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Livres

Laurent BAYLE, dir. : Instruments et cultures, introduction aux percussions du monde

Paris : Cité de la Musique, Les Éditions, avril 2007
Patrik Vincent Dasen
p. 294-296
Référence(s) :

Laurent BAYLE, dir. : Instruments et cultures, introduction aux percussions du monde. Paris : Cité de la Musique, Les Éditions, avril 2007. 12 livrets d’env. 12 pages, bibliographies, discographies, sitographies.

Texte intégral

1Lorsqu’on est passionné de musiques du monde, fasciné par les instruments de musique et de surcroît percussionniste, on est de prime abord attiré par une telle publication de la Cité de la Musique. Ce coffret au titre prometteur se veut le premier opus d’une série consacrée à l’organologie et au monde des objets sonores et musicaux. Il se présente comme une introduction généraliste et pédagogique aux « percussions du monde ». Or, sans rien enlever à la qualité indéniable de la majorité des contributions à cette série de douze petits dossiers, il faut reconnaître que l’ensemble laisse sur sa faim le lecteur un tant soit peu averti.

2Ces douze livrets de neuf à seize pages sont consacrés à autant de types ou d’ensembles de percussions dont un d’Europe, quatre d’Afrique, quatre afro-latino-américains (dont trois des Caraïbes), un du Moyen Orient et deux d’Asie du Sud-Est. Et c’est peut-être là la première déconvenue. Qu’en est-il de l’Extrême-Orient avec les percussions japonaises, chinoises ou coréennes ? Pourquoi a-t-on occulté l’Asie du Sud et en particulier les tabla indiens, pourtant mondialement connus   ? Nous n’apprendrons rien non plus sur les tambourins italiens, les tambours sur cadre des populations circumpolaires, le bodhran irlandais, les kundu de Papouasie-Nouvelle-Guinée ou les tambours à fente du Pacifique. Si on peut comprendre que toutes les percussions du monde ne soient pas représentées tant elles sont nombreuses, pourquoi les deux tiers des livrets concernent-ils des univers proches sinon directement cousins : les percussions africaines et celles, très majoritairement d’origine africaine, des cultures caraïbes ou brésiliennes ?

3Peut-être qu’un titre un peu moins ambitieux comme « Introduction aux percussions de la Cité de la Musique » aurait mieux correspondu au contenu réel du coffret. Car, bien que rien ne l’indique clairement, il s’agit là des dossiers pédagogiques de percussions enseignées dans le cadre des ateliers « Folie Musique » de la Cité de la Musique, et non d’un survol plus large des percussions dans le monde. On regrette également qu’un feuillet supplémentaire ne soit pas consacré à une introduction générale, faisant peut-être le lien entre les percussions présentées ici et celles qui n’y figurent pas.

4Les auteurs des livrets ne sont par ailleurs pas présentés. Pourtant, qui s’intéresse aux percussions iraniennes ne peut ignorer le travail de Madjid Khaladj ; ceux qui se penchent sur le monde arabe connaissent l’encyclopédie vivante qu’est Habib Yammine, et les passionnés des musiques afro-amérindiennes reconnaissent en Jean-Pierre Estival un des grands spécialistes du domaine. Ces courtes biographies auraient également permis de mettre en valeur de jeunes chercheuses comme Aurélie Helmlinger ou Stéphanie Khoury, qui font des travaux remarquables, respectivement sur les steelbands de Trinité-et-Tobago et les orchestres pinpeat du Cambodge. Cela aurait offert aux profanes quelques indications sur les qualités respectives des auteurs, tout en donnant un cadre plus clair à l’ensemble des présentations individuelles.

5Ceci dit, c’est dans la volonté de présenter des domaines riches et complexes en un très petit nombre de pages que réside la gageure d’une telle publication. Réussir par exemple à survoler en une dizaine de pages la nébuleuse des percussions brésiliennes nécessite un vrai talent. Ainsi, Jean-Pierre Estival nous présente les pratiques rituelles du candomblé et du xangô, dérivées des cultes africains yoruba et bantou, puis des formes profanes comme le forró, le maracatu, la capoeira ou le samba carnavalesque. Si l’auteur présente essentiellement les percussions, il n’en oublie pas les instruments à cordes, comme le cavaquinho, ou à vent, tel les pífanos, les petites flûtes traversières des ensembles de forró. Terminant son livret par un lexique des termes vernaculaires, une bibliographie raisonnée, une discographie impressionnante et une sitographie bien référencée, Jean-Pierre Estival nous donne ici une vraie leçon de vulgarisation scientifique.

  • 1  Deux petits bémols toutefois : la bibliographie mentionne un ouvrage majeur, Musique et mystique d (...)

6On pourrait faire les mêmes éloges à propos de l’article de Madjid Khaladj, qui brosse un portrait succinct, mais très précis, des tambours majeurs d’Iran que sont le zarb, le daf, le dayré, avec leurs différentes techniques de jeu et les syllabes utilisées dans leur apprentissage. L’auteur nous donne autant de clefs de compréhension sur les structures rythmiques que sur la fabrication des instruments, leur apprentissage, leurs racines historiques ou les contextes dans lesquels ils s’expriment, parfois difficilement selon les régimes politiques1.

7Notons encore la qualité de la présentation de Habib Yammine, qui inventorie les multiples versions des bindîr, riqq et autres darbouka du vaste monde arabe, de même que les timbales tbîlât ou les grosses caisses tabl. Il nous gratifie en outre d’un petit cours sur les cycles rythmiques, et sa biblio-discographie vaut à elle seule le détour. Par contre, là aussi, une moitié des liens internet donnés n’aboutissent pas. Les livrets sur les percussions cubaines, de Daniel Chatelain, sur les steelbands de Trinité-et-Tobago d’Aurélie Helmlinger, sur le gwoka de la Guadeloupe par Gustav Michaux-Vignes et Michel Hallay, sur le gamelan javanais de Dominique Billaud, et sur le pinpeat, un orchestre de percussions du Cambodge mêlant xylophones, métalophones, membranophones et hautbois, présenté par Stéphanie Khoury, sont également bien documentés.

8Dans les limites imposées par le format de la publication, ces auteurs nous apportent de nombreux éléments historiques, musicologiques, organologiques et anthropologiques qui nous permettent de découvrir ces univers musicaux et les peuples qui les perpétuent, parfois envers et contre tout, dans un monde en pleine mutation. Tous les articles sont par ailleurs plus ou moins organisés selon le même plan, ce qui facilite la lecture de l’ensemble : repères généraux, description, fonction et jeu des instruments, musique et société.

  • 2  Percussions africaines : le tambour djembe de Serge Blanc a été publié en 1993 et non 1992.
  • 3  N’est par exemple pas cité l’incontournable CD L’art du djembé. Soungalo Coulibaly (Arion-France A (...)
  • 4  Ainsi, sur les quatre références basques fournies, une adresse a disparu, un autre est vide car en (...)

9Malheureusement, les trois présentations de Luciana Penna-Diaw sur les percussions africaines (les tambours ngoma du Congo, les sabar du Sénégal, et les tambours d’Afrique Occidentale, principalement le djembe), ainsi que celle de Krystof Hiriart sur la txalaparta basque, manquent de clarté et de précision ; bibliographies imprécises2, discographies incomplètes3, sitographies désuètes ou simplement fausses4.

10Outre ces critiques de forme, c’est peut-être dans sa conception générale que cette publication révèle ses plus grandes faiblesses. Notons encore qu’aucun livret ne contient de numérotation de pages ni de table des matières, un outil pourtant pratique pour un ouvrage à visées pédagogiques. Malgré la qualité de la plupart des textes et l’excellente illustration de Frédérique Darros – qui a dessiné l’ensemble des 120 instruments présentés –, cette publication ne rend en définitive pas justice au domaine qu’elle aborde. Si elle doit être la première d’une série dans cette collection « Instruments et cultures », espérons que les prochaines sauront donner un meilleur écrin aux travaux de musiciens, de chercheurs et d’ethnomusicologues aussi passionnants.

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Notes

1  Deux petits bémols toutefois : la bibliographie mentionne un ouvrage majeur, Musique et mystique dans les traditions de l’Iran (1989), dont l’auteur est bien entendu Jean During, et non J. Turing ; et la sitographie, déjà brève, nous donne un lien vers un site qui a depuis disparu et un autre vers un site commercial, quelque peu hors sujet. Ces détails sont, dans le cas présent, relativement anecdotiques, mais ils soulignent le problème – d’ailleurs récurrent dans l’ouvrage – que l’on peut rencontrer lorsqu’on tente le référencement d’adresses Internet volatiles.

2  Percussions africaines : le tambour djembe de Serge Blanc a été publié en 1993 et non 1992.

3  N’est par exemple pas cité l’incontournable CD L’art du djembé. Soungalo Coulibaly (Arion-France ARN 60590), consacré à un des tout grands djembefola.

4  Ainsi, sur les quatre références basques fournies, une adresse a disparu, un autre est vide car encore « en construction » depuis des années, et un troisième nous amène vers un fabricant d’appareillage électronique pour les trains (sic   !). Il faut donc écrire <www.eke.org>, et non .com telle que l’adresse est référencée, mais encore faut-il essayer soi-même. Il n’y a guère que le site du magnifique petit musée d’Oiartzun <www.herrimusika.org> qui nous incite à découvrir l’œuvre d’un des pionnier de l’ethnomusicologie vivante en Pays basque, Juan Mari Beltran. Ce dernier a rédigé un des seuls ouvrages un tant soit peu complet sur la txalaparta (« La txalaparta, origines et variantes », ISBN 84-88917-14-7), pourtant absent de la bibliographie   !

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Pour citer cet article

Référence papier

Patrik Vincent Dasen, « Laurent BAYLE, dir. : Instruments et cultures, introduction aux percussions du monde »Cahiers d’ethnomusicologie, 21 | 2008, 294-296.

Référence électronique

Patrik Vincent Dasen, « Laurent BAYLE, dir. : Instruments et cultures, introduction aux percussions du monde »Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 21 | 2008, mis en ligne le 17 janvier 2012, consulté le 21 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/1307

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Auteur

Patrik Vincent Dasen

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