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Comptes rendus
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Francesco GIANNATTASIO. Il concetto di musica. Contributi e prospettive della ricerca etnomusicologica

Roma : La Nuova Italia Scientifica, 1992. 310 p.
Marcello Sorce Keller
p. 215-218
Référence(s) :

Francesco Giannattasio. Il concetto di musica. Contributi e prospettive della ricerca etnomusicologica. Roma : La Nuova Italia Scientifica, 1992. 310 p., bibl., index, mus.

Texte intégral

1Il faut dire, avant tout et surtout, que ce livre représente quelque chose de nouveau dans la littérature ethnomusicologique italienne. En effet, on a ici, et pour la première fois dans la langue de Dante, un travail consacré à des questions théoriques telles que la définition de son champ d’étude, son histoire, sa méthodologie, etc. Autrement dit, pendant qu’il essaie de décrire ce que la musique peut être aux yeux des anthropologues, l’auteur nous donne une sorte de philosophie générale de la discipline ethnomusicologique.

2Jusqu’à présent, pour lire quelque chose de substantiel sur le sujet, on devait se tourner vers la littérature anglo-américaine ou allemande. Cela parce que l’ethnomusicologie italienne – pour des raisons historiques et politiques – s’est développée relativement tard. Depuis sa naissance, elle a dû avant tout répondre à la nécessité pressante de découvrir et de documenter les musiques traditionnelles du pays. Il n’est donc pas étonnant que jusqu’à la dernière génération d’ethnomusicologues, les Italiens aient produit très peu de réflexions générales sur la musique et aient écrit très peu sur les musiques provenant d’autres parties de l’Europe ou de la planète (bien que l’Italie ait eu de petites aventures colonialistes qui auraient pu favoriser les contacts avec le « dehors »). Mais l’époque du travail « chez soi » a abouti. Aujourd’hui, la tendance d’aller à l’étranger est en croissance parmi les ethnomusicologues italiens (l’auteur de ce livre est par exemple lui-même aussi africaniste). Maintenant donc, l’occasion se présente de réfléchir sur l’histoire de la discipline en Italie et de comparer la vision des choses qu’on a développé à l’intérieur avec celle des autres pays.

3Faisant suite à une littérature imposante, le livre que Francesco Giannattasio nous a donné est d’autant plus ambitieux et courageux. Si on regarde la bibliographie à la fin du travail, on voit bien que l’auteur en a été conscient, tellement conscient qu’il a pris en considération comme référence une littérature d’environ trois cents titres. Parmi ceux-ci, on a des surprises en vérifiant les présences et les absences. Il est évident que l’auteur (et je me pose la question de savoir si l’intention n’est pas parfois vraiment polémique) a fait un choix qui est à la fois « italocentrique » (surtout « romanocentrique » : Roma caput mundi) et francophone. Dans la bibliographie, la littérature italienne est abondante en effet, mais on n’y trouve que peu de titres ne provenant pas des ethnomusicologues de l’« école romaine ».

4En ce qui concerne l’étranger, la présence française est massive, mais il y a très peu d’allemands (même Der musizierende Mensch. Eine Anthropologie der Musik de Wolfgang Suppan, un livre qui s’occupe du même sujet et qui présente des similarités avec celui de Giannattasio, brille par son absence). La littérature anglo-américaine est sûrement tenue en meilleure considération. Ici aussi, néanmoins, on trouve des choses anciennes (par exemple Bruno Nettl, Music in Primitive Culture) qui ont presque complètement perdu leur utilité et on n’y trouve pas tout ce qu’il y a en anglais de plus récent et de plus valable. Cela veut-il dire que, selon Giannattasio, la littérature ethnomusicologique allemande est négligeable ? Et que l’ethnomusicologie américaine est surtout valable pour ce qu’elle a fait jusqu’aux années soixante ? Mais si l’auteur croit cela, il ne nous livre pas de polémiques ouvertes. L’explication est peut-être qu’il faut lire son livre comme un réseau de relations entre la culture italienne et celle des autres pays où certaines idées, culturellement compatibles sont amplifiées, tandis que les autres demeurent au second plan. Il faut dire enfin que, dans cette bibliographie, on trouve une abondance de références sur la psychologie cognitive et ses liens avec la musicologie.

5Il me semble intéressant d’examiner, à ce propos, sur la base de sa littérature de référence, quel choix de sujets l’auteur a opéré pour circonscrire le concept de musique. Souvenons-nous, pour comprendre le découpage du livre, de son titre (il concetto di musica) qui nous dit comment Giannattasio, afin de donner une définition de l’ethnomusicologie, décide d’examiner tout ce qui peut être considéré comme musical dans les cultures du monde. L’indication implicite s’ensuit que tout ce qui est musical est évidemment l’objet que l’ethnomusicologie doit considérer. On voit très bien ici, encore une fois, qu’une bonne discussion philosophique n’est souvent rien d’autre que le produit d’une explication terminologique.

6En travaillant sur des sujets qu’il avait déjà en partie traités dans d’autres publications (voir la bibliographie), et poursuivant sur des lignes qui conduisaient vers la même cible, l’auteur a divisé son livre en trois grandes parties : I. Les sons du monde et le monde des sons ; II. L’organisation des sons ; III. Le pouvoir des sons.

7Dans la première partie, on trouve quatre chapitres : 1. La discussion sur les raisons de l’autonomie de l’ethnomusicologie et, à la fois, celles de la convergence de méthode avec l’anthropologie (on disait en latin : definitio fit per genus proximum et differentiam specificam) ; et en effet, parce que la psychologie cognitive revient plusieurs fois à la surface du discours, on s’aperçoit comment l’ethnomusicologie est (pour reprendre l’expression de George Ritzer) a multiple paradigm science ; 2. Un examen de ce qu’on appelle les « universaux » de la musique ; 3. une petite histoire de l’ethnomusicologie et de son appareil théorique ; 4. Un chapitre consacré aux développements de l’ethnomusicologie en Italie, qui est en effet très intéressant. Plusieurs fois (et ailleurs dans les autres chapitres du livre) on comprend pourquoi l’auteur considère Diego Carpitella, son ancien professeur, comme la figure historiquement la plus importante du pays.

8La deuxième partie du livre examine certains concepts de théorie et d’esthétique musicales. Ici, l’auteur montre dans quel sens et dans quelles limites ces concepts ont de l’utilité pour l’ethnomusicologie (son, rumeur, temps, rythme, mètre, les théories en général, l’improvisation).

9La troisième partie est peut-être la plus originale car on y trouve (comme – dans une certaine mesure – dans le cas de Wolfgang Suppan avec son Der musizierende Mensch) une discussion sur les fonctions de la musique qui consacre justement beaucoup d’attention à la « transe » et à tout ce qui l’accompagne. L’auteur a vraiment raison ici de mettre l’accent sur les fonctions dyonisiaques de la musique (c’est l’anthropologue Ruth Benedict qui a remarqué que la présence ou l’absence de la transe est une caractéristique fondamentale des cultures). La section aboutit à des réflexions générales sur la musique comme « système de discours ».

10J’aimerais souligner enfin, parmi les caractéristiques les plus séduisantes de ce livre, que la plus grande partie des réflexions théoriques que l’auteur présente sont accompagnées d’exemples musicaux provenant presque toujours de sa propre expérience ethnographique. Ce travail de Giannattasio est donc un bon livre qui vaut certainement la peine d’être lu par les Italiens – cela va de soi – qui s’intéressent à l’ethnomusicologie, et aussi par ceux qui, à l’étranger, cherchent une vision d’ensemble sur l’ethnomusicologie en Italie. En effet, ce livre nous donne la sensation que l’ethnomusicologie italienne, beaucoup plus que celle d’autres pays de l’Europe occidentale, est quelque chose de tout à fait particulier. Je ferai lire Il concetto di musica à mes étudiants en ethnomusicologie, en leur précisant, qu’il s’intègre très bien, sans les remplacer, aux ouvrages les plus récents publiés en anglais et en allemand.

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Pour citer cet article

Référence papier

Marcello Sorce Keller, « Francesco GIANNATTASIO. Il concetto di musica. Contributi e prospettive della ricerca etnomusicologica »Cahiers d’ethnomusicologie, 6 | 1993, 215-218.

Référence électronique

Marcello Sorce Keller, « Francesco GIANNATTASIO. Il concetto di musica. Contributi e prospettive della ricerca etnomusicologica »Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 6 | 1993, mis en ligne le 02 janvier 2012, consulté le 13 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/1490

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Auteur

Marcello Sorce Keller

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