Sean WILLIAMS (ed.) : The ethnomusicologists’ Cookbook : Complete Meals from Around the World
Sean WILLIAMS (ed.) : The ethnomusicologists’ Cookbook : Complete Meals from Around the World. New York, London : Routledge, 2006. 305 p., ill. n.b.
Full text
1Sous ce titre insolite, une ethnomusicologue américaine s’est mis en tête de rassembler une foule de recettes culinaires recueillies par 49 contributeurs dans 47 différentes régions du monde. En effet, il fallait bien que les ethnomusicologues (parmi lesquels Adrienne Kaeppler, Terry Miller, Bruno Nettl, Suzel Reily, Timothy Rice et Philip Schuyler) s’alignent sur leurs collègues anthropologues, puisque cet ouvrage, pas aussi original qu’on pourrait le penser, fut précédé, il y a près de 30 ans, du fameux The Anthropologists’ Cookbook (London 1977) dirigé par Jessica Kuper et préfacé par Mary Douglas et dont il n’est question nulle part dans le présent volume.
2D’après Sean Williams, éditrice responsable, ce livre entraîne le lecteur autour du monde, à travers les cinq continents, suivant un itinéraire gastronomique qui devrait aussi constituer une odyssée culturelle et sociale. Pour elle, les recueils de recettes n’offrent en général que des instantanés culinaires de différentes parties du monde sans pour autant les relier à d’autres pratiques culturelles. Le défi à relever était d’autant plus risqué que les les liens entre un ethnomusicologue et la nourriture ne sont pas forcément évidents. En dix ans, l’éditrice n’a entendu que cinq ethnomusicologues avouer en plaisantant avoir choisi leur terrain d’enquête en fonction de leur goût pour la nourriture locale et pour la qualité des ressources alimentaires qu’il pouvait leur offrir.
3Le livre a été concocté par des contributeurs du monde entier, la plupart universitaires dans le domaine de la musique (ethnomusicologues en particulier) ou liés à la musique d’une manière ou d’une autre, dans le but de « célébrer les liens exquis et durables entre la musique et la nourriture » (p. 2). Chacun des auteurs a donné les recettes de plusieurs mets constituant un repas complet dans la région de son choix, les a complétés d’un proverbe local, d’un essai sur les pratiques alimentaires et musicales des populations concernées et de diverses références discographiques et documentaires, souvent complétes par des adresses de sites Web.
4Ayant noté, au cours de ses séjours en Indonésie, que les habitants de Sunda s’étonnent du fait que les Américains n’ont pas un plat ou un aliment identitaire qui les définit et n’attendent pas des étrangers qu’ils « apprennent » à manger ce que nous mangeons pour « absorber » l’américanité, Sean Williams en déduit que nous avons beaucoup à apprendre de la manière de se nourrir comme un révélateur d’identité. Elle reconnaît aussi que nourriture et musique sont souvent associées dans un contexte de performance, car leurs liens sont très étroits dans de nombreuses régions du monde. Et si, pour certains, les deux sont considérées comme des distractions vaguement menaçantes ou honteuses, pour d’autres, elles doivent être consommées ensemble pour générer un maximum de satisfaction.
5Autre point de convergence signalé par l’éditrice : les similitudes entre l’apprentissage de la cuisine et celui de la musique sont fréquentes ; on dira à quelqu’un : « regarde ce que je fais (sur cet instrument / avec cet ustensile) et essaie ensuite par toi-même » ; ou ailleurs dans le monde : « Place ta main ainsi (sur l’instrument / sur l’ustensile) et je vais t’aider à… ». Analogies qu’on retrouve quant au silence requis lors d’un repas, respectivement d’une audition, et, inversement, les ambiances de rires et de plaisanteries grivoises indispensables pour accompagner les repas et l’écoute.
6Cet ouvrage représente donc un petit pas vers ce qu’on pourrait appeler la « gastromusicologie », c’est du moins son ambition, mais il n’y parvient pas vraiment, malgré la très belle photo de couverture (de Sean Williams) présentant un choix d’instruments de musique jouxtant des plats de céréales et de lentilles. Il ne s’agit en fait que de la juxtaposition de recettes, au demeurant très alléchantes mais souvent compliquées à réaliser, et de propos concernant les pratiques culinaires locales et quelques indications valables sur la musique des régions concernées, mais pas de liens étroits entre les deux. Curieusement, on retrouve en quelque sorte ici le paradigme de l’antinomie entre ethno- et musico-, mais appliqué à musico-alimentation. Les deux coexistent sans vraiment se rencontrer.
7Les photos illustrant quelques-unes des recettes sont malheureusement en noir-blanc. Le livre se termine par un chapitre énumérant les plats kascher et végétariens et par un index des termes anglais et vernaculaires.
References
Bibliographical reference
François Borel, “Sean WILLIAMS (ed.) : The ethnomusicologists’ Cookbook : Complete Meals from Around the World”, Cahiers d’ethnomusicologie, 21 | 2008, 332-334.
Electronic reference
François Borel, “Sean WILLIAMS (ed.) : The ethnomusicologists’ Cookbook : Complete Meals from Around the World”, Cahiers d’ethnomusicologie [Online], 21 | 2008, Online since 17 January 2012, connection on 13 December 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/1350
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