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Dossier : identités musicales‎

La construction paramétrique de l’identité musicale1

Nathalie Fernando
p. 39-66

Résumé

L’objectif de cet article est d’illustrer le concept d’identité musicale à travers quelques-unes de ses déclinaisons. L’auteur définit tout d’abord les paramètres musicaux au service de la construction identitaire et examine dans cette perspective les rapports entre homme, musique et identité. Son approche vise à reconstituer le réseau d’objets matériels et immatériels qui, s’éclairant les uns les autres, fonctionnent comme un système dynamique complexe. Conjointement, elle tente de cerner les capacités à la fois culturelles et naturelles de l’homme à produire un « langage » musical qui l’identifie, le caractérise au sein d’une communauté donnée parmi d’autres. La problématique est abordée à partir d’une étude comparative des musiques de la province de l’Extrême-Nord du Cameroun.

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Texte intégral

  • 1 Je remercie Jean-Jacques Nattiez et Simha Arom pour leur relecture critique et leurs conseils.

« Chaque homme est semblable à tous les autres, semblable à quelques autres, semblable à nul autre »
(Clyde Kuckhohn in Abou 2002 : 35)

Objectif de l’article

  • 2 Les Nouveaux essais sur l’entendement humain sont achevés vers 1705 mais paraîtront bien après la m (...)

1Le caractère complexe et multidimensionnel du concept d’« identité » a mobilisé de nombreuses disciplines dont l’anthropologie (Barth : 1969), l’ethnologie (Lévi-Strauss : 1983), la psychologie (parmi les parutions récentes, Camilleri : 1990 et Lipiansky : 1998) ou, depuis bien plus longtemps, la philosophie (Leibniz : 17652). La notion d’identité, bien qu’attachée à une certaine idée de permanence et de stabilité, relève de processus constructifs sans cesse opératoires, soumis à des facteurs de diverses natures ou animés par des motivations toutes aussi variées, dont le sujet est plus ou moins conscient : « L’identité se réduit moins à la postuler ou à l’affirmer qu’à la refaire, la reconstruire » (Lévi-Strauss, op. cit : 331). De fait, les manifestations identitaires prennent des formes multiples et hétéroclites qui sont plus ou moins tangibles et préhensibles pour l’observateur.

2Notre article se focalise sur la musique et, notamment − comme le laisse présager le titre − sur les paramètres qui entrent dans la construction d’une identité d’ordre musical. Il est toutefois bien entendu que cette dernière contribue à la construction d’une identité au caractère plus global telle que nous venons de la définir, surtout au sein de sociétés traditionnelles où la musique se trouve être au cœur du patrimoine culturel. Notre objectif est de comprendre comment des objets musicaux − tels des instruments ou les formes musicales qu’ils véhiculent − de par leur lien avec le symbolique ou le métaphorique et/ou, de par leurs caractéristiques physiques spécifiques se distinguent les uns des autres et incarnent ainsi un aspect de l’identité musicale à travers laquelle une communauté se reconnaît. Il est un autre fait incontournable, à savoirque ce sentiment de reconnaissance peut être partagé à des degrés divers ou être incarné par des paramètres différents selon les individus. Cela n’empêche pas ces derniers de reconnaître conjointement que tel paramètre constitue bien une de leurs caractéristiques culturelles par rapport à la communauté voisine. Ils disent le plus souvent « ça, c’est de chez nous », sous entendu, « on ne le trouve pas ailleurs exprimé sous la même forme ».

3Bien que la problématique posée dans le présent ouvrage se compose de deux termes juxtaposés − « Identités musicales » −, la démarche consiste en fait à examiner les rapports qui prévalent au sein du triangle « Homme », « musique » et « identité ». On ne peut ainsi évacuer le cortège des pièges liés au symbolique, au connotatif, aux systèmes de représentation, aux rapports entre musique et contexte − ou objet et fonction −, et à la dimension tripartite du langage musical lui-même, à savoir sa conception, sa performance et sa réception (Molino : 1975). Autant de facteurs qui laissent présupposer une problématique à « tiroirs » et à « trappes » dont nous allons tenter de cerner certains aspects à partir d’exemples concrets issus des musiques de tradition orale d’Afrique centrale.

4Nous tenterons donc d’illustrer le rapport triangulaire que nous venons de poser à travers quelques-unes de ses déclinaisons, en montrant notamment les capacités à la fois culturelles et naturelles de l’Homme à produire un « langage » musical qui l’identifie, le caractérise au sein d’une communauté donnée parmi d’autres. Notre démarche recouvrira un aspect comparatif dans la mesure où l’identité − à l’instar de la culture − se définit dans la relativité des rapports qu’entretiennent les sociétés et les objets culturels qu’elles produisent. Pour les sociétés, Bernard Vienne rappelle : « Les frontières ethniques, les identités, sont créées et maintenues par le jeu des interactions entre les groupes » (Vienne, 1991 : 799, en référence à Barth, op. cit). Nous évoquerons les manifestations identitaires d’ordre musical qui rencontrent une théorisation explicite au sein de la communauté, comme celles qui reposent sur des conduites opératoires implicites dont le sujet peut être plus ou moins conscient. De plus, nous considèrerons plus particulièrement celles qui sont reconnues au sein de la communauté et relèvent indiscutablement d’une norme dont la portée sémantique est commune à l’ensemble d’un groupe. En tout premier lieu, nous déterminerons les paramètres qui nous semblent opératoires dans le cadre d’une construction identitaire d’ordre musical.

Outils théoriques et méthodologiques

  • 3 Nous ne citons pas de façon exhaustive les termes de référence donnés par Alex Muchielli. Par aille (...)

5Pour définir l’identité d’un groupe ou d’un individu, les sciences humaines font généralement appel à un certain nombre de « référents matériels » ou « physiques » (Muchielli, 1986 : 8-9)3 − tels que les possessions (territoire, machines, objets), les potentialités (puissance économique, financière, physique), l’organisation matérielle (agencement du territoire, de l’habitat, des communications), les apparences physiques (importance et répartition du groupe, traits morphologiques) −, de référents « historiques » − les origines, la filiation, la parenté, les mythes de création, les évènements marquants, les signes d’acculturation −, de référents « psychoculturels » − tels les codes culturels (croyances, religions, systèmes de valeurs, comportements et habitus, les stratégies adaptatives, les références sociales) −, ou encore des référents « cognitifs », tels les compétences ou les traits psychologiques propres. Toutefois, « rares sont les définitions identitaires complètes qui utilisent tous les déterminants ci-dessus : […] la définition d’une identité se fait à partir de quelques-uns de ces critères parce que la structure schématique ainsi tracée suffit à identifier différentiellement le groupe ou l’individu à un autre groupe ou individu. Dans l’identification, on retient en effet, d’une part les caractéristiques essentielles et, d’autre part, les caractéristiques marquant les dissemblances » (Muchielli op. cit : 9). Les « référents » dont parle Muchielli recouvrent une série de « déterminants » qui, une fois combinés, permettent de définir l’identité d’un « sujet » au sens large. Pour la problématique qui nous occupe, nous préférerons substituer le terme de « paramètre » − lequel peut en effet devenir un critère − à celui de « déterminant », d’une part. D’autre part, nos « référents » sont au nombre de trois puisque c’est la combinaison des facteurs « Homme-musique-identité » qui construit l’identité musicale d’une communauté. Cette identité musicale voit son homogénéité apparente se décomposer en une mosaïque paramétrique au centre de laquelle demeurent les instruments et les formes musicales en tant que vecteurs essentiels (cf. schéma 1). Par ailleurs, chacun des paramètres qui correspondent à ces deux vecteurs peuvent détenir un caractère identitaire propre − dont la liste des termes de nature très hétéroclite reste ouverte − en fonction de ses qualités intrinsèques ou des renvois symboliques qu’il provoque et qui, au final, déterminent l’identité musicale d’un sujet donné (objet culturel ou détenteur de ce dernier).

Schéma 1. Les « paramètres » de l’identité musicale

Schéma 1. Les « paramètres » de l’identité musicale

6Ce schéma ne présente pas seulement des rapports hiérarchiques, mais des plans et des niveaux différents de relations entre « paramètres » dont la combinaison est à géométrie variable selon les contextes culturels. Nous allons ci-dessous illustrer certains modes combinatoires à partir d’exemples provenant de la Province de l’Extrême-Nord du Cameroun.

Sur le terrain

  • 4 Sokoto, Bornou, Kanem, Baguirmi, Wandala ou Mandara.
  • 5 Nous avons mené une étude comparative entre les Mofou, Mafa, Mofou-Goudour, Mouyang, Tupuri, Massa, (...)

7La partie septentrionale du Cameroun se trouve être à la croisée de multiples langues et cultures. Les deux millions d’hommes qui peuplent ses deux cent cinquante kilomètres carrés appartiennent à des obédiences religieuses distinctes : les uns, islamisés, sont arabes (les Shoa) ou héritiers des anciens royaumes musulmans installés sur le pourtour du lac Tchad4, ou encore issus de différentes fractions peules sédentarisées dans la région depuis la fin du XVIIIe siècle. Les autres, animistes, se répartissent en une quarantaine d’ethnies différentes. Celles-ci se sont constituées, comme tant de populations dans le monde, à partir d’un brassage entre vagues successives de migrants et de populations autochtones installées de longue date. Véritablement agglutinées au sein des Monts Mandara, frontière naturelle avec le Nigéria, elles occupent un espace plus large en plaine, des premiers contreforts montagneux aux rives du Logone, fleuve marquant la frontière avec le Tchad. Ce sont elles qui vont particulièrement focaliser notre attention5. Elles présentent en effet une unité identitaire globale tout en entretenant suffisamment de différence pour défendre chacune une identité spécifique :

  • elles font toutes usage d’une langue tchadique qui leur est propre ;

  • elles partagent, selon leur situation géographique – plaine ou montagne – un certain mode d’organisation des pratiques musicales et du système musical, ainsi que de nombreux instruments, mais montrent en revanche des savoir-faire et des modes de pensés différents.

8Eu égard aux paramètres que nous avons définis plus haut, chaque communauté animiste de cette région possède des instruments de musique appartenant aux quatre catégories de l’organologie – idiophones, membranophones, aérophones, cordophones – et, comme d’autres populations dans le monde, effectuent une répartition sexuelle rigoureuse quant à leur usage. Ainsi, tous les instruments sont joués par les hommes à l’exception de types bien particuliers de flûtes, de hochets-sonnailles et de tambours. Par exemple, chez les Tupuri, les tambours cylindriques à deux peaux sont frappés par les femmes pour signaler un décès. Selon le même principe, les hochets coniques composés d’un socle en calebasse monté de fibres tressées, ou encore les sonnailles formées d’une chaîne de petits cônes en feuilles de rônier remplis de graines, sont, elles aussi, l’apanage des femmes. Ils rythment la musique vocale, qui n’est jamais exécutée a cappella (en dehors des berceuses), mais toujours accompagnée d’instruments mélodiques ou de tambours. Les premiers sont tenus en main ou attachés aux mollets, les secondes entourent les chevilles des danseuses. Quant aux flûtes spécifiquement dévolues aux femmes, elles sont faites à partir des roseaux qui poussent le long des marigots. Les femmes les taillent en saison des pluies pour se confectionner un jeu de dix à quinze flûtes de grandeurs différentes regroupées par deux ou trois, selon les ethnies. Ces flûtes constituent le pendant féminin des flûtes à quatre trous de jeu en écorce d’arbre réservées aux hommes (chacun de ces instruments figure dans le tableau 2, cf. infra). Curieusement, le fait que certains instruments soient réservés aux hommes ou aux femmes n’affecte pas nécessairement la composition du chœur, souvent mixte, qui se joint à l’effectif instrumental. Il s’agit donc bien d’une identité masculine ou féminine attachée spécifiquement au type d’instrument en rapport avec celui ou celle qui en joue. Cette identité d’ordre sexuel complète l’identité formelle que lui confère déjà sa facture.

Tableau 1. Calendrier musical ouldémé

Tableau 1. Calendrier musical ouldémé

9En sus de ces attributs identitaires, chaque instrument détient une fonction symbolique particulière en relation avec le contexte d’exécution dans lequel il prend place. Dans les Monts Mandara, où les populations vivent grâce à la culture du mil et l’élevage de menu bétail, il existe une véritable osmose entre le cycle végétal et la musique − le cycle annuel de la culture du mil étant lui-même une illustration métaphorique de la vie de chaque individu au sein de la communauté.

10Le tableau ci-contre synthétise les principales étapes qui jalonnent l’année musicale des Ouldémé. De bas en haut sont représentés les saisons, les mois du calendrier (grégorien occidental et lunaire ouldémé), les principales périodes, fêtes et activités agricoles, et les ensembles instrumentaux qui leur correspondent.

11Deux grandes fêtes marquent les saisons de l’année. La première, wə̄lāmātáyà, a lieu en saison sèche, quelques jours après la nouvelle lune du mois de májàlà (vers le début du mois de février). Elle clôt les battages du mil et annonce l’arrivée d’un autre temps. De nouvelles cases on été élevées, ici ou là, et les dernières couvertures des toits sont en passe d’être achevées. Wə̄lāmātáyà correspond à la période des mariages. Munies de sonnailles de chevilles (àɮàkàtsà) ou tenant en main des hochets en calebasse (kwātsā-kwātsāyā), les femmes chantent et dansent pour faire honneur aux nouvelles épouses, accompagnées des tambours tenus par les hommes (ɗéwə́ɗèwə̀ et gwàndàrə̀yà). Ces derniers les encouragent, scandant la danse avec des sistres ou secouant des hochets. Plusieurs jours de fête vont ainsi se succéder, en fonction des réserves de mil que les villageois auront pu mettre de côté pour l’occasion.

12Quelques jours plus tard, les jeunes hommes restés célibataires sortent les flûtes āmbélēŋ gwàrà pour entonner leur complainte : « Bientôt les gens vont aller travailler aux champs, et moi, qui suis resté célibataire, comment vais-je faire ? Qui va me préparer à manger ? Quelle est la femme qui va s’occuper de moi ? ». Ces flûtes en argile prennent la forme de cornes de bélier, symboles de puissance et de fertilité.

13A ce stade de l’année, la saison sèche tire à sa fin et les sols sont prêts à être ensemencés. Tous les montagnards attendent l’arrivée des premières pluies que vont annoncer les flûtes àʒīwīlī. Celles-ci sont exclusivement attachées au chef de la pluie et n’appartiennent qu’aux membres de son lignage.

14C’est aussi au début de la saison pluvieuse que les jeunes femmes sortent les flûtes àʒèlèŋ. Elles en joueront durant toute la saison des pluies jusqu’au début des récoltes et plus intensément lorsque le mil sera mûr. Pour les plus jeunes, le temps de la croissance du mil correspond aux fiançailles. Dans un jeu de séduction, la musique des flûtes àʒèlèŋ répond à celle des flûtes tālákwày tenues par les jeunes hommes. Censées favoriser la croissance du mil, ces dernières sont utilisées après le premier binage jusqu’à la fin de la récolte.

15La période de maturité du mil apparaît comme un point culminant dans la culture ouldémé : si une jeune femme, mariée à la fête de wə̄lāmātáyà est enceinte quelques semaines après, au moment des semailles, et accouche lorsque l’épi de mil, prêt à être coupé, regorge de graines mûres, elle sera particulièrement entourée et la naissance de son enfant fêtée comme il se doit pour être en parfaite communion avec le cycle végétal.

16Le retour de la saison sèche impose de faire disparaître toutes les flûtes, à l’exception des dènènà. Il s’agit de trois petites flûtes en bois au timbre particulièrement strident. Elles sont jouées tout au long de la saison sèche, conjointement à la harpe kwērə̄ndə̀. Cette dernière accompagne fréquemment les battages et résonne notamment au cours des marchés hebdomadaires qui réunissent les villages des communautés alentour, ou encore, l’après-midi dans les différents « cabarets » improvisés par les femmes pour y vendre leur bière de mil. De même, au début de la saison sèche et au moment des soirées les plus froides, les musiciens apprécient de se retrouver autour d’un feu pour chanter ou raconter l’histoire du kwērə̄ndə̀.

17Le temps de la construction des nouvelles cases est revenu. Wə̄lāmātáyà approche et l’on commence à rénover les tambours et à s’exercer pour être prêt au moment de la fête. Un nouveau cycle s’annonce et tout se reproduira à l’identique.

  • 6 Deux ensembles font exception : le premier, portant le nom de la fête qu’il accompagne – wə̄lāmātáy (...)
  • 7 En revanche, les communautés qui vivent en plaine organisent généralement leurs répertoires musicau (...)

18Ainsi se déroule l’année musicale ouldémé : chaque formation instrumentale y détient une fonction symbolique particulière eu égard au cycle de la culture du mil et aux événements marquants de la vie communautaire. On remarque que la plupart des effectifs instrumentaux sont constitués de façon homogène – comme c’est le cas dans d’autres ethnies montagnardes –, c’est-à-dire composés chacun d’un seul type d’instrument : flûtes en bambou, flûtes en roseau, flûtes en écorce d’arbre, flûtes en argile6. La fonction symbolique qui leur est attribuée est donc liée en premier lieu à la facture et au timbre de celui-ci. Ainsi, chaque circonstance musicale renvoie à une « texture » timbrique qui fonde son identité sonore. A cet égard, toutes les communautés qui vivent dans les Monts Mandara appliquent le même principe quant à l’articulation entre musique et contexte7. Toutefois, la fonction symbolique attachée à chaque formation instrumentale ou voco-instrumentale est culturellement déterminée et constitue de ce fait une spécificité identitaire du patrimoine musical de chaque communauté.

19Pour ne citer que quelques termes de comparaison concernant les deux types d’instruments parmi les plus répandus dans toute la région (les flûtes réservées aux femmes et leur correspondance masculine), nous avons synthétisé ci-dessous (cf. tableau 2) les relations qui prévalent entre ces instruments et la période du cycle du mil qu’ils accompagnent dans plusieurs communautés. Les parentés linguistiques relatives à leur dénomination n’impliquent pas de corrélation avec leur fonction : dénomination, fonction symbolique, période de jeu, facture et ethnie constituent cinq paramètres dont la combinaison contribue à définir une identité musicale particulière.

Tableau 2. Étude comparative des instruments, de leur dénomination, de leur origine ethnique et de leur période de jeu pour deux types de flûtes

Instrument

Dénomination

Ethnie

Période de jeu

àʒèlèŋ

Ouldémé

Tout au long de la saison pluvieuse (à partir de fin avril), des semailles jusqu’à la coupe du mil (mi-septembre)

àʒéleŋ

Mouyang

De la fête de la nouvelle année (mi-juin), à la fin des récoltes du mil (fin novembre/début décembre)

tālákwày

Ouldémé

Du second binage (mi-juin), à la fin des récoltes du mil (fin novembre/début décembre)

ȼelím

Mouyang

De mi-juillet (milieu saison des pluies), à la fin des récoltes du mil (fin novembre/début décembre)

ȼalam

Mofou-Goudour

Du second sarclage (mi-juin), jusqu’à la fin du battage du mil (mi-janvier)

cə̄lām

Mofou

De la période de la maturation du mil (mi-juillet), à la fin des récoltes du mil (novembre)

Fig. 1. Jeune joueur de harpe ouldémé.

Fig. 1. Jeune joueur de harpe ouldémé.

Photo Nathalie Fernando.

Deuil et identité : les significations de la musique

20La fonction symbolique attribuée à chaque formation détermine la période durant laquelle celle-ci doit être jouée, ce qui régit conjointement les interdits temporels liés à la pratique instrumentale au cours de l’année. Seules certaines circonstances, telles que le deuil, permettent de contourner ces interdits. En effet, dans toutes les communautés, les cérémonies de deuil constituent à la fois des événements forts et des circonstances complexes où la musique doit tout particulièrement représenter l’identité sociale ou religieuse du défunt. Dans les communautés vivant en montagne, les musiciens pourront jouer des instruments dont l’usage − si l’on se fie au calendrier musical − est interdit. Dans ce cas, l’identité masculine ou féminine de chaque instrument (évoquée plus haut) prévaudra sur sa fonction symbolique, levant momentanément l’interdit temporel lié à sa pratique. Ainsi, chez les Ouldémé, les flûtes àʒèlèŋ seront ressorties lors des cérémonies de deuil ou de levée de deuil qui accompagnent la mort d’une femme et, à l’inverse, les flûtes tālákwày lorsque le défunt est un homme. Les musiciens pourront aussi choisir dans le répertoire certaines pièces emblématiques.

21Ainsi, la mort du chef de la pluie ouldémé requerra l’intervention de plusieurs formations instrumentales : on entendra les àsàgàla qui sortent lors de toutes les cérémonies de deuil (le répertoire ne comporte qu’une pièce, jouée inlassablement durant toute la première nuit qui suit le décès et durant les deux ou trois nuits suivantes) ; puis les àʒīwīlī − spécifiquement liées à son lignage − qui feront entendre à l’occasion de sa mort une pièce extraite de leur répertoire, ʃèk ī ʒīk ī ʒīk (« à la façon/du/chef/des chefs ») ; et, enfin, les tālákwày, parce que le chef de la pluie appartient à la communauté masculine ouldémé. La pièce qui sera alors jouée avec ces dernières sera typique de son village d’origine (chaque pièce du répertoire joué par les tālákwày correspond en effet à un village ouldémé particulier, tel un hymne).

  • 8 Cf. note 6 supra.

22Dans les ethnies qui vivent en plaine et dont l’organisation du patrimoine musical ne fait pas référence à un cycle agraire annuel8, ce sont les répertoires musicaux qui ont pour fonction de symboliser l’identité du défunt et de représenter le statut social ou religieux qu’il occupait au sein de la communauté. Les Tupuri, par exemple, utilisent différents ensembles de pièces selon les étapes du rituel et selon la personnalité du défunt. Le rituel lié à la mort d’un Tupuri fait appel à des lamentations exprimées autour du cadavre avant sa mise en terre ainsi qu’à des chants et danses exécutés après l’enterrement. Les chants entourant le décès d’un homme sont des mbākātùkwá:rè ; pour les femmes, ce sont des lëɛ̄lë. Si le défunt a été un excellent guerrier ou que sa mort est survenue violemment, au cours d’une guerre interethnique, d’une agression ou d’un accident – en d’autres termes si sa mort n’est pas « naturelle » – on chantera, en sus, des ʃìŋ jāw (« chants de guerre »). De plus, s’il a été initié dans son enfance, ses anciens compagnons d’initiation chanteront, à l’écart du village, les ʃìŋ gɔ̀onī – qu’ils auront appris dans le camp d’initiation et qu’ils sont seuls à connaître.

23Le schéma 2 résume les répertoires en présence lors d’une cérémonie de deuil tupuri.

Schéma 2. Répertoires musicaux liés aux cérémonies de deuil chez les Tupuri

Schéma 2. Répertoires musicaux liés aux cérémonies de deuil chez les Tupuri

24Dans ce dernier cas de figure, la musique est essentiellement vocale et chantée par des hommes lorsque le défunt est un homme et des femmes lorsque le décès touche la communauté féminine. Cependant, comme dans la montagne où chaque formation produit un timbre différent, chaque répertoire est distinct par la nature de l’effectif qui doit l’exécuter ou par la structure des chants qui le composent. Il est en effet quasi-systématique – dans la plaine, comme dans la montagne cette fois – que la musique porte en elle-même les traits formels qui distinguent chaque répertoire et qui corroborent ainsi le fait que chacun d’eux se trouve spécifiquement lié à telle ou telle circonstance.

Du symbolique à la structure musicale

  • 9 Ces derniers ont été analysés à partir du modèle compositionnel que l’on a recueilli auprès des mus (...)
  • 10 Lorsque les circonstances permettent de contourner les interdits liés au cycle agraire.

25Revenons quelques instants au patrimoine musical ouldémé afin d’illustrer ce dernier point. Le tableau 3 confronte les formations en usage (avec leur dénomination) – les photos permettant de rappeler leur facture −, les procédés compositionnels9 mis en œuvre par ces dernières pour exécuter le répertoire qui leur est attaché, leur contexte d’exécution – multiples dans de rares cas10 – ainsi que leur fonction symbolique. Il laisse ainsi apparaître, pour chaque combinaison formation/répertoire, ce que l’on pourrait appeler une « identité contextuelle » et une « identité formelle » qui se corroborent et qui, conjointement, distinguent chaque couple ainsi formé de tous les autres.

26Toutes les combinaisons associant l’effectif instrumental, la facture des instruments qui le composent, les circonstances d’exécution et la fonction symbolique de cet effectif, ainsi que les procédés compositionnels qu’il met en œuvre pour exécuter le répertoire qui lui est propre, sont différentes. Toutefois, on retrouve deux procédés compositionnels identiques pour deux formations différentes (cf. les ensembles de flûtes āmbélēŋ gwàrà et dènènà), de même que deux contextes d’exécution similaires pour deux formations tout aussi différentes (cf. les mêmes dènènà et la harpe kwērə̄ndə̀). Étant donné la logique sur laquelle repose l’organisation contextuelle du patrimoine musical ouldémé, on peut être amené à se demander si l’ensemble dènènà ne constituerait pas un « intrus ».

27Une enquête auprès des communautés alentour révèle en effet que ce type de flûtes existe également chez les Mouyang, proches voisins des Ouldémé. Interrogés en retour, les Ouldémé avouent sans détour avoir « copié ces flûtes chez leurs frères mouyang », ces derniers étant par ailleurs parfaitement informés de l’existence de cette copie conforme de l’autre côté de la montagne. Les Ouldémé n’ont d’ailleurs pas seulement emprunté l’instrument. Ils ont reproduit l’une des pièces attachée à son répertoire.

28Au titre des constructions identitaires, il est particulièrement intéressant d’analyser la façon dont les Ouldémé ont « coloré » tant l’effectif instrumental que la musique à l’image de leur propre identité musicale, et comment ils se sont ainsi réapproprié ce patrimoine étranger.

  • 11 Il en va de même lorsque ce phénomène touche un répertoire musical et/ou se produit au sein d’une m (...)

29Tout d’abord, la formation instrumentale a été renommée : alors que les Mouyang l’appellent tʃıtʃek ga háf (« nom propre/en/bois »), on la trouve sous le nom de dènènà (nom propre) chez les Ouldémé. Comme l’on pouvait s’y attendre, sa fonction a également changé : les Ouldémé l’utilisent pour se divertir durant la saison sèche, alors que les Mouyang en jouent durant la période des récoltes, en parcourant les sentes qui traversent la montagne et les conduisent des champs au village. Il est en effet fréquent, pour ne pas dire quasi-systématique, qu’une formation qui a été détournée de son usage habituel perde sa fonction symbolique originelle et s’en voie attribuer une autre11. Enfin, la pièce qui a fait l’objet d’un emprunt a, elle aussi, été renommée : elle porte le nom de tʃıtʃèk ma baz xáy  (« flûtes/pour/couper/le mil ») chez les Mouyang, et celui, tout à fait significatif de son origine culturelle, de ʃèk ī mùyàŋ (« à la façon des Mouyang ») chez les Ouldémé. Maintenant, examinons de plus près la polyphonie que ces deux formations produisent.

Tableau 3. « Identité contextuelle » et « identité formelle » des couples formations instrumentales - répertoires

Photos des formations instrumentales

Dénomi-nation

Description
de l’effectif

Période de jeu et/ou fonction « identité
contextuelle »

Procédé
compositionnel

« identité formelle »

w ə̄lāmātáyà

Voix de femmes, 3 tambours cylindriques de taille différente et 3 tambours à tension variable joués par les hommes

Fête de la nouvelle année et mariage

Chant féminin soliste répons
sous-tendu par une polyrythmie

āmbélēŋ gwàrà

3 flûtes en argile à 3 trous de jeu

Jouées par les jeunes hommes restés célibataires

Débroussaillage
des champs

Plurilinéarité quasi-monodique

áʒīwīlī

9 flûtes en bambou sans trou de jeu

Attachées au lignage du chef de la pluie et jouées par les hommes

Sacrifices propitiatoires effectués chez le chef de la pluie pour « implorer » l’arrivée de la saison pluvieuse

Période des semences

Mort du chef de la pluie

Polyphonie en hoquet sans variation

tālákwày

3 flûtes en écorce d’arbre à 3 trous de jeu

Jouées par les hommes, notamment les jeunes

Saison des pluies jusqu’à la fin des récoltes, accompagne la maturation des épis de mil

Période des fiançailles

Polyphonie
en contrepoint

áʒèlèŋ

10 flûtes en roseau sans trou de jeu

Jouées par les femmes, notamment les jeunes

Saison des pluies jusqu’à la coupe du mil

Période des fiançailles

Polyphonie en hoquet voco-instrumental

dènènà

3 flûtes en bois à 3 trous de jeu

Jouées par les hommes

Après les récoltes

Début de la saison sèche

Divertissement

Plurilinéarité quasi-monodique

kwērə̄ndə̀

Harpe pentacorde avec mirliton sur la peau

Jouées par les hommes

Saison sèche

Divertissement

Monodie
instrumentale

àsàgàlà

5 flûtes en bois ou corne avec et sans trou de jeu, 3 trompes, un tambour cylindrique

Joués par les hommes

Cérémonies de deuil pour les hommes et femmes de la communauté

Polyphonie en hoquet avec variations

ā dēméʃ
ī hūmbə̀

Voix de femmes sous-tendues par le va et vient de la pierre à moudre sur la meule dormante

Préparation
de la farine

Toute l’année

Soliste/répons

Non nommé

Voix de femme soliste

Berceuse

Monodie vocale

Exemple musical 1. Pièce tʃıtʃèk ma baz xáy (extrait), jouée avec les flûtes tʃıtʃèk ga háf Mouyang.

Exemple musical 1. Pièce tʃıtʃèk ma baz xáy (extrait), jouée avec les flûtes tʃıtʃèk ga háf Mouyang.
  • 12 Le numéro de cycle est précisé à titre indicatif. Ces musiques étant cycliques et fondées sur des o (...)
  • 13 Dans ces traditions musicales, l’échelle n’est pas tempérée.

30La transcription de la pièce tʃıtʃèk ma baz xáy (cf. l’exemple musical 1, qui présente les cycles 10 à 1412) montre une polyphonie en contrepoint à trois voix relativement peu dense et peu variée. L’échelle comporte sept notes dont deux correspondent au même degré au sein de l’échelle pentatonique (le fa# joué par la flûte təláw təláw correspond au sol joué par la flûte médé et le do# aigu joué par cette dernière au ré joué à « l’octave »13 inférieure par la flûte ngolí ngolí).

31La version ouldémé, qui fait également état d’une polyphonie relativement dépouillée où les trois voix sont indépendantes, apparaît toutefois comme une autre pièce (cf. exemple musical 2). Contrairement à l’ensemble de flûtes mouyang, chaque instrument de l’ensemble ouldémé est désigné par un terme relatif à sa taille et à sa tessiture : wār « l’enfant, le petit », ī də̄mbə̀ « le moyen, celui du milieu », áɮéhē « l’aîné, le plus grand ». De la même façon, en revanche, l’échelle propose deux réalisations d’un même degré (le ré joué par la flûte áɮéhē correspond au mib joué par ī də̄mbə̀). La transcription ci-dessous fait état des cycles 10 à 14.

Exemple musical 2. Pièce ʃèk ī mùyàŋ (extrait), jouée avec les flûtes dènènà ouldémé.

Exemple musical 2. Pièce ʃèk ī mùyàŋ (extrait), jouée avec les flûtes dènènà ouldémé.

32Les musiciens ouldémé n’ayant pas bénéficié d’un apprentissage de la pièce au sein de la communauté mouyang et l’ayant copié « d’oreille », ne connaissent ni les processus de réalisation polyphonique qui conduisent à la polyphonie mouyang, ni le modèle mental auquel ces derniers se réfèrent lors de la performance. Or, malgré leur différence acoustique indéniable, les deux versions sont identifiées, de part et d’autre des frontières culturelles, comme étant équivalentes et correspondant « à la même pièce ». Où se niche alors l’identité formelle de cette entité musicale faisant l’objet de deux versions différentes ? L’analyse du modèle devrait nous permettre de répondre à cette question. Sur notre demande, les musiciens ouldémé et mouyang ont rejoué la pièce en supprimant un maximum de variations. Ils ont alors réalisé deux versions épurées qui dévoilent la « charpente » de l’orchestration instrumentale (cf. ci-dessous, les exemples musicaux 3 et 4).

Exemple musical 3. « Modèle » de la pièce tʃıtʃèk ma baz xáy, joué avec les flûtes tʃıtʃèk ga háf mouyang.

Exemple musical 3. « Modèle » de la pièce tʃıtʃèk ma baz xáy, joué avec les flûtes tʃıtʃèk ga háf mouyang.

Exemple musical 4. « Modèle » de la pièce ʃèk ī mùyàŋ, joué avec les flûtes dènènà ouldémé.

Exemple musical 4. « Modèle » de la pièce ʃèk ī mùyàŋ, joué avec les flûtes dènènà ouldémé.

33Le modèle instrumental produit par les Mouyang confirme l’aspect polyphonique de la performance sous le mode de trois voix indépendantes. En revanche, la version ouldémé semble, quant à elle, être à peine polyphonique − d’où le terme de « quasi-monodique » que nous avons utilisé pour qualifier le type de plurilinéarité généralement produit par cet ensemble (cf. tableau 3). Les deux parties supérieures fonctionnent selon un principe quelque peu hétérophonique qui conduit les deux voix à se rejoindre sur la même note, le fa, alors que la voix inférieure se glisse entre les silences laissés par les deux autres voix. Par ailleurs, les Ouldémé ont inversé le rôle des deux voix inférieures : la voix áɮéhē comporte des motifs exprimés dans la version mouyang par la voix təláw təláw (notés A et B sur les transcriptions ci-dessous, cf. exemples musicaux 5 et 6) et la voix ī də̄mbə̀ reproduit à quelques détails près la voix ngolí ngolí mouyang (motif C sur les mêmes transcriptions). La voix supérieure semble résulter d’une pure invention visant sans doute à restituer le plus fidèlement possible les effets polyphoniques produits par la version originale. L’identité formelle de la pièce réside donc en de petits motifs distribués en des points temporels précis de la structure plurilinéaire, peu importe alors la partie instrumentale qui les prend en charge. A eux seuls, ils suffisent aux Ouldémé et aux Mouyang à identifier les deux versions comme correspondant à une même entité musicale. Si le modèle instrumental incarne l’identité formelle d’une pièce au sein d’une culture donnée, il semble qu’il puisse se réduire à des cellules mélodico-rythmiques clés lorsque la pièce franchit les frontières culturelles.

Exemple musical 5. « Modèle » de la pièce tʃıtʃèk ma baz xáy, joué avec les flûtes tʃıtʃèk ga háf mouyang.

Exemple musical 5. « Modèle » de la pièce tʃıtʃèk ma baz xáy, joué avec les flûtes tʃıtʃèk ga háf mouyang.

Exemple musical 6. « Modèle » de la pièce ʃèk ī mùyàŋ, joué avec les flûtes dènènà ouldémé.

Exemple musical 6. « Modèle » de la pièce ʃèk ī mùyàŋ, joué avec les flûtes dènènà ouldémé.

34On peut alors se demander pourquoi les Ouldémé ont procédé ainsi et n’ont pas tenté de reproduire exactement ce que faisait chacune des voix de la polyphonie mouyang, à partir de la performance de ces derniers. Cette seconde question trouve réponse dans l’examen de l’ensemble du patrimoine musical ouldémé et des formations instrumentales qui lui sont attachées (cf. de nouveau tableau 3 supra) : seules les flûtes āmbélēŋ gwàrà produisent le même type de polyphonie. De plus, les Ouldémé sont, à notre connaissance, les seuls à posséder de telles flûtes dans la région, alors que celles en bois à trois trous de jeu de type dènènà se rencontrent ailleurs dans la montagne. L’exemple 7 reproduit le modèle correspondant à l’orchestration instrumentale de l’unique pièce exécutée par les jeunes hommes célibataires auxquels les flûtes āmbélēŋ gwàrà sont dédiées. Ce modèle présente les mêmes caractéristiques que celui de la pièce ʃèk ī mùyàŋ joué avec les dènènà : les deux voix inférieures forment une hétérophonie et s’intercalent entre les silences laissés par la voix supérieure.

Exemple musical 7. « Modèle » de la pièce ʃèk ī āmbélēŋ gwàrà, joué avec les flûtes āmbélēŋ gwàrà ouldémé.

Exemple musical 7. « Modèle » de la pièce ʃèk ī āmbélēŋ gwàrà, joué avec les flûtes āmbélēŋ gwàrà ouldémé.

Schéma 3. Le répertoire des áʒīwīlī

Schéma 3. Le répertoire des áʒīwīlī

35Afin de reproduire la polyphonie exécutée par les Mouyang dont ils ne connaissaient pas le « secret » de fabrication, les Ouldémé ont donc appliqué les procédés compositionnels qui leur étaient familiers. Ils ont identifié en ces derniers des correspondances possibles avec ce que faisaient les Mouyang en établissant un rapport « d’identité » – ou, dans un tel contexte, d’équivalence culturelle – entre deux systèmes musicaux semblables. Puis, ils ont recontextualisé un matériau musical étranger déjà structuré en lui appliquant leur propre savoir-faire. Ils l’ont ainsi réinvesti d’un sens nouveau représentatif de leur propre identité musicale.

36La question identitaire est donc au cœur des emprunts musicaux interethniques. Les caractéristiques de la musique de l’Autre peuvent alors apparaître comme un potentiel constitutif pour la construction de sa propre identité. On pourrait même avancer que le principal enjeu qui sous-tend ces « transits culturels » est la préservation – et/ou l’affirmation – de la différence identitaire qui prévaut entre les cultures. Le meilleur moyen de la manifester étant alors de prendre le même objet comme référence et de le restituer sous une forme traduisant un savoir-faire spécifique − ce qui revient à marquer sa différence tout en feignant l’imitation. Par ailleurs, l’exemple ci-dessus illustre combien les lois qui président à l’organisation contextuelle du patrimoine musical sont régies par une logique culturelle dont la musique porte les traces dans ses structures les plus profondes. Un dernier cas de figure permettra de montrer avec quel raffinement les autochtones font en sorte que, par ce biais, chaque circonstance d’exécution soit musicalement unique et distincte de toutes les autres.

De la subtilité dans l’art de distinguer

37Revenons une dernière fois au patrimoine musical ouldémé et attardons-nous sur l’ensemble de flûtes áʒīwīlī, tout spécialement lié au chef de la pluie et à son lignage. Ce dernier est entouré d’une aura considérable au sein de la communauté. Lui seul, dit-on, détient le pouvoir de « faire venir » les pluies ou de les arrêter, ce qui a une incidence directe sur la culture du mil et, par corollaire, sur l’approvisionnement alimentaire de la population. A cette formation instrumentale correspond un répertoire musical (portant le même nom que la formation) qui se distingue de tous les autres – comme on l’a vu plus haut – par une combinaison de traits (formation instrumentale, circonstances d’exécution et procédés compositionnels mis en œuvre). Rappelons que ces flûtes peuvent être jouées dans différentes circonstances : lors des sacrifices propitiatoires effectués en toute fin de la saison sèche pour « appeler » les pluies, au moment des semailles, jusqu’au premier binage, et enfin, lors des cérémonies de deuil entourant la mort du chef de la pluie. Toutes ces circonstances, ainsi que les pièces du répertoire áʒīwīlī, sont représentées dans le schéma 3. Les pièces de l’ensemble A sont jouées tout au long de la période durant laquelle la pratique des flûtes est autorisée ; l’unique pièce qui compose l’ensemble B est jouée dans deux circonstances. Sa connotation est visiblement négative puisqu’elle est liée aux sacrifices propitiatoires effectués chez le chef de la pluie lorsque le retard de la saison pluvieuse risque de mettre en péril les premières semences (dans ce cas, l’exécution de la pièce ʃèk ī ʒīk ī ʒīk est généralement suivie de celle de toutes les pièces de l’ensemble A) et/ou à la cérémonie de deuil organisée à la mort de celui-ci.

  • 14 Les musiciens ne s’expriment pas explicitement sur cet aspect de la grammaire musicale.
  • 15 Les pièces jouées par ces flûtes n’admettent aucune variation. Aussi, la transcription correspond-e (...)

38Les flûtes n’ont pas de trou de jeu et l’échelle est pentatonique. Toutes les pièces reposent sur un hoquet instrumental strict. Toutefois, ʃèk ī ʒīk ī ʒīk fait état d’un fonctionnement polyphonique quelque peu différent14. Pour les pièces de l’ensemble A, les parties instrumentales jouées par les quatre flûtes les plus graves sont doublées à l’octave par les quatre flûtes les plus aiguës (cf. exemples nº 8 et 9, la transcription15 des pièces ʃèk ī āndə̀rà et ʃèk ī vendelar).

Exemple musical 8. Pièce ʃèk ī āndə̀rà (extrait), jouée aux flûtes áʒīwīlī.

Exemple musical 8. Pièce ʃèk ī āndə̀rà (extrait), jouée aux flûtes áʒīwīlī.

Exemple musical 9. Pièce ʃèk ī vendelar (extrait), jouée aux flûtes áʒīwīlī.

Exemple musical 9. Pièce ʃèk ī vendelar (extrait), jouée aux flûtes áʒīwīlī.

39Or, dans ʃèk ī ʒīk ī ʒīk (cf. exemple 10 pour sa transcription), les flûtes détiennent une autonomie qui implique la présence d’autant de parties constitutives que de parties instrumentales. En effet, les interventions des flûtes ndāwə̄gāy (fl. nº 7) et ēndéw (fl. nº 2), de même que des flûtes nʒèkw (fl. nº 8) et nʒērēkēk (fl. nº 3) se complètent respectivement et se suivent sur l’axe syntagmatique, alors qu’elles devraient – si l’on tient compte de la structure des autres pièces qui appartiennent au même répertoire – former doublure l’une de l’autre. Dans le registre supérieur, la flûte hwérérá (fl. nº 1) supprime en effet une partie des notes jouées par áɮèrèrà (fl. nº 6).

Exemple musical 10. Pièce ʃèk ī ʒīk ī ʒīk (extrait), jouée aux flûtes áʒīwīlī.

Exemple musical 10. Pièce ʃèk ī ʒīk ī ʒīk (extrait), jouée aux flûtes áʒīwīlī.

40Le répertoire des áʒīwīlī s’oppose dans son ensemble à tous les autres répertoires du patrimoine musical ouldémé. Il fait état en cela d’une identité musicale propre, définie par une combinaison de traits de nature différente (formation, circonstances d’exécution, procédés polyphoniques). Par ailleurs, les circonstances multiples dans lesquelles les flûtes interviennent possèdent, chacune, une identité musicale spécifique qui se traduit par un procédé de mise en polyphonie particulier à l’intérieur du procédé compositionnel du hoquet qui représente, quant à lui, une caractéristique partagée par toutes les pièces de ce répertoire − quelle que soit leur fonction. L’identité musicale de ce répertoire se présente en quelque sorte comme une poupée russe dont le principe d’emboîtement repose sur les caractéristiques structurelles du langage musical.

Un brin d’universel…

41Les différents cas de figure que nous avons détaillés illustrent plusieurs possibilités de combinaisons des « paramètres » déclinant le triangle « Hommes-musique-identités » afin de cerner la notion d’identité musicale. Ils constituent en effet la manifestation objective de certaines de ses facettes et sont, pour la plupart, significatifs de ce que l’on est susceptible de rencontrer dans d’autres cultures du monde. Par ailleurs, ils ont permis de saisir les relations entre Homme, musique et identité et de reconstituer une partie du réseau d’objets matériels et immatériels qui, s’éclairant les uns les autres, fonctionnent comme un système complexe au service d’une construction identitaire en confrontation constante avec la différence. Enfin, ces exemples montrent que la définition de l’identité musicale, dans son aspect le plus composite, conduit à explorer trois champs des facultés humaines qui – même si on les évoque ici séparément pour plus de clarté – se recoupent inévitablement et concourent à sa construction.

42Le premier est celui de la catégorisation. Les capacités catégorielles de l’homme interviennent, entre autres, pour organiser le patrimoine musical et établir les liens culturels qui vont déterminer l’association entre musique et contexte en attribuant à chaque objet une fonction symbolique particulière. Elles régissent aussi la conception et l’identification des formes, ce qui permet notamment le reconditionnement des emprunts interethniques selon des traits culturels différents. Enfin, elles conditionnent la dénomination des instruments, des répertoires, des pièces et des circonstances.

43Le deuxième champ a trait à la sémantique. Nous avons pu en effet dégager le sens que Jean-Jacques Nattiez (2004 pour la version française : 258) qualifierait d’« intrinsèque » et d’« extrinsèque » aux objets musicaux. La musique, en tant que telle, détient un caractère autoréférentiel et une signification intrinsèque liée à sa structure propre, c’est-à-dire aux modalités d’agencement de ses paramètres formels. Ce sens là repose à la fois sur les capacités humaines de l’homme à élaborer un langage musical − et la grammaire qui le régit − ainsi que sur des contraintes culturelles. De fait, la musique d’une communauté donnée revêt ce que l’on pourrait appeler une identité organique propre. Par ailleurs, chaque culture attribue un sens symbolique à ses objets musicaux (notamment ceux que nous avons désignés comme des « vecteurs » de l’identité musicale) en établissant leur lien avec le contexte dans lequel ils prennent place et en les parant d’une fonction spécifique. C’est ainsi que se constitue un réseau significatif entre différents pans d’une même culture, fondé sur un système de renvois entre le musical et le non musical. Il s’agirait là de l’identité symbolique de la musique. Enfin, nous avons vu jusqu’à quel point les caractères proprement musicaux pouvaient traduire ce réseau significatif. Aussi, sans que cela soit contradictoire, les deux univers sémiotiques de la musique – intrinsèque et extrinsèque – grâce à leur caractère autonome d’une part, et à leur relation réciproque d’autre part, forment-ils l’« identité musicale » de chaque communauté.

44Quant au dernier champ, celui du cognitif, il centralise les processus plus ou moins conscients qui sont à l’œuvre pour générer des formes, les catégoriser, leur donner un sens et les impliquer dans la construction et les manifestations d’une identité musicale façonnée par la combinaison de multiples paramètres. La mise au jour des compétences d’un groupe/d’une communauté culturellement situés est donc nécessaire pour mesurer le différentiel identitaire qui sépare chaque culture musicale de toute autre.

45Pour conclure, l’étude comparative des cultures montre qu’il ne semble pas y avoir de contradiction entre la singularité que peut représenter une identité musicale et la tendance – universellement partagée – à vouloir afficher cette singularité. L’identité, qu’elle se manifeste à travers la musique ou tout autre domaine culturel, constitue l’attribut le plus précieux de l’homme et le plus indispensable à sa vie affective, individuelle, personnelle et sociale. Ses manifestations parfois implicites, de même que son caractère protéiforme, complexe et dynamique, la rendent difficilement définissable de façon univoque. C’est sans doute, ce qui a fait dire à Lévi-Strauss en son temps (1983 : 332) que l’identité existait assurément, mais sous l’idée d’un « foyer virtuel ».

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Bibliographie

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Notes

1 Je remercie Jean-Jacques Nattiez et Simha Arom pour leur relecture critique et leurs conseils.

2 Les Nouveaux essais sur l’entendement humain sont achevés vers 1705 mais paraîtront bien après la mort de l’auteur.

3 Nous ne citons pas de façon exhaustive les termes de référence donnés par Alex Muchielli. Par ailleurs, nous les avons quelque peu re-catégorisés et synthétisés.

4 Sokoto, Bornou, Kanem, Baguirmi, Wandala ou Mandara.

5 Nous avons mené une étude comparative entre les Mofou, Mafa, Mofou-Goudour, Mouyang, Tupuri, Massa, Moundang et Guiziga.

6 Deux ensembles font exception : le premier, portant le nom de la fête qu’il accompagne – wə̄lāmātáyà– est composé de tambours de différentes factures qui accompagnent des chants ; le second – àsàgàlà – réunit des flûtes en corne et bois, une trompe et un tambour cylindrique. L’usage de ce dernier est aussi « hors calendrier », dans la mesure où il intervient durant les cérémonies de deuil qui peuvent se tenir à tout moment de l’année (nous reviendrons ultérieurement à cette circonstance spécifique). Il en est de même pour les répertoires des berceuses et des chants à moudre dont l’exécution est quotidienne.

7 En revanche, les communautés qui vivent en plaine organisent généralement leurs répertoires musicaux en fonction de circonstances dont la plupart ne sont pas directement liées au cycle agricole mais davantage à des saisons ou des rites initiatiques.

8 Cf. note 6 supra.

9 Ces derniers ont été analysés à partir du modèle compositionnel que l’on a recueilli auprès des musiciens. Il constitue pour eux une référence mentale dont seule la mise au jour permet de déterminer la nature des procédés compositionnels masqués par de multiples variations lors de la performance (cf. Arom, 1985 : 398-399). Rappelons également qu’un modèle ne se manifeste pas sous une forme qui serait unique et définitive. Il est soumis, lui aussi, à des variations selon l’exécutant. Toutefois, la confrontation des différents modèles obtenus pour une même pièce révèle un profil prototypique commun.

10 Lorsque les circonstances permettent de contourner les interdits liés au cycle agraire.

11 Il en va de même lorsque ce phénomène touche un répertoire musical et/ou se produit au sein d’une même communauté. Lorsque des circonstances n’ont plus lieu d’être − telles la chasse à l’éléphant ou encore l’initiation qui ont toutes deux fait l’objet d’une censure officielle dans certains pays d’Afrique centrale −, la musique est souvent conservée, mais jouée dans un contexte qui n’a plus la même signification.

12 Le numéro de cycle est précisé à titre indicatif. Ces musiques étant cycliques et fondées sur des ostinati à variations, elles n’ont pas réellement un début « type » ni une fin préétablie qui ressemblerait à une cadence dans la musique occidentale. Le début du cycle est toutefois déterminé en fonction de l’incipit du chant qui sous-tend ou se superpose à la partie instrumentale.

13 Dans ces traditions musicales, l’échelle n’est pas tempérée.

14 Les musiciens ne s’expriment pas explicitement sur cet aspect de la grammaire musicale.

15 Les pièces jouées par ces flûtes n’admettent aucune variation. Aussi, la transcription correspond-elle au modèle compositionnel.

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Table des illustrations

Titre Schéma 1. Les « paramètres » de l’identité musicale
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Titre Tableau 1. Calendrier musical ouldémé
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Titre Fig. 1. Jeune joueur de harpe ouldémé.
Crédits Photo Nathalie Fernando.
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Titre Schéma 2. Répertoires musicaux liés aux cérémonies de deuil chez les Tupuri
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Titre Exemple musical 1. Pièce tʃıtʃèk ma baz xáy (extrait), jouée avec les flûtes tʃıtʃèk ga háf Mouyang.
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Titre Exemple musical 2. Pièce ʃèk ī mùyàŋ (extrait), jouée avec les flûtes dènènà ouldémé.
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Titre Exemple musical 3. « Modèle » de la pièce tʃıtʃèk ma baz xáy, joué avec les flûtes tʃıtʃèk ga háf mouyang.
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Titre Exemple musical 4. « Modèle » de la pièce ʃèk ī mùyàŋ, joué avec les flûtes dènènà ouldémé.
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Titre Exemple musical 5. « Modèle » de la pièce tʃıtʃèk ma baz xáy, joué avec les flûtes tʃıtʃèk ga háf mouyang.
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Titre Exemple musical 6. « Modèle » de la pièce ʃèk ī mùyàŋ, joué avec les flûtes dènènà ouldémé.
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Titre Exemple musical 7. « Modèle » de la pièce ʃèk ī āmbélēŋ gwàrà, joué avec les flûtes āmbélēŋ gwàrà ouldémé.
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Titre Schéma 3. Le répertoire des áʒīwīlī
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Titre Exemple musical 8. Pièce ʃèk ī āndə̀rà (extrait), jouée aux flûtes áʒīwīlī.
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Titre Exemple musical 9. Pièce ʃèk ī vendelar (extrait), jouée aux flûtes áʒīwīlī.
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Titre Exemple musical 10. Pièce ʃèk ī ʒīk ī ʒīk (extrait), jouée aux flûtes áʒīwīlī.
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Pour citer cet article

Référence papier

Nathalie Fernando, « La construction paramétrique de l’identité musicale »Cahiers d’ethnomusicologie, 20 | 2007, 39-66.

Référence électronique

Nathalie Fernando, « La construction paramétrique de l’identité musicale »Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 20 | 2007, mis en ligne le 16 janvier 2012, consulté le 25 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/250

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Auteur

Nathalie Fernando

Professeur adjointe à l’Université de Montréal, titulaire de la chaire de Recherche en ethnomusicologie. Elle appartient conjointement au laboratoire Langues-Musiques-Sociétés, UMR 8099 CNRS-Paris V. Ses domaines d’investigation ont trait à l’analyse du système musical, ainsi qu’aux phénomènes de modélisation et catégorisation (échelles, formes musicales, rapport musique et contexte).

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