétuation des formes et des techniques qui ont été, pour un temps, garantes de la qualité, donc de la conception de la beauté prévalant pendant ce temps, et de la possibilité pour la nouveauté de se voir reconnue et acceptée. Toutefois, face à l’innovation, ressurgit fréquemment le discours sur la « tradition », mise en avant pour défendre non seulement des idées esthétiques mais aussi des visions de la société et, notamment, des représentations des groupes auxquels appartiennent musiciens et aficionados. Ce qui se discute alors est l’identité du groupe confronté à une étape de la modernité. Celle-ci, associant évolution des structures politiques et sociales, changement des valeurs et des comportements, est envisagée comme une alternative entre, d’un côté, péril et dégradation, de l’autre, progrès et amélioration. De ce fait, les compétitions circonscrivent des espaces-temps d’introduction et de test des innovations ; elles permettent l’évaluation des propriétés intrinsèques du nouveau sur l’arrière-plan d’une mise en débat de la validité des conventions.

3La situation de compétition oblige les musiciens à se distinguer les uns des autres. Pour ce faire, ils peuvent introduire des nouveautés afin d’attirer l’attention des auditeurs en espérant emporter leur adhésion. Le succès du nouveau en compétition contribue à diffuser le changement. Le couronnement de musiciens ou d’œuvres a au moins deux effets : il légitime auprès des amateurs les innovations présentées ; il encourage les participants à reprendre celles qui ont été approuvées par les juges dans l’espoir qu’ils obtiendront par la suite un prix. L’évolution esthétique est étroitement liée à d’autres mutations qui concernent l’identité et la morale. Les compétitions musicales fournissent en effet l’occasion de renforcer ou de renouveler les valeurs communes à un ensemble social : elles manifestent l’existence d’une communauté culturelle et lient ceux qui s’y rattachent par l’obéissance à des règles reconnues. Mais les communautés mises en scène par la compétition n’en sont pas pour autant unifiées ; elles constituent des arènes de pouvoir où se mesurent, dans l’affrontement et les polémiques qu’il provoque, des idées et des forces antagonistes (Molino 2007 : 1189). C’est pourquoi les compétitions, situations institutionnalisées de jugements où s’entremêlent l’esthétique, le moral et le social, peuvent être choisies comme des objets d’étude susceptibles de « […] dégager les oppositions ‘emic’ qui interviennent dans ce que les membres d’une culture reconnaissent comme de ‘bonnes’ ou ‘belles’ expériences musicales » (ibid. : 1173). Dès lors, les controverses qu’elles suscitent sont « […] le lieu privilégié où s’explicitent les références communes, les schèmes perceptifs, les cadres axiologiques » et fournissent « […] de bons indicateurs des systèmes de valeurs qui s’affrontent dans une société […] » (Heinich 1998 : 41). Les Malay Choirs du Cap en fournissent une illustration convaincante.

Concours et passions de chœur

  • 2 En Afrique du Sud, et plus particulièrement au Cap, le terme Malay ne renvoie pas à une origine géo (...)
  • 3 Les paragraphes qui suivent sont basés sur l’observation du fonctionnement du CMCB et sur des entre (...)

4Les Malay Choirs sont des chœurs composés dans leur quasi-totalité d’hommes classés dans la catégorie coloured et vivant dans la métropole du Cap. L’adjectif Malay signale que la majorité des chanteurs est de religion musulmane2. Ces chœurs jouent un rôle primordial pendant les fêtes du Nouvel an : ils en ouvrent les célébrations en défilant dans le Bo Kaap (le haut du Cap) durant la nuit de la Saint-Sylvestre et tiennent ensuite leurs compétitions après le carnaval des Klopse (dits encore Coons ou Minstrels), généralement en février et mars (Martin 1999). Ils trouvent leur origine dans des pratiques informelles de chant collectif qui se sont développées pendant l’esclavage, puis dans les quartiers peuplés d’une majorité de coloureds et ont donné naissance à des répertoires créoles propres au Cap (Martin 2013a). Aujourd’hui, les compétitions des Malay Choirs sont organisées par deux comités (boards) : le Cape Malay Choir Board (CMCB), créé en 1939, et le Keep the Dream Malay Choir Forum (KTDMCF) lancé en 2012, à la suite de la contestation des verdicts proclamés à l’issue des compétitions du CMCB. En 2013, 24 chœurs avaient participé aux compétitions de ce dernier quand le KTDMCF revendiquait 45 chœurs3.

  • 4 Voir : Gaulier 2010 ; Martin 2013b.
  • 5 Les combined choruses, comme les moppies, sont des compositions originales : les textes sont écrits (...)

5Affiliés au CMCB ou au KTDMCF, les chœurs fonctionnent de manière identique et les compétitions auxquelles ils participent sont pareillement organisées. Les chœurs comprennent des choristes, des solistes spécialisés dans certains répertoires, un ou plusieurs coaches (directeurs musicaux) et des musiciens d’accompagnement recrutés spécialement pour les compétitions. Les choristes sont des amateurs qui ne savent pas lire la musique (ce qui, le plus souvent, est aussi le cas des solistes et même de beaucoup de coaches) ; les solistes sont, depuis les années 1980, recrutés parmi des spécialistes et payés, comme les coaches et les instrumentistes. Les Malay Choirs sont à la fois des conservatoires où sont perpétués et transmis des répertoires anciens, comme les nederlandsliedjies (littéralement : petites chansons hollandaises, en abrégé nederlands), et des laboratoires d’innovation puisque d’autres répertoires (les moppies ou chansons comiques4, les combined choruses5 notamment) doivent être renouvelés chaque année. Le « noyau dur » du groupe répète tout au long de l’année et le chœur peut se produire hors compétition à l’occasion de concerts (notamment de charité) et de fêtes privées. Participer aux compétitions, y emporter un prix, est évidemment un des objectifs majeurs des chœurs.

  • 6 Guitare, banjo, mandoline, violoncelle ou contrebasse en pizzicato ; à la fin des années 1990 et au (...)

6En compétition les chœurs doivent être composés d’au moins 18 chanteurs, sans compter les instrumentistes ; certains comprennent jusqu’à 70 membres, voire davantage. Ils sont accompagnés de petits ensembles instrumentaux où ne peuvent figurer que des instruments à cordes6, sauf le tambour ghoema qui bat seulement pour les moppies. Tous les textes de chansons doivent être en afrikaans (ou en vieux néerlandais). Les chœurs interprètent des airs rattachés à quatre ou cinq répertoires : combined chorus (chant choral sans soliste), senior solo (uniquement accompagné par les instruments), junior solo (chanté par un enfant ou un adolescent, facultatif), moppies et nederlandsliedjies. Dans tous les cas, la performance d’un chœur ne peut dépasser 26 minutes. Les compétitions se déroulent à la manière d’un championnat comprenant des « sections » préliminaires, puis un classement en : Premier Cup (les moins bien notés), President’s Cup (les intermédiaires), enfin Top 8 (les meilleurs). Une grande finale tenue dans un stade complète les confrontations ; au terme de celle-ci est proclamé le vainqueur du trophée suprême, le « Fez d’argent ». Toutes ces compétitions sont jugées par des jurys. Auparavant, les juges pressentis par le président du CMCB étaient souvent des blancs, considérés comme plus « neutres », et, recrutés parmi les professeurs de musique, plus compétents. Depuis plusieurs années, ils sont en majorité coloureds, mais proviennent encore, pour la plupart, de l’enseignement musical institutionnel. Les nederlandsliedjies sont notées par un jury spécialisé. Sa composition le rend souvent suspect d’appliquer des critères issus de la musique « classique » aux nederlands. C’est pourquoi ses membres sont assistés d’un spécialiste et régulièrement conviés à des séminaires de familiarisation avec ce répertoire.

Des « petites chansons hollandaises » pétries d’islam

  • 7 Depuis que la vidéo s’est répandue, les compétitions du CMCB sont filmées dans leur intégralité ; o (...)

7Si, dans leur ensemble, les compétitions des Malay Choirs, déchaînent l’enthousiasme, les nederlandsliedjies font l’objet d’un attachement particulièrement fort. C’est le répertoire qui est considéré comme le plus important, parce qu’il incarne la « tradition » (Gaulier 2009). Il trouve sans doute son origine dans des chansons apportées des Pays-Bas par les colons, apprises par les esclaves qui se les sont appropriées. Le stock de ces chansons a été renouvelé, semble-t-il, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, puis à la fin des années 1950. Quelle qu’ait été la date de leur introduction en Afrique du Sud, les mélodies ont toujours été transmises oralement, de sorte qu’elles ont subi d’importantes transformations. Il en est allé de même pour les paroles, au point que certains textes sont devenus en partie incompréhensibles à ceux qui les chantent. Il existerait environ 300 nederlandsliedjies, mais il n’en a été réalisé aucun recueil systématique7. Par ailleurs, il est interdit de composer des nederlands originales. Ce répertoire clos peut faire l’objet d’interprétations diverses, ce sont donc elles, et les significations symboliques qui leur sont attachées, qui importent.

  • 8 En 1978 a été fondé par des Gallois résidant en Afrique du Sud le Welsh Male Voice Choir of South A (...)
  • 9 Sur les différents types de karienkels, voir : Desai 1983, Gaulier 2009 et Nel 2012 : 78-89.

8Les nederlandsliedjies associent un chœur (pak) et un soliste (voorsinger, littéralement : le chanteur qui est devant) dans une relation responsoriale irrégulière, mâtinée de tuilages. On dit aujourd’hui que, jadis, lors des mariages ou des fêtes, au cours des premières compétitions, l’harmonisation du chœur était spontanée, hors de toute organisation en parties de registre, et que les timbres n’étaient guère travaillés, l’essentiel étant de chanter avec ardeur. Progressivement les parties chorales ont été organisées de sorte que les « deuxièmes ténors » portent (carry) la mélodie, assise sur les basses, puis les barytons, et que les « premiers ténors » l’enjolivent plus haut. Aujourd’hui, le pak comporte trois ou quatre parties, parfois plus, auxquelles s’ajoute celle du soliste lorsqu’il le rejoint. Cette évolution rapproche évidemment les Malay Choirs des chorales occidentales. Dans le discours des chefs de chœur, des chanteurs et des aficionados, elle est présentée comme résultant de l’influence des Welsch Choirs, des chœurs gallois8. Devant le chœur, le soliste est l’autre acteur décisif de l’interprétation des nederlands. Il est en général classé parmi les premiers ou seconds ténors mais doit posséder une ample tessiture ; il doit pouvoir phraser avec souplesse et savoir orner la mélodie. Un timbre nasal est, pour certains, préférable mais cette opinion ne fait pas l’unanimité. En revanche, une formation à la cantillation du coran (qira’at) ou à l’appel à la prière (adhan) est généralement considérée comme favorisant la maîtrise des ornementations mélismatiques appelées karienkels9 (Desai 2004 : 5). Les références fréquentes dans les discours concernant les solistes à la quira’at et à l’adhan rappellent que les conceptions religieuses dominant chez les musulmans du Cap sont d’inspiration soufie et qu’elles ne font aucun obstacle à la pratique musicale (Davids 1985 : 38). En outre, les musiques de l’islam ont diffusé au Cap des habitudes auditives, des goûts et des normes esthétiques qui dépassent largement le cercle des fidèles pratiquants. Leur influence se fait entendre très clairement dans le chant du voorsinger et dans l’exécution des ornements.

Fig. 1. Mustapha Adams, soliste des Tulips pour les Nederlands.

Fig. 1. Mustapha Adams, soliste des Tulips pour les Nederlands.
  • 10 Chanteurs, coaches et mélomanes évoquent souvent un chant « en quarts de ton », ce qui est techniqu (...)
  • 11 Abubakar « Kaatjie » Davids, chef du chœur The Continentals, dans : Ross, Malan 2010 : 37’39’’.
  • 12 Des racistes sud-africains à Samuel P. Huntington.

9Les nederlands sont présentées dans le « monde » des Malay Choirs comme le répertoire le plus important, parce qu’elles représentent le mieux l’originalité engendrée par la « situation » du Cap. Elles portent la mémoire de l’esclavage mais la transcendent puisqu’elles témoignent surtout de la capacité de création des esclaves, de leurs descendants, de tous les coloureds, capacité qui leur était niée par les stéréotypes racistes. La singularité de cette création est le plus souvent illustrée par deux caractéristiques : l’art de l’ornementation en karienkels10 et la capacité à marier l’Orient et l’Occident en associant un chant soliste renvoyant au premier quand le chœur utilise des échelles tonales venues du second (Desai 1983 : 164). Pour les musiciens et les aficionados, la beauté des nederlands – et par extension celle des coloureds qu’elles représentent et pour qui elles sont « sacrées »11 – tient à ce qu’elles témoignent d’une capacité de création mise en œuvre au fil de dramatiques tribulations, une capacité de création unique parce qu’elle a réussi à fusionner deux mondes pensés inconciliables12 : l’« Orient » et l’« Occident ». Ainsi, pour tous ceux qui sont attachés aux nederlands, leur force et leur beauté ne proviennent pas de la pureté (suiwerheid), érigée en impératif social par l’idéologie nationaliste afrikaner, mais du mélange : de ce point de vue, les nederlandsliedjies incarnent un peuple du mélange, témoignent de sa culture et de son histoire, que lui déniaient les pouvoirs de l’apartheid, et le transfigurent en beauté.

Polyphonie et ornementation

  • 13 Dont les voix sont harmonisées en tierces, quartes ou quintes ; voir la nomenclature des voix donné (...)

10Dans les nederlands, après une introduction instrumentale de quatre à huit mesures (die kop, la tête), le voorsinger entonne, puis est rejoint par le chœur13 avec lequel il chante, avant de reprendre en solo. Il n’y a pas de structure commune à toutes les chansons. La plupart ne comportent que des couplets, mais d’autres contiennent aussi des refrains. Si chœur et soliste alternent, avec de larges passages tuilés, les durées des parties solistes et des parties chorales varient au cours d’une même interprétation, et d’une interprétation à l’autre. En revanche, les nederlands partagent une même base harmonique construite sur la cadence tonique-dominante, qui peut être développée en I-IV-V-IV-V-I (Gaulier 2009 : 35). Guitares, basse et, surtout, banjo fournissent l’assise harmonico-rythmique ; la mandoline a un rôle mélodique et peut broder de riches contrepoints. Les cordes du quatuor, et parfois le piano, demeurent discrets tant et si bien que l’on peut se demander si leur fonction n’est pas plus visuelle – symbolique – que véritablement musicale.

Fig. 2. Pochette du CD du Cape Welsh Choir.

Fig. 2. Pochette du CD du Cape Welsh Choir.
  • 14 De l’afrikaans gee aan : donner à.
  • 15 Wip exprime l’idée d’un mouvement avec changement de direction ; draai signifie tour.
  • 16 Stopdraai désigne une pratique similaire où l’arrêt est encore plus marqué.

11Juges et auditeurs accordent une grande importance à la qualité du chant choral, au raffinement de la polyphonie, à l’homogénéité des ensembles. C’est toutefois le soliste qui retient le plus l’attention. D’entrée il lance des karienkels qui personnalisent la mélodie et lui confèrent une beauté spécifique. Les interprètes ont toute liberté pour les placer où ils le souhaitent et ces ornements n’entretiennent aucun rapport avec les paroles. Cette technique a très probablement été influencée par celles qu’utilisent les muezzins et les récitants du Coran ; elle pourrait aussi avoir été inspirée par les gamaka de la musique classique indienne (Desai 1983 : 65). Quel que soit l’intérêt de cette recherche des origines, il s’agit d’une pratique créole, apparue au Cap et qui prend sens dans le contexte global de l’interprétation des nederlands. Des solistes, on dit qu’ils ont un don, que l’art des karienkels ne peut pas s’apprendre, qu’il faut être né avec, manière de souligner que ce don est octroyé seulement aux coloureds qui possèdent en ce domaine une supériorité indéniable. Le rôle du voorsinger ne se borne toutefois pas à ornementer, il est aussi responsable de l’entrée du pak au terme de ses interventions solistes, moment désigné comme aan gee14 où il « passe » la mélodie au chœur, généralement au terme d’une karienkel. Il doit parvenir précisément au temps et à la hauteur sur lesquels vont reprendre les choristes et éviter tout hiatus entre la partie soliste et la partie chorale. Lorsque le chœur répond, on dit qu’il skondeer, qu’il seconde le soliste et celui-ci continue à chanter, et à ornementer, pendant le répons du pak. Dans leur effort pour introduire de la nouveauté et varier les interprétations, les Malay Choirs ont multiplié l’introduction de wipdraai dans les nederlandsliedjies. Le wipdraai 15 consiste en une sorte de break pendant lequel le chœur commence à chanter a cappella, mais peut être ensuite rejoint par les instruments, sur un tempo ou un mètre différents de celui de la mélodie originale. De durée variable, il intervient souvent vers la fin de l’exécution et doit conduire à une reprise de l’ensemble très précisément sur le tempo et le mètre de départ16. Le wipdraai permet d’entendre « à nu » les subtilités d’une harmonisation raffinée, c’est pourquoi il est pratiqué surtout par les « modernistes ».

  • 17 Snit : terme d’autant plus valorisant qu’il semble venir du champ religieux et être appliqué à la c (...)

12Dans le discours des musiciens et des auditeurs, la beauté d’une nederlands ne tient donc pas essentiellement à la mélodie telle qu’elle subsiste dans les mémoires (la part d’« Occident »). L’essentiel réside dans l’interprétation qui en est donnée, dont les aspects les plus importants sont : le type et la réalisation de la polyphonie du chœur, l’ingéniosité de l’arrangeur pour renouveler des mélodies anciennes et l’habileté du soliste à phraser, à ornementer et à « passer » la mélodie au pak. Tous doivent faire montre d’un art du chant exceptionnel17. C’est pourquoi je ne proposerai ici aucune analyse des paroles, souvent déformées, incompréhensibles aux chanteurs et bien moins valorisées que les dimensions musicales de l’exécution des nederlands (Gaulier 2009 : 34). Après avoir décrit ce répertoire et signalé ce qui en fait la beauté et l’importance pour les membres des Malay Choirs et leurs auditeurs, je voudrais maintenant me pencher plus précisément sur la manière dont sont construits les jugements lors des compétitions et sur les effets qu’ils produisent quant à l’évolution des conceptions esthétiques des chanteurs et des chefs de chœur. Pour ce faire, je vais analyser brièvement les formulaires de notation remplis par les juges lors de la finale (Top 8) des compétitions du CMCB en 2011 et 2013, analyse que je compléterai par des informations collectées lors d’entretiens avec des experts, des juges, des chanteurs et des chefs de chœur en 2011 et 2013.

Subtilités et perplexité

  • 18 CAPE MALAY CHOIR BOARD, Nederlands Seminar, 12 août 2007, version imprimée de la présentation Power (...)
  • 19 Ils sont dans l’ensemble identiques dans les compétitions du KTDMACF, la différence principale rési (...)

13Les règles d’évaluation des chœurs sont adoptées à la majorité lors de réunions auxquelles participent les dirigeants du CMCB, des experts et les responsables des chœurs. Elles ont donc une forte légitimité, ce qui n’empêche pas qu’elles puissent être ardemment discutées. Elles insistent sur la qualité de la polyphonie et des timbres, la justesse et la rigueur rythmique, le phrasé et la « clarté » de la voix soliste dont les karienkels doivent être bien placées et pas trop abondantes18. Pour en juger pratiquement lors des compétitions, les jurés disposent de feuilles de notation sur lesquelles sont listés huit critères19 auxquels sont attribués des pourcentages, de sorte que le total recueilli par un chœur aboutit à une note sur cent. Les juges ont également la possibilité de faire des commentaires ; sur les formulaires de 2011, ils traitaient de l’interprétation en général ; sur ceux de 2013, s’y ajoutèrent des remarques relatives à chacun des critères. En 2011, les commentaires ont porté le plus souvent sur la cohérence et la régularité de l’exécution, à quoi s’ajoutaient la qualité de l’harmonisation et l’équilibre des voix dans le chœur ; l’adaptation du tempo à la mélodie, la complémentarité chœur-soliste, la dimension de divertissement (entertainment) étaient également mentionnées, quoique moins fréquemment. En ce qui concerne le soliste, les juges ont parfois mis en doute l’adaptation de la mélodie à sa tessiture, ils ont loué les phrasés souples, les beaux timbres, observé les points de respiration et critiqué les articulations défectueuses et les justesses approximatives.

Fig. 3. Feuille de notation des Jonge Studente 2011.

Fig. 3. Feuille de notation des Jonge Studente 2011.

Fig. 4. Répétitions des Starlites.

Fig. 4. Répétitions des Starlites.
  • 20 Mogamat Stoffels des Continentals, dans : Ross, Malan 2010.
  • 21 Tant et si bien qu’aujourd’hui, ils peuvent chanter en compétition des airs du répertoire classique (...)
  • 22 Entretien avec Felicia Lesch, 2011.

14On perçoit ici l’application des recommandations faites lors du séminaire de 2007. Les feuilles de notation du Top 8 de 2013 permettent d’entrer un peu plus dans les détails. Ce qui est valorisé concernant le rythme et le tempo est la régularité, à quoi s’ajoute l’absence de précipitation (not rushed). Comptent le plus en ce qui concerne le soliste : l’excellence de ses ornements, ensuite la précision et la fluidité (smoothness) de ses transmissions de la mélodie au chœur (aan gee), puis les qualités vocales (souplesse, expressivité, brillant, assurance sans trop de contrôle). Il faut que la polyphonie soit ferme (solid), forte, bien coordonnée et l’arrangement (variation), créatif et dynamique ; les breaks wipdraai, bien conçus et bien exécutés sont appréciés. Les commentaires généraux, placés en fin de formulaire définissent un modèle d’interprétation plutôt imprécis, ce qui traduit sans doute la difficulté de certains juges à trancher ; ils vantent ou demandent : de la confiance, un son à la fois robuste, rond et intense, une interprétation « convenable » (netjiese) qui soit bien travaillée mais ne sonne pas trop répétée ; l’essentiel étant de parvenir à une exécution élégante (staatige), plaisante et émouvante. Ces commentaires, aussi imprécis soient-ils, ont des conséquences importantes. Un chef de chœur doit faire en sorte que ses chanteurs appliquent du mieux possible les critères car « si vous chantez quelque chose qui retient l’attention des juges, alors vous allez gagner »20. Certains pensent que les juges considèrent de plus en plus les nederlands comme des combined choruses, et attendent donc du pak un certain raffinement polyphonique dont l’étalon est fourni par les chorales occidentales (Gaulier 2009 : 67), et en particulier les chœurs gallois. Cette recherche de la subtilité est vécue comme une évolution radicale qui met en cause la « tradition » d’un chant à pleine gorge sans harmonisation travaillée. Les responsables de certains Malay Choirs ont commencé à louer les services de chefs de chœur-arrangeurs académiquement formés pour préparer des arrangements écrits de combined choruses21 ; comme ils ont obtenu de bons résultats en compétition, ils ont appliqué la même méthode aux nederlands et cela provoque « une certaine consternation » dans le monde des Malay Choirs22.

15Les amateurs débattent de ces changements dans un forum spécialisé de Facebook (Malay Choirs Open Group23) ; les chefs de chœur adoptent des positions hostiles ou favorables, ou hésitantes ; les juges eux-mêmes, sont en proie au doute. L’impact des compétitions sur l’évolution des conceptions esthétiques repose ainsi sur un paradoxe à plusieurs niveaux : d’une part ce sont des juges considérés (y compris parfois par eux-mêmes) comme étrangers à la « culture », donc relativement incompétents, qui appliquent des critères établis par décision de la « communauté » ; d’autre part, en dépit des critiques dont ils sont l’objet, leurs choix esthétiques sont entérinés par les chefs de chœur, parce qu’ils sont légitimes d’un point de vue formel (appuyés par l’autorité de la direction du CMCB) et parce que les chœurs espèrent que leur mise en œuvre apporte, sinon une garantie, du moins une chance plus grande de gagner lors d’une prochaine compétition. Les nederlands relèvent d’une esthétique plurielle où coexistent des systèmes de valeurs différents qui n’y entrent pas en conflit mais se mâtinent pour engendrer des jugements dans lesquels ambivalences et hésitations n’empêchent pas de parvenir à un classement. On constate alors qu’à un répertoire dont la beauté repose sur le mélange, correspondent des jugements qui résultent de mixages (mix) entre systèmes d’appréciation anciens, transmis oralement et critères d’évaluation occidentaux issus de la musique « classique »24.

Une beauté unique et plurielle

  • 25 Moeniel Jacobs, Malay Choirs Open Group, 18 février 2013.
  • 26 Entretien avec Ahmed Ismail, 2011.
  • 27 Entretien avec Shamil Domingo, 2011.
  • 28 Entretien avec Adnaan Morris et Abduraghman «Maan» Morris, 2013.

16Le débat qui se développe depuis quelques années, sous forme de discussions entre chefs de chœur et entre intervenants dans le forum Facebook s’est intensifié en 2013. Il a l’allure d’une querelle des anciens et des modernes et paraît résulter de tensions opposant « tenants d’une patrimonialisation et tenants d’une revitalisation » (Gaulier 2009 : 72). D’un côté, les partisans de la « tradition » tendent à penser que les formes et les critères de jugement prévalant lors des compétitions du CMCB mettent en danger la « culture ». Ils prônent la fidélité à ce que les ancêtres ont transmis : une harmonisation spontanée qui permet aux choristes de se placer où ils l’entendent par rapport à ce que fait le soliste. D’autres ajoutent que c’est le caractère « unique » des nederlandsliedjies qui est en péril parce que l’évolution en cours conduit de fait à une occidentalisation du genre et que, si elle se poursuit, « bientôt nous chanterons une nederlands galloise »25. L’opinion faisant des juges des fauteurs d’altération est partagée par des chefs de chœurs moins conservateurs. Ahmed Ismail, le directeur musical des Jonge Studente, le chœur qui est considéré comme s’étant le plus éloigné de la « tradition », commence par rappeler que participer à une compétition, c’est espérer l’emporter. Il lui faut donc chanter selon les critères, d’autant plus que les juges possèdent des qualifications académiques respectables. Il ajoute que l’ancienne manière de chanter manquait de « musicalité » et que les styles de chant doivent être améliorés26, ce que concède Shamil Domingo, expert auprès du CMCB : les interprétations actuelles sont, selon lui, beaucoup plus belles27. Cette position « équilibrée » correspond à celle d’un bon nombre de chefs de chœur qui souhaitent bien sûr emporter des prix lors des compétitions et croient qu’il est possible d’enrichir la qualité de ce que chante le pak sans que cela n’entraîne une dénaturation des nederlands28. Elle se lit aussi dans un certain nombre de points de vue postés sur le forum Facebook.

17Si l’on accepte que « le jugement esthétique est une forme symbolique à propos d’une forme symbolique » (Nattiez 2009 : 59), on peut envisager que le débat sur les nederlands porte aussi symboliquement sur autre chose qu’un répertoire musical. Par-delà les nederlands, ce seraient alors les configurations possibles de l’identité coloured qui seraient discutées. La controverse prend, on l’a vu, l’aspect d’une querelle des anciens et des modernes, tempérée par un accord général sur le caractère « intouchable » du chant soliste (c’est-à-dire ce qui est conçu comme la part d’Orient, les karienkels, qui entre dans le mélange des nederlands) ; la dispute se focalise sur le pak et oppose le progrès à la stagnation ou, de l’autre point de vue, la dénaturation à la tradition. Le premier terme (progrès/dénaturation) se réfère aux chœurs gallois qui peuvent être perçus de façons contrastées : positive parce que modèles d’« excellence », issus d’une histoire d’oppression et de mépris ; négative, parce qu’occidentaux et blancs, vecteurs d’influences pernicieuses. On trouve ici une belle illustration de la proposition de Nathalie Heinich selon laquelle une des propriétés de l’art est de révéler au sociologue « […] la pluralité des régimes de valeurs qui co-existent non seulement dans une même société, mais chez les acteurs eux-mêmes » (Heinich 1998 : 42). Le débat sur les nederlands ne repose donc pas vraiment sur une opposition entre tradition et occidentalisation, même si certains acteurs le conçoivent ainsi. Il porte sur la gestion de l’expérience de la colonisation et d’une oppression de type particulier, sur la part d’appropriation qu’il est possible de revendiquer, de proclamer, pour nourrir des processus créatifs porteurs d’identité.

  • 29 Selon Gérard Noiriel : « groupe » désigne les entités sociales résultant de « […] l’identification (...)
  • 30 Née de la fusion de plusieurs partis « libéraux » et conservateurs, elle peine à se débarrasser de (...)
  • 31 Dans Ross, Malan 2010 : 21’56’’.

18L’appellation coloureds a coiffé une évolution sociale qui a transformé une catégorie classificatoire imposée en un groupe29 au sein duquel se sont développés des sentiments d’appartenance multiples. Le groupe est demeuré hétérogène, traversé de différences somatiques, religieuses, socio-économiques, géographiques et politiques ; diverses conceptions de l’identité coloured y ont pris forme, certaines rejetant le qualificatif, d’autres l’acceptant pour tenter de tirer le maximum de bénéfices des privilèges (très) relatifs octroyés par l’apartheid, beaucoup finalement se l’appropriant pour en détourner le sens, ce à quoi servirent, consciemment ou non, les répertoires des Klopse et des Malay Choirs (Martin 1999) qui contredisaient les stéréotypes appliqués à ceux qui étaient classés coloureds : gens sans histoire et sans culture, totalement dans la dépendance des blancs. L’avènement de la « nouvelle » Afrique du Sud a modifié la situation des coloureds en plusieurs aspects : toute ségrégation a été abolie et des mesures de « discrimination positive » ont été adoptées. Certains ont pu en profiter. Mais, pour la majorité, l’ordinaire n’a guère changé. Cette réalité et ses perceptions se sont traduites politiquement. Les coloureds étant majoritaires dans le Western Cape, ils pèsent d’une manière décisive sur la constitution du gouvernement provincial. Leur vote a fluctué de l’ancien Parti national au Congrès national africain (ANC) puis, depuis quelques années, à l’Alliance démocratique (DA)30. De ce fait, aux yeux de l’ANC, les coloureds passent pour déloyaux. Depuis sa ré-autorisation, en 1990, l’ANC a voulu que toutes les victimes de l’apartheid s’unissent derrière lui ; ses dirigeants ont négligé la réalité vécue des spécificités du Western Cape, le sentiment partagé par nombre de coloureds qu’ils ont créé une culture « unique ». Pour beaucoup de coloureds, les dirigeants de l’ANC restent prisonniers d’une vision de l’Afrique du Sud en « noirs et blancs » : ils ne comprennent pas le mélange, ce mélange qui définit l’ensemble dénommé coloured et caractérise une grande partie de ses pratiques culturelles. Ce qu’exprime Abubakar « Kaatje » Davids, coach des Continentals : « Je ne sais pas bien où est notre place (where we fit in). C’est une des raisons pour lesquelles les chœurs sont si importants. Il faut comprendre que les Malay Choirs sont un endroit où on est toujours accepté, qui que vous soyez, quoi que vous ayez fait »31.

Fig. 5. Répétition des Tulips avec quatuor à cordes, coach Anwar Gambeno.

Fig. 5. Répétition des Tulips avec quatuor à cordes, coach Anwar Gambeno.

19Pour des raisons historiques, les processus de construction des identités noires (rassemblant Africains, coloureds et Indiens) ont reposé sur un équilibre instable entre : affirmation de soi, appropriation transformatrice de la culture des puissants et identification à des sociétés et des pratiques d’ailleurs. Pour des êtres humains traités comme inférieurs, enfermés dans des catégories séparées, elles-mêmes contenues dans un pays forteresse, la musique offrait les moyens d’une identification symbolique permettant de rester en contact avec le monde extérieur et d’interagir à l’intérieur avec ceux qui étaient classés dans d’autres catégories (Martin 2013a). Elle affirmait leur culture comme modernité alternative, non blanche, et fertile en création. Le rapport complexe et mouvant noué entre affirmation de soi, appuyée sur des pratiques considérées comme « traditionnelles » (aussi changeantes soient-elles), appropriation et emprunts à des groupes auxquels pouvaient s’accrocher les identifications a engendré la coexistence de plusieurs systèmes de valeurs et l’ambivalence lorsqu’il s’est agi d’évaluer des pratiques. Nathalie Heinich recommande de prendre au sérieux l’ambivalence, la coexistence d’éléments hétérogènes (Heinich 1998 : 51-52). Les nederlands portent l’une et les autres, en témoigne la manière dont sont élaborés les jugements qui aboutissent à classer les chœurs en compétition. Les critères sont en partie inspirés des qualités qui sont supposées être celles des chorales occidentales, mais les juges ont pour consigne de les appliquer en évitant autant que faire se peut de plaquer les conceptions européennes sur la pratique des nederlands, et le pourcentage attribué au soliste, qui incarne une « tradition » immuable, a été tout récemment augmenté. L’harmonisation du pak est en débat, pourtant il n’y est pas tant question d’opposer Orient et Occident, que deux manières de concevoir la « tradition ». On constate donc un accord général sur l’affirmation de soi et un désaccord sur la nécessité de continuer à s’approprier. Ce qui est en jeu, derrière les arguments portant sur la beauté des différents styles d’interprétation des nederlands, est une reconfiguration de l’identité coloured dans l’Afrique du Sud du XXIe siècle. Ceux, parmi les coloureds, qui sont passionnés par les Malay Choirs et les nederlands, vivent ce moment comme une nouvelle étape dans le rééquilibrage des composants du mélange qui les spécifie et fonde les conceptions de la beauté des nederlands.

Haut de page

Bibliographie

DAVIDS Achmat, 1985, « Music and Islam », in 5th Symposium on Ethnomusicology, August 30 – September 1st 1984. Grahamstown : International Library of African Music : 36-38.

DESAI Desmond, 1983, An Investigation into the Influence of the « Cape Malay » Child’s Cultural Heritage upon his Taste in Appreciating Music, with a Proposed Adaptation of the Music Curriculum in South African Schools to Reflect a possible Application of « Cape Malay » Music Therein. Cape Town : University of Cape Town (Thesis for the MA Music).

DESAI Desmond, 2004, Adjusted Performance Requirements in Musico-Stylistic Conservation Strategies for the Cape Malay Nederlandslied, Stellenbosch, 26 August 2004, <http://www.docstoc.com/docs/18661458/Until-as-recently-as-the-early-1980s-the-reasons-for-active> ; consulté le 10 mai 2010.

GAULIER Armelle, 2009, Emprunt musical et créolisation chez les populations coloured du Cap (Afrique du Sud) : le cas des chants nederlandsliedjies. Saint-Denis : Université Paris 8-Vincennes à Saint-Denis, UFR Arts, philosophie, esthétique, Département de musique (Mémoire de Mastère 2).

GAULIER Armelle, 2010, « Musique et processus de créolisation, les chants moppies des populations coloured du Cap (Afrique du Sud) », Volume ! 7 (1) : 75-104.

HEINICH Nathalie, 1998, Ce que l’art fait à la sociologie. Paris : Éditions de Minuit.

MARTIN Denis-Constant, 1999, Coon Carnival, New Year in Cape Town, Past and Present. Cape Town : David Philip.

MARTIN Denis-Constant, 2013a, Sounding the Cape, Music, Identity and Politics in South Africa. Somerset West : African Minds.

MARTIN Denis-Constant, 2013b, « Survivre n’est pas toujours drôle, les moppies, chansons comiques du Cap (Afrique du sud) », Cahiers d’ethnomusicologie 26, « Notes d’humour » : 127-151.

MOLINO Jean, 2007, « Du plaisir à l’esthétique : les multiples formes de l’expérience musicale », in Jean-Jacques Nattiez dir., Musiques, une encyclopédie pour le XXIe siècle, 5 : L’unité de la musique, Arles, Actes Sud/Cité de la Musique, 2007 : 1154-1196.

MOLINO Jean, 2009, Le singe musicien, sémiologie et anthropologie de la musique, précédé de : Introduction à l’œuvre musicologique de Jean Molino par Jean-Jacques Nattiez. Paris : Actes Sud/INA.

NATTIEZ Jean-Jacques, 2009, « Introduction à l’œuvre musicologique de Jean Molino », in Jean Molino : 13-69.

NEL Stigue, 2012, The Repertoire of Nederlandse Liedjies of the Cape Malay Choirs : A Comparison of Contemporary Performances of these Compositions to Published Transcriptions of Seventeenth and Eighteenth Century Dutch Folk Songs, A minor dissertation submitted in partial fulfillment of the requirements for the award of the degree of MMus. Cape Town : University of Cape Town, Faculty of the Humanities.

NOIRIEL Gérard, 1997, « Représentation nationale et catégories sociales, l’exemple des réfugiés politiques », Genèses 26, avril : 25-54.

ROSS Lloyd, MALAN Rian, 2010, The Silver Fez, A feature documentary. Johannesburg : Shifty Records, 87’ (SHIFT DVD 003)

Entretiens

Sallie ACHMAT, ancien chanteur soliste, directeur musical de The Starlites, juge en chef pour Keep the Dream Malay Choir Forum ; Landsdowne, 20 mai 2013.

Shafiek APRIL, président du Cape Malay Choir Board ; Hanover Park, 20 mai 2013.

Shamil DOMINGO, ancien chanteur soliste, ancien juge en chef pour les nederlandsliedjies au Cape Malay Choir Board ; Wynberg, 15 octobre 2011 et 22 mai 2013.

Rushdien DRAMAT, chanteur soliste, directeur musical pour plusieurs Malay Choirs ; Athlone, 17 octobre 2011.

Paula FOURIE, département de musique, université de Stellenbosch,  juge au Cape Malay Choir Board ; Stellenbosch, 6 octobre 2011.

Anwar GAMBENO, directeur musical, The Nokia Tulips, The Cape Traditional Singers ; Mitchells’ Plain, 11 octobre 2011.

Ahmed ISMAIL, directeur musical, Shoprite Jonge Studente ; Landsdowne, 13 octobre 2011.

Felicia LESCH, coordinatrice du Certificate Programme et du Outreach Programme, département de musique, université de Stellenbosch,  juge pour le Cape Malay Choir Board; Stellenbosch, 7 octobre 2011 et 15 mai 2013.

Abdullah « Hajji » MAGED, directeur musical, The Primroses; Landsdowne, 13 octobre 2011.

Adnaan MORRIS et Abduragman MORRIS, respectivement : directeur musical et président des Young Men; Primrose Park, 21 mai 2013.

Linette PETERSEN, professeure de musique, Bridge House School (Franschoek), juge pour le Cape Malay Choir Board ;  Stellenbosch, 7 octobre 2011.

Haut de page

Notes

2 En Afrique du Sud, et plus particulièrement au Cap, le terme Malay ne renvoie pas à une origine géographique malaisienne mais au fait qu’un nombre significatif des personnes amenées en Afrique du Sud comme esclaves provenaient de régions où étaient parlées des langues du groupe malais ; comme beaucoup d’entre elles étaient musulmanes, que les esclaves et leurs descendants ont fourni, après l’émancipation, le noyau du groupe coloured, la qualification linguistique s’est transformée en catégorisation socioreligieuse. Les musulmans constitueraient deux tiers des Malay Choirs, le dernier tiers appartenant à d’autres confessions, notamment chrétiennes.

3 Les paragraphes qui suivent sont basés sur l’observation du fonctionnement du CMCB et sur des entretiens avec des juges et des chanteurs ou chefs de chœur impliqués dans les compétitions du CMCB, au moins jusqu’à 2012. La mise en place des compétitions du KTDMCF est trop récente pour avoir été prise en compte.

4 Voir : Gaulier 2010 ; Martin 2013b.

5 Les combined choruses, comme les moppies, sont des compositions originales : les textes sont écrits pour l’occasion ; les musiques procèdent le plus souvent par assemblage de bribes (snatches) de mélodies empruntées à de multiples sources ; les combined choruses diffèrent des moppies par l’absence de soliste et leur caractère « sérieux » qui induit un style d’interprétation plus solennel.

6 Guitare, banjo, mandoline, violoncelle ou contrebasse en pizzicato ; à la fin des années 1990 et au début des années 2000 y ont été ajoutés violons, altos et violoncelles, souvent en formation de quatuor, et piano, ce dernier étant rarement utilisé pour soutenir les nederlandsliedjies.

7 Depuis que la vidéo s’est répandue, les compétitions du CMCB sont filmées dans leur intégralité ; on peut ainsi, depuis quelques années, garder une trace précise des chansons et des styles d’interprétation.

8 En 1978 a été fondé par des Gallois résidant en Afrique du Sud le Welsh Male Voice Choir of South Africa, Cor Meibion Cymru’s (Chœur des fils de Galles) : <http://cmcda.co.za/index.php>, consulté le 19/08/2013. En 1982, fut également créé un Cape Welsh Choir : <http://www.capewelshchoir.co.za/>, consulté le 19/08/2013.

9 Sur les différents types de karienkels, voir : Desai 1983, Gaulier 2009 et Nel 2012 : 78-89.

10 Chanteurs, coaches et mélomanes évoquent souvent un chant « en quarts de ton », ce qui est techniquement inexact puisque les karienkels procèdent par tons entiers ou demi-tons, mais souligne l’excellence des solistes en la rapprochant de ce qui est considéré comme le plus complexe dans la modernité occidentale.

11 Abubakar « Kaatjie » Davids, chef du chœur The Continentals, dans : Ross, Malan 2010 : 37’39’’.

12 Des racistes sud-africains à Samuel P. Huntington.

13 Dont les voix sont harmonisées en tierces, quartes ou quintes ; voir la nomenclature des voix donnée par Armelle Gaulier avec indication des terminologies locales (Gaulier 2009 : 48).

14 De l’afrikaans gee aan : donner à.

15 Wip exprime l’idée d’un mouvement avec changement de direction ; draai signifie tour.

16 Stopdraai désigne une pratique similaire où l’arrêt est encore plus marqué.

17 Snit : terme d’autant plus valorisant qu’il semble venir du champ religieux et être appliqué à la cantillation du Coran et au chant des quasidah (répertoire musulman de divertissement, voir Martin 2013 : 118-120) ; entretien avec Shamil Domingo, 2013.

18 CAPE MALAY CHOIR BOARD, Nederlands Seminar, 12 août 2007, version imprimée de la présentation Power Point, aimablement communiquée par Shamil Domingo.

19 Ils sont dans l’ensemble identiques dans les compétitions du KTDMACF, la différence principale résidant dans l’ajout d’une catégorie stage personality (comportement sur scène) pour le soliste.

20 Mogamat Stoffels des Continentals, dans : Ross, Malan 2010.

21 Tant et si bien qu’aujourd’hui, ils peuvent chanter en compétition des airs du répertoire classique : « Nessum Dorma » en arrangement à quatre parties ; le chœur des esclaves de Nabucco ; quand ce n’est pas un extrait du Messie de Haendel…

22 Entretien avec Felicia Lesch, 2011.

23 <http://www.facebook.com/pages/Malay-Choirs/100634199977978#!/groups/98713196428/?fref=ts> ; consulté le 17/05/2013.

24 Entretien avec Adnaan Morris et Abduraghman « Maan » Morris, 2013.

25 Moeniel Jacobs, Malay Choirs Open Group, 18 février 2013.

26 Entretien avec Ahmed Ismail, 2011.

27 Entretien avec Shamil Domingo, 2011.

28 Entretien avec Adnaan Morris et Abduraghman «Maan» Morris, 2013.

29 Selon Gérard Noiriel : « groupe » désigne les entités sociales résultant de « […] l’identification subjective des membres du groupe aux porte-parole et aux symboles qui lui confèrent une unité » et « catégorie » évoque celles qui ont été constituées « […] grâce à un travail bureaucratique d’assignation identitaire qui nécessite une identification “objective” des individus appartenant aux entités abstraites définies par la loi » (Noiriel 1997 : 31, souligné dans le texte).

30 Née de la fusion de plusieurs partis « libéraux » et conservateurs, elle peine à se débarrasser de l’image de parti « blanc ».

31 Dans Ross, Malan 2010 : 21’56’’.

Haut de page

Table des illustrations

Titre Fig. 1. Mustapha Adams, soliste des Tulips pour les Nederlands.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/2510/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 1,0M
Titre Fig. 2. Pochette du CD du Cape Welsh Choir.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/2510/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 756k
Titre Fig. 3. Feuille de notation des Jonge Studente 2011.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/2510/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 384k
Titre Fig. 4. Répétitions des Starlites.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/2510/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 744k
Titre Fig. 5. Répétition des Tulips avec quatuor à cordes, coach Anwar Gambeno.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/2510/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 454k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Denis-Constant Martin, « Les beautés de l’ambivalence en dispute, les nederlandsliedjies du Cap (Afrique du Sud) »Cahiers d’ethnomusicologie, 28 | 2015, 127-144.

Référence électronique

Denis-Constant Martin, « Les beautés de l’ambivalence en dispute, les nederlandsliedjies du Cap (Afrique du Sud) »Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 28 | 2015, mis en ligne le 15 novembre 2017, consulté le 15 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/2510

Haut de page

Auteur

Denis-Constant Martin

Denis-Constant Martin est chercheur à la Fondation nationale des sciences politiques (Centre « Les Afriques dans le monde », Sciences-Po Bordeaux). Il a été fellow du Stellenbosch Institute of Advanced Studies en 2007 et 2013. Ses recherches s’intéressent principalement aux relations entre culture et politique, ainsi qu’aux processus de construction identitaire. Dans cette perspective, il a entrepris des travaux de sociologie de la musique portant sur les musiques afro-américaines des États-Unis, le reggae, le rap et les musiques sud-africaines. Il a dirigé récemment : L’identité en jeux, pouvoirs, identifications, mobilisations (2010), et publié : Sounding the Cape, Music, Identity and Politics in South Africa (2013).

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search