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Dossier

Savoir les chanter, pouvoir en parler

Chants de la Passion en Sardaigne
Bernard Lortat-Jacob
p. 5-22

Texte intégral

La musique et ses mystères (misteri)

1Castelsardo, côte nord de la Sardaigne, juin 1986. Attablés à une terrasse de café. Comme d’habitude, on parle de musique tandis que les verres se remplissent et se vident selon un cycle qui peut difficilement être rompu. L’enquêteur pose une question à un nouveau venu, assez âgé, apparemment expert :

— « Et toi, tu chantes ? »
— « J’ai chanté un jeudi ».
Le ton n’est nullement ironique.
— « ... Oui, un jeudi, en 1973 ».
— « Et depuis ? »
— « ... Depuis, non, quelquefois, entre amis,
cosi per dire ».

  • 1 A Castelsardo, il y a depuis des temps immémoriaux une seule confrérie en exercice, celle de la San (...)

2Chanter à Castelsardo, c’est surtout chanter pour la Semaine sainte au sein de la Confraternita della Santa Croce1 (confrérie de la Sainte Croix) : pour le Lundi des Rameaux surtout qui occupe une place essentielle dans le système cérémoniel et pour les jeudi et vendredi précédant Pâques.

3Certes, il est possible en dehors de ces occasions de chanter dans les cafés et entre amis, y compris des répertoires religieux, mais en quelque sorte pour s’amuser et surtout pour se préparer à la Semaine sainte. Le mois de carême voit les répétitions se multiplier dans la petite église de Santa Maria qui est aussi un lieu de collation (la sacristie joue alors le rôle d’officine). Parfois, le vin est apporté dans l’église et posé sur l’autel transformé momentanément en table de bistrot.

4Chanter durant la Semaine sainte ne peut se faire qu’après avoir été sélectionné pour entrer dans l’un des trois chœurs de Pâques : celui du Miserere, celui du Stabat, celui du Jesu. Trois chœurs, quatre voix pour chaque chœur (jamais une de plus) : chaque année douze élus donc, autant que d’apôtres, choisis par le prieur de la confrérie.

5Tous les ans que Dieu fait, les candidats-chanteurs sont à la fois trop nombreux et trop rares. Trop nombreux car, de fait, ils sont légion. Trop rares car il s’agit de distribuer quatre parties spécifiques pour trois chœurs différents et donc de trouver douze parties musicales différentes (douze « voix ») qui devront être tenues sans faillir durant une semaine. Le prieur, qui est directement responsable de la sélection des chanteurs, doit avoir une habileté de stratège pour effectuer le meilleur recrutement possible. L’affaire est d’autant plus complexe que les critères de sélection, à la fois musicaux et sociaux, ne sont pas nécessairement concordants.

6Pourtant, d’un point de vue strictement musical et artistique, le but est clair : les chanteurs doivent être de qualité, c’est-à-dire avoir une bonne voix et connaître le répertoire. Les quatre parties du chœur polyphonique sont étalonnés du grave à l’aigu - bassu, contra, boghe, falsittu -, et un chanteur se spécialise dans une partie correspondant à la tessiture naturelle de sa voix. Il a toujours la possibilité, s’il le veut, d’opter pour une partie différente de celle pour laquelle il est particulièrement entraîné (ainsi un bassu peut-il à l’occasion être contra ou une boghe être falsittu), mais il s’agit de situations occasionnelles et de pis-aller commodes auxquels le prieur a recours seulement en cas de difficulté de recrutement.

7D’ailleurs, rares sont les chanteurs capables de tenir indifféremment l’une et l’autre voix et encore plus rares sont ceux qui excellent dans les trois chants (Miserere, Stabat et Jesu). Par goût personnel et parce que ces chants sont inégalement difficiles à mémoriser et à exécuter, un chanteur se spécialise volontiers dans un seul d’entre eux. Éventuellement, un spécialiste du Stabat par exemple (le Stabat est réputé pour sa difficulté) pourra entrer dans le chœur du Miserere si le prieur le lui demande. Mais, il ne le fera qu’à contre-cœur en ayant l’impression de ne pas se voir confier le rôle dans lequel il excelle.

Fig. 1 : Castelsardo : dimanche des Rameaux.

Fig. 1 : Castelsardo : dimanche des Rameaux.

Samedi 18 mars 1989, veille du dimanche des Rameaux.
Rencontre d’un vieux confrère dans les rues de la ville en compagnie d’un chanteur. Nous sommes invités à goûter le vin de sa vigne. Après les compliments d’usage, la discussion s’engage très vite. Le vieux confrère est véhément. Il est membre de la confrérie de la Santa Croce depuis trente-cinq ans. Il chante dans le chœur du Miserere et sut transmettre aux plus jeunes son style très assuré. Cette année, il a été écarté.
Mon compagnon, ancien prieur, faisant autorité au sein de la confrérie, explique qu’il n’y a là aucune malveillance ; il ne s’agit pas d’abandonner le chœur aux plus inexpérimentés mais de laisser leur chance aux plus jeunes : le Conseil a choisi cette année d’intégrer des jeunes au sein des anciens afin que la transmission du savoir s’effectue harmonieusement.
Le vieux confrère semble accepter l’argument, mais le soir du Lundi saint, lorsque la procession s’arrêtera pour chanter sous ses fenêtres, il manifestera à nouveau publiquement et bruyamment son insatisfaction.

8Le prieur est confronté à deux options : privilégier la musique en choisissant les chanteurs les plus experts (les vieux, bien entendu, mais aussi certains jeunes particulièrement doués et entraînés) ou faire en sorte qu’au prix d’une perte de qualité, l’art du chant soit distribué sans exclusive. La maîtrise du chant par le plus grand nombre et, au-delà, un maintien efficace des traditions vivantes, font en effet partie des préoccupations de tout prieur responsable.

9Celui-ci a encore à sa disposition une solution intermédiaire : demander à un chanteur d’accepter de laisser sa place en lui offrant d’entrer dans un autre chœur (où il ne sera pas forcément expert). Cette solution a l’avantage de laisser la place à un chanteur débutant sans écarter complètement un chanteur expérimenté.

10A Pâques 1989, le prieur dut faire face à un autre problème en laissant entrer dans le chœur du Miserere un très vieux chanteur, musicalement sûr mais socialement fragile, car trop évidemment porté sur la boisson. Cette solution fut adoptée au nom d’une solidarité qui fait partie des valeurs morales de la confrérie, alors même qu’elle laissait sur la touche d’autres excellents chanteurs. Pour le vieux chanteur nouvellement recruté, ce fut une semaine de gloire (probablement sa dernière) et, momentanément, la fin d’une solitude. Tout au long de la semaine, il occupa le devant de la scène de façon ostentatoire et donna du Miserere une version d’un grand lyrisme. Au total, cette initiative généreuse, du reste largement débattue au sein de la confrérie, se solda par quelques intonations fausses et par des railleries que le prieur, plus que le chanteur lui-même, eut à endosser.

« Ils m’ont fait ça à moi, tu te rends compte ? »
Giuseppe se plaint du choix du prieur, sans réelle rancœur toutefois et avec un sens de l’ironie typique de Castelsardo. Lui qui fait partie des anciens de la confrérie n’a pas été retenu comme chanteur ; il s’est vu confier le port d’un mystère. Cela veut dire qu’il devra faire la procession du Lundi saint seul, entièrement silencieux et la face voilée par une cagoule. Il redoute l’expérience, physiquement douloureuse. Il aura à porter le calice à bout de bras durant les trois heures que dure la grande procession du Lundi soir (le choix du calice ne lui sera annoncé par le prieur que le jour même, au départ de la procession). Ordinairement, un chanteur ne se prête pas à ce genre de choses : le port des mystères est laissé aux jeunes. Le lendemain, Giuseppe, qui s’attendait à se voir confier un mystère moins pénible (les chaînes par exemple que l’on balance en cheminant, ce qui ne demande aucun effort) évoque son expérience d’ordre sacrificiel en étant finalement fier de l’avoir faite.

11Les mystères sont les attributs de la Passion. Objets symboliques d’aspect plus ou moins réaliste, ils sont placés dans la procession selon un ordre strictement déterminé retraçant les différentes étapes du calvaire du Christ. Chaque mystère est porté par un homme qui a le visage recouvert d’une cagoule.

Première série de mystères :
le calice, le gant,
la chaîne et la corde,
les disciplines,
la colonne,
la couronne d’épines.

Fig. 2 : Castelsardo : Lundi saint.

Fig. 2 : Castelsardo : Lundi saint.

Un des « mystères » silencieux et masqué (ici la couronne d’épines) sortant de l’église.

Fig. 3 : Castelsardo : chant à visage découvert

Fig. 3 : Castelsardo : chant à visage découvert

Le chœur du Stabat et l’Ecce Homo.

12Ces six mystères sont eux-mêmes précédés dans la procession par le chœur du Miserere qui ouvre donc le cortège.

Puis interviennent quatre autres mystères :
la croix,
l’échelle,
le marteau et la tenaille,
lance et l’éponge.

13Cette deuxième série de mystères est elle-même précédée par le chœur du Stabat. Le chœur du Jesu, quant à lui, ferme la procession.

14Deux emblèmes, qui ne sont pas à proprement parler des mystères dans la mesure où ils ne sont pas directement liés à la Passion, s’ajoutent aux autres :

  • le premier, situé à côté du chœur du Miserere est un crâne, symbolisant la mort, tenu par un confrère généralement âgé ne portant pas de cagoule (scarazzaddu, litt. « sans capuche ») ;

  • le second, à côté du chœur du Stabat, est l’Ecce Homo (buste du Christ), symbolisant le Dieu fait homme, porté par un ancien prieur, également « sans capuche ».

15Soit au total douze effigies - autant que d’apôtres - auxquelles s’ajoute pour clore la procession, un crucifix de grande dimension, situé à côté du chœur du Jesu et porté par le prêtre chapelain de la confrérie, seul religieux séculier faisant partie de la procession.

  • 2 Pour le Lundi saint, il y a trois processions qui prennent place dans l’ensemble cérémoniel de la f (...)

16Dans les processions du Lundi saint2, emblèmes et mystères sont séparés par une longue distance maintenue égale durant toute la procession (une cinquantaine de mètres en moyenne) de sorte qu’ils ne se voient (ni ne s’entendent) jamais les uns les autres. Chacun quitte l’église à son tour et, cheminant lentement, marque régulièrement des arrêts à travers la ville. Les mystères sont tenus loin des chœurs. Immobiles et muets comme des statuaires, hiératiques et isolés dans leur propre silence, ils sont portés par des hommes en cagoule. En revanche, les emblèmes jouxtent de très près les chœurs - tout se passe comme s’ils en faisaient partie - et sont portés par des hommes qui, comme les choristes eux-mêmes, ne sont pas masqués (ils retroussent leur capuche sur leur tête).

17Le rituel met donc en jeu deux dispositifs largement séparés dans l’espace, semblant en quelque sorte s’ignorer dans la cérémonie, qui renvoient à deux sens antagonistes : on peut y voir l’opposition, nettement contrastée, entre d’une part l’expression surnaturelle (masquée, liée à la mort, strictement silencieuse) et l’expression humaine (non masquée, vivante et musicale).

18Durant la grande procession du soir, la lumière conférant à la scène un aspect fantastique vient à son tour souligner cette opposition : chaque mystère silencieux est éclairé de façon indirecte par quatre ou six torches tenues par des fillettes impubères, tandis que les choristes tiennent eux-mêmes une torche entre leurs mains, à quelques centimètres de leur visage.

19La musique est là, semble-t-il, pour qualifier l’expression humaine. De diverses façons comme nous verrons. Elle vient rompre régulièrement le silence en plusieurs lieux de la ville.

20Promenade dans Castelsardo en compagnie d’un confrère ancien prieur pour repérer 1) l’itinéraire complexe de la procession du Lundi soir, 2) les différentes stations où les chœurs s’arrêteront tour à tour.

— « Là, les chœurs s’arrêteront pour chanter. »
— « Pourquoi là précisément ? »
— « Parce qu’ils l’ont toujours fait. »
— « Et là ? »
— « Là aussi, ils s’arrêteront. »
— « Parce qu’ils l’ont toujours fait ? »
— « Non, mais c’est la maison d’un ancien prieur qui se trouvera honoré de cette station, et un peu plus loin, au coin de la prochaine ruelle, il s’arrêtera également, car le propriétaire de la maison l’a demandé avec insistance : d’une part il aime beaucoup la musique, de l’autre, il a eu un deuil dans sa famille. »

21La musique tisse ainsi à travers la ville un réseau sonore d’une grande intensité. Elle suit un périple que la tradition a fixé dans ses grandes lignes, mais qui tient également compte des demandes des gens de Castelsardo ou des chanteurs eux-mêmes qui souhaitent dédier leur chant à des proches, à leur famille ou a des amis. C’est ainsi que le tracé et les points d’arrêt sont repris chaque année.

22Périple religieux ou profane ? Les deux à la fois sans doute : le chant sacré dispense de la grâce divine en conférant de la respectabilité morale aux familles et aux amis qu’il honore.

23Mardi de la Semaine sainte. On ne parle que de la veille. Le prieur, Giovanni, Giuseppe et de nombreux autres confrères ont pris un congé pour toute la Semaine. Peu de chose à faire dorénavant avant la mise en croix et la descente de croix (incravamentu et s’iscravamentu) du jeudi et du vendredi, si ce n’est rester ensemble. Giuseppe à l’enquêteur :

— « Tu n’as peut-être pas remarqué que la procession était une sorte de gara (compétition). »
— « Si tu veux dire que chaque chœur doit chanter mieux que l’autre, oui, je peux le comprendre. »
— « Non, pas seulement. C’est aussi une course d’endurance. Chaque chœur oblige l’autre à chanter davantage. »
— « Comment cela ? »
— « En ralentissant. Soit en multipliant les stations dans la ville pour chanter, soit en doublant les versets des chants et donc en allongeant le chant. Et bien sûr en faisant les deux choses à la fois. De cette façon, un chœur a vite fait de fatiguer l’autre. »
— « Mais le premier chœur
(celui du Miserere) est alors avantagé, car il a la possibilité de ralentir la marche et de bloquer les deux autres qui, dans la procession, viennent derrière lui ? »
— « Justement, le Miserere peut aller trop vite. C’est précisément ce qui s’est produit cette année sous la conduite du vieux retraité qui était nouveau dans le chœur. Le Miserere est arrivé très en avance. A la fin du parcours, il s’arrêtait à peine et ne doublait aucun verset. Il a fait réellement mauvaise figure... »

24La procession est donc à la fois un rite sacré et un rallye de lenteur où il s’agit de durer au maximum et, plus exactement, d’obliger les autres à faire plus vite que soi. L’église est l’étape finale qui, après plusieurs heures de marche et de fatigue, apporte un repos réparateur. Dans le cas particulier, la dimension profane domine : il s’agit d’une course poursuite inversée par rapport à celle qui, par exemple, se pratique au Tour de France. Chacun des trois chœurs part à une distance donnée de celui qui le précède ; il convient d’allonger cette distance. Celui qui, par rapport à son moment de départ, retourne à l’église le plus tard, l’emporte.

25Le premier chœur - celui du Miserere - n’échappe pas à la règle, car il a la possibilité de ralentir le jeu en ajoutant des étapes à celles qui sont prévues et en doublant les versets du chant. Il peut ainsi obliger les autres chœurs à se rapprocher de lui. Cette année, il ne l’a pas fait (ou n’a pu le faire). Le chœur du Stabat sut en revanche mieux tenir son rôle. En chantant beaucoup et longtemps, il sut fatiguer le chœur suivant - celui du Jesu - qui, pour ne pas arriver trop vite, fut obligé de chanter plus qu’il ne voulut. A plusieurs reprises, celui-ci dut même « tricher » et faire des stations d’attente sans chanter. « S’arrêter sans chanter, et rester debout sans rien faire aux yeux de tous, ça c’est vraiment la pire des choses » dira Giuseppe.

  • 3 Ces derniers pratiquent ce qu’on pourrait appeler un « rubato calibré » ; la rythmique est souple s (...)

26Course poursuite inversée, mais aussi course à handicap car, normalement développées, les musiques des trois chœurs sont de durée inégale. Sans reprises, le Miserere processionnel dure moins de trois minutes ; le Stabat, sept minutes ; le Jesu près de huit : chaque exécution est donc plus longue que celle qui la précède. D’où la nécessité (toute arithmétique) pour le chœur du Miserere de doubler les étapes. Il est certes possible de jouer sur le tempo, mais dans des proportions réduites : on ne peut, pour des raisons strictement vocales et pour des problèmes de souffle, étirer le chant démesurément. La forme de la musique est de toute façon entièrement fixe et la coordination entre les chanteurs très rigoureuse3 ; le tempo peut être sensiblement ralenti d’une exécution à l’autre, mais en aucune manière lorsque le chant est commencé.

Fig. 4 : Castelsardo

Fig. 4 : Castelsardo

Le chœur du Jesu et le crucifix porté par le prêtre chapelain de la confrérie.

  • 4 Versets chantés dans les chants de procession :
    Miserere (psaume 50) :
    « Miserere mei, Deus
    Secundum
    (...)

27Jusqu’à huit minutes de chant pour trois ou quatre courts versets4 : dilaté par la musique, le texte, on s’en rend compte, en vient à être « littéralement détruit » par elle. L’expression imagée est de R. Leydi (1987 : 21), qui note par ailleurs, dans une notice consacrée à la musique religieuse populaire italienne (et en particulier au chant sarde), que la tradition populaire sut littéralement « investir de sens » des textes latins et sacrés - doublement obscurs donc.

Nous évoquons entre amis la richesse des chants religieux chantés par les confréries et la pauvreté des litanies liées à la stricte liturgie. Il s’agit de qualifier l’expression musicale des trois chœurs :
— « Pour moi, dit Giuseppe, ils sont très différents du point de vue musical. Le premier - le Miserere - est l’expression d’un remords personnel, mais ce remords est énoncé avec une certaine distance. Tu noteras que c’est le chant qui, pour une durée limitée, comprend le plus de paroles. Le Stabat, lui, est un chant de douleur : c’est la douleur d’une mère qui a perdu son fils. Le Jesu a un peu les caractéristiques des deux précédents. En principe, on chante toutes les strophes, mais ce n’est pas très important : on sait que c’est un chant qui s’adresse à Jésus ; la musique exprime la douleur de son calvaire. »

28Les textes, du fait même de leur opacité, note encore R. Leydi (op. cit. : id.), eurent pour effet de « libérer » l’expression musicale. De tout temps, ils ne furent compréhensibles que par quelques mots-clés (« dolorosa », par exemple, dans le Stabat). Aussi, la musique ne les traita point mot à mot : « elle en donna une traduction «interne”, directement sensible, en y apportant une grande émotion humaine et religieuse ».

29Ici, il ne s’agit pas de donner une traduction littérale des textes. Le peut-on d’ailleurs ? Rien n’est moins sûr. Pas plus que ses ancêtres, sans doute, Giuseppe ne prend les mots sacrés au pied de la lettre ; il les interprète librement comme ce fut probablement le cas lorsque ces chants furent élaborés. La musique semble là pour prolonger un sens appréhendé intuitivement, et c’est de façon naturelle que l’expression musicale vient relayer celle des mots.

  • 5 Bel exemple de « Parallelismo convergente ». Le concept - ou plutôt son expression verbale - est de (...)

Lundi saint, durant le grand pique-nique qui rassemble tous les confrères et tout Castelsardo, je m’interroge avec Giuseppe et Balzano sur l’intelligence politique de l’Église qui sut déléguer ses pouvoirs temporels aux confréries, c’est-à-dire à des organisations laïques. Il faut préciser : l’évêque est en fait le chef de la confrérie de Santa Croce. Il l’est, non par sa position majeure au sein de la hiérarchie ecclésiastique, mais au titre de primat de la communauté chrétienne. Pour Balzano, les confréries sont donc « laïco-religieuses ». L’expression, un peu incongrue, révélant une finesse toute latine5, le fait sourire.
L’évêque a rejoint le groupe. Il est inconfortablement assis sur une pierre et a recouvert sa soutane d’une grande serviette de couleur. Après avoir joué au foot avec les plus jeunes, il mange copieusement.
— « La procession, le rituel et la musique sont “paraliturgiques” », me dit-il.
— « Le vin aussi ? » lui demandé-je en partageant avec lui une bouteille de Vermentino.
— « Ah, là, je ne sais pas ! ! !.. .sans doute », dit-il en souriant.

30Le pouvoir de la musique se confond avec celui des confréries. Pouvoirs convergents : celui des confréries « double » précisément celui de l’Église - au sens compétitif et, plus encore, cinématographique du terme (à la façon d’un acteur qui, momentanément, quitte la scène pour laisser son rôle à un autre). Les confrères prêtent leurs voix au chant et leur corps aux mystères. En échange d’une allégeance au religieux, elles apportent une mobilisation sociale intense, de nature profane : il s’agit, à l’occasion de la Semaine sainte, de trouver des rôles, d’organiser des périples à travers la ville tout autant que de somptueux piques-niques où tout le monde est invité. Durant le grand festin du Lundi saint se déroulant à proximité de la petite église de Tergu (cf. note 2), les chœurs de Castelsardo perdent leur caractère institutionnel et chaque homme se produit librement au sein d’une communauté à la fois centrée sur elle-même et ouverte à tous : pour bien chanter la Semaine sainte, il faut beaucoup se voir, se rencontrer, parler, bref, partager le plus de choses possible. L’Église eut sans doute l’intelligence de s’en rendre compte : il n’est de religion sans grande mobilisation sociale. Balzano, Giuseppe - et sans doute d’autres avant eux - l’ont bien compris.

La musique et son mystère : la quintina

En parlant, Giuseppe prépare la pasta avec le raffinement d’usage. La métaphore avec le chant religieux prolonge tout naturellement la discussion.
— « Ce genre de cuisine, c’est un peu comme les chants de la Semaine sainte. Un détail suffit à faire tout rater. »
Il y a à Castelsardo une exigence de perfection que l’on retrouve dans l’art culinaire autant que dans la musique et qui, pour l’heure, prend une dimension spirituelle. Cette exigence requiert constamment des signes de témoignage. La tradition porte alors des noms : c’est Balzano, le pêcheur, fondamentalement modeste, mais qui sut thésauriser mieux que quiconque les coutumes du pays. Il est donc expert, tout comme Giovanni, le chanteur, dont la timidité s’efface soudain lorsqu’il se met à chanter. Ne trouvant pas ses mots au cours d’une conversation, il déclara un jour : « Moi, je sais chanter, mais je ne sais pas parler ».

31Or, il se trouve que le chant de Castelsardo a l’étrange propriété de porter en lui-même le témoignage de sa perfection. Quand et comment est-ce possible ? Lorsque les quatre voix du chœur en font surgir une cinquième. C’est la « quintina » (littéralement la « petite quinte »), voix aiguë résultant de la fusion des différentes harmoniques de chacune des voix. Ce n’est que lorsque celles-ci sont équilibrées les unes par rapport aux autres et parfaitement accordées que cette « petite quinte » - qui, en termes musicologiques, n’en est pas forcément une - apparaît. Mais, dès lors qu’elle est présente, elle en devient obsédante, et après avoir orienté l’intention musicale, capte irrésistiblement l’attention auditive.

  • 6 Précisons que la quintina est susceptible d’émerger dans tous les chants de la Semaine sainte. Si e (...)

32Le Stabat, tout particulièrement, développé par des hommes aux voix rauques dans une suite de mélismes prodigieusement étendus, prend alors tout son sens6 : il devient une longue plainte féminine. Car la quintina est une femme : le genre du mot l’atteste, mais le timbre, léger et aérien, contrasté par rapport à celui des voix mâles qui le produit, en témoigne plus encore.

33Phénomène de fusion acoustique, la quintina naît de la fusion sociale qui l’engendre : elle est en quelque sorte le témoin acoustique d’une entente idéale et n’est perceptible que lorsque, les unes par rapport aux autres, les voix sont parfaitement dosées en volume, en qualité de timbre et en justesse harmonique. C’est surtout la juxtaposition des voix les plus graves (bassu et contra), en rapport de quarte ou de quinte, qui la produit ; mais la boghe, qui est la voix principale du chœur, concourt aussi à sa présence. L’analyse (fig. 5 et 6) montre que, le plus souvent, la quintina fait la même note qu’elle, mais à la double octave supérieure. La voix de falsittu à l’inverse, cantonnée dans l’aigu, distincte du reste du chœur par son timbre nettement plus nasal et une émission plus tendue, ne concourt pas à la « faire sortir », si ce n’est par contraste : son âpreté met en valeur la douceur de sa qualité « féminine ». La présence de la quintina est d’autant plus forte que le chant n’est pas articulé sur des syllabes. Les consonnes brouillent les harmoniques tandis que les voyelles plus ou moins ouvertes favorisent le libre jeu des consonances.

34Voix cachée, à la fois muette parce que émise par personne en particulier, et musicale parce que accessible à ceux qui s’y entendent, la quintina, affirmant de façon incomparable la justesse du chœur, est le signe immanent de la perfection sonore. A ce titre, elle est l’enjeu essentiel du chant et tous les efforts concourent à la démasquer. Mais du fait de son existence fugitive et de son immatérialité (elle n’est pas une voix réelle et se laisse découvrir au prix d’une « ascèse d’écoute »), la quintina remplit une fonction spirituelle. Elle est l’objet d’une quête qu’il s’agit de trouver en deçà de l’apparence. L’analogie avec les visages masqués de la Semaine sainte s’impose : significativement, la quintina se présente comme l’attribut acoustique de l’ineffable. De fait, elle n’existe que dans le chant sacré.

« Esce o non esce ? » (elle sort ou ne sort pas ?).
Le doigt est pointé vers le haut (vers le ciel), car c’est là qu’on l’attend.

35Le musicologue reproduit par mimétisme les gestes des chanteurs et pose la question à la ronde. A certains moments, le doute s’installe. Certains l’entendent mieux que d’autres. Mais, pascaliens sans le savoir, les meilleurs chanteurs n’auraient pas à la chercher s’ils ne l’avaient déjà trouvée.

36Mystère acoustique, la quintina se laisse appréhender par l’analyse acoustique. La démonstration, qui pourrait être largement développée, a été conduite à partir du Miserere et du Stabat transcrits fig. 5 et 6, où l’on relève une utilisation systématique de l’accord parfait majeur en positions fondamentale et renversée. La quintina naît de l’unisson des harmoniques des différentes voix polyphoniques. Se développant en même temps que l’accord, elle crée une ligne mélodique (dans une zone 700-1000 Hertz) parfaitement audible et visible au sonagraphe.

1) Accord parfait en position fondamentale (cf. notre transcription du Miserere, fig. 5)

1) Accord parfait en position fondamentale (cf. notre transcription du Miserere, fig. 5)

Lab, mib, lab, do et spectre harmonique de chaque voix (huit premières harmoniques), quintina gravitant autour du la bémol et présence forte également du mib. Les unissons harmoniques sont signalés par les lignes horizontales.

2) Accord parfait majeur renversé (quarte et sixte selon la désignation harmonique occidentale).

2) Accord parfait majeur renversé (quarte et sixte selon la désignation harmonique occidentale).

Ce type d’accord apparaît dans le Miserere et plus encore dans le Stabat (cf. fig. 6). Forte fusion harmonique doublant ou triplant la fondamentale (sib), mais la quintina (sol) naît surtout de la fusion de la contra et de la boghe et se dessine clairement car, contrairement au cas précédent, elle ne double pas la basse mais est, par rapport à elle, en relation de sixte redoublée, de sorte qu’elle « chante » particulièrement bien.

Fig. 5 : fragment du Miserere de carême de Castelsardo. Enregistrement B.L.-J. (1985)

Fig. 5 : fragment du Miserere de carême de Castelsardo. Enregistrement B.L.-J. (1985)

Sonagramme réalisé par Jean Schwarz, ingénieur du Laboratoire d’ethnomusicologie du Musée de l’Homme, sur le Sonagraph 5 500. Les unissons d’harmoniques sont très nets dans la zone 750/937,5. Spectre de 0 à 950 hertz. Une « case » correspond à 62,5 hertz (axe vertical) et 1 seconde à 6 cases (axe horizontal). La transcription effectuée et vérifiée à l’aide du Professional Composer de Macintosh a été sensiblement simplifiée.

Fig. 6 : Court fragment du Stabat Mater à partir d’un enregistrement de B.L.-J. (Pâques 1989)

Fig. 6 : Court fragment du Stabat Mater à partir d’un enregistrement de B.L.-J. (Pâques 1989)

Accord de quarte et sixte évoluant par mouvement parallèle ; partie supérieure : dynamique du spectre. Sonagramme de Jean Schwarz réalisé au Sonagraph 5 500.

Finale

37Paris, mai 1989 : quinze jours après ce voyage en Sardaigne, dans la suite sensible de ces observations, j’écris :

38Vivante, une culture se nourrit moins de ses acquis - c’est-à-dire des choses qu’au cours de son histoire elle sut engranger - que de son aptitude, sciemment entretenue, à leur donner du sens. Son dynamisme s’exerce alors sur deux plans, complémentaires ou antagonistes selon les cas : en premier lieu, sur ce sens lui-même ; en second lieu, sur l’art et la manière de le donner en partage.

39Rétives aux mouvements de civilisation modernes et occidentaux, les petites sociétés rurales et communautaires ne sont pas névrotiquement en quête de nouveaux « objets de sens » : mises dans une situation où elles ont à se satisfaire de l’héritage de leurs ancêtres ou de leurs vieux, elles font, pourrait-on dire, « avec ce qu’elles ont ».

40C’est ainsi qu’elles composent. Mais l’objet de la composition n’est pas celui qu’on croit ; le verbe « composer » est pris ici dans sa signification étymologique : les sociétés traditionnelles composent moins des œuvres qu’elles ne composent avec leurs œuvres, puisque celles-ci ont été très largement conçues, préformées, construites et finalement transmises par les générations précédentes. Les usages et coutumes que recouvre la notion de tradition gagnent alors à ne pas être vus comme des règles de conduite, mais comme des systèmes de références qui laissent une large place à la jurisprudence et servent essentiellement à la mise en œuvre de processus oraux. Pour être actualisés, ils sont constamment soumis à interprétation. L’usage et sa réglementation passent normalement par la discussion.

41Certes, en se donnant elle-même pour objet de communication, cette discussion suffit à produire du sens. Mais elle est là aussi pour en conférer à toute production culturelle élaborée : à la musique justement. Ce n’est pas que, en soi, la musique manque de sens. Il se pourrait au contraire que, faisant appel à des dons fréquemment sublimés et touchant à la fois à la vie cérébrale et végétative - à la tête et aux jambes en quelque sorte - elle n’en ait au contraire que trop : surdéterminé, celui-ci doit être canalisé dans des conduites spécifiques que vient à son tour souligner le discours oral.

42Ce discours sur la musique, pour s’en tenir à lui, concerne d’abord les techniques d’exécution qui s’accompagnent volontiers d’un grand investissement émotionnel et verbal ; mais il touche aussi au partage, nécessitant de constants arbitrages que, lorsqu’elle est communautaire, cette exécution réclame.

43En Sardaigne, l’intensité même des discours sur la musique (voire leur véhémence) nous met sur la voie. Le pouvoir de la musique est d’abord que l’on parle d’elle. La parole est là pour mettre le doigt sur le beau et le réussi autant que pour ironiser sur l’échec esthétique et social né d’une conduite vocale approximative : la musique est au cœur de débats contradictoires qui tiennent notamment aux difficultés de sa mise en pratique. Mais elle est aussi le lieu de savoirs tangibles - c’est ce qu’attestent de façon exemplaire la maîtrise de la quintina et la compétence qu’elle requiert - où chacun développe son talent et se voit attribuer un rôle au sein du groupe.

44Dans cette perspective, le pouvoir de la musique retient moins l’attention de l’ethnomusicologue que le pouvoir par la musique, car celle-ci permet le déploiement de jeux sociaux continuellement renouvelés au sein d’espaces profanes autant que religieux et dans un système de relations où l’ordre des déterminations se prête à plusieurs lectures... et donc forcément à plusieurs discussions.

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Bibliographie

CABIZZOSU T.
1986 Chiesa e Società. Cagliari : Edit. 3 T.

Discographie

Canti liturgici di tradizione orale. Quatre disques 33 t. dont deux consacrés à la Sardaigne édités par P. Arcangeli, R. Leydi, R. Morelli et P. Sassu. Albatros ALB 21, 1987. [Avec livret de 120 pages comprenant notamment l’article cité de R. Leydi : « Le ricerche, gli studi » : p. 17-27].

Musica sarda. Trois disques 33 t. édités par D. Carpitella, P. Sassu et L. Sole, Albatros VPA 8150-51-52, 1973. [Avec livret de 51 pages comprenant notamment des transcriptions de P. Sassu].

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Notes

1 A Castelsardo, il y a depuis des temps immémoriaux une seule confrérie en exercice, celle de la Santa Croce, ce qui représente un cas plutôt rare à l’échelle de la Sardaigne (il y en a deux à Ottana, trois à Aido Maggiore ou à Bosa, par exemple). Retenons des confréries en général (dont l’origine en Sardaigne remonte au moins au XVIe siècle) la définition qu’en donne Tonino Cabizzosu (1986 : 259-60) : elles sont « une forme associative regroupant des laïques et ayant pour but premier leur formation personnelle. Celle-ci s’exprime de deux façons : à travers des formes dévotionnelles et à travers un service de charité sociale ». Outre celles que j’expose ici et qui touchent à la Semaine sainte, les formes dévotionnelles concernent les funérailles auxquelles doivent participer sinon tous les confrères, du moins le plus grand nombre d’entre eux (on y chante un Miserere différent de ceux de la Semaine sainte où les parties sont librement distribuées durant la procession). Ce service est payant ; la famille du défunt offre à la confrérie une somme forfaitaire qui, sans être nécessairement très importante, vient grossir les biens meubles qu’elle possède. Quant aux formes de charité sociale, elles entrent très généralement dans un système d’entraide - y compris d’entraide financière. Une confrérie fonctionne un peu comme une Association de 1901. Elle a son conseil qui, à Castelsardo, comprend neuf membres (prieur inclus) et se réunit au moins six fois par an. Chaque année, l’Assemblée générale des confrères élit son prieur à qui il incombe notamment de choisir les chanteurs de la Passion.

2 Pour le Lundi saint, il y a trois processions qui prennent place dans l’ensemble cérémoniel de la façon suivante :
- 7 heures du matin : messe, chant dans l’église ; mystères et emblèmes (ces derniers flanqués de leurs chœurs respectifs) sortent les uns après les autres. Petite procession. Chant en différentes étapes dans la partie basse de la ville.
- 9 heures : les confrères enlèvent leur aube blanche. Passage au bar.
- 10 heures : la confrérie au grand complet (avec les mystères, les chœurs et le chapelain) se rendent à la petite église de campagne de Tergu qui a le statut de Basilique, soit onze kilomètres effectués autrefois à pied et de nos jours le plus souvent en voiture. Procession selon le même ordre, du centre de Tergu à l’église située à l’écart du village. Chant en différentes étapes puis à l’intérieur de l’église. Messe à Tergu.
- 13 heures : fin de la messe. Les confrères enlèvent à nouveau leur aube blanche. Déjeuner pique-nique dans les prés avoisinants, hommes, femmes et enfants se resserrant dans les espaces clos. Chant.
- 19 heures : retour à l’église de Castelsardo. Chant dans l’église, puis grande procession nocturne selon la même disposition que le matin. Différentes stations en plusieurs lieux de la ville.

3 Ces derniers pratiquent ce qu’on pourrait appeler un « rubato calibré » ; la rythmique est souple sans pulsation apparente alors que le chronomètre indique dans certains cas des longueurs de phrase semblables. (Cf. sur ce problème, les recherches en cours de J. Bouët et de Ph. Donnier exposées notamment au Séminaire d’ethnomusicologie du Musée de l’Homme, 1er trim. 1989).

4 Versets chantés dans les chants de procession :
Miserere (psaume 50) :
« Miserere mei, Deus
Secundum magnam misericordiam tuam
Et secundum multitudinem miserationum tuarum
Dele iniquitatem meam ».
Stabat mater (texte médiéval) :
« Stabat mater dolorosa
Juxta crucem lacrimosa
Dum pendebat Filius ».
Jesu (texte de tradition orale : cinq strophes de trois versets ; à chaque exécution une seule strophe est chantée).
Première strophe :
« Jesu a Petro ter negato
Miserere nobis
Christe exaudi nos ».

5 Bel exemple de « Parallelismo convergente ». Le concept - ou plutôt son expression verbale - est de Diego Carpitella. Il y eut recours - du moins oralement - lors de ma soutenance de thèse à Paris X-Nanterre en novembre 1987.

6 Précisons que la quintina est susceptible d’émerger dans tous les chants de la Semaine sainte. Si elle est très apparente dans le Stabat, cela tient à ses qualités expressives propres, mais aussi, sur le plan technique, au fait qu’il est très mélismatique et comprend de nombreux accords générateurs de fusion (cf. infra). Le Stabat est le chant le plus valorisé de Castelsardo, le plus difficile à chanter et aussi - j’en ai fait l’expérience - le plus difficile à apprécier. Qu’ils soient chanteurs, auditeurs ou musicologues, les néophytes ne peuvent être satisfaits sans la présence de sa cinquième voix virtuelle. Chantant dans l’aigu et se déroulant comme un long fil mélodique, elle trace une ligne continue durant tout le chant.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 : Castelsardo : dimanche des Rameaux.
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Titre Fig. 2 : Castelsardo : Lundi saint.
Légende Un des « mystères » silencieux et masqué (ici la couronne d’épines) sortant de l’église.
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Titre Fig. 3 : Castelsardo : chant à visage découvert
Légende Le chœur du Stabat et l’Ecce Homo.
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Titre Fig. 4 : Castelsardo
Légende Le chœur du Jesu et le crucifix porté par le prêtre chapelain de la confrérie.
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Titre 1) Accord parfait en position fondamentale (cf. notre transcription du Miserere, fig. 5)
Légende Lab, mib, lab, do et spectre harmonique de chaque voix (huit premières harmoniques), quintina gravitant autour du la bémol et présence forte également du mib. Les unissons harmoniques sont signalés par les lignes horizontales.
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Titre 2) Accord parfait majeur renversé (quarte et sixte selon la désignation harmonique occidentale).
Légende Ce type d’accord apparaît dans le Miserere et plus encore dans le Stabat (cf. fig. 6). Forte fusion harmonique doublant ou triplant la fondamentale (sib), mais la quintina (sol) naît surtout de la fusion de la contra et de la boghe et se dessine clairement car, contrairement au cas précédent, elle ne double pas la basse mais est, par rapport à elle, en relation de sixte redoublée, de sorte qu’elle « chante » particulièrement bien.
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Titre Fig. 5 : fragment du Miserere de carême de Castelsardo. Enregistrement B.L.-J. (1985)
Légende Sonagramme réalisé par Jean Schwarz, ingénieur du Laboratoire d’ethnomusicologie du Musée de l’Homme, sur le Sonagraph 5 500. Les unissons d’harmoniques sont très nets dans la zone 750/937,5. Spectre de 0 à 950 hertz. Une « case » correspond à 62,5 hertz (axe vertical) et 1 seconde à 6 cases (axe horizontal). La transcription effectuée et vérifiée à l’aide du Professional Composer de Macintosh a été sensiblement simplifiée.
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Titre Fig. 6 : Court fragment du Stabat Mater à partir d’un enregistrement de B.L.-J. (Pâques 1989)
Légende Accord de quarte et sixte évoluant par mouvement parallèle ; partie supérieure : dynamique du spectre. Sonagramme de Jean Schwarz réalisé au Sonagraph 5 500.
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Pour citer cet article

Référence papier

Bernard Lortat-Jacob, « Savoir les chanter, pouvoir en parler »Cahiers d’ethnomusicologie, 3 | 1990, 5-22.

Référence électronique

Bernard Lortat-Jacob, « Savoir les chanter, pouvoir en parler »Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 3 | 1990, mis en ligne le 15 octobre 2011, consulté le 12 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/2374

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Auteur

Bernard Lortat-Jacob

Chargé de recherche au CNRS (UPR 165, Musée de l’Homme, Paris). Il anime depuis une quinzaine d’années le Séminaire d’ethnomusicologie du Musée de l’Homme. Il est président de la Société française d’ethnomusicologie depuis 1985 et Chargé des études doctorales à l’Université de Paris X-Nanterre. Spécialiste du domaine méditerranéen : Maroc, domaine berbère (1969-1978), Sardaigne (depuis 1978), aire balkanique (depuis 1981), il a publié de nombreux ouvrages (livres, articles et disques). En 1987, il a soutenu une thèse d’État à l’Université de Paris X-Nanterre, préparée sous la direction de Gilbert Rouget (Jeu musical, jeu social, une approche ethnomusicologique de l’aire méditerranéenne) et a édité récemment un ouvrage consacré à L’improvisation dans les musiques de tradition orale

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