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Entretien

Une histoire ethnomusicologique

Entretien avec Luc Charles-Dominique
Bruno Messina et Luc Charles-Dominique
p. 219-244

Texte intégral

1J’ai rencontré Luc Charles-Dominique en 1996, à l’Université de Nice. Lui chargé de cours, moi étudiant, nous étions tous les deux à des commencements. J’ai eu la chance d’apprendre de lui les buts et les méthodes de l’ethnomusicologie. C’était une vision rigoureuse et large qui n’opposait ni l’oral à l’écrit, ni le populaire au savant. Plus de quinze années ont passé et j’ai retrouvé Luc (dont je ne suis jamais resté sans nouvelles et avec qui j’ai eu entretemps quelques belles collaborations), désormais professeur d’université, toujours aussi complexe, humain et passionné. Bien entendu, le vaste champ de ses travaux et publications ne pouvait être entièrement appréhendé dans le cadre de cet entretien, mené en novembre 2011, loin des villes. Puisse-t-il cependant donner une juste idée de sa personnalité, être une invitation à le découvrir et offrir une utile introduction à sa pensée.
B. M.

Ta pudeur tout autant que ta rigueur scientifique font que, dans tes écrits ou tes cours, tu ne perds jamais de temps en parenthèses égotistes ou autres exemples anecdotiques. Mais, à l’occasion de cet entretien, étant toi-même le sujet, on ne pourra éviter le passé, qui englobe la jeunesse et les expériences qui t’ont conduit à la position importante et singulière que tu occupes aujourd’hui dans le milieu de l’ethnomusicologie. « L’objectivation scientifique n’est complète que si elle inclut le point de vue du sujet qui l’opère » disait Bourdieu. Je ne veux pas te gêner, mais je ne voudrais pas non plus manquer cette occasion de mieux te connaître. D’où viens-tu ?

Je suis né dans le sud du Maroc, à Tiznit. J’y ai passé un an de ma vie, mon père était militaire. Né en 1955, parti en 56 – mon père ayant été muté à Tiaret, une ville de l’Atlas rellien –, j’ai vécu là jusqu’à l’indépendance de l’Algérie, en 1962. Mon univers et celui de mes frères et sœurs, c’était l’appartement, nos chambres. Tous les gamins qui ont vécu dans des pays en temps de guerre ont connu ça. Un climat bizarre, qui fait qu’on est scolarisé pendant un moment, puis les événements se tendent, alors on ne va plus à l’école, et puis on y revient… Et ce qui m’a marqué, comme tout le monde, c’est le départ. Je dis comme tout le monde, c’est-à-dire comme tout immigré qui doit partir. Le quai, le bateau, la valise… J’ai cette image. Plus tard j’ai réfléchi à ces problèmes d’immigration, qui sont insolubles et qui nous concernent au premier chef en ethnomusicologie. Mon père avait demandé Montpellier, il a été muté à Tours. Les difficultés de logement, les premières grandes cités d’urgence, c’était ça le retour des Pieds-Noirs, qui étaient près de deux millions. Les conditions étaient déplorables. Nous avons été logés plusieurs mois à l’hôtel, dans deux petites chambres, tous les sept, cinq enfants dans une chambre, mes parents dans l’autre. À l’école, j’ai vite compris que je n’étais pas de la même culture que les enfants qui étaient là. J’avais certainement un accent Pied-Noir puisque je me souviens de m’être fait reprendre par l’instituteur. Cette situation m’a permis de mieux comprendre, plus tard, la situation des langues minorisées en France, qui ont été réprimées par la scolarisation en particulier. J’ai passé dix ans à Tours, de sept à dix-sept ans. C’est la période au cours de laquelle j’ai appris la musique, un peu tard, puisque j’ai commencé le violon à l’âge de neuf ans.

Fig. 1. Luc Charles-Dominique.

Fig. 1. Luc Charles-Dominique.

Photo Aurore Molina, 2011.

Y avait-il de la musique chez toi, dans ton enfance ?

On a toujours eu un vieux piano droit qui trônait à la maison, et ma mère et mon frère en jouaient. Mes parents avaient de nombreux disques et j’écoutais beaucoup de violon. Je voulais vraiment faire de la musique. Alors j’ai commencé à faire du violon et j’ai eu de la chance… Trop âgé pour le conservatoire de Tours, j’ai pris des cours avec celui qui a ensuite été mon professeur de musique au collège. C’était un type extraordinaire, une des grandes rencontres de ma vie de musicien. Il m’a appris le violon comme un maître le ferait avec son disciple. Il ne vivait que pour la musique. Dès qu’il sortait du collège et prenait son violon, il était transfiguré. Au bout de huit ou neuf ans, je passais quatre heures par jour chez lui, on faisait du piano, du violon, il me servait le thé, on regardait des livres, puis on recommençait à jouer les études classiques, Kreutzer, les concertos de Vivaldi…

Pas de référence musicale à autre chose ?

Non, sauf qu’un jour, je devais être en première, il m’a dit : « J’ai entendu dire que tu t’intéresses au violon irlandais, tu peux me jouer un air ? ». J’avais une honte terrible, mais il était vraiment intéressé, pas du tout condescendant. Alors il m’a parlé de la tradition de violon dans sa région natale, il était originaire du nord de Béziers, une région de violon – le massif de l’Espinouse, Jacques Bouët y a fait des enquêtes… C’est avec beaucoup de regrets que je l’ai quitté lorsque mes parents sont venus s’installer à Montpellier. Je pense que tout musicien devrait avoir cette chance. On devrait généraliser des formes compagnonniques d’apprentissage dans l’enseignement instrumental, y compris institutionnel, et cette relation devrait s’établir dans la durée… Après mon bac, j’ai voulu faire des études de musicologie. À l’époque, les deux seules universités qui proposaient ce cursus étaient Aix-en-Provence et Toulouse. Donc je suis allé à Aix et j’ai fait une première année particulièrement décevante. On venait de créer ces sections de musique. Et les cours d’histoire de la musique se résumaient à Ravel et Debussy ! Tu sais, cette arrogance de la musicologie occidentale, en France…

Je comprends ce que tu veux dire. Toute l’histoire de la musique tournait autour du début du XXe siècle ?

Oui, on a passé une année à étudier Ravel et Debussy. Tout ce qui était avant n’existait pas, tout ce qui était ailleurs n’existait pas. Puis je suis parti à Toulouse où j’ai fait une seconde année, plus décevante encore, car on a refait Ravel et Debussy ! Je n’ai pas supporté… Je suis parti en cours d’année. Nous vivions l’émergence d’une musicologie du XXe siècle qui est aujourd’hui triomphante – pratiquement tous les recrutements dans cette discipline sont en musicologie du XXe siècle. Ces études m’ont profondément déçu. La seule bonne rencontre que j’aie faite à l’université, fut celle de Jan-Nouvè Mabelly, à Aix-en-Provence, qui joua avec le groupe occitan Mont-Jòia à ses débuts. Un peu félibre, plus âgé que moi, il jouait de la guitare et c’est grâce à lui que j’ai commencé à m’initier à la musique et à la langue provençales. C’est un bon souvenir. Je commençais à jouer dans la rue, pour des raisons économiques, parce que je voulais dépendre le moins possible de mes parents.

En faisant la manche ?

Oui. Je jouais dans les restaurants, dans la rue… Et c’est comme ça qu’un dimanche matin, aux puces de Saint-Sernin, à Toulouse, quelqu’un s’est arrêté, m’a écouté puis m’a dit : « Est-ce que tu connais les musiques occitanes ? Parce que moi, je les joue un peu, à l’accordéon. On peut jouer ensemble si tu veux. » C’était Claude Sicre. Je suis allé chez lui le jour même, on a fait sept ou huit heures de musique. Comme ça pendant huit jours, et le samedi suivant on a fait notre premier bal traditionnel ! Sicre était quelqu’un qui avait beaucoup de bagout, d’entregent, et finalement on a eu un autre bal, et un autre la semaine suivante… C’était en début d’été. Je lui ai dit : « En septembre, je dois partir à Brest faire des études d’ingénieur du son. » Il m’a rétorqué que cela ne nous empêchait pas de jouer tout l’été. Et on a joué. Et plus on jouait, moins j’avais envie d’aller à Brest. Il m’a alors proposé de rencontrer l’équipe du Conservatoire Occitan de Toulouse, ce que j’ai accepté bien volontiers. Et là, j’ai eu un choc. J’ai découvert des instruments que je n’avais jamais vus, jamais entendus. Des cornemuses, des hautbois, des vielles à roue, des flûtes à une main… Ce que je connaissais des musiques irlandaises, c’était surtout le violon, la guitare, le tin whistle, un peu la cornemuse. Jamais je n’aurais imaginé qu’il ait pu y avoir des cornemuses dans la région de Toulouse… J’ai découvert ces nouvelles sonorités et, à travers elles, l’extraordinaire travail autour de la facture instrumentale qu’avaient réalisé Bernard Desblancs et Claude Roméro, travail patient de recherche, de reconstitution. Au Conservatoire Occitan, il y avait aussi des activités de formation en musique et en danse, et déjà, à cette époque, un embryon de centre de documentation, avec des archives écrites, un peu de son, quelques enquêtes… Tout cela m’a passionné, c’était vraiment ce que j’attendais d’une pratique musicale.

Nous sommes encore dans les années 1970 ?

Oui, en 1977. J’ai 22 ans. À l’époque, nous sommes vraiment dans l’utopie du folk, de la fête, et nous nous emparons de ces utopies à notre manière. Le contexte du bal s’y prête. Le bal, c’est le contraire du musicien sur un piédestal et du public consommateur. Les gens sont acteurs de leur danse, acteurs de ce moment de rencontre et de partage entre les musiciens et le public… C’était ce vers quoi je voulais diriger ma pratique. Cette rencontre avec le Conservatoire Occitan était providentielle. La Ville de Toulouse en était le principal bailleur de fonds. Il y avait différents secteurs d’activités, dont un orchestre que l’on m’a alors proposé d’intégrer, d’abord comme violoniste, puis très vite, comme hautboïste. J’étais devenu « musicien occitan ». La relation que j’ai à la culture occitane est assez paradoxale. J’en ai été un acteur, je ne m’y sens pas étranger, mais en même temps je n’ai jamais pratiqué cette musique avec l’idée d’une quête de mes racines – occitanes par ma mère –, d’une identité… Je trouvais que le combat pour la langue était un combat juste, car la langue est le support de la culture. Si la langue meurt, jouer devient artificiel. J’ai toujours eu du respect pour la revendication occitane en général, mais pas pour la revendication nationaliste. Cela dit, si la question occitane ne me laissait pas indifférent, je ressentais confusément que ma véritable identité était ailleurs, à un autre niveau, elle était méditerranéenne.

Quelle est la cohérence de ton parcours, qui t’a conduit de musicien, animateur, responsable, éditeur, collecteur, donc au cœur du champ des musiques traditionnelles, avec leur vie associative, leurs militances, à ce champ qui en semble très loin, celui de l’institution universitaire où tu te trouves aujourd’hui ?

À l’origine, il y a le hasard. Le groupe que j’avais créé avec Claude Sicre avait le projet de reconstituer une musique du pays toulousain. Projet un peu naïf sans doute, mais nous étions pétris d’utopies, comme tous les musiciens folks et revivalistes. Nous nous sommes alors réparti les rôles de la façon suivante : Claude Sicre et Xavier Vidal ont entrepris un collectage spécifique en Lauragais ; quant à moi, j’avais mission de prospecter les archives toulousaines pour y débusquer tout ce qui pourrait nous amener du répertoire et renseigner cette tentative de reconstitution, ce que j’ai fait de bon cœur même si, par ailleurs, je faisais des enquêtes de terrain sur la tradition du violon. Donc, ne connaissant rien et ne sachant pas par où commencer, je suis allé aux archives départementales de la Haute-Garonne… J’ai consulté les fiches cartonnées en passant en revue une quantité de mots-clés qui me venaient à l’esprit, mais en vain. Puis, avant d’abandonner définitivement cette recherche, et par simple acquit de conscience, j’ai eu l’idée de regarder à « ménétrier », parce que j’avais entendu ce mot dans la bouche de certains violoneux gascons… Et là, surprise ! Alors que je n’avais rien trouvé à « musique », « danse », etc., il y avait une fiche intitulée « Statuts corporatifs des ménétriers de Toulouse. 1492 ». Alors – ce n’est pas ça qui nous a amené du répertoire pour notre groupe ! – j’ai commandé le document. On m’a amené un parchemin qui faisait un mètre vingt sur quatre-vingts centimètres, entièrement recouvert d’une minuscule écriture cursive, qui, une fois transcrit et dactylographié, représentait un volume de quarante pages environ. J’ai alors été saisi par le vertige du passé… 1492 ! Et aussi piqué par la curiosité. Je n’avais aucune formation particulière me permettant d’abord de lire ce document dans sa forme originale, puis de comprendre ce sur quoi il pouvait bien me renseigner. Mais je brûlais d’envie de savoir si les violoneux de Gascogne ou d’ailleurs étaient les lointains descendants de ces ménétriers historiques…

Fig. 2. Statuts de la corporation des ménétriers de Toulouse, datant de 1492 (120 × 80 cm).

Fig. 2. Statuts de la corporation des ménétriers de Toulouse, datant de 1492 (120 × 80 cm).

Archives départementales de la Haute-Garonne, E 1318.

Une découverte intuitive, en somme, guidée par ta connaissance du terrain, et qui se trouve à l’origine d’une recherche de très longue durée, au départ totalement empirique. Tu entames alors une sorte de cheminement régressif, du présent ethnomusicologique vers le passé historique…

Les musiciens que nous avons rencontrés dans les années 1970 étaient tous ruraux, faisaient de la musique en amateurs et jouaient de façon solitaire. Sur cette fiche cartonnée, je lis le mot « corporation », que je relie intuitivement à l’idée de métier. Donc voilà des musiciens professionnels, citadins, et qui jouaient déjà au XV e siècle. Je brûle d’envie d’en savoir plus. Au tournant des années 1970‑80, nous avons été un certain nombre à nous engager dans des études supérieures parce qu’il nous apparaissait impossible de faire un bon travail d’action culturelle et de restitution musicale sans l’apport de la recherche et du regard distancié qu’elle procure. Elle allait désormais guider notre action, comme elle avait permis de retrouver les cornemuses, les flûtes, les hautbois réhabilités par le Conservatoire Occitan. J’ai toujours eu le sentiment que ces deux activités étaient indissociables. Dans le domaine des musiques et danses traditionnelles, toute pratique musicale, toute entreprise de relance culturelle qui seraient déconnectées de la recherche seraient vouées à l’échec. À partir de ce moment-là, mon champ d’investigation fut double. Celui des enquêtes de terrain, sur les traditions de violon en Gascogne jusqu’à la fin des années 1980, puis, à partir du début des années 1990, sur le revivalisme occitan des musiques et danses traditionnelles. Mais aussi celui des salles de lecture et des réserves de bibliothèques, de la poussière, des liasses d’archives et des parchemins, des fonctionnaires pas toujours très coopératifs, des stratagèmes, de la patience et de la ruse indispensables si l’on veut accéder à certains documents rares. J’ai fait transcrire ce grand parchemin des statuts des ménétriers toulousains, je l’ai traduit, c’était de l’occitan ancien. J’ai essayé de comprendre sa signification parce que je n’étais pas familier de l’histoire médiévale du corporatisme. J’ai donc suivi le même cheminement que mes amis musiciens. Je me suis inscrit à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales. C’est Daniel Fabre qui m’a dirigé, du diplôme – l’équivalent de l’ancienne maîtrise – jusqu’au doctorat. Il a aussi été le directeur de mon habilitation à diriger les recherches. Je lui dois beaucoup… J’ai pour lui une profonde admiration. Je me souviens que j’étais incapable de prendre la moindre note dans ses cours, tant il me fascinait, à la fois par ses thèmes de recherche – l’anthropologie sociale et historique de l’Europe, ce qui convenait très bien à mon objet de recherche –, et aussi par sa façon d’être, de s’exprimer, simplement, sans jargon… Tout le contraire de la froideur de certains de nos collègues. Il avait une chaleur et un enthousiasme communicatifs, c’était un vrai conteur…

Fig. 3. Joseph Roméo (1903-1989), musicien de bal en Gascogne agenaise de 1920 à 1932.

Fig. 3. Joseph Roméo (1903-1989), musicien de bal en Gascogne agenaise de 1920 à 1932.

Photographie communiquée à Luc Charles-Dominique lors d’une séance de collectage à Auterive (Haute-Garonne).

Il y a donc beaucoup d’heureux hasards, à commencer par la découverte de ce document…

C’est un peu comme si, en plantant un rosier, tu tombais sur une découverte archéologique de tout premier ordre, qui t’amènerait à t’engager alors dans un cycle d’études en histoire de l’art, pour terminer conservateur de musée ! Rien n’est prévisible. J’ai vraiment l’impression d’avoir construit mon objet de recherche tout autant que je l’ai subi. Car il portait en lui tous les questionnements de recherche qui sont les miens depuis plus de trente ans. L’étude en histoire sociale relative à ce métier historique de ménétrier, la question plus anthropologique de la symbolique du sonore et des instruments de musique à travers la distinction des instruments hauts et bas, ma recherche actuelle sur les Tsiganes, déjà présents en 1492… Tout est inscrit noir sur blanc dans ce parchemin. Mais encore fallait-il pouvoir le lire. Seule l’immersion de très longue durée dans cette recherche pluridisciplinaire m’a fourni les clés de son décryptage.

Est-ce à ce moment que tu commences tes activités d’enseignement ?

La première charge de cours, je l’ai eue en 1994. C’était à l’Université du Mirail, à Toulouse. On m’a alors demandé de faire un cours d’ethnomusicologie pour de futurs médiathécaires. C’était une présentation des grandes traditions musicales du monde, un grand tour d’horizon, un peu à l’image de qu’a écrit Laurent Aubert pour l’encyclopédie de Nattiez, avec des exemples sonores et visuels en plus…

Tu viens d’employer le mot « ethnomusicologie », alors que tu l’utilises peu dans tes écrits et que tu fais plus souvent référence à « l’anthropologie historique de la musique ».

  • 1 CAPES : Concours d’aptitude à l’enseignement secondaire.

Oui, c’est vrai, c’est une question fondamentale. Je vais y revenir, mais, puisque ta question précédente m’y invite, déroulons d’abord la chronologie. 1994, cette charge de cours à Toulouse. En 1996, je commence parallèlement une autre charge de cours en ethnomusicologie à l’Université de Nice, en reprenant la place laissée vacante par le départ de Ricardo Canzio. À la suite de quoi, trois questions successives de CAPES 1 concernent mes recherches sur les ménétriers. On m’a alors demandé, pendant six ans, de faire des conférences dans plusieurs universités, Lille, Paris-Sorbonne, Tours, Montpellier. Petit à petit, mon activité universitaire d’enseignement et de direction de recherches, en tant que chargé de cours, a pris une dimension considérable. Lorsque j’ai été nommé statutairement comme maître de conférences à Nice en 2004, les services que j’effectuais dans toutes ces universités représentaient quasiment un temps plein d’enseignant-chercheur, en plus de mes activités de directeur du centre régional des musiques et danses traditionnelles de Languedoc-Roussillon.

Parmi ces occupations qui ont peu à peu pris la place du violon, que peux-tu dire de ces publications qui ont indéniablement imposé ta place singulière au sein de la profession ?

L’étape fondatrice c’est le mémoire à l’EHESS : La corporation des ménétriers de Toulouse. C’est un travail monographique qui tente de retracer cette histoire et qui s’appuie pour cela sur un très volumineux corpus de sources d’archives inédites. J’y propose quelques pistes de réflexion et d’analyse relatives au déclin et à la disparition des musiques ménétrières de l’espace urbain français, à la fin du XVIIIe siècle. Entre l’obtention du diplôme en 1986 et mon inscription en DEA en 1994, j’ai élargi cette recherche à l’espace français tout entier et aux pays voisins : Espagne, Italie, Allemagne, Angleterre. En élargissant le propos, ma vision est devenue paradigmatique. Il m’est ainsi apparu que la musique ménétrière avait une origine politique.

Musique d’origine politique ? C’est-à-dire ?

Ménétrier vient du latin minister, le serviteur. Ces musiciens appartiennent désormais aux pouvoirs médiévaux qu’ils ont pour fonction de représenter, de ritualiser, en sonnant nombre de musiques protocolaires, officielles. Leur rôle est avant tout politique. Mais ils interviennent aussi sur le terrain du divertissement, du repos, du délassement du souverain. Avec les ménétriers, nous assistons à la naissance d’une musique de cour en Occident. Comment expliquer ce phénomène ? La féodalité et l’Église, qui sont les deux piliers du système médiéval, sont malmenées par de nouveaux pouvoirs émergents. Dans cette lutte politique acharnée que se sont livré les anciens pouvoirs pour garder leurs prérogatives et les nouveaux pouvoirs pour s’affirmer, un marqueur va être imaginé, identitaire, politique, social : le marqueur musical. Il y a donc un ancrage politique de la musique des ménétriers qui, de plus, est territorialisée, parce que les ménétriers sont enracinés dans les villes et dans les cours. Ce ne sont plus des errants comme les jongleurs. Ils vont pouvoir se regrouper en corporations, pour ceux qui vivent et exercent dans les plus grandes villes. Tous les ménétriers de France sont placés sous l’égide d’un Roi des ménétriers, qui délègue une partie de ses pouvoirs à des lieutenants qu’il place à la tête des provinces. Donc, il y a quatre niveaux différents de territorialisation : le territoire sans corporation, le territoire des corporations, le territoire des provinces sous administration des lieutenants et le territoire du Roi des ménétriers qui est le Royaume de France. Au XVIIe siècle, le Roi des ménétriers est nommé par Louis XIV, c’est un personnage tout-puissant à la cour. Et au siècle suivant, quarante grandes villes en France, déclarées à cette époque « majeures », ont des corporations ménétrières. Or, en quelques décennies, le déclin des musiques ménétrières est général, avant leur disparition du champ urbain. S’agit-il d’une fatalité liée à l’évolution historique de la musique, des musiciens et de leurs instruments ? Pas du tout. Aujourd’hui encore, dans le Nord de la Péninsule ibérique, il y a des ménétriers municipaux. Au Pays basque, par exemple, des gaiteros – joueurs de hautbois – ou des txistulari – joueurs de flûte – sont payés par les municipalités pour animer les fêtes de leurs villes. J’ai essayé d’expliquer ce déclin français en m’appuyant sur des hypothèses sociologiques et politiques, en mettant aussi en avant le rôle de l’académisme contre les pratiques populaires de tradition orale à partir du XVIIe siècle, en pointant le fait que la monarchie, au XVIIIe siècle, devient plus absolutiste et centraliste, qu’elle reprend aux grandes villes de France le peu de pouvoir qu’elles détenaient et qu’il n’y a plus alors nécessité d’entretenir des orchestres ménétriers consulaires emblématiques. Alors où se situe le champ disciplinaire de ma recherche sur les ménétriers ? C’est là que je reviens à ta question de tout à l’heure sur l’ethnomusicologie.

Tu considères cette recherche sur les ménétriers comme relevant plutôt de l’anthropologie historique de la musique, non ?

Oui, je vais te dire pourquoi. On pourrait dire que mon livre sur les ménétriers est un livre d’histoire de la musique. En même temps, il traite de l’histoire d’un métier, et l’histoire des corporations est assez centrale dans le livre. C’est donc aussi un ouvrage d’histoire sociale de la musique. Cela dit, j’ai travaillé sur une catégorie de musiciens qui, si elle n’était pas traitée de manière historique, relèverait de l’ethnomusicologie. Les ménétriers ritualisent la société au service de laquelle ils jouent. Toute la société. La vie communautaire, les groupes sociaux, les métiers, les fêtes de quartier, de village, les fêtes calendaires, les rites de passage, la fête privée familiale, la danse… Ils sont partout, leur fonction est universelle. La seule chose qu’ils ne font pas, en France, à la différence de l’Espagne où les ministriles jouent à l’église, c’est de jouer dans le cadre religieux, en dehors de circonstances exceptionnelles comme la messe du sacre royal. Dans la mesure où cette recherche est diachronique, on va considérer qu’elle relève de l’histoire. Si elle s’était située dans une dimension synchronique, elle aurait dépendu de l’ethnomusicologie. Voilà encore le partage disciplinaire un peu dogmatique qui prévalait dans l’ethnomusicologie française des années 1990. Personnellement, j’ai du mal à faire la distinction. J’ai étudié ces musiciens exactement comme le ferait un ethnomusicologue. Je me suis intéressé à leur apprentissage, à leurs instruments de musique, au genre de cette pratique instrumentale – c’est un métier d’hommes et pas de femmes. J’ai étudié leur organisation sociale, leurs revenus économiques, comme le ferait tout ethnomusicologue dont l’approche serait anthropologique et ethnologique. Mais voilà : le fait de travailler dans une perspective historique te prive du statut d’ethnomusicologue. Je m’en suis aperçu quand j’ai publié mon livre sur les ménétriers… Je souhaitais un peu naïvement lui donner comme sous-titre : « Essai d’ethnomusicologie historique ». C’est en tout cas ce que j’avais proposé alors à François Lesure…

Fig. 4. Claude Sicre (accordéon diatonique) et Luc Charles-Dominique (violon) lors d’un bal traditionnel en 1977.

Fig. 4. Claude Sicre (accordéon diatonique) et Luc Charles-Dominique (violon) lors d’un bal traditionnel en 1977.

Lequel a rédigé la préface du livre.

Oui. Il était directeur de la collection « Domaine musicologique », chez Klincksieck, où a été publié mon livre. François Lesure m’a reçu chez lui, très chaleureusement. Il avait bien sûr tout relu, corrigé, consciencieusement, minutieusement, virgule après virgule, vieille école, impressionnant de rigueur, de sérieux… Un vrai directeur de collection ! Et là, il m’a dit : « Pourquoi ce sous-titre ? L’ethnomusicologie n’est pas historique, elle est synchronique. Dans ma collection, il n’est pas question d’ethnomusicologie ; votre recherche est en histoire sociale de la musique. » Je n’ai évidemment pas discuté, trop heureux d’être publié dans sa collection et qu’en plus, il m’écrive une préface. Cela valait bien la concession du sous-titre ! Mais reprenons l’ordre des choses. Je faisais des études d’anthropologie avec une spécialisation ethnomusicologique, j’ai un peu fréquenté le séminaire d’ethnomusicologie de la France de Claudie Marcel-Dubois au Musée National des Arts et Traditions Populaires (MNATP), je ne parlais que d’ethnomusicologie avec mes amis du Conservatoire Occitan. Pour moi, j’étais un ethnomusicologue qui travaillait en partie dans une perspective historique. Avant que le livre soit accepté chez Klincksieck, je l’avais proposé à la Société française d’ethnomusicologie (SFE), qui venait d’ouvrir sa collection « Hommes et musiques ». Je l’avais envoyé à Mireille Helffer, alors directrice de cette nouvelle collection, qui a pris sur elle d’envoyer le manuscrit à François Lesure. Je lui en suis vraiment reconnaissant parce que je n’aurais jamais pensé à le faire. À la suite de quoi, Mireille Helffer m’a écrit, en me disant à peu près : « Si nous ne le retenons pas à la SFE, c’est qu’il est trop historique pour une collection d’ethnomusicologie. » Cela m’a attristé, un peu vexé aussi. Non pas le refus, mais l’incompréhension disciplinaire. Je me sentais comme exclu de la communauté ethnomusicologique. Je ne faisais aucune distinction entre mes enquêtes de terrain et mes recherches historiques. Les deux étaient complémentaires et s’éclairaient mutuellement. Simplement, les musiciens sur lesquels je travaillais étaient morts depuis trois cents ans ! Je sais bien qu’il y a d’un côté le temps de l’histoire et de l’autre le présent du terrain. Mais je crois qu’il faut maintenant remettre en cause de tels cloisonnements disciplinaires. Les ethnologues l’ont fait depuis plus de cinquante ans. Par contre, les ethnomusicologues ont encore des difficultés avec cette question. On constate parfois encore un décalage conceptuel important entre ethno-anthropologie et ethnomusicologie.

Et puis tes sources étaient des documents d’archives, que l’on a ­longtemps qualifiées « d’indirectes », et pas le témoignage oral, « direct », de l’informateur…

Oui, tu fais bien de le rappeler. Enfin, pour ne rien arranger, j’ai travaillé sur les ménétriers de Toulouse, puis de la France, alors que je suis Français. Je transgressais donc le dogme du « regard éloigné ». Et puis, la France, ce n’est pas très sérieux comme terrain… Tout le monde sait que les ethnomusicologues qui ont travaillé sur la France ont jusqu’à une époque très récente été qualifiés de « folkloristes » par certains. Donc, pour toutes ces raisons, ma recherche était atypique, très différente des recherches classiques de l’ethnomusicologie. Lorsque j’ai passé ma thèse, qui portait sur les symboliques du sonore et était plus anthropologique, pour couper court à tout éventuel débat sur la réalité de sa dimension ethnomusicologique, j’ai décidé de la présenter comme relevant de l’anthropologie musicale historique. Daniel Fabre m’y a encouragé, pensant qu’il s’agissait d’un bon compromis, même s’il ne le trouvait pas totalement satisfaisant. J’ai appréhendé cette histoire ménétrière à l’aune de mon propre vécu de musicien. Il me semblait que je comprenais mieux ainsi ces ménétriers anciens, la perception que l’on avait eue, à leur époque, de leur jeu et de leur son, parce que je jouais dans des contextes proches – processions, mariages, banquets, bals –, même si je ne me suis jamais considéré comme un néo-ménétrier. Cela m’a procuré une intimité forte avec mon objet historique de recherche, cette sensualité dont parle Duby qui permet à l’historien « de s’extraire de son présent pour s’identifier aux témoins qu’il sollicite, pour considérer le monde par leurs yeux, établissant entre lui et ce qu’ils disent un rapport ambigu, éminemment sensuel ». Cela m’a permis aussi de mieux comprendre les violonistes que j’ai collectés dans les années 1970. Eux continuaient, au XXe siècle, à parler de ménétriers, ce qui n’est pas anodin. Cette recherche me paraissait donc avoir des prolongements ethnomusicologiques évidents.

Ta posture scientifique est assez singulière et n’exclut ni la profondeur historique ni la question de l’écrit. La vision étroite de l’ethnomusicologie qui t’a été opposée n’est heureusement pas celle que l’institution universitaire a retenue.

Sans doute parce que le champ épistémologique de l’ethnomusicologie a évolué. Aujourd’hui la plupart des jeunes chercheurs sont au carrefour de plusieurs champs disciplinaires. Cela remet en cause certains concepts fondateurs. Mais à l’époque, on était majoritairement dans la problématique du terrain, de sa synchronie, et dans l’exotisme… Ça c’est encore un autre sujet de discussion ! Nous qui avons travaillé sur la France, sur des terrains français, nous nous sommes souvent sentis en porte-à-faux par rapport à une ethnomusicologie qui s’était largement exportée et qui travaillait sur les lointains…

Pourtant certaines questions que tu poses, comme celle du haut et du bas, peuvent aussi faire écho à des traditions du lointain…

Le « haut » et le « bas » musicaux et instrumentaux possèdent des connotations sociales, morales, cosmogoniques évidentes qu’André Schaeffner avait bien vues, intuitivement, mais dans une certaine indifférence… Haut/bas forme un couple universel, totalement polysémique. C’est l’opposition symbolique universelle au Moyen Âge… Le fait que les ménétriers se soient déclarés « joueurs d’instruments tant hauts que bas », prouve qu’ils inscrivaient leur pratique dans les deux catégories musicales, organologiques et esthétiques. D’un côté, la musique basse des violons, pour le divertissement et la danse ; de l’autre la musique haute des trompettes, saqueboutes, hautbois et timbales pour le faste politique… Si les ménétriers ont été éliminés de la pratique musicale publique urbaine, à la fin du XVIIIe siècle, c’est peut-être aussi parce qu’ils ont privilégié celui des deux champs, le haut, qui allait être déprécié. J’avais la conviction que l’anthropologie de cette dualité haut/bas me livrerait les clés de l’évolution esthétique musicale en Europe occidentale dans les siècles passés. J’avais forgé cette hypothèse à partir de la lecture de nombreux ouvrages d’anthropologie religieuse du christianisme, de théologie, d’anthropologie sociale et politique, du Moyen Âge à l’âge baroque. J’ai très vite acquis la certitude que ces catégories du haut et du bas figuraient le partage symbolique chrétien du son, le pôle positif de cette dichotomie, le « bas », ayant une connotation extrêmement religieuse, lorsque le « haut », pôle négatif, était largement anti-religieux.

Cette recherche t’a conduit à envisager différemment l’étude de la ­classification organologique internationale, question ô combien ­ethnomusicologique…

En effet. À travers les deux classes médiévales des hauts et des bas instruments se profilent celles des instruments à cordes et des instruments à vent… La corde a une allégorie très religieuse. Les pères de l’Église la présentent comme faite de la chair du Christ, tendue sur le bois de la caisse à l’aide de chevilles qui sont des clous. Ainsi, l’instrument à cordes, comme la cithare, devient la métaphore de la Croix… La symbolique du vent est moins univoque car il symbolise le souffle divin de vie. Mais le vent est aussi affublé de tout un ensemble de caractères extrêmement négatifs qui le font globalement pencher du mauvais côté. Le vent c’est la folie, l’érotisme, l’orgueil, la mort… c’est l’élément du diable et des sorcières. Tout cela me fait douter de l’origine indienne que l’on prête à la classification organologique internationale. Car n’oublions pas que la triade « cordes, vents, percussions » date des V e-VI e siècles en Occident ! C’est Boèce qui théorise ainsi ces trois classes que Cassiodore nomme à la même époque « inflatilia, percussionalia, tensibilia ». La raison première, la seule en fait, de cette classification apparemment tripartite, c’est l’opposition de la corde contre le vent, qui est celle de Dieu contre le Diable, du religieux contre le profane. L’anthropologie religieuse et historique nous livre une tout autre approche, un tout autre décryptage, que, seul, Rouget a partiellement entrevus, lui qui a cité certains traités du XVIIe siècle dans ses écrits. Je ne rejette pas totalement une éventuelle influence indienne, mais tout d’abord elle reste à établir, ce qui n’a pas encore été fait. D’autre part, quelle est sa réalité alors qu’elle arrive quatorze siècles après la classification de Boèce, qui a profondément marqué toute la pensée musicale et organologique occidentale ? Ce postulat indianiste, que l’on lit aujourd’hui partout, me révulse car il est facile, pas suffisamment interrogé, ignorant de l’histoire culturelle occidentale… D’autre part, une lecture attentive de l’Origine des instruments de musique de Schaeffner me semble le remettre assez profondément en cause.

Une autre question intéressant l’anthropologie et que tu intègres à ton travail historique sur la musique – ou peut-être inversement – c’est la question de la mort.

Les musiques qui évoquent la mort possèdent un certain nombre de codes musicaux que les musicologues n’ont pas vus pour la plupart parce qu’ils ne connaissent pas l’anthropologie des rituels funéraires et des imaginaires de la mort… Je pense par exemple à la claudication, qui est la marque du diable, des sorcières et des visions chamaniques… Or, dans un certain nombre d’œuvres funéraires ou évoquant la mort, de la Renaissance au XIXe siècle, on trouve une cellule rythmique récurrente, par exemple croche pointée-double croche ou noire-croche, en tout cas longue-brève, qui introduit l’idée de claudication, omniprésente dans l’iconographie, la littérature orale dès lors qu’il s’agit d’évoquer la mort… Un deuxième élément est le fort volume sonore, parce que le « haut » est du domaine des puissances infernales, de la mort damnée, de la mort macabre… La résonance métallique, les cloches, les clochettes sont également de grands marqueurs des rituels funéraires. Ces différents facteurs organologiques, instrumentaux ou musicologiques, présents de façon récurrente dans la plupart des œuvres qui évoquent la mort, seule l’anthropologie permet de les comprendre et de les analyser. Un autre domaine d’application sur lequel j’ai également travaillé est l’expression musicale de certains affects comme la souffrance et la déchirure. Là aussi, l’anthropologie musicale des rituels funéraires, notamment celle des lamentations ritualisées, fournit un certain nombre de clés de compréhension et d’analyse musicales. Au-delà de l’établissement d’une grille analytique à large portée opératoire, je suis convaincu que l’histoire sociale de la musique, notamment des musiques dites « populaires », et l’anthropologie sont d’intérêt général et concernent tout autant l’ethnomusicologie que la musicologie.

Par quel chemin en arrives-tu aux Tsiganes ? Le haut ? Le bas ?

Mes investigations actuelles sur les Tsiganes découlent de ma recherche sur les ménétriers. En comparant les sources de l’histoire ménétrière avec les musiques tsiganes actuelles d’Europe balkanique et d’Europe centrale, j’ai acquis la conviction que la bande ménétrière de violons, qui n’existe plus en France depuis à peu près deux cent cinquante ans, s’est déportée sur un autre espace, dans une autre culture et sur un autre terrain, et que ce que l’on entend dans certaines musiques tsiganes de violon, par exemple en Transylvanie, Hongrie ou Pologne, procède du même principe… Dans les bandes tsiganes de violons, on trouve le violon, à l’image du dessus de violon ménétrier ; le bratsch que l’on peut considérer comme semblable au violon haute-contre ménétrier ; le gardon, en Hongrie, équivalent des quintes et des tailles des ménétriers, qui se tiennent à peu près de la même façon, ce que Bruegel l’Ancien a si bien représenté ; la contrebasse qui n’est pas sans rappeler la basse de procession des bandes ménétrières. J’émets donc l’hypothèse, solidement étayée, que la bande tsigane de violons actualise une pratique ménétrière beaucoup plus ancienne. La démonstration serait ici trop longue et fera l’objet d’un prochain livre. Les Tsiganes, présents en Europe occidentale depuis le début du XVe siècle, s’établissent parfois dans certaines cours de façon éphémère, se mêlant ponctuellement à des musiciens locaux, à des ménétriers. En France, certains Tsiganes, au XVIIe siècle, jouent des basses de violons. Ma recherche consistera donc à établir les niveaux de rencontres entre ménétriers et musiciens tsiganes. Je m’apprête donc à réexaminer entièrement ma propre vision de l’histoire ménétrière, dans une optique moins urbaine, officielle et élitiste, et plus populaire, plus rurale, gueuse et nomade, aux marges de la société de l’époque. Cette étude des inter-influences historiques entre Tsiganes et ménétriers ouvre une nouvelle recherche en anthropologie historique de l’interculturalité musicale, dont l’un des effets sera de relativiser cette fameuse théorie des sociétés « à horizons limités ».

Les zélateurs du patrimoine culturel immatériel te diraient que,
si ces musiques avaient été classées en leur temps, tu n’aurais
pas ces interrogations aujourd’hui...

Ce n’est pas sûr… Parce que la patrimonialisation, dont l’objectif est de sauvegarder, parvient-elle vraiment à éviter le déclin des pratiques musicales ? D’autre part, le Patrimoine Culturel Immatériel a instauré divers programmes d’inscription sur listes, extrêmement pernicieux. Ces dispositifs sont très dangereux car ils nécessitent au préalable une sélection de l’objet que l’on va patrimonialiser. Sélectionner, cela veut dire choisir un fait culturel au détriment de nombreux autres qui n’auront pas cette faveur. Cela instaure une concurrence acharnée des cultures, une surenchère incontrôlée et incontrôlable.

Cette patrimonialisation instaure-t-elle de nouvelles formes de folklorisation ?

Certainement… En fabriquant de nouveaux emblèmes culturels, en affirmant désormais qu’ils sont représentatifs d’un territoire et d’une population, on essentialise et la culture, et les populations et les territoires concernés. Tout cela mérite circonspection. Car soit on se situe dans les paradigmes positivistes et essentialistes identitaires, soit on se réfère aux études culturelles, à l’anthropologie, pour adopter des positions plus mesurées, tenant compte de la complexité, de la singularité, de la différence. Par exemple, on essentialise les faits culturels dans des territoires, sans avoir vraiment réfléchi à la notion territoriale. Quels territoires ? Politiques, administratifs, historiques, linguistiques ? Et que valent certaines de ces réalités territoriales lorsque l’on sait par exemple que les marges d’un territoire linguistique sont impossibles à identifier de façon précise, que les interférences dialectales sont nombreuses d’une aire linguistique à l’autre, qu’il existe de nombreuses enclaves linguistiques dans des aires adjacentes. La notion d’aire culturelle, légitimée en grande partie par celle d’aire linguistique, ainsi que la notion d’aire régionale qui lui est en partie rattachée, doivent être scientifiquement discutées.

Fig. 5. Le groupe Riga-Raga fondé par Claude Sicre et Luc Charles-Dominique, dans la cave des Vins de l’Aude (aujourd’hui disparue), Place du Ravelin, Toulouse, 1978.

Fig. 5. Le groupe Riga-Raga fondé par Claude Sicre et Luc Charles-Dominique, dans la cave des Vins de l’Aude (aujourd’hui disparue), Place du Ravelin, Toulouse, 1978.

De gauche à droite : Claude Sicre (tambour), Jean-Pierre Lafitte (grosse-caisse), Luc Charles-Dominique (hautbois languedocien), Xavier Vidal (cornemuse de la Montagne Noire).

Deleuze aurait été bien malheureux de tout cela. C’est l’impossibilité des déterritorialisations et reterritorialisations qui lui sont chères…

Sans doute. La plupart des faits culturels patrimonialisés aujourd’hui sont territorialisés. Dans ces conditions, que fait-on des cultures déterritorialisées ? Et puis, qu’est-ce qu’un territoire aujourd’hui, à l’heure des phénomènes migratoires à très grande échelle ou de la révolution numérique ? Plutôt que d’ériger partout de nouvelles féodalités de l’immatériel, que l’on soutienne plutôt la recherche, la création de centres de documentation, de nouveaux cadres de transmission, si c’est vraiment nécessaire, tout cela constituant le côté appréciable des politiques du PCI… Mais de grâce, que l’on arrête immédiatement « d’inscrire » ! Ces processus sont extrêmement dangereux et l’on n’a pas fini d’en constater les effets dévastateurs. Je regrette beaucoup que mes amis et ex-collègues de la FAMDT soient partis bille en tête dans ces processus d’inscription. Les musiques traditionnelles en France aujourd’hui se sont engouffrées dans la brèche de la patrimonialisation onusienne, ce qui produit une surenchère aussi fébrile que dérisoire. Cela dit, ce phénomène constitue un sujet d’étude inépuisable dans le champ de l’anthropologie politique. J’en ai fait l’un de mes axes de recherche, depuis plusieurs années, moi qui ai vécu cette histoire de l’intérieur sur les trois dernières décennies et qui ai en plus le regard historique des musiques ménétrières institutionnalisées et territorialisées.

À tes ex-collègues mais amis quand même tu as écrit un texte, lisible sur ton blog, où tu expliques combien il t’est difficile de te glisser dans les cadres de pensée et d’actions tout prêts proposés par les organisations internationales et les ONG. Tu prétends qu’il y aurait mieux à faire, à imaginer, à inventer, et tu avoues être resté nostalgique, au risque de paraître « has been », de ces utopies vécues dans les années 1970. Enfin, tu ajoutes : « Il est assez surprenant de constater que les musiques traditionnelles, que les tout premiers revivalistes des années 1970 et 80 souhaitaient préserver absolument de la réification (la « muséification » comme on disait à l’époque), aient dérivé petit à petit vers une hyper-institutionnalisation. Qui plus est, selon des normes établies à l’échelon mondial, ce qui pourrait sembler assez contradictoire avec la volonté, clairement affichée par beaucoup, de protection de la diversité culturelle. » Alors, quelles étaient ces utopies dont tu te revendiques et où en es-tu de tes utopies aujourd’hui ?

Où j’en suis de mes utopies ? Ça, je ne sais pas. Dans les années 1970, notre engagement en faveur des musiques traditionnelles était un choix de vie et de société. C’était l’idée que ces musiques sont des musiques de la fête, du partage, de l’amour, de la fraternité, du vivre dans l’instant. Cela accompagnait aussi un engagement antimilitariste fort, une revendication écologiste beaucoup plus intéressante que la revendication actuelle et aussi une revendication féministe. Il y avait une posture libertaire qui animait nombre d’entre nous et qui fait que les vieux musiciens qui nous ont vu arriver pour les collecter ont été séduits, parce qu’eux-mêmes avaient été en rupture à leur époque… On ne doit pas perdre de vue que ces musiques ont une dimension sociale. Tu le sais, tu es un acteur culturel, tout acteur culturel passe son temps à inventer des choses nouvelles. Parce qu’en fait c’est nous qui faisons la politique culturelle, ce ne sont ni les institutions, ni les ministres, ni les politiques. Eux font des choix. La politique ce sont les acteurs qui la font eux-mêmes. Avec la patrimonialisation, j’ai l’impression que tout cela va nous échapper. On n’a pas besoin d’un programme mondial, diplomatique, institutionnel, d’une complexité incroyable, avec des conventions à n’en plus finir, des ONG, des experts…

Tu dis qu’on n’a pas besoin de rajouter de la complexité et voilà qu’à un autre niveau, notre tout petit niveau « ethnomusicocentré », tu t’associes à Yves Defrance pour créer le CIRIEF ! Et vous écrivez d’abord que le CIRIEF va s’occuper d’ethnomusicologie de la France, laissant entendre – pardon de le dire, même si ce n’était pas votre intention – que la SFE ne le fait pas. Puis on voit que, peu à peu, vous ouvrez le club à des amis du Québec, etc. Pourquoi pas ? Mais alors, quelle est la vocation du CIRIEF ?

J’appartiens à la SFE depuis dix-sept ans et j’en suis un fervent défenseur. J’ai parrainé de nombreux candidats, j’ai accueilli les Journées d’études à Mèze en 2003 et, depuis 2011, je suis membre du comité d’édition de la collection de livres « Hommes et musiques ». Mais cette société est généraliste. Son objet n’est pas d’être attachée à des terrains en particulier. D’autre part, au-delà des journées d’étude et des bourses de recherche qu’elle distribue, l’une de ses actions majeures est l’édition écrite. Or, au vu du nombre limité de publications annuelles et de la multitude des terrains et des thèmes potentiels, l’espace éditorial pour des publications en ethnomusicologie de la France est très restreint. C’est pourquoi nous avons créé le CIRIEF, non pas pour nous démarquer de la SFE, mais pour nous doter d’un espace supplémentaire et spécifique d’échanges, de recherches et d’édition, en complément de la SFE.

Pourquoi un espace spécifique ?

Tout d’abord, nous sommes héritiers, en France, d’une histoire étonnante qui a scindé, dans les premières décennies du XXe siècle, l’ethnomusicologie en deux branches exclusives, selon que les terrains de recherche étaient en France ou hors de France, surtout hors d’Europe. À l’époque, l’ethnomusicologie était adossée à l’institution muséale. Donc, nous avons eu nos deux forteresses antagonistes : l’ex-MNATP pour les recherches en terrain français et le Musée de l’Homme pour l’ethnomusicologie « des lointains ». Deux citadelles face à face, dont les hérauts postés sur les remparts se regardaient en chiens de faïence. Et personne n’avait le choix de son institution… Aujourd’hui, les choses ont positivement évolué sous l’effet d’une nouvelle génération de chercheurs aux préoccupations scientifiques plus transversales. Et peut-être aussi de ce que Jean Molino a appelé « l’ethnomusicologie rapatriée », c’est-à-dire tous ces chercheurs qui décident – ou sont obligés – d’abandonner leurs terrains exotiques pour revenir à des terrains occidentaux ou français .

Et ces chercheurs « rapatriés » n’auraient pas leur place méritée ?

On constate encore que peu d’ethnomusicologues du domaine français ont décidé d’intégrer la SFE et d’y jouer un rôle actif. C’est une seconde raison de la création du CIRIEF. En fait, si un certain nombre de chercheurs en ethnomusicologie de la France se sont engagés dans des études universitaires assez poussées, beaucoup n’ont pas ce profil. Au CIRIEF, en plus de chercheurs universitaires, nous accueillons ceux qui peuvent attester d’une action significative de recherche et de publication en ethnomusicologie de la France. Sans sacrifier à l’exigence scientifique, nous souhaitons fédérer un terrain de recherche qui a été, jusqu’à une époque récente, totalement inorganisé. Enfin, une troisième raison de la création du CIRIEF réside dans le fait qu’en France, l’ethnomusicologie a découvert très tôt ce à quoi est confrontée aujourd’hui l’ethnomusicologie mondiale, c’est-à-dire la forte dynamique de changement des sociétés contemporaines et la perte rapide d’un certain type de terrains de recherche. Cela nous a amenés à repenser complètement nos thèmes et nos méthodes de recherche. La France sur laquelle nous cherchons aujourd’hui n’est plus celle de Claudie Marcel-Dubois ! C’est aussi la France urbaine et suburbaine, l’outre-mer, la francophonie en général, dans une perspective ouverte qui est au minimum européaniste. Face à de tels bouleversements, seule la pluridisciplinarité peut offrir une posture de recherche adéquate. C’est pourquoi dans CIRIEF, il y a « Interdisciplinaires » et aussi « Internationales ». Nous y tenons beaucoup.

Quelles sont les actions du CIRIEF ?

Pour l’instant, notre action principale se résume à l’organisation de journées d’étude et de colloques, et à l’édition. Nous souhaitions offrir des bourses doctorales pour initier de nouvelles recherches, mais nous n’en avons pas eu les moyens jusqu’ici. D’autre part, depuis quelques années, je travaille très étroitement avec Monique Desroches, de l’Université de Montréal, dont je partage totalement la vision et la pratique de l’ethnomusicologie. Cette collaboration s’est instaurée de chercheur à chercheur, d’université à université. Mais comme Monique a pour terrains les Antilles françaises et les îles de l’Océan Indien, qui sont aussi ceux du CIRIEF, nous y associons notre société chaque fois que possible. Petit à petit, le CIRIEF s’implante et se développe, renforçant l’ensemble du champ ethnomusicologique en France.

Ce champ ethnomusicologique peut-il encore se développer, quand on pense aux changements sociétaux ou au bradage, je te cite, « de l’université française à une conception et une gestion droitières et néolibérales » ?

Au-delà de sa production scientifique et de son rôle de transmetteur, l’enseignant-chercheur doit aussi être un témoin. Les jeunes n’ont pas de repères historiques, même d’une histoire récente. Ils sont dans le temps présent, dans le numérique, dans le global. La fonction sociale du chercheur et de l’enseignant, c’est d’offrir à ces étudiants la maîtrise de leur devenir, les armes de leur autonomie, personnelle et intellectuelle. Mais l’espace se restreint car l’université française n’est plus celle des humanités. Elle est désormais au service de la sphère économique et politique. En plus d’en être réduite à intégrer dans ses programmes de recherche les grands poncifs actuels de la pensée unique (la durabilité, etc.), elle se doit de justifier son existence par sa rentabilité et de s’adapter à des programmes de recherche qui tournent aujourd’hui essentiellement autour de l’économie et de la santé. D’autre part, elle est devenue une université de technocrates qui passent leur temps à évaluer la recherche et les formations, comme les agences de notation le font aujourd’hui des États et des dettes souveraines. Les chercheurs, en France, ne vivent que pour le A+, véritable Graal, et sont dans la peur d’être rétrogradés en B… Alors, où sont mes utopies ? Pas forcément dans le fait d’être devenu professeur des universités. Par contre, avoir exercé toute mon activité professionnelle autour de la musique était déjà une utopie. Et pas n’importe quelle musique, l’ethnomusicologie : seconde utopie ! L’ethnomusicologie, au sein de l’université française, est absolument marginale. Quand tu dis à des collègues d’autres disciplines que tu es ethnomusicologue, cela n’évoque rien pour eux… Déjà la musicologie est marginale à l’Université, mais l’ethnomusicologie, c’est la marginalité suprême ! Certains ont quand même un sursaut : « Vous étudiez les musiques du monde, alors vous allez dans des sociétés lointaines ? » « Eh bien non, j’ai travaillé en Gascogne et je me suis intéressé à la France. » La magie retombe instantanément… Cela dit, être allé au bout de mes choix – celui de l’utopie de la musique, de la musicologie, de l’ethnomusicologie, de la France qui plus est, c’est-à-dire d’avoir accumulé tous les handicaps possibles par rapport à l’orthodoxie universitaire et académique – d’une certaine manière a déplacé le niveau de ces utopies que j’assume pleinement aujourd’hui.

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Bibliographie

Luc Charles-Dominique : bibliographie sélective

Ouvrages

1984, 800 ans de musique populaire à Toulouse. Toulouse : Éditions du Conservatoire Occitan.

1987, Musique populaire en pays d’Oc. Toulouse : Éditions Loubatières.

1989, Musiques et chants de la Révolution dans le Midi Toulousain. Toulouse : Éditions Conservatoire Occitan, CLEF 89.

1994, Les Ménétriers français sous l’Ancien Régime, préface de François Lesure. Paris : Klincksieck.

2002, (avec Pierre Laurence) Les hautbois populaires. Anches doubles, Enjeux multiples. Parthenay : FAMDT.

2006, Musiques savantes, musiques populaires : les symboliques du sonore en France (1200-1750). Paris : CNRS [Coup de Cœur de l’Académie Charles Cros 2007].

Direction d’ouvrages et d’actes de colloques

2002, (avec Jérôme Cler) La Vocalité dans les pays d’Europe méridionale et dans le bassin méditerranéen, Actes du colloque international de La Napoule, mars 2000. Parthenay : FAMDT.

2008, (avec Yves Defrance) L’Ethnomusicologie de la France : de « l’ancienne civilisation paysanne » à la globalisation, Actes du colloque de Nice, nov. 2006. Paris : L’Harmattan, Collection Ethnomusicologie et anthropologie musicale de l’espace français.

2009, (avec Laurent Aubert) Mémoire, traces, histoire, Cahiers d’ethnomusicologie 22.

Articles

1989, « Portrait d’un ménétrier gascon : Joseph Roméo, violoneux », Pastel (Musiques et danses traditionnelles en Midi-Pyrénées), no 2 : 7-13.

1996a, « La Couble des Hautbois des Capitouls de Toulouse. Rôle emblématique, fonction sociale et histoire d’un orchestre communal de musique ménétrière », in François Lesure, dir. : La vie musicale dans le Midi de la France, xvii  e-xviii  e siècles, Actes du Colloque de Villecroze, 5-7 oct. 1994, Paris, Klincksieck : 43-55.

1996b, « Les dimensions culturelle et identitaire dans l’ethnomusicologie actuelle du domaine français », Cahiers de Musiques Traditionnelles 9 : 275-288.

1996c, « L’iconographie musicale, révélateur de la marginalité ménétrière : l’exemple des fêtes toulousaines, officielles, publiques, civiles et religieuses du xve au xviiie siècle », Imago Musicae, International Yearbook of musical iconography. Lucca : Libreria Musicale Italiana, no XIII : 145-165.

1996d, « La cornemuse dans l’espace ménétrier français de l’Ancien Régime », in Les cornemuses de George Sand. Autour de Jean Sautivet, fabricant et joueur de musette dans le Berry (1796-1867). Montluçon : Musées de Montluçon : 19-22.

1997, « Puissance et autorité de la Ménestrandise parisienne. Image de la confrérie Saint-Julien des ménétriers, 1691 », in Florence Gétreau, dir. : Musiciens des rues de Paris. Paris : Musée des Arts et Traditions Populaires-Réunion des Musées Nationaux : 24-28.

1998, « Les bandes ménétrières ou l’institutionnalisation d’une pratique collective de la musique instrumentale, en France, sous l’Ancien Régime », in Entre l’oral et l’écrit. Rencontre entre sociétés musicales et musiques traditionnelles, Actes du Colloque de Gourdon (20 sept. 1997). Parthenay-Toulouse : FAMDT-Conservatoire Occitan : 60-83.

1999a, « Du jongleur au ménétrier. Évolution du statut social des instrumentistes médiévaux », in Christian Rault, dir. : Instruments à cordes du Moyen Âge, Actes du Colloque de Royaumont, juillet 1994. Grâne : Créaphis : 29-47.

1999b, « Dans les caves de Saint-Chartier ou la mythification scénarisée de l’altérité sociale et culturelle », in Joseph Le Floch’, dir. : À la croisée des chemins. Musiques savantes-Musiques populaires. Hommage à George Sand, Actes du colloque de La Châtre, 23-25 octobre 1997. Parthenay : FAMDT : 100-122.

2000a, « De Rivarès à Canteloube : le discours et la méthode des ‹ folkloristes historiques › languedociens et gascons, d’après les préfaces de leurs anthologies », in François Pic, dir. : Cyprien Despourrin (1698-1759), Actes du colloque d’Accous (13-15 mai 1999). Pau : Marrimpouey-Institut Occitan : 243-276.

2000b, « La portée symbolique de l’iconographie musicale à travers l’exemple espagnol », in Jean-Louis Augé, dir. : La Musique et les arts figurés en Espagne, catalogue de l’exposition de Castres (23 juin-8 octobre 2000). Castres : Musée Goya : 103-118.

2001, « Jouer, Sonner, Toucher : Une taxinomie française historique et dualiste du geste musical », Cahiers de Musiques Traditionnelles 14 : 111-125.

2002a, Article « Música Occitana », Gran Enciclopèdia de la Música, Barcelone.

2002b, « De la voix ‹ claire › à la ‹ belle voix › : histoire et survivance d’une esthétique du timbre vocal en Pays d’Oc », in Luc Charles-Dominique et Jérôme Cler, dirs. : La Vocalité dans les pays d’Europe méridionale et dans le bassin méditerranéen. Parthenay : FAMDT : 25-42.

2002c, « Jalons pour une histoire populaire du hautbois en France », in Luc Charles-Dominique et Pierre Laurence, dirs. : Les hautbois populaires. Anches doubles, Enjeux multiples. Parthenay : FAMDT : 10-26.

2003, « Ménétriers d’hier, violoneux d’aujourd’hui : tels pères, tels fils ? Les violoneux gascons de ce siècle sont-ils parmi les “derniers” représentants d’une tradition ménétrière multiséculaire ? », in Jean-François Vrod, dir. : Le violon populaire, Caméléon merveilleux. Parthenay : FAMDT : 38-51.

2007a, (avec Yves Defrance) « Réhabiliter, repenser, développer l’ethnomusicologie de la France », Musicologies (Revue de l’Observatoire Musical Français, Paris IV-Sorbonne), no 4 : 49-63.

2007b, « Classer les instruments de musique : entreprise rationaliste ou pensée symbolique ? », Prétentaine, no 22 (« Constellations musicales. De l’essence de la musique ») : 191-215.

2007c, « Le hautbois dans la tradition ménétrière toulousaine : du symbole consulaire à l’instrument de la fête et de la danse », Recherches sur la musique française classique, no XXXI (Éditions Picard, La vie musicale en France sous les rois bourbons, « Pratiques instrumentales aux xviie et xviiie siècles ») : 71-91.

2008a, « Anthropologie historique de la notion de bruit », Filigrane, no 7 : 33-55.

2008b, « La mort et le sonore dans la France médiévale et baroque », Frontières, vol. 20, no 2. Montréal : Université du Québec à Montréal : 16-22.

2008c, « L’apport de l’histoire à l’ethnomusicologie de la France », in Luc Charles-Dominique, Yves Defrance, dirs. : L’Ethnomusicologie de la France. De l’ « ancienne civilisation paysanne » à la globalisation, Actes du colloque de Nice, novembre 2006. Paris : L’Harmattan, Coll. Ethnomusicologie et anthropologie musicale de l’espace français : 119-155.

2009a, « ‹ Folklore › et ‹ enfermement national › : l’ethnomusicologie européaniste de Brăiloiu à l’épreuve de l’exotisme », in Laurent Aubert, dir. : Mémoire vive. Hommages à Constantin Brăiloiu. Genève : Infolio/ Musée d’Ethnographie de Genève (Coll. « Tabou », no 6) : 105-125.

2009b, « Ethnomusicologie et histoire : deux artes memoriae », Cahiers d’ethnomusicologie 22 : 15-35.

2009c, Préface de l’ouvrage Les archives de la Mission de folklore musical en Basse-Bretagne de 1939 du Musée national des arts et traditions populaires, par Claudie Marcel-Dubois et François Falc’hun, assistés de Jeannine Auboyer, éditées et présentées par Marie-Barbara Le Gonidec. Paris-Rennes : CTHS-Dastum.

2011a, « La patrimonialisation musicale française à l’épreuve du nomadisme des Roms », in Monique Desroches, Marie-Hélène Pichette, Claude Dauphin, Gordon E. Smith, dirs. : Territoires musicaux mis en scène. Montréal : Presses Universitaires de Montréal : 147-162.

2011b, « Le poids des codes symboliques et de la prédétermination dans l’expression musicale de la souffrance et de la déchirure », Insistance, Art, Psychanalyse, Politique, no 5, « L’inconscient et ses musiques », textes réunis par Jean-Michel Vives : 83-95.

2011c, « Les emblèmes instrumentaux régionaux du revival français », in Jeremy Price, Licia Bagini, Marlène Belly : dirs. : Langue, musique, identité, Actes du Colloque de Poitiers, 21-23 nov. 2007. Paris : Publibook : 135-151.

2012, « Sauvegarder aujourd’hui les musiques de tradition orale en France », in Makis Solomos, Joëlle Caulier, Jean-Marc Chouvel, Jean-Paul Olive, dirs. : Musique et globalisation : une approche critique. Paris : Delatour : 165-176.

Expositions

1982/1991, Les instruments de musique populaire des Pays d’Oc (exposition itinérante).

1984, 800 ans de musique populaire à Toulouse (exposition itinérante).

1995, Les Ménétriers, Musiciens de fêtes, Musiciens de danses, sous l’Ancien Régime (exposition itinérante).

1997, Participation à l’exposition Musiciens des Rues de Paris (conception du parcours « Ancien Régime »). Paris : Musée National des Arts et Traditions Populaires.

1997, Conception d’un parcours d’exposition sur les ménétriers de l’Ancien Régime. Montluçon : Cité des Musiques Vivantes de Montluçon.

2000, Commissariat de l’exposition La Musique et les arts figurés en Espagne (23 juin-8 oct. 2000). Castres : Musée Goya.

Discographie sélective

1985, Direction musicale et documentaire, conception, arrangements, de la collection Musiques et Voix Traditionnelles Aujourd’hui, coproduite par l’ARTEM (Conseil Régional de Midi-Pyrénées) et Radio-France, destinée à illustrer les traditions instrumentales et vocales des « pays » de Midi-Pyrénées.

1986, Vol. 1. Les Cornemuses (33 tours, CD). Grand Prix International de l’Académie Charles Cros 1987.

1987, Vol. 2. La Danse (33 tours, CD). Grand Prix International de l’Académie Charles Cros 1988.

1988, Vol. 3 Les Hautbois (33 tours, CD). Grand Prix International de l’Académie Charles Cros 1989.

1989, Vol. 4. Les Violons, Les Flûtes (33 tours, CD).

1990, Vol. 5 Les Voix (double 33 tours, CD longue durée).

2000, Luc Charles-Dominique, Musiques des Violoneux de Gascogne, « Cinq Planètes ».

2001, Création de la collection discographique régionale : « Atlas Sonore en Languedoc-Roussillon » (valorisation de la mémoire musicale régionale).

2001, Vol. 1. « René Chalvet, Accordéoniste Lozérien » (réal. André Ricros).

2003, Vol. 2. « André Taïeb, Chants séfarades des synagogues du Languedoc » (réal. Pierre-Luc Bensoussan).

2003, Vol. 3. « Hérault : la Bouvine. Chansons, contes et musiques de fêtes » (réal. Pierre Laurence).

2004, Direction du projet discographique anthologique « Bodega, bodegaires ! Anthologie de la cornemuse du Haut-Languedoc » et direction artistique des enregistrements (CDs 2 et 3). Coffret triple Cd, livret de 150 pages (réal. Daniel Loddo), coprod. Centre Languedoc-Roussillon des Musiques et Danses Traditionnelles/Conservatoire Occitan de Toulouse /Cordae-La Talvera/Conseil général de l’Aude (Addmd 11).

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Notes

1 CAPES : Concours d’aptitude à l’enseignement secondaire.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. Luc Charles-Dominique.
Crédits Photo Aurore Molina, 2011.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/1898/img-1.png
Fichier image/png, 495k
Titre Fig. 2. Statuts de la corporation des ménétriers de Toulouse, datant de 1492 (120 × 80 cm).
Légende Archives départementales de la Haute-Garonne, E 1318.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/1898/img-2.png
Fichier image/png, 418k
Titre Fig. 3. Joseph Roméo (1903-1989), musicien de bal en Gascogne agenaise de 1920 à 1932.
Légende Photographie communiquée à Luc Charles-Dominique lors d’une séance de collectage à Auterive (Haute-Garonne).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/1898/img-3.png
Fichier image/png, 374k
Titre Fig. 4. Claude Sicre (accordéon diatonique) et Luc Charles-Dominique (violon) lors d’un bal traditionnel en 1977.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/1898/img-4.png
Fichier image/png, 295k
Titre Fig. 5. Le groupe Riga-Raga fondé par Claude Sicre et Luc Charles-Dominique, dans la cave des Vins de l’Aude (aujourd’hui disparue), Place du Ravelin, Toulouse, 1978.
Légende De gauche à droite : Claude Sicre (tambour), Jean-Pierre Lafitte (grosse-caisse), Luc Charles-Dominique (hautbois languedocien), Xavier Vidal (cornemuse de la Montagne Noire).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/docannexe/image/1898/img-5.png
Fichier image/png, 295k
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Pour citer cet article

Référence papier

Bruno Messina et Luc Charles-Dominique, « Une histoire ethnomusicologique »Cahiers d’ethnomusicologie, 25 | 2012, 219-244.

Référence électronique

Bruno Messina et Luc Charles-Dominique, « Une histoire ethnomusicologique »Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 25 | 2012, mis en ligne le 31 décembre 2014, consulté le 13 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/1898

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Auteurs

Bruno Messina

Bruno Messina est né en 1971 à Nice. À l’issue d’études musicales classiques (CNR de Nice, CNSMD de Paris), il étudie successivement le jazz (CNSMD de Paris) et le gamelan javanais (PPPG Kesenian, Yogyakarta), puis suit une formation doctorale en ethnomusicologie sous la direction de François Picard (Université Paris-Sorbonne). Lauréat du Prix Villa Médicis hors-les-murs en 1992, il mène conjointement des activités de chercheur, d’enseignant et de directeur artistique. Il a dirigé la Maison de la musique à Nanterre et dirige depuis 2008 le Festival Berlioz et de nombreuses manifestations artistiques en Isère. Il est professeur d’ethnomusicologie au CNSMD de Paris, ainsi que d’Art et civilisation et histoire de la musique au CNSMD de Lyon.

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