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Entretiens

Un homme musical

Entretien avec John Blacking
Keith Howard
Traduction de Isabelle Schulte-Tenckhoff
p. 187-204

Texte intégral

1John Blacking est né en 1928 à Guildford/Surrey. Il fit des études d’anthropologie et de piano, et travailla sous la direction de Hugh Tracey à l’International Library of African Music. En 1959, il devint assistant, puis maître assistant et, en 1965, professeur au Department of Social Anthropology and African Government de l’Université de Witwatersrand à Johannesburg. Sa recherche anthropologique était centrée sur le développement et le rituel.

2La renommée de Blacking se fonde principalement sur son enseignement et ses recherches dans le domaine de l’ethnomusicologie. Lorsqu’il quitta l’Afrique du Sud, en 1969, il fut nommé à une chaire nouvellement créée au Département d’anthropologie sociale de la Queen’s University de Belfast. Depuis lors, il a assuré les fonctions de président de la Société d’ethnomusicologie, de membre fondateur du Séminaire européen d’ethnomusicologie, et de membre du comité du British Council, du British Economic and Social Research Council, du Council for National Academic Awards, ainsi que du Arts Council. Il a été affilié à diverses universités en tant que professeur invité ou chargé de cours, dont celles de Western Michigan, de Berkeley, de Washington, de Pittsburgh, de Western Australia, d’Edinburgh et de Londres. Pour chacun de ses étudiants, Blacking a été une source d’encouragement ; pour tous, ses cours et ses publications continuent d’être une inspiration et un défi.

3Réalisé trois mois avant son décès, survenu le 24 janvier 1990 après un long et courageux combat contre la maladie, cet entretien apparaît à plus d’un égard comme le testament intellectuel de Blacking. A ceux qui l’ont connu, il rappellera les grands axes de sa pensée musicale, et offrira aux autres le portrait d’une des personnalités les plus marquantes et les plus attachantes de l’ethnomusicologie contemporaine.

« Pour les Venda, peuple d’Afrique australe, et pour de nombreux autres peuples africains, la communication musicale en général et les expériences corporelles particulières engendrées par la pratique polyphonique sont liées à d’autres expériences et idées. La musique provoque une émotion profonde au travers de la résonance que les gens sont susceptibles d’établir entre, d’une part, l’accent sonore et le déroulement idéal de la musique et, d’autre part, la tension nerveuse et l’élan moteur du corps. Mais nulle musique n’est intrinsèquement dotée de pouvoir. La musique est dépourvue d’effet sur l’action sociale, à moins qu’elle ne se rattache à un ensemble cohérent d’idées sur moi et autrui et les sensations physiques » (Blacking 1987 : 35).

Keith Howard : Vous avez terminé une formation en archéologie et en anthropologie au King’s College à Cambridge. Puis vous avez caressé l’idée d’une carrière musicale. Comment en êtes-vous venu à vous tourner vers l’ethnomusicologie ?

  • 1 Les années de Fortes à Cambridge ont été décrites par Adam Kuper (1973 : 154-55, 158-59).
  • 2 Pendant les années cinquante et jusqu’au début des années soixante, Blacking s’est débattu avec sa (...)
  • 3 Au Mozambique, Blacking rencontra les Chopi et leurs xylophones, décrits par Tracey (1970). A l’ép (...)

John Blacking : Mon professeur à Cambridge, Meyer Fortes1, s’est rendu compte qu’aucun anthropologue n’avait accordé la moindre importance à la musique, excepté son ami personnel Siegfried Nadel. Nadel débuta comme musicologue et finit comme anthropologue social. Quant à moi, j’ai suivi le cheminement inverse. Fortes savait que j’aimais beaucoup l’anthropologie, mais il m’a suggéré de la combiner avec mon intérêt pour la musique, dont il pensait qu’il risquerait de m’éloigner de l’anthropologie et de m’empêcher de terminer brillamment mes études. Il m’a obtenu une bourse modeste me permettant d’étudier auprès d’André Schaeffner au Musée de l’Homme à Paris, en 1952. Là j’ai appris beaucoup sur l’organologie, et j’ai admiré la méthode classificatoire de Schaeffner. L’initiative prise par Fortes faisait état de perspicacité et de largesse d’esprit, et c’est pourquoi Le sens musical (1980) lui est dédicacé.
Après avoir terminé mes études à Cambridge en 1953, j’ai été nommé consultant adjoint du Gouvernement sur la question des aborigènes de Malaisie. Je me suis trouvé en désaccord avec le général Templer sur la manière d’agir avec les aborigènes. Il voulait les sortir tous de la forêt pour les empêcher de venir en aide aux insurgés communistes. J’ai protesté en disant que cela équivalait à les tuer, car ils n’étaient pas habitués aux maladies européennes. Et c’est exactement ce qui se passa. J’ai été renvoyé mais, peu après, Templer a changé de politique. Si j’avais été un peu moins intempérant et plus prudent, j’aurais peut-être gardé mon poste.
Après avoir fait mon service militaire en Grande-Bretagne, j’ai été affecté aux Goldstream Guards en Malaisie (1947-49). A ce moment, j’avais encore le projet d’entrer dans les ordres de l’Église anglicane. En Malaisie, j’ai rencontré des musulmans, des hindous et des bouddhistes, tous à bien des égards plus chrétiens que nombre de chrétiens que je connaissais en Angleterre, en raison de leur comportement pacifique. J’ai commencé à douter ; ma foi ne s’est pas effondrée, mais je ne pensais plus être capable de monter en chaire pour prêcher qu’il n’y avait qu’une seule voie menant au ciel2. Significativement, avant d’aller à Cambridge, j’avais fait un peu de travail social à Canning Town dans le East End de Londres. J’envisageais alors toujours de travailler dans le domaine de l’anthropologie sociale appliquée. Toutefois, le travail social m’a déconcerté au point de m’amener à la conviction qu’il ne suffisait pas de raccommoder et de réformer la société ; il fallait plutôt la transformer. En effet, je m’étais essayé à diverses bonnes œuvres et, peu à peu, j’eus le sentiment de me brûler les doigts en essayant de changer le monde. Mes vues politiques, jusque-là conservatrices, tournèrent aussi progressivement au rouge socialiste, ce qui n’a pas tardé à colorer mon enseignement.
En 1954, lorsque j’ai quitté la Malaisie pour la seconde fois, je suis allé étudier le piano à Paris avec Suzanne Guébel. Elle a transformé ma technique de jeu, et j’ai appris énormément d’elle. A mon retour à Salisbury, j’ai pratiqué avec acharnement, jusqu’à ce que vienne le moment critique : je n’avais plus d’argent. C’est à ce moment-là qu’on m’offrit le poste de musicologue à l’International Library of African Music dirigée par Hugh Tracey. Je suis parti pour Roodepoort dans le Transvaal, où mon travail consistait à transcrire, à analyser et à commenter les enregistrements réalisés par Tracey.
Je me sentais déchiré entre, d’une part, la transcription et l’analyse et de l’autre, tout ce que je voyais comme mon véritable travail, à savoir la pratique du piano. J’ai accompagné Tracey dans deux expéditions à Kwazulu et au Mozambique3, mais j’étais frustré par le genre de tourisme de recherche dans lequel nous étions engagés, qui ne favorisait guère une étude musicale approfondie. J’avais la conviction que des expéditions aussi brèves étaient insuffisantes et que seul un contact prolongé, dans le style proprement anthropologique, permettait de connaître la langue, la structure sociale et le contexte culturel qui sous-tendent la musique enregistrée. Mon changement de perspective s’est dessiné dans mon article sur les airs de flûte butembo (1955b), où j’ai réalisé que mon analyse était ce qu’elle était à cause de l’absence d’un travail de terrain dans la région, ce qui m’avait empêché de contextualiser l’œuvre de compositeurs brillants.
J’ai reçu la permission de faire du terrain. J’ai passé une année chez les Venda sous les auspices de l’International Library, puis j’ai démissionné et j’ai continué grâce à un modeste subside Horniman (£ 500) du Royal Anthropological Institute de Londres. A partir de mai 1956, j’ai effectué vingt-deux mois de travail intensif sur le terrain. Même à ce moment-là, je n’avais pas encore abandonné mon désir de faire du piano professionnellement. Quand j’eus la possibilité de réinstaller dans un bungalow, j’y ai emménagé mon propre piano, car je trouvais les instruments des missions tout à fait inadéquats. J’ai continué à en jouer pendant mes enquêtes sur le terrain, et c’est ainsi que j’ai pu m’imposer comme musicien et acquérir un public venda ayant des choses intéressantes à dire sur ma musique. Ma capacité de jouer était vue comme une indication du fait que je connaissais quelque chose à la musique européenne, si bien qu’on m’invita à faire partie du jury lors de concours musicaux venda. A mon départ en janvier 1959, j’étais en fait beaucoup plus attiré par la musique africaine.
En 1959, une fois engagé à l’Université de Witwatersrand/Johannesburg, j’ai commencé à correspondre avec Alan Merriam. A mes yeux, mon travail de doctorat devait se situer dans la perspective de l’anthropologie de la musique. Ce n’est qu’en 1964, année de publication du livre de Merriam The Anthropology of Music, que j’ai constaté quelques différences : autant j’admirais le livre et je continuerais à appuyer presque tout ce qu’il renferme, autant je sentais qu’il ne prêtait pas assez attention à la dimension musicale, à la musique en tant que système symbolique (voir 1966). Lorsque je devins professeur, en 1965, ma vision de toutes les musiques avait changé.

John Blacking (1928-1990)

John Blacking (1928-1990)

Photo : Pacemaker Press Int. Ltd.

K.H. : Vous avez dit une fois que dans lés années cinquante, personne ne savait faire du travail de terrain en ethnomusicologie. Que faut-il entendre par cette remarque ?

J.B. : Il existait une idée assez précise sur la manière de constituer une collection de documents ethnomusicologiques. Maud Karpeles, Percy Grainger, Béla Bartók, Constantin Brăiloiu et de nombreux autres avaient fait du travail superbe. Mais je ne voulais pas vraiment les imiter. Leur travail évoquait l’ancienne école de l’anthropologie, vouée à rassembler des données sur les coutumes et la parenté, et élaborée à partir d’entretiens avec des informateurs. Quant à moi, je voulais me plonger véritablement dans la vie d’une société et participer à ses activités musicales sur une longue période. Je voulais apprendre la langue luvenda et étudier la parenté, les structures politiques, les rites et la vie économique, à la manière d’un anthropologue. Mais d’un autre côté, je me proposais d’étudier la musique avec beaucoup plus d’intensité que ne le ferait un anthropologue. Jusque dans les années cinquante, les seuls à s’être ainsi immergés dans une seule tradition musicale étaient Béla Bartók, Jaap Kunst et quelques autres, pour la simple raison que le hasard avait voulu qu’ils vivent longtemps dans la région (un peu à la manière dont Malinowski avait abouti dans les îles Trobriand). Merriam avait lui aussi fait du terrain, mais durant de brèves périodes seulement.
Lorsque je suis arrivé chez les Venda, j’ai établi un premier inventaire de la musique. Puis j’ai choisi, tout à fait dans le style de l’anthropologie traditionnelle, de limiter mes efforts à un seul domaine. J’ai trouvé que le meilleur moyen d’avancer consistait à fréquenter la société venda à la manière d’un enfant venda, en apprenant des chansons enfantines avec les enfants et en me faisant corriger par eux. Cela devait me permettre de m’habituer graduellement à la musique des adultes. Les Venda trouvèrent ma tactique absurde. L’idée qu’un adulte jouât aux devinettes avec les enfants leur paraissait ridicule. Connaissant mes compétences musicales, ils s’étonnaient que je ne consacre pas davantage de temps à interpréter les chansons et la musique des adultes. Pourtant, un apprentissage systématique me permit de connaître la musique enfantine.
Deux autres facteurs ont influencé l’orientation de mes recherches. Le premier était intentionnel : je m’intéressais au problème de la musicalité. J’avais immédiatement été frappé par le grand nombre de musiciens compétents parmi les Venda - nombre excédant de loin la moyenne relevée dans ma propre société (voir 1973a : 7-8). J’avais également été frappé par le fait que de jeunes enfants étaient de bons musiciens. J’ai voulu découvrir jusqu’à quel point tout cela résultait de facteurs culturels et si la société venda encourageait un développement précoce des aptitudes musicales. J’ai élaboré une série de tests dont j’ai rendu compte dans Venda Children’s Songs (1967). Le second facteur fut accidentel : je contractai une hépatite, ma première et seule maladie à part celle dont je souffre actuellement. Je fus par hasard aidé par Victor Ralishai, un jeune étudiant qui avait pris un congé d’un semestre. Son intérêt fut stimulé, et il devint par la suite professeur d’anthropologie sociale. Je dirais que le but de tout ethnomusicologue qui se lance dans le travail sur le terrain devrait être de former des gens sur place, susceptibles de continuer notre entreprise.

K.H. : Quelle importance avait pour vous le fait de jouer des instruments venda ?

J.B. : Elle était immense. Il était surtout important pour moi de chanter les chansons enfantines et de participer aux ensembles de tambours. Je n’ai jamais eu l’ambition de devenir expert, car je n’y voyais pas ma tâche principale. Mais j’ai voulu découvrir à travers le jeu quelle était sa problématique. Par exemple, j’ai joué dans des ensembles de flûtes et j’ai appris les pas de danse. J’ai également appris les doigtés de certaines mélodies de mbira, mais je suis toujours resté débutant. Ma tâche consistait à élucider et à comprendre les processus et leurs résultats, non pas à devenir musicien.

K.H. : En 1965, vous avez passé un semestre à l’Université de Makarere. En quoi fut-ce un moment décisif dans votre carrière ?

  • 4 L’East African Institute of Social Research fut créé en 1950 à Makerere/Karapala. En 1965, Blackin (...)

J.B. : Ce semestre à Makarere4 fut pour moi une expérience merveilleuse. Il fallait entendre la richesse de la musique de l’Ouganda pour y croire, et certaines de ses formes sont aujourd’hui perdues à jamais. Par exemple, j’ai tourné un film 8 mm du kabaka, le cortège d’anniversaire du dernier buganda de l’Ouganda. Ce fut la dernière occasion, car le kabaka fut interdit en 1966 et ne resurgit jamais.
J’ai élaboré une technique efficace d’enseignement avec un groupe mixte d’étudiants - l’un d’entre eux était pasteur, un autre était Japonais et boursier du Rotary Club. Il y avait deux Européens, Kenneth Gourlay et Peter Cooke, mais la plupart des étudiants étaient Africains, comme Moses Serwadda. Nous disposions d’un montant assez important pour la formation, si bien que des étudiants qui vivaient dans une région particulière de l’Ouganda ou y avaient des parents allaient organiser des visites pour quatre ou cinq de leurs camarades de classe. Puis nous passions des week-ends sur le terrain, pour enregistrer des musiciens ou pour leur rendre visite. A notre retour à Kampala, nous discutions de ce que nous avions enregistré.

K.H. : Le livre Venda Children’s Songs (1967) date de cette époque. En quoi est-ce un ouvrage important ?

  • 5 Venda Children’s Songs est maintenant épuisé. Il pourrait encore y avoir des exemplaires en vente (...)

J.B. : C’est un ouvrage sous-estimé5. Une des raisons en est que très peu de gens l’ont lu. Ce fut aussi une erreur de l’avoir publié en Afrique du Sud : malgré sa belle présentation, sa diffusion est restée limitée. Les questions que j’y aborde ne semblent guère avoir été acceptées. C’est dans cet ouvrage que je traite pour la première fois en détail de la relation entre les tons de la langue parlée et la mélodie. Il a été démontré que mes conclusions valent pour la plupart des sociétés d’Afrique australe, mais on continue néanmoins à prétendre que les tons déterminent la mélodie. J’ai démontré que cela n’est nullement le cas. Je me suis donné beaucoup de peine pour cerner le rapport entre la structure sociale et la structure musicale, mais plus récemment, cette question a été abordée par d’autres d’une manière qui, franchement, me paraît naïve.
Les gens continuent à parler en termes de développement acoustique de la musique - dans le sens d’enfants chantant deux tons, puis trois, puis quatre et plus. Or, les données disponibles au sujet des Venda montrent clairement que le nombre de tons chantés par les enfants est déterminé dans un premier temps par la popularité des chansons et par le contexte, et ensuite par le style musical. Les chansons enfantines ne sont pas le produit d’une quête à tâtons de capacités musicales universelles déterminées par la série des harmoniques. Il s’agit de phénomènes culturels. Les chansons se rattachent de toute évidence à la musique des adultes et à ses modèles. A partir de là, je conteste l’utilité de nombreux tests d’aptitudes musicales, si bien que mon ouvrage peut être utile à quiconque s’intéresse à la psychologie de la musique.
Dans une certaine mesure, les erreurs sont les miennes. Je n’ai jamais aimé les discussions théoriques interminables qui visent principalement à se vanter du nombre de lectures qu’on a faites. Je ne m’intéresse pas non plus beaucoup aux longues diatribes sur des théories ineptes ou intenables. J’ai donc conçu Venda Children’s Songs comme un livre concis et scientifique sur la musique. C’est pourquoi il est très dense. En même temps, lorsque j’ai gagné l’Amérique en 1971, mon travail y était pratiquement inconnu. C’est seulement dans les années 1970 que l’on a commencé à prêter attention à mes écrits, pour la simple raison que j’en transmettais le message oralement lors de conférences. Il semble que personne ne lit de livres ou même d’articles sans s’intéresser personnellement au domaine traité, ou sans avoir rencontré l’auteur. D’autre part, dans A Commonsense View of All Music (1987), mes réflexions sur le rapport entre discours et chant rappellent celles de George List, qui reprennent à leur tour celles d’auteurs plus anciens, comme Richard Strauss. De même, en 1977 déjà, je me suis entretenu avec Klaus Wachsmann sur quelques idées concernant l’influence de la culture et de la société sur l’expérience musicale, au moment même où il était devenu très critique à l’égard de ce qu’il percevait comme une exagération de ma part du facteur culturel. Je n’ai pas cité son article superbe sur la variabilité de l’expérience musicale (Wachsmann 1982) dans A Commonsense View, en partie parce qu’il n’ajoutait rien de significatif à ce que Percy Grainger avait déjà dit beaucoup plus tôt.

K.H. : Vous avez quitté l’Afrique du Sud en 1969...

J.B. : En 1969, j’ai été arrêté, puis mis en liberté provisoire sous caution et, après le procès, j’ai été condamné avec sursis. Je suis resté en Afrique du Sud pendant quelques mois encore, mais au moment de mon départ, j’ai reçu une lettre officielle me demandant de ne jamais revenir. A l’époque, je faisais partie de ceux qui s’opposaient à l’apartheid et j’ai publiquement soutenu, en 1968, l’engagement d’Archie Majefe comme assistant en anthropologie sociale à Cape Town.

K.H. : ...et vous avez été nommé à une chaire d’anthropologie nouvellement créée à la Queen’s University de Belfast. Vous avez enseigné l’anthropologie en Faculté des Lettres plutôt que des Sciences sociales. Peu après, vous avez enseigné l’ethnomusicologie comme partie intégrante de l’anthropologie et non pas de la musicologie. Vos auditeurs étaient des étudiants avancés plutôt que de première année. Et la plupart de vos étudiants en ethnomusicologie avaient une formation musicologique plutôt qu’anthropologique.

  • 6 Blacking fut John Danz Lecturer à l’Université de Washington/Seattle (1971), Munro Lecturer à l’Un (...)

J.B. : On m’avait offert un poste de professeur d’anthropologie à l’Université de Western Michigan, à Kalamazoo, que j’avais accepté. Mais il m’a fallu une année pour obtenir le visa. Pendant ce temps, on m’a invité à me porter candidat pour une nouvelle chaire d’anthropologie à la Queen’s University. Ce que j’ai fait, et j’ai été nommé. Je suis arrivé à Belfast en juillet 1970. J’ai mis comme condition à ma nomination que l’on m’accorde un congé en 1971 me permettant d’enseigner à Western Michigan. A Queen’s, j’ai élaboré le programme du département - c’était fastidieux, mais cela a marché - puis je suis parti pour les États-Unis.
Je suis rentré en octobre 1971. Au moment de ma nomination, l’anthropologie faisait déjà partie de la Faculté des Lettres. Il y avait trois assistants, et il était parfaitement clair que la Faculté des Lettres s’était battue pour une chaire d’anthropologie ; il aurait été mal vu que je recommande un transfert de faculté. D’autre part, le titulaire de la chaire de sociologie réclamait avec véhémence que l’anthropologie devienne un domaine annexe de la sociologie au sein de la Faculté des Sciences sociales. Il apparaissait donc tout aussi clairement à l’époque que la sociologie s’apprêtait à avaler l’anthropologie. Cela m’a déplu. L’anthropologie sociale est significativement différente, vouée qu’elle est à conceptualiser la culture et ses variantes plutôt que les similitudes de l’expérience humaine. Mon point de vue en la matière ressort de ma conférence inaugurale à Belfast, Man and Fellowman (1974a).
Au début, je me suis consacré exclusivement à l’anthropologie sociale. Je n’avais nulle intention de développer un programmme d’ethnomusicologie. Néanmoins, durant ma première année à Queen’s, j’ai accueilli deux étudiants qui avaient chacun une formation musicale et voulaient faire un doctorat. L’un était Elkin Sithole, un Zoulou de Natal qui travaillait à l’époque à Chicago ; l’autre était Max Brandt, un ancien étudiant de Mantle Hood, titulaire d’une maîtrise de l’Université de Californie à Los Angeles, qui travaillait à l’époque sur la musique afro-vénézuelienne. Tous deux étaient venus vers moi en raison de mon rapport avec la musique africaine. Sithole étudiait la musique gospel de Chicago, tandis que Brandt poursuivait sa recherche. Je les ai acceptés. Les autorités du département de musicologie à Queen’s avaient clairement dit qu’ils ne voulaient pas développer l’ethnomusicologie, et ils m’avaient donné leur bénédiction pour que j’aille de l’avant. Ensuite le psychologue John Baily est arrivé, suivi par Gerd Baumann, Rita Segato et Maria Ester Grebe-Vicuna, tous principalement anthropologues, ainsi que par le mari de Rita, José Jorge Carvalho.
Vers 1974, nous nous sommes rendu compte que plusieurs personnes réclamaient un enseignement plus spécifiquement ethnomusicologique ou, si vous voulez, un enseignement qui tienne davantage compte de l’anthropologie de la musique. En 1975, nous avons créé une maîtrise et un diplôme en anthropologie sociale (ethnomusicologie). Celui-ci comprenait une formation d’anthropologie de la danse. Je voulais concentrer mes efforts sur les études de troisième cycle, comme on le faisait pour l’anthropologie sociale à l’Université d’Oxford. Mes cours portaient toujours sur l’anthropologie sociale. En fait, je n’ai jamais véritablement abordé l’ethnomusicologie dans mes cours, sauf lorsque j’étais invité à enseigner à Berkeley, Pittsburgh, Seattle et Western Australia à l’étranger, ainsi qu’à Edinburgh, East Anglia et la City University de Londres en Grande-Bretagne6. Je n’ai jamais conçu l’ethnomusicologie comme un domaine distinct, car je pense que l’on pourrait la qualifier tout aussi bien d’anthropologie cognitive. C’est seulement dans les années quatre-vingt que j’ai entrepris à Queen’s la création de deux postes en ethnomusicologie.

K.H. : Peut-on dire que la production de doctorants à Queen’s revient à former des gens pour leur assurer un gagne-pain pour le reste de leur vie ?

J.B. : En un sens, tout doctorat assure un gagne-pain. La tâche la plus importante des usines de doctorats est de permettre la publication systématique de nouvelles données ethnographiques. Si, au cours de cet exercice, la réputation de l’étudiant se trouve rehaussée dans son propre environnement ou pays, tant mieux ! Un excellent exemple en est Meki Nzewi. Quand il est arrivé à Belfast, il a bien précisé qu’il n’écrirait pas de thèse pour faire plaisir aux pontifes des universités occidentales. Il voulait toucher un public nigérian et produire quelque chose qui ait de la valeur pour ses compatriotes. Il ne me restait qu’à insister sur une présentation suffisamment ordonnée et érudite pour satisfaire le jury.
A Queen’s nous avons eu la chance d’accueillir un nombre considérable d’étudiants des pays africains et asiatiques, autant que d’Europe et d’Amérique. Ayant toujours facilité l’accès à notre Université, nous avons pu admettre des étudiants qui n’avaient pas les qualifications habituelles exigées par de nombreuses institutions. Mais nous leur avons rendu le départ difficile. A ce stade du développement de l’ethnomusicologie, il ne faut pas attacher trop d’importance aux théories fantaisistes. Il faut plutôt chercher à publier des données ethnographiques qui, dans bien des cas, sont en voie de disparition rapide. Cela revêt une valeur énorme dans notre étude de l’histoire mondiale de la musique et de la danse, ainsi que pour tous ceux qui s’intéressent aux questions soulevées par la diversité de la musicalité humaine.

K.H. : Y a-t-il une différence dans la formation, par exemple, des étudiants africains et des étudiants britanniques travaillant sur la musique africaine ?

J.B. : Tous les étudiants venant de l’étranger ne souhaitent pas forcément étudier leur propre musique. Kenichi Tsukada, un chercheur japonais qui s’est joint à nous après la mort d’Alan Merriam, jouait du shakuhachi. Mais il était désireux d’étudier la musique africaine, et il a finalement présenté une thèse sur la cérémonie d’initiation mukanda des Luvale de Zambie. Son compatriote Fumiko Fujita, en revanche, souhaitait étudier la musicalité et la pertinence de la musique japonaise dans l’éducation des enfants japonais. Nous avons également eu la chance d’accueillir plus d’une personne travaillant sur la même tradition musicale, comme Keith Howard, Inok Paek et Hae Kyung Um qui étudiaient tous trois la musique coréenne. Deux d’entre eux venaient de l’intérieur, le troisième de l’extérieur ; et chacun a abordé son terrain d’un point de vue différent.
Une grande partie de l’ethnomusicologie « du proche » est plus lointaine qu’il n’y paraît, en ce sens qu’elle n’est pas d’emblée familière au chercheur, comme le démontre l’exemple de Joshua Uzoigwe. Chercheur d’origine nigériane mais élevé dans la tradition musicale occidentale, il s’est formé à la Guildhall School of Music à Londres ; c’est aussi un compositeur talentueux qui écrit de la musique sérielle. Assez tard dans le cours de sa carrière, il a commencé à s’intéresser à la musique nigériane traditionnelle. Il voulait retourner dans son pays pour étudier les techniques de composition des ensembles de tambour ukom. Cette musique était nigériane - et la langue parlée par les musiciens était sa propre langue, l’igbo - mais le style musical lui était essentiellement étranger. Il a rencontré autant de problèmes à l’aborder que quiconque venant de l’extérieur. Les différences de classe ou les variations régionales rencontrées par les chercheurs indigènes démentent l’idée qu’ils pratiquent une ethnomusicologie « du proche » plutôt que « du lointain ».

K.H. : Vous vous êtes fait une réputation en tant que pianiste. Comment vos recherches sur la musique non occidentale se sont-elles répercutées sur votre approche de la musique classique occidentale ?

J.B. : Elles l’ont entièrement transformée. Mon expérience de la musique africaine a été significative. Toutefois, ce que j’ai appris, de nombreux musiciens occidentaux le savaient déjà, sans passer même une journée à écouter de la musique africaine ou à essayer d’en jouer. Pour moi, il était essentiel de comprendre le lien étroit entre le corps - la structure, les mouvements et les sensations du corps - et la production sonore. Dans la musique de kalimba des Nsenga, les mouvements corporels jouent un rôle crucial dans l’élaboration des formules mélodiques. J’ai aussi appris des choses par le jeu des tambours, en particulier une forme de relaxation par la participation à ce jeu, qui s’est révélée extrêmement utile pour le jeu du piano.
Dans la musique de l’Afrique sub-saharienne que j’ai apprise, le fait de la performance est une preuve scientifique de l’une des vérités fondamentales de la vie : toute matière est une manifestation de l’esprit ; en jouant, en permettant au corps de se soumettre à l’acte musical, on éprouve de l’empathie avec autrui, avec la nature. C’est une vérité mystique. L’idée de possession se retrouve en un sens dans l’univers musical de l’Occident : jouer Chopin et vivre l’esprit de Chopin (voir aussi 1971c).

K.H. : Aujourd’hui encore vous vous référez aux Venda, bien que votre travail de terrain remonte à trente ans. Comment le justifiez-vous ?

J.B. : En premier lieu, celui qui écrit aujourd’hui sur Bach, Schubert ou Schumann n’est pas appelé à se défendre. Deuxièmement, le terrain anthropologique et ethnomusicologique est essentiellement historique. En ce qui me concerne, j’ai étudié les façons dont les Venda faisaient de la musique entre 1956 et 1958. Mes données formeront toujours une tranche de l’histoire de la musique. Cette approche de l’anthropologie sociale est la plus utile et la plus appropriée, conformément au genre d’arguments avancés par Evans-Pritchard (1962).
Il vaut la peine de mentionner que je suis fier d’être, par l’intermédiaire de Meyer Fortes, un petit-fils intellectuel de Bronislaw Malinowski. J’ai été profondément influencé par la prépondérance que Malinowski attribuait à une ethnographie détaillée et en profondeur, ainsi que par les difficultés qu’il éprouva à brosser un portrait de la société étudiée. Malinowski a essentiellement passé sa vie à écrire sur les insulaires des Trobriand, mais personne ne l’a critiqué pour cela.
Il se pose un problème important lorsqu’on se met à rédiger longtemps après avoir recueilli son matériel. Entre-temps, on vieillit et mûrit. Mais au lieu d’y voir un problème, je l’ai plutôt considéré comme un avantage : une partie considérable de ce que j’avais appris et enregistré entre 1956 et 1958 n’a véritablement acquis de sens pour moi qu’au cours des dernières années. On m’avait parlé des rapports entre vie matérielle et vie spirituelle et des manières dont la musique peut jeter un pont entre les deux ; on m’avait aussi parlé longuement des enfants comme étant des êtres angéliques. A l’époque, je croyais avoir compris, mais certaines significations plus profondes m’échappaient, car je manquais encore de maturité. Plus récemment, j’en suis venu à regarder la vie différemment. Le chercheur doit donc veiller à fixer par écrit ce qu’il faisait quand il recueillait son matériel, et ce qu’il faisait quand il le mettait sur papier. La position du chercheur doit toujours être rendue explicite.

K.H. : Dans les années 1970 et 1980, vous avez élargi votre perspective. Comment cela s’est-il passé, et quelle est votre contribution à d’autres domaines ?

J.B. : Les domaines « plus larges » sont une extension assez logique de ce que j’ai fait dans les années soixante. A un pôle du spectre, il y a toujours mon intérêt pour l’approche biologique de la production musicale. Plus récemment, le fait d’avoir épousé un médecin a sans doute aussi stimulé mon intérêt pour les caractéristiques du comportement humain, qui sont jusqu’à un certain point déterminées biologiquement (1959, 1973a : 12-19, 1977a, à paraître). A l’autre bout du spectre, il y a l’intérêt croissant pour le rôle que jouent les musiques du monde - en particulier celles de l’Afrique - dans le domaine éducatif, au fur et à mesure notamment que je me suis trouvé impliqué dans l’éducation musicale. Les problèmes annexes me sont apparus sous l’effet des conditions changeantes au Royaume-Uni et en Amérique (1982, 1985b). Après tout, les termes de musique « multiculturelle » ou « ethnique » ont une connotation plutôt paternaliste (1985a).
Ma pensée a connu un véritable tournant au début des années soixante-dix, lorsque j’ai lu l’œuvre de Chomsky et aussi le merveilleux livre d’Eric Lenneberg (1967). Ce que Chomsky a écrit prend tout son sens à la lumière des problèmes dont j’ai traité dans Venda Children’s Songs. Lenneberg m’a poussé à produire un volume parallèle sur les fondements biologiques de la musique, que je n’ai pas encore écrit, mais pour amener les gens à aborder ce genre de problèmes, j’ai édité The Anthropology of the Body (1977a).
Mon intérêt pour la danse est né tant de ma quête des fondements biologiques de la musique dans la phylogénèse humaine que de mes réflexions sur le potentiel non verbal des cultures humaines anciennes de type homo erectus et homo sapiens neanderthalensis (1976, 1988b). L’idée de Vico, qui veut que les êtres humains aient dansé avant de marcher, s’est imposée à moi, au fur et à mesure que j’apprenais davantage sur les danses rituelles des espèces animales. J’avais bien sûr déjà participé aux tentatives d’analyse des structures musicales en rapport avec les modèles musicaux qu’implique leur production sur un xylophone, une mbira, une harpe ou tout autre instrument. Ces deux champs d’étude sont réunis dans « Dance and Music in Venda Children’s Cognitive Development » (1988a).
Mon intérêt pour l’éducation musicale a été suscité par ces mêmes préoccupations. C’était une sorte d’ethnomusicologie appliquée. Si l’être humain naît musical et que dans certaines sociétés cette aptitude inhérente est encouragée dès la petite enfance, il me semble qu’il faut œuvrer davantage dans les sociétés industrielles modernes pour que l’expérience artistique et la pratique musicale soient placées au centre de l’éducation. Ma recherche m’a conduit à la conviction profonde que ce qui est un mythe relaté par nombre de sociétés africaines et asiatiques constitue un fait scientifique : à savoir que les origines de la culture sont à chercher dans la musique et la danse. A ce sujet, mes articles-clef, bien que tous trois encore insuffisants, sont 1974b, 1976 et 1977a.

K.H. : Dans les année 1980, vous vous êtes davantage signalé par votre appui à l’ethnomusicologie. Comment en voyez-vous les développement futurs ?

  • 7 En ce qui concerne la Society for Ethnomusicology, Blacking fut président désigné (1980-81), prési (...)

J.B. : On m’a proposé la fonction de directeur de publication des Cambridge Studies in Ethnomusicology (Cambridge University Press). Maintenant que la première série est close, nous aimerions élargir la portée de la collection en vue de nouer des liens plus étroits entre les découvertes de l’ethnomusicologie et les préoccupations de la musicologie en général. Le compartimentage de la musicologie me semble être une tragédie. Je pense que Guido Adler n’a jamais souhaité un tel développement lorsqu’il s’est joint à Chrysander et Spitta pour fonder la Vierteljahresschrift fur Musikwissenschaften (1884). Le concept de Tonkunst avancé par Adler se prête à mon avis parfaitement à affronter la diversité des conceptualisations musicales à travers le monde. Les principes qu’il a élaborés, en mettant l’accent sur le fondement culturel et historique de la composition et de la performance, sont décisifs pour l’ethnomusicologie autant que pour la musicologie. L’ethnomusicologie a accordé une place de choix à la nature symbolique de la musique et à la variété des systèmes symboliques qu’elle implique. Ainsi nous a-t-elle fait abandonner les analyses acoustiques assez grossières du son musical, bien que celles-ci continuent à dominer la psychologie de la musique et une bonne partie du travail analytique sur la musique. Je crois que nous serons bientôt en mesure de supprimer le préfixe d’« ethno » dans ethnomusicologie. Nous aurons alors reconquis une musicologie unifiée, véritablement fertilisée et enrichie par l’apport de l’ethnomusicologie.
Çe fut pour moi une surprise de me retrouver président de la Society for Ethnomusicology7. Je crois avoir été le premier non-Américain non domicile aux États-Unis à être nommé, et j’ai exercé ma fonction avec grand plaisir. Cependant, il est amusant de penser que - bien que j’aie commencé par y introduire des changements sur le plan académique (transformation du style des conférences et introduction de colloques) - mon exploit principal a été de sortir la Société des chiffres rouges.
Nous avons fondé le Séminaire européen d’ethnomusicologie en 1981. (Le Séminaire est dans une moins bonne position financière, car beaucoup de membres ne paient pas leur cotisation). Je pensais que le temps était venu pour les chercheurs d’Europe occidentale et orientale de collaborer plus étroitement. C’était aussi le moment d’imposer l’idée que l’ethnomusicologie est un domaine d’étude sérieux et ne signifie nullement perdre son temps avec des bribes éparses de musiques non occidentales. Nous voulions nous débarrasser d’un grand nombre de pseudo-ethnomusicologues. En effet, le Séminaire a débuté comme une sorte de syndicat destiné à assurer que notre domaine soit représenté et défendu convenablement dans le cadre des universités, des musées et d’autres institutions. Maintenant, il va plus loin. Il a commencé à susciter en Europe le type de dialogue dont les ethnomusicologues américains profitent depuis trente ans ou plus. Après tout, les pionniers dans le domaine ont été des Européens.

K.H. : Votre retraite commence aujourd’hui. Qu’espérez-vous faire à l’avenir ?

J.B. : C’est délicat. Vous pourriez presque me demander ce que j’espère faire avant de mourir. J’ai plusieurs projets prioritaires, portant respectivement sur la musique des Venda, sur la pensée musicale et sur la méthode ethnomusicologique. Pendant de nombreuses années, cependant, j’ai eu envie de travailler sur une série de compositions centrées sur des thèmes africains. Je sais que c’est une idée désuète qui évoque le XIXe siècle. Néanmoins, il y a beaucoup de musiques africaines qui m’émeuvent, et il existe de nombreuses techniques africaines qui n’ont pas été éprouvées ou assimilées par la tradition classique occidentale. Je voudrais également encourager le développement d’une tradition classique en Afrique sub-saharienne. Je suis sans doute un peu déprimé par le fait que la plupart des développements de la musique africaine, engendrés par l’urbanisation et le changement social, se sont limités au domaine du pop. Bien qu’ils soient parfois excellents, ils ne captent pas l’esprit de la musique africaine. Il y a eu des compositeurs de talent, comme Fela Sowande et Akin Euba, mais je souhaiterais voir des développements plus significatifs. Tout dépendra de la voie que prendra l’éducation musicale en Afrique et, espérons-le, de la découverte d’une fusion heureuse entre la technologie moderne et la créativité musicale indigène.

Propos recueillis par Keith Howard

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Bibliographie

Références citées

COOKE Peter
1986 The Fiddle Tradition of the Shetland Isles. Cambridge : Cambridge University Press.

EVANS-PRITCHARD Edward Evan
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TRACEY Hugh
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WACHSMANN Klaus
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Selection des publications de John Blacking

Livres et brochures

1964
Black Background : The Childhood of a South African Girl. London and New York : Abelard Schuman.

1967
Venda Children’s Songs : A Study in Ethnomusicological Analysis. Johannesburg : Witwa-tersrand University Press.

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Process and Product in Human Society. Inaugural Lecture. Johannesburg : Witwatersrand University Press.

1973a
How Musical is Man ? Seattle : University of Washington Press. 2nd edition, London : Faber & Faber, 1976 ; Japanese edition, 1979 ; French edition, 1980 ; Greek edition, 1981 ; Italian edition, 1986.

1974a
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1977a
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Articles

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« Eight flute tunes from Butembo ». African Music 1(2) : 24-52.

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« Patterns of Nsenga kalimba music ». African Music 2(4) : 26-43. 1962 « Musical expeditions of the Venda ». African Music 3(1) : 54-72.

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1966
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A paraître : « The biology of music-making ». In : The New Grove Dictionary of Ethnomusicology.

Discographie et filmographie

Music from Petauke (Zambie). 2 disques 33 t. avec brochure. Ethnic Folkways Library FE4201-3, 1963-1965.

Venda Music. Bande magnétique avec brochure. University of Washington Press, 1974.

Domba : Venda girl’s initiation rites. Film présenté en 1981 à la conférence de l’International Folk Music Council à Séoul.

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Notes

1 Les années de Fortes à Cambridge ont été décrites par Adam Kuper (1973 : 154-55, 158-59).

2 Pendant les années cinquante et jusqu’au début des années soixante, Blacking s’est débattu avec sa foi et son engagement religieux. La leucémie de sa troisième fille par sa première femme, Paula Gebers, les a amenés tous deux à explorer la voie spirituelle de Subuh. En 1967, pendant qu’il méditait avec le mystique indonésien Bapak Muhammad Subuh, Blacking eut une expérience spirituelle extraordinaire dont il dit qu’elle changea le cours de sa vie, mais qu’il a su réconcilier tout dernièrement avec le christianisme orthodoxe de son enfance.

3 Au Mozambique, Blacking rencontra les Chopi et leurs xylophones, décrits par Tracey (1970). A l’époque, l’International Library était financée par la Fondation Nuffield.

4 L’East African Institute of Social Research fut créé en 1950 à Makerere/Karapala. En 1965, Blacking fut professeur invité au programme d’études africaines. Son influence sur Cooke et Gourlay a été féconde, mais il a récemment réagi à mon compte rendu de Cooke (1986) en disant : « ... il est plus probable que “les échos de travaux plus anciens de Blacking” dans le livre de Cooke sont des conclusions semblables obtenues sur la base d’expériences semblables ».

5 Venda Children’s Songs est maintenant épuisé. Il pourrait encore y avoir des exemplaires en vente à Belfast.

6 Blacking fut John Danz Lecturer à l’Université de Washington/Seattle (1971), Munro Lecturer à l’Université d’Edinburgh (1974), Visiting Andrew Mellon Professor of Music à l’Université de Pittsburgh (1980), Misha Strassberg Senior Visiting Fellow à l’Université de Western Australia (1983) et Visiting Bloch Professor à l’Université de Californie à Berkeley (1986). Depuis 1983. il a été professeur invité au département de musique de la City University de Londres, et depuis 1986, Honorary Fellow au College of Art and Design, Goldsmith’s College, Londres. Les cours donnés à Seattle sont devenus Le sens musical (1980) ; les cours donnés à Western Australia ont fourni la base de A Commonsense View of All Music (1987). En 1984, il fut élu membre de la Royal Irish Academy et, en 1986, il reçut la médaille Rivers du Royal Anthropological Institute.

7 En ce qui concerne la Society for Ethnomusicology, Blacking fut président désigné (1980-81), président (1981-83) et ancien président (1983-84).

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Table des illustrations

Titre John Blacking (1928-1990)
Légende Photo : Pacemaker Press Int. Ltd.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/2396/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 2,2M
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Pour citer cet article

Référence papier

Keith Howard, « Un homme musical »Cahiers d’ethnomusicologie, 3 | 1990, 187-204.

Référence électronique

Keith Howard, « Un homme musical »Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 3 | 1990, mis en ligne le 15 octobre 2011, consulté le 03 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/2396

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Auteur

Keith Howard

Titulaire d’un doctorat en anthropologie sociale (ethnomusicologie) de la Queen’s University de Belfast (1986). Il travaille actuellement à l’Université de Durham sur un projet consacré à la sauvegarde culturelle en Extrême-Orient, financé par le Leverhulme Trust. Auteur de deux livres : Korean Musical Instruments : A Practical Guide (1988) et Bands, Songs, and Shamanistic Rituals : Folk Music in Korean Society (1989) et de divers articles, il est aussi co-auteur d’un ouvrage sur la perception du risque

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