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Antonello RICCI, Roberta TUCCI, I « canti » di Raffaele Lombardi Satriani. La poesia cantata nella tradizione popolare calabrese

Lamezia Terme (CZ, Italie) Ricerche Musicali A.M.A. Calabria : 1997. 231 p.
Serena Facci
Traduction de Georges Goormaghtigh
p. 283-285
Référence(s) :

Antonello RICCI, Roberta TUCCI, I « canti » di Raffaele Lombardi Satriani. La poesia cantata nella tradizione popolare calabrese. Lamezia Terme (CZ, Italie) Ricerche Musicali A.M.A. Calabria : 1997. 231 p.

Notes de la rédaction

Traduit de l’italien

Texte intégral

1La période de la fin du XIXe au début du XXe siècle a été particulièrement fertile dans le domaine des études du folklore italien. Nombreux sont les savants qui se consacrèrent à la compilation de recueils, parfois monumentaux, de témoignages sur le folklore paysan comportant des sections entières dédiées aux chants, alors appelés poésie populaire. Les plus remarquables d’entre eux sont, pour le sud de l’Italie, le sicilien Luigi Pitré et le calabrais Raffaele Lombardi Satriani, devenus des références incontournables pour toute étude ultérieure sur les traditions de ces deux régions.

2Une approche critique de cette littérature a vu le jour à partir des années soixante dans l’ethnomusicologie alors naissante. Diego Carpitella a souvent insisté sur l’importance, mais aussi sur les limites, de ces recueils du XIXe siècle qui ne comportaient que les paroles des chants, occultant totalement leur dimension musicale. Cette dernière n’étant pas, selon le père de l’ethnomusicologie italienne, un simple support pour les mots, mais une partie tout à fait essentielle, voire même prééminente de l’expression chantée ; dans certaines formes, le texte n’est plus en effet qu’un prétexte à la construction mélodique et polyphonique.

3A la fin de l’année dernière, une réédition de chants recueillis par Raffaele Lombardi Satriani a paru en Italie, assortie d’une traduction anglaise intégrale, cela près d’un siècle après la publication de son premier recueil Canti di S. Constantino di Briatico. Le texte, édité par Antonello Ricci et Roberta Tucci, est accompagné de deux CD comportant des enregistrements réalisés par ces deux spécialistes au cours des vingt dernières années. Antonello Ricci et Roberto Tucci mènent depuis longtemps des recherches donnant lieu à des publications de textes et de disques de terrain en Calabre, région à laquelle Raffaele Lombardi Satriani consacra jadis non moins de onze volumes de chants et d’autres éléments fondamentaux du folklore. Ils se proposent de « ...réexaminer le corpus des chants recueillis par Raffaele Lombardi Satriani, d’habitude étudiés pour leurs contenus, du point de vue des mécanismes qui sous-tendent la composition poétique orale dans la performance musicale, par la comparaison avec les enregistrements effectués sur le terrain » (p. 22) . Il en résulte un travail qu’on peut à juste titre considérer comme une tentative valable pour remédier à cette fracture paroles-musique, oralité-écrit, dont il a tant été question chez les folkloristes et les ethnomusicologues italiens.

4Les trente-neuf chants du recueil original sont présentés sous différentes formes : 1) la citation du texte tiré de Raffaele Lombardi Satriani, 2) la transcription de la version « récitée » du texte verbal recueilli par Ricci et Tucci, 3) la transcription intégrale du même texte, tel qu’on peut l’entendre chanté, 4) l’enregistrement sonore du chant. Les deux auteurs peuvent ainsi, comme ils l’expliquent dans les pages introductives, analyser et reconstruire le processus de transformation du texte poétique qui, de modèle métrique bien présent à la mémoire des chanteurs et considéré comme une forme en soi, devient un chant au plein sens du terme.

5Comme le remarque l’anthropologue italien Luigi Lombardi Satriani (petit-fils de Raffaele) dans sa préface, le texte de Ricci et Tucci est plein d’idées intéressantes qui débouchent sur différents secteurs cruciaux du débat ethnomusicologique et anthropologique actuel. C’est le cas des analyses concernant le rapport entre la mémoire du texte récité et la construction improvisée du chant au moment de la performance, ou de celles identifiant le style formulaire comme le mécanisme clé de la construction des textes verbaux. Cette technique, qu’on retrouve dans toute pratique poétique orale et qui a été décrite dans les travaux désormais classiques de Eric Havelock et Paul Zumthor, est très clairement mise en évidence dans le corpus des chants analysés. Elle est aussi bien présente, nous indique Roberta Tucci, à l’esprit des chanteurs qui affirment que « tous les chants sont connus », ou du moins résultent de la combinaison de phrases et de constructions syntaxiques formulaires, patrimoine commun de tous les interprètes.

6Les considérations d’Antonello Ricci sur le sens expressif de la dimension sonore dans sa totalité sont aussi importantes. Selon lui, il faut tenir compte du type de voix et de sa capacité à véhiculer des contenus au delà de la valeur sémantique des mots, de sa relation avec le corps, du plaisir de chanter, du rôle social de la polyphonie, de la relation avec les instruments d’accompagnement (chitarra battente, cornemuse, tambour à friction).

7L’information au sujet des formes musicales est également fort riche ; chaque chant peut se ramener à un genre mélodique (monodique ou polyphonique) qui joue le rôle de moule pour différents textes verbaux ; ces genres sont identifiés par la communauté à travers des noms précis. Les deux auteurs s’arrêtent constamment sur la nomenclature des formes musicales ainsi que sur la terminologie traditionnelle ayant trait à la pratique du chant.

8Mais il ne faut pas oublier le point de départ de l’opération qui, pour d’autres raisons, nous semble également très significative. L’ethnomusicologie a maintenant plus d’un siècle d’histoire. La comparaison entre les répertoires actuels et les matériaux qui nous ont été transmis par les savants du passé est une mine féconde pour la recherche. Le travail d’Antonello Ricci et Roberta Tucci n’a pas uniquement servi à donner une vie, grâce au témoignage sonore très appréciable des deux CD, à un recueil de textes verbaux ; il nous donne aussi la possibilité de vérifier le degré de vitalité, de survivance et de changement de pratiques musicales vieilles d’au moins cent ans. Réfléchissant à l’usage des répertoires analysés, les deux auteurs montrent comment certaines formes moins spectaculaires et plus liées à des pratiques quotidiennes désormais disparues (chants de travail, berceuses, etc.) se trouvent décontextualisées et finissent par perdre leur consistance même dans le souvenir. Certains moments rituels et festifs, comme les pèlerinages aux sanctuaires, sont au contraire l’occasion, nous disent les auteurs, d’une sorte d’explosion renouvelée de vitalité symbolique et expressive du chant en tant que forme de communication individuelle et sociale fondamentale pour les communautés paysannes calabraises.

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Pour citer cet article

Référence papier

Serena Facci, « Antonello RICCI, Roberta TUCCI, I « canti » di Raffaele Lombardi Satriani. La poesia cantata nella tradizione popolare calabrese »Cahiers d’ethnomusicologie, 11 | 1998, 283-285.

Référence électronique

Serena Facci, « Antonello RICCI, Roberta TUCCI, I « canti » di Raffaele Lombardi Satriani. La poesia cantata nella tradizione popolare calabrese »Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 11 | 1998, mis en ligne le 07 janvier 2012, consulté le 13 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/1680

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