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CD

Marc et Thomas Loopuyt. Duo de oud – Silsila

Enregistrements: Thomas Loopuyt; texte: Marc et Thomas Loopuyt, 2009
Laurent Aubert
p. 337-338
Référence(s) :

Marc et Thomas Loopuyt. Duo de oud – Silsila. Enregistrements: Thomas Loopuyt; texte: Marc et Thomas Loopuyt. 1 CD + 1 DVD. Collection Musique du monde, Buda Records 3018064, 2009

Texte intégral

1Silsila, la « chaîne » : cette référence affirmée dans le titre de ce CD indique d’emblée la couleur. C’est bien d’une transmission de nature initiatique que témoignent ces beaux enregistrements, une transmission en ligne directe de père à fils, condition réputée idéale pour que « quelque chose se passe », comme le souligne Marc Loopuyt dans le livret, se référant implicitement aux propos de Jean During sur le sens de la tradition dans l’Orient musical. À cet égard, cette nouvelle réalisation occupe une place particulière dans la discographie déjà importante de Marc : elle est le signe d’un accomplissement. Et pour Thomas, elle atteste la solidité des fondements sur lesquels repose sa jeune carrière de musicien talentueux.

2Au-delà de la saga familiale, le duo de oud de Marc et Thomas Loopuyt nous plonge dans un Orient mythique, un Orient qui aurait aboli les frontières entre les différents terroirs du maqām et qui, par là même, transcende les accents régionaux, les intégrant tous en un langage commun, essentiel, qui serait à la musique ce que l’arabe coranique est à ses variantes dialectales. En effet, laissant à d’autres « les évolutions actuelles quasi-guitaristiques qui tendent à éloigner le oud du langage des maqāmat et de ses potentialités méditatives », les deux musiciens s’attachent ici à développer les ressources expressives des « formes originelles de l’instrument », autrement dit des modes orientaux dans la plénitude de leur rayonnement. Pour ce faire, ils puisent aux sources tant maghrébines que proche-orientales, turques ou azéries, combinant compositions anciennes et improvisations modales en une série de suites parfaitement cohérentes, édifices sonores savamment construits dans le plus grand respect des règles du maqām.

3Au fil des plages, le dialogue musical se développe dans une totale complicité. Ce qui aurait pu n’être qu’un exercice de style ou une démonstration de virtuosité apparaît au contraire comme une véritable leçon de musique. L’évidente efficacité du discours musical découle ainsi de l’application d’un certain nombre de principes et de critères esthétiques clairement assumés. Le choix d’instruments anciens, chargés d’histoire, n’est à cet égard pas anodin, pas plus que celui d’une position de jeu elle aussi à l’ancienne, ou que l’usage de cordes en boyau et de plectres en penne d’aigle ou en écaille de tortue : ces options ont en effet une influence directe sur la projection des sons et les timbres instrumentaux, plus chaleureux et « organiques » que ceux produits par des matériaux de facture moderne ; mais elles contribuent aussi à déterminer les techniques de jeu appropriées, et notamment le tracé des lignes mélodiques, l’ornementation et l’articulation mélodico-rythmiques, extrêmement souples et déliées, dont témoignent à merveille les joutes cordiales des deux musiciens.

4C’est dans les improvisations modales (taqasīm) que leur expression s’épanouit avec la plus grande souveraineté, dans la liberté d’une conversation musicale fluide et d’une inspiration partagée, guidée par un instinct musical sûr et une connaissance approfondie de l’univers des maqāmat. Sans être à proprement parler ethnomusicologues, Marc et Thomas Loopuyt possèdent manifestement la science de la musique, une science dont ils ont acquis les arcanes auprès des maîtres qu’ils ont eu le privilège de fréquenter au fil de leurs pérégrinations musicales, et qui se révèle ici dans la rigueur avec laquelle ils restituent la quintessence de cet enseignement.

5Cette démarche exemplaire méritait ainsi d’être signalée, et ceci à plus d’un titre : non seulement parce qu’elle atteste que « le vent souffle où il veut », mais aussi dans la mesure où elle propose une alternative crédible aux innombrables expériences interculturelles plus ou moins opportunistes dont le marché des « musiques du monde » est aujourd’hui à la fois le théâtre et l’instigateur. Ces enregistrements sont en outre accompagnés d’un DVD offrant aux amateurs un extrait de concert et un entretien croisé des deux musiciens, qui contribue à expliciter les tenants et les aboutissants de leur parcours. Le seul regret que peut susciter cette production concerne le livret, et plus particulièrement la description des pièces, qu’on aurait souhaitée plus explicite dans la définition des formes musicales, des structures rythmiques et de l’éthos des modes interprétés.

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Pour citer cet article

Référence papier

Laurent Aubert, « Marc et Thomas Loopuyt. Duo de oud – Silsila »Cahiers d’ethnomusicologie, 23 | 2010, 337-338.

Référence électronique

Laurent Aubert, « Marc et Thomas Loopuyt. Duo de oud – Silsila »Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 23 | 2010, mis en ligne le 10 décembre 2012, consulté le 03 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/1166

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Auteur

Laurent Aubert

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Droits d’auteur

CC-BY-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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