MALLET Julien, 2004, « Ethnomusicologie des “jeunes musiques” », L’Homme, 171-172, « Musique et anthropologie » : 477-488.
ROHLER Gordon, 1990, Calypso and Society in Pre-Independence Trinidad. Port-of-Spain, Trinidad : Gordon Rohler ed.
Anciennement Cahiers de musiques traditionnelles
Jocelyne GUILBAULT : Governing Sound : The Cultural Politics of Trinidad’s Carnival Musics. Chicago : Chicago Studies in Ethnomusicology, 2007. 343 p.
1Un travail ethnomusicologique sur la grande variété de musique vocale du carnaval de Trinidad et Tobago manquait. Le calypso a certes fait l’objet de nombreuses études, dont l’incontournable travail de Gordon Rohler (1990) ; mais les approches ont été plutôt socio-historiques ou littéraires, n’abordant guère l’aspect musical, et concernaient de préférence la période coloniale. On peut donc se féliciter du travail de Jocelyne Guilbault, qui comble cette lacune en proposant une recherche approfondie sur différents genres chantés dans le carnaval trinidadien, intégrant – au-delà du calyspo – les « jeunes musiques » (Mallet 2004) qui ont proliféré depuis l’indépendance.
2Forte de cinq chapitres, la première partie de l’ouvrage est entièrement consacrée au calypso. Elle retrace d’abord l’émergence du genre, à la fin du XIXe siècle, puis son développement dans la période pré- et post-indépendance, en montrant comment la forme musicale a constamment été objet et actrice du jeu politique, par des procédés directs ou indirects de restriction. Le troisième chapitre analyse les effets du système des compétitions, qui encadrent le calypso comme de nombreux genres musicaux trinidadiens. Il montre de façon intéressante comment les organisateurs de compétitions, tenants de la classe moyenne (les médias, puis le gouvernement), ont géré une politique esthétique qui a modelé l’évaluation des pièces et conditionné la commercialisation du genre.
3Dans une démarche biographique, le chapitre suivant se concentre sur la carrière de cinq chanteurs de calypso (Black Stalin, Calypso Rose, Denyse Plummer, Crazy, De Mighty Trini), montrant comment leurs parcours personnels ont fait de la scène un espace de négociation entre le groupe culturellement dominant – celui des hommes d’origine africaine – et les femmes ou les minorités ethniques. Le dernier chapitre s’attache à comprendre les modalités de l’innovation musicale depuis l’indépendance, transcriptions à l’appui. L’auteure se base pour cela sur le travail des arrangeurs, dont elle souligne l’hégémonie, en se basant plus particulièrement sur le parcours de deux d’entre eux. Elle analyse ensuite l’influence musicale de chanteurs célèbres (Lord Kitchener, The Mighty Sparrow, Shadow), en opposant les différentes caractéristiques de leur renommée, acquise dans le cadre de compétitions, liée au développement des steelbands ou née de la reconnaissance directe du public.
4La seconde partie s’intéresse aux rejetons musicaux du calypso, en présentant l’émergence et l’évolution de nouveaux genres qui en sont issus : la soca, le rapso et le chutney soca. Un chapitre en décrit la naissance, un autre présente un artiste emblématique de chaque style. Le denier chapitre de l’ouvrage, enfin, analyse les changements stratégiques apparus dans les années 90, avec le rayonnement de l’idéologie néo-libérale, dans la promotion de tous les styles musicaux étudiés.
5La richesse du sujet de recherche – les liens entre des pratiques musicales et la sphère politique – a contraint l’auteure à faire des choix restrictifs afin de favoriser l’analyse. Sans que le titre de l’ouvrage ne permette de le présager, elle a ainsi circonscrit son étude à la musique vocale, excluant de sa recherche la musique instrumentale, comme les steelbands. Son approche de la politique est également quelque peu restrictive : si l’immixtion des classes dirigeantes dans le genre musical est bien montrée pour la période coloniale, l’interventionnisme du gouvernement post-colonial et les très fréquents liens entre les chanteurs de calypso avec les partis politiques sont peu développés, éludant de ce fait le rôle joué par le calypso depuis l’indépendance. Jocelyne Guilbault veut se démarquer de la tendance à associer l’idée de gouverner avec l’État (p. 269) ; elle préfère aborder les aspects identitaires de la politique, analysant, à travers la musique, les relations entre les sexes et les ethnies. Cet ouvrage clair, bien documenté, est illustré par un CD.
MALLET Julien, 2004, « Ethnomusicologie des “jeunes musiques” », L’Homme, 171-172, « Musique et anthropologie » : 477-488.
ROHLER Gordon, 1990, Calypso and Society in Pre-Independence Trinidad. Port-of-Spain, Trinidad : Gordon Rohler ed.
Aurélie Helmlinger, “Jocelyne GUILBAULT : Governing Sound : The Cultural Politics of Trinidad’s Carnival Musics”, Cahiers d’ethnomusicologie, 21 | 2008, 331-332.
Aurélie Helmlinger, “Jocelyne GUILBAULT : Governing Sound : The Cultural Politics of Trinidad’s Carnival Musics”, Cahiers d’ethnomusicologie [Online], 21 | 2008, Online since 17 January 2012, connection on 25 January 2025. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/1347
Top of pageThe text only may be used under licence CC BY-SA 4.0. All other elements (illustrations, imported files) are “All rights reserved”, unless otherwise stated.
Top of page